Nombreux invités avaient répondu présents au hibou d'Ava et Trevor, pour le plus grand plaisir des deux hôtes. L'entrée et le petit salon du manoir grouillaient déjà des bruits et des conversations des sorciers qui arrivaient.

"Monsieur Rookwood." salua-t-elle poliment le sorcier avec qui elle avait eu l'occasion d'échanger à quelques soirées du même acabit. Elle accueillit son compliment avec un sourire, sans quitter ses yeux, de son regard mêlant convoitise et respect : Augustus Rookwood, un homme tout au plus charmant mais qu'elle avait toujours trouvé sans charisme. Seule sa position au Ministère remontait l'intérêt qu'elle lui accordait. Heureusement, ses devoirs d'hôte lui offraient l'avantage de ne pas avoir à lui faire la discussion plus longuement et elle se tourna vers Sinistra Lowe et Ulysse Selwyn.
La vipère était venue, réduisant les espoirs d'Ava qui aurait encore préféré se passer de sa présence. "Je te remercie, Sinistra. Je t'en prie, goutte donc au vin, il est délicieux." déclara la jeune métisse en lui offrant son plus beau sourire hypocrite.
Le prochain invité qui suivait le couple Selwyn était beaucoup moins décevant et Ava reçut avec plaisir l'embrassade d'Addison, tandis que Trevor les rejoignait. "Je pense que Trevor n'a le pouvoir de me convaincre de rien, malheureusement !" répondit-elle sans laisser le temps à son mari d'ouvrir la bouche. Si la proposition d'Addison était alléchante, Ava ne changerait pas d'avis aussi simplement : au contraire, elle comptait bien conserver son indépendance dans son travail, tout en profitant occasionnellement des équipements que les laboratoires Yaxley & Co avaient à lui offrir.
"Miss Travers" salua-t-elle plus indifféremment Ava. Si la jeune femme semblait renfermer un véritable potentiel, elle était loin d'intéresser son hôte, qui espérait plutôt se rapprocher ou consolider ses relations avec des personnes d'influence. En comparaison avec une Bellatrix Lestrange ou un Augustus Rookwood, Azelma n'était pas une cible de réseautage privilégiée, même si non négligeable, si bien qu'elle fit quand même un effort d'amabilité : "Ravie de vous avoir parmi nous. Vous serez intéressée de savoir qu'Evan Rosier a répondu présent à notre invitation !"
Pour quiconque n'avait pas les nerfs solides, Evan Rosier faisait peur à voir. Il avait le don de mettre Ava profondément mal à l'aise, bien qu'elle n'en montra rien d'autre qu'un sourire figé. Etait-ce ces yeux de fou, ce teint jaune ou bien la crainte d'être découverte par l'homme si cruel ? A sa plaisanterie, Ava ne put empêcher son sourire de se crisper légèrement. La référence à Achilles Rosier, qu'elle avait tué lors du mariage d'Evan et Cassiopeia, était claire : ce meurtre l'inquiétait à vrai dire même plus que celui de ses deux premiers époux. Elle n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche qu'Evan s'éloignait déjà. Elle se rendit compte après coup qu'elle ne l'avait même pas salué d'un mot et était bien décidée à ne pas se préoccuper plus de l'homme : qu'il maltraite l'elfe de maison autant qu'il le souhaitait, ou monopolise le temps d'un ou d'une invité.e, mais elle ne chercherait pas elle-même sa compagnie.
"Bellatrix, Rodolphus..." salua-t-elle en retour du couple Lestrange, décidant qu'après tout, puisque Bellatrix se permettait de l'appeler par son prénom, elle pouvait se permettre la même chose. Elle posa des yeux rapides sur le bras enserré autour de celui de Rodolphus telle la griffe d'un rapace. "Bonne soirée à vous deux, nous aurons l'occasion de discuter, je l'espère." Peut-être cette soirée pourrait-elle lui permettre d'obtenir un peu plus de respect de la part de Bellatrix ? Rien n'en était moins sûr.
Se succédèrent ensuite Adriel Fawley et Morfin Carrow. Si le premier était plus connu de Trevor que d'Ava, le second, bien que plus âgé qu'elle, était une connaissance intime de la sorcière... Très intime. Aveugle mais loin d'être entièrement naïf sur cette question, Trevor salua le sorcier d'une poignée de main affirmée, tandis qu'Ava répondait au baise-main en posant distraitement une main sur son bras. "Bien sûr, nous trouverons forcément un moment, mon cher."
D'autres invités parmi lesquels Lucius Malfoy, Elise Lerouge ou Gina Da Valle, tous aussi différents et si semblables les uns aux autres, se présentèrent également au couple d'hôtes pour les salutations incontournables, avant de vaquer à leurs occupations.

