Assise sur le fauteuil près du lit d'hôpital, Lyleïa veillait sur Swann. Bourré de calmants divers et variés, il s'était endormi il y a plusieurs heures déjà et son état restait très instable. Les Mangemorts ne l'avaient pas raté. La russe essuya les larmes qui roulaient sur ses joues. C'était de sa faute. Il avait eu le malheur de tomber amoureux d'elle, une sang-pur, une Romansky, et pour ça il l'avait payé très cher. Elle s'en voulait. Et elle lui en voulait aussi à lui pour avoir été si rebelle, pour ne pas avoir fait profil bas. A quoi ça servait de taper contre un mur à part se briser les os ? Quand les Aurors, les avaient enfin retrouvés, ils étaient tous assez mal en point, même elle qui avait fini par se faire découvrir. Elle avait accepté toutes les potions que les médicomages lui avaient refilé, elle avait tout prit sans broncher mais elle avait catégoriquement refusé de s'éloigner de Swann. Elle avait somnolé toute la nuit près de lui, incapable de le quitter ne serais-ce que quelques minutes tant qu'elle n'était pas sûre qu'il s'en sortirait. Elle avait pleuré longtemps en silence, acceptant enfin de relâcher tout ce qu'elle avait retenu durant tout l'été. Elle avait été si forte pour les autres, pour elle, pour lui. Aujourd'hui elle se sentait incapable de le refaire. Elle était à bout.

Le matin, Swann se réveilla. Les médicomages étaient optimistes. Ca allait être long et difficile mais il s'en remettrait. La nouvelle avait illuminé le regard hanté de la russe qui avait offert son tout premier sourire. Lyleïa avait alors rencontré les parents de son petit ami et bien qu'elle aurait voulu les rencontrer dans d'autres circonstances, elle était enchantée de les connaître enfin. Elle avait revu Theodora bien sur, la petite soeur de Swann qu'elle connaissait de Poudlard. Swann et elle n'avait pas beaucoup parlé. Ils avaient surtout profité de la présence de l'un et de l'autre, savourant le fait qu'ils étaient toujours en vie même si ils étaient mal en point.

Swann avait fini par s'endormir un peu. Lyleïa avait fait de même dans le fauteuil près du lui, recroquevillée sur elle même, sa main dans celle de l'ex Serdaigle. Elle portait toujours les stigmates de sa dernière entrevue avec les mangemorts. Un hématome bleu foncé virant au mauve s'étalait sur sa pommette droite presque jusqu'à l'oeil, sa lèvre était toujours légèrement fendue, et son poignet droit était toujours bandé. Il n'était plus cassé mais pas encore totalement réparé. Elle avait d'autres bleus sur le reste du corps mais ils étaient dissimulés par les vêtements. Elle avait relevé négligemment ses cheveux blonds en un chignon rapide et des mèches tombaient autour de son visage. Elle semblait fatiguée. Des cernes s'étalaient sous ses yeux et elle semblait si vulnérable endormie ainsi. Tellement plus jeune que ses dix-huit ans. C'est ainsi que la retrouvèrent la mère de Swann qui la réveilla avec délicatesse.

- Tu devrais faire une pause ma puce, tu es épuisé. Swann va mieux, ne t'inquiète pas, fit Kathryn Jones d'une voix douce. Tiens, je te présente Sonia, la meilleure amie de Swann, vous avez du vous croisez à Poudlard.
Lyleïa regarda la jeune femme avec un mince sourire.
- Enchantée, murmura t-elle doucement.
- Viens ma belle, je t'offre un thé, proposa la mère de Swann.

Lyleïa accepta et se leva. Elle salua Sonia et la laissa avec Swann. Kathryn et elle montèrent à la cafétéria de l'hôpital et prirent un thé. Elles discutèrent longtemps avant que la meilleure amie du Serdaigle ne les rejoigne un long moment plus tard. Mrs Jones les laissa pour rejoindre son fils laissant les deux jeunes femmes seules.