Ava remarqua d'un coin de l'oeil qu'un petit attroupement s'était formé autour d'Evan, Bellatrix et Adriel. Le sujet de conversation était tout choisi et la réponse de Bellatrix à l'ensemble des autres curieux était si satisfaisante qu'Ava ne put retenir un sourire en coin alors qu'elle saluait Gina Da Valle. Croisant le regard complice de Trevor, le couple s'offrit un court instant de répit pour trinquer à cette belle soirée qui commençait.

Il est fort probable qu’aucun d’entre vous, qui lisez ces lignes, ne connaisse le sentiment que l’on éprouve quand on est pris au piège dans une ville assiégée par l’ennemi. Octavius non plus, avant cette soirée, ne l’avait jamais vécu. Bloqué dans un corps qui n’était pas le sien et littéralement entouré d’ennemis sans possibilité de fuite. Il était comme une ville assiégée. Allait-il chuter comme Constantinople ?
L’anthropomage se sentait presque heureux d’avoir été snobé par Evan Rosier. Mais il se rendit vite compte qu’il avait fait une gaffe auprès de la terrible Bellatrix. Apparemment, elle et Adriel s’étaient vu une semaine auparavant.
« Cette semaine m’a semblé interminable. » tenta-t-il de se rattraper avec flegme.
Aussitôt, la jeune femme lui lança une pique – qu’il ne prit pas personnellement – à laquelle il ne trouva aucune réponse. Dans la panique, il se contenta de sourire, gardant tout le sang-froid dont il était capable. Il valait mieux ne rien dire et ne pas améliorer la situation plutôt que de répondre et risquer de l’empirer.
Fichtre ! De toute façon, elle s’empira toute seule avec l’arrivée de Morfin Carrow qui manqua de justesse à le faire pâlir. Sa Nemesis de toujours ! Il s’adressait à lui. A ce moment-là, une femme dont il ne replaçait pas le nom arriva et appuya la demande de son cousin. Zut ! Qu’est-ce qu’il en savait, lui ?
« Je dois avouer que je n’ai pas pensé à leur demander. Mais je serais très surpris de ne pas les voir, cela va sans dire. »
Toujours rester sur un terrain neutre. Il ne voulait pas prendre de trop gros risques en répondant par oui ou non. Et puis s’il donnait des réponses demeurant vagues, peut-être qu’on se désintéresserait un peu de lui.
Le sujet de l’invité surprise vint rapidement aux lèvres des invités. Octavius était tout de suite capable de repérer les sorciers plus fébriles à l’idée que cela puisse être le Seigneur des Ténèbres que les autres. Il nota leurs noms intérieurement, au cas où cela pouvait lui servir. Adriel ne se prononça pas sur la question.

Morfin Carrow et Lucius Malefoy se joignirent encore à leur conciliabule. Rosier ne salua pas le premier qu’il aimait plus que son cousin Amycus mais moins que son autre oncle Basilius. Le regret que lui causait partout son absence attisait encore sa haine. Il ne salua pas non plus le second comme il trouvait cela dérangeant qu’un autre homme salue sa beauté. Rosier les considéra donc tout aussi silencieusement que la galerie de personnages qu’ils rejoignaient. Il se demandait naturellement quelle était la grosse merde parmi eux qui attirait autant de mouches à merde, tout en continuant à déguster son verre de whisky sans la moindre trace de plaisir.

Lui, il n’y avait plus que autour du maître qu’il voletait. Ses lèvres s’étirèrent en un fin sourire et son regard brilla d’une nouvelle lueur quand Bellatrix lui confirma que l’invité d’honneur ne serait nul autre que Lord Voldemort. Le reste de la conversation, concernant les autres invités présents ou absents, il s’en fichait platement. Il ne remarquait pas le patinage de Adriel, ne considéra que pour mieux le railler le franc dérapage de Azelma. La scène lui inspira au moins une méchante pensée pour la Lerouge qu'il avait participé à priver de sa démarche chaloupée. Sans quitter des yeux la vieille peau qui menaçait sa vieille fiancée, se surprenant à espérer qu’elle l’envoie au tapis pour animer un peu ce début de réception, il adressa enfin un mot à l'handicapée. « Jolie canne, mais je crois que mon affreuse tante par alliance aimerait la récupérer ».

La main de Sinistra lui glissait sur le bras, sensuelle comme toujours et le sourire d’Addison ne pu que s’étirer encore plus de satisfaction et d’arrogance. « Évidemment » répondit-il sobrement. Sa plus vieille amie était née pour attiser les passions en y déversant son élégante froideur. Elle était tout le contraire des femmes qui attiraient l’attention de l’héritier Yaxley, merci bien. « Et manquer l’occasion d’enfiler ma plus belle robe? C’est bien mal me connaître. » Sarcasme sur sarcasme, il savait qu’elle savait l’ennuie qui développait de plus en plus pour ces barbantes réceptions de sang-purs, qui tournaient trop souvent à la politique. Addison préférait les affaires. Avec ses plus belles manières, il offrit son bras à la belle richissime et se mis à marcher doucement avec elle pour l’éloigner de son bien trop vieux mari. « Il semblerait, de toute manière, que je n’ai la chance de te voir qu’à ces soirées mondaines. » Le sorcier coula un regard vers son amie, il y avait, effectivement, une once de reproche dans son ton. Sinistra le délaissait particulièrement depuis qu’elle était mariée à Ulysse, il en regrettait presque de ne pas avoir plié à la dictature de sa grand-mère et marier la blonde. « Je pense que c’est Dumbledore » répondit-il à son amie en se trouvant FRANCHEMENT drôle et en retenant tant bien que mal le sourire qu’il avait envie de craquer. Étrangement, ces soirées de pris des fesses le rendait gamin. Cette histoire de gaminerie allait d’ailleurs mal finir, puisque l’horrible voix dédaigneuse de sa chère grand-mère parvint à ses oreilles. Addison stoppa net et se retourna pour faire face à Sinistra et dos à la gériatre. « C’est à quel âge qu’on devient incapable de sortir du lit? » lui demanda-t-elle sans plaisir. Elle devait bien avoir 200 ans sa vieille garce d’arrière-grand-mère et Addison avait bien hâte qu’elle s’éteigne. « C’est dans ces moments où je regrette de ne pas t’avoir marié…ça lui aurait fermé le clapet. » continua-t-elle en complet idiot. Edward Walter Addison Yaxley cala son vin des elfes.

Sinistra entendit le reproche de son ami mais ne releva pas d'un air particulièrement effarouché. Au contraire, elle plissa légèrement les lèvres et Addison étant une personne tout à fait particulière pour elle, la mannoise se fendit même d'un : « Je sais, tu m'en vois navrée ». Elle l'était. La jeune femme aurait préféré passer du temps avec lui plutôt qu'avec son épouvantable époux, mais elle n'avait pas ce luxe depuis que d'un commun accord, ils avaient préféré ne pas s'épousailler. « J'ai un peu moins de liberté depuis que je suis une Selwyn » continua-t-elle d'un ton badin. Elle redouta le regard de son ami, mais plongea dans son vin des elfes pour au contraire, ne pas montrer son léger trouble.