- Je t'offre quelque chose à boire ? proposa la russe pour briser la glace.
 

- Je veux bien un café s'il te plaît.

Lyleïa hocha la tête et se leva pour aller chercher un café et un deuxième thé pour elle. Puis elle revint s'asseoir face à la meilleure amie de Swann. Sonia si elle se souvenait bien de son prénom. Elle semblait ailleurs dans un autre monde. Comme en état de choc.

- Mais que s'est-il passé...? demanda alors la brune.
La russe la regarda longuement en silence, puis elle fini par fixer un point au loin, comme si elle repartait dans ses souvenirs. Et pas des sympathiques.
- On étaient dans le Poudlard Express, l'année était enfin finie. Swann et moi entendions les cris résonner pour la dernière fois. Je me rappelle que nous étions à la fois triste et heureux. Je me souviens que je me suis endormie. Une annonce m'a réveillée. Le Ministère avait ordonné que nous soyons placés dans une sorte d'Institution. Sur le coup nous n'avons pas compris. Nous sommes descendus du train. Swann a commencé à se rebeller. Elle eu un bref sourire. Il n'a pas changé. Rebelle. Incapable d'obéir aux ordres qui ne lui plaisent pas. J'allais le suivre. Les autres aussi. Si nous avions été plus rapides nous aurions pu transplaner en emmenant des plus jeunes avec nous et ramener des secours. Mais soudain Swann s'est calmé. Il nous a tous entraînés à l'intérieur. Sur le coup j'ai pas compris. Personne n'a compris. Elle baissa la tête vers sa tasse de thé. On a apprit bien plus tard qu'il avait été victime d'un Impero. Personne n'a rien vu venir. Elle se tut un instant le temps d'arriver à continuer son récit. Ils ont commencés par nous diviser. Les sang-pur d'un côté, les sang-impur de l'autre. C'était affreux. J'ai été séparée de Swann, des autres, pour rejoindre des personnes que je ne supportais plus. Tous des monstres en puissance. Enfin pas tous mais la plupart. Au début on n'a pas remarqué grand chose et puis on a commencé à voir. Les "sang-impur" comme ils les appelaient, n'avaient rien à manger, ils avaient des lits de bois, des couvertures miteuses, ils n'avaient le droit à rien, ni de rien faire alors que nous étions traités comme des rois. Et puis les punitions ont commencés à tomber. L'isoloir. Les tortures. Elle ferma les yeux, le visage torturé de tout revivre une nouvelle fois. Des Doloris. Ils nous ont obligés à lancer des sortilèges Doloris sur des élèves, murmura t-elle le visage ravagé par la douleur et les larmes. Mais quand elle reprit la parole, sa voix était ferme, son regard de nouveau déterminé. Alors, quelques sang-pur et moi avons décidés de mener une rébellion discrète. On donnait de la nourriture, des médicaments, des parchemins, tout ce qui pouvait aider aux autres. Je n'ai jamais été soupçonnée jusqu'à la fin de l'été où je me suis fait prendre. J'ai pris cher. Mais je m'en fichais. J'avais fais tout ce que je pouvais. Mais Swann ... Elle plaqua une main sur sa bouche et détourna le regard. C'est ma faute.

Elle se tut, incapable de regarder Sonia en face. Apparemment, les medicomages avaient un peu surestimé son état. Ou elle même s'était surestimé. Elle était toujours mal en point, au moins au niveau psychologiques. Les séquelles étaient profondes. Elles se mêlaient maintenant aux fantômes qui la hantaient déjà auparavant la rendant fragile alors qu'elle voulait se montrer forte. Mais elle avait tout donné cet été et pour le moment elle n'avait plus rien.
 

Lyleïa lui raconta tout. Elle ne garda de côté que les détails les plus gores de cet été. Elle avait parfois du assister à tout ça sans pouvoir rien faire et parfois elle avait même dû y participer. Personne ne peut comprendre ce qu'est de ressentir ce sentiment d'impuissance totale qu'on ressent en voyant de pauvres gamins innocents se tordre de douleur sur le sol. Et alors quand c'est à cause de vous c'est encore pire. C'était un massacre. Elle avait l'air en état de choc. Rien ne pourrait jamais décrire ça. Ni les horreurs qu'ils avaient vus, ni ce qu'ils avaient pu ressentir. Aucun médecin ne pourrait jamais soigner ça.

- Tu ne pouvais pas savoir... essaya de la rassurer Sonia.

Lyleïa la regarda sans la voir vraiment. Bien sûr que si c'était de sa faute. Elle était tombée amoureuse de Swann et c'était cet amour qui l'avait détruit. Ils avaient du se faire prendre, quelqu'un avait du les surprendre, les balancer. Swann avait été torturé parce que son seul tort était d'être tombé amoureux d'elle. Sang-pur ... ce statut ne lui avait apporté que mort, douleur, mensonge et trahison. Quelle était donc la différence entre deux sangs. Ils étaient pareils tous.

- Je suis tombée amoureuse de lui. Et lui de moi. Ca a suffit pour le condamner, murmura t-elle. Les larmes roulaient en continu sur ses joues. On est ... simplement tombés amoureux ... qu'est ... qu'est ce qu'il y a de mal à ça, pleura la jeune femme incapable de retenir cette simple question.

C'était la première fois qu'elle la posait à voix haute. Elle n'avait pas osé la poser à quiconque. Mais elle ne savait pas, la présence de Sonia semblait l'apaiser et en même temps la sortir de son état de choc. La sortir de cette bulle qu'elle avait montée autour d'elle pour se protéger du monde extérieur. Elle avait l'impression qu'avec Sonia elle pouvait tout dire.

- Il faut se battre contre ces ordures. Mais... pas toutes, déclara alors Sonia.
- Pas toutes ?! Pas TOUTES ?!!! s'étrangla Lyleïa. Mon propre père fait parti de ceux qui nous ont torturés ! Mon PERE !!! Elle secoua la tête et se passa une main sur son visage. C'est ça ma malédiction. Il nous a enlevés, il nous a torturés, il a assassiné ma mère ! Et la seule fois où je tombe véritablement amoureuse, il manque de se faire tuer, maugréa t-elle plus pour elle même que pour Sonia qui devait d'ailleurs ne rien comprendre.

Avec tous les problèmes qu'ils avaient on aurait pu penser que Lyl' avait oublié cette histoire de malédiction familiale mais non pas du tout. Ca restait là, dans un coin de son esprit, et comme un étau glacé qui enserrait son coeur l'alourdissant, empêchant les blessures de guérir totalement. Puis quelque chose la fit tilter et elle regarda Sonia surprise.

- Tu as dis "pas toutes". Pourquoi "pas toutes" ? demanda t-elle.

Elle n'aurait pas du poser la question. Pourquoi avait-il fallu qu'elle pose cette fichue question ? Elle ne pouvait pas juste se taire et discuter d'autre chose ? Non il avait fallu qu'elle demande pourquoi "pas toutes". Si toutes. Tous les mangemorts étaient des ordures. A commencer par le salaud qui lui servait de père. Mais comment avait-elle pu être aussi aveugle pendant toutes ces années où il avait été son héros, son roc, son idéal masculin et il était en réalité l'un des pires monstres qui existaient.

- Je suis en couple avec un mangemort... Sur cette phrase, la russe vit rouge. Elle la regarda choquée, la rage commençant à s'allumer dans son regard. Attends ! Ecoute-moi. Il n'est pas comme les autres, je te le promets ! Il m'a sauvée la vie, une fois, alors qu'une bande de mangemorts venait de me torturer, dans ma propre maison. Il a fait semblant de vouloir finir le travail pour qu'ils