Discuter de la surprise d'Ava Zabini lui paraissait être un sujet légèrement moins dangereux et la plaisanterie d'Addi lui rappela pourquoi ils étaient amis. Sinistra se fendit d'un rire poli mais sincère - il était vulgaire de montrer ses dents lorsque l'on était une femme - et répondit du ton de la conversation : « Je crois que j'en serais presque soulagée. Ce vieil homme pourrait peut-être donner des sueurs froides à ta chère ancêtre… ». Se moquer de Lyra Yaxley était un sport national pour lui comme pour elle, comme quoi, ils étaient peut-être faits pour être ensemble. « Quand les articulations pêchent… Cela dit je gage qu'il faut au moins trois elfes pour la relever complètement » continua la langue de vipère avec une cruauté qui ne ressemblait qu'à elle, « pauvre Azelma… Elle va passer un sale quart d'heure ». Sinistra regrettait parfois de ne pas avoir marié Addison, mais elle se souvenait qu'au moins, elle évitait d'avoir Lyra dans son entourage plus proche. Les vieux artichauts comme elle ne sont hélas plus bon qu'au compost. La mannoise mit une légère tape sur l'avant-bras de son meilleur ami : « Ne dis pas de sottises, nous l'aurions eu à tous les repas de famille, nous demandant éternellement quand on se déciderait à lui offrir un arrière-arrière petit-enfant ».

C’est d’une façon un brin tendu - la vieille avait toujours sa baguette levée - que Marlene pivota sur les talons carrés de ses horribles richelieu vernis. Azelma avait-elle déjà eu l’air aussi tendue au milieu de sa petite société ? Rien de moins certain. Mais avait-elle déjà eu également le bout d’une baguette qui lui frôlait le dessous du chignon ? Cela n’était pas naturel pour la sorcière déguisée, pas plus que pour aucun sorcier, de tourner volontairement le dos à une baguette.

Chez sa nouvelle interlocutrice, elle reconnut instinctivement les yeux gris de Sirius. Il avait trois cousines, ça c’était quelque chose qu’elle avait retenu. Andromeda, une traître notoire à son sang, impossible que ce soit elle. Bellatrix et Narcissa. L’une était dangereuse, redoutable, folle. Et l’autre, un peu plus insipide. Quant à savoir laquelle était blonde, laquelle était brune, cela n’était pas une information qu’elle avait retenue. Pour le mieux, sans quoi elle aurait fini de frôler le malaise vagale. Marlene préféra en effet supposée, son optimisme lui flattant les nerfs, qu’il s’agissait de Narcissa. « Mmmh » répondit-elle la main un peu crispée autour de son verre, regrettablement vide, au commentaire lâché sur l’étrange atmosphère. C’était bien le jeu de rôle le plus tordu qu’elle avait jamais joué, la qualifier d’étrange était un doux euphémisme.

Il était heureux finalement qu’elle ait fréquenté quelques élèves de la maison des puissants du temps de sa scolarité. Cela l’aidait mieux à s’en tirer que tous les briefings que les sorciers les plus expérimentés de l’Ordre avaient insisté pour lui faire avant sa première mission officielle. Le stress, forcément, aidait un peu à oublier tout ce qu’ils lui avaient raconté. « Cela dépend - haussement d’épaules presque nonchalant - Qualifierais-tu Joseph Wilkes de vermine ? Le terme peut convenir à certains traits de sa personnalité ». Marlene se souvenait vaguement d’avoir vu le rustre tourner plusieurs fois autour de la préfète verte et argent après leur rupture. Le garçon ne lâchait jamais rien, surtout quand il avait une fille en tête, il était crédible d’imaginer que sa pugnacité l’ait conduit à poursuivre sa fréquentation de Azelma Travers en dehors des murailles de Poudlard. Malgré tout, ses souliers étaient inconfortables, elle se balançait un peu dedans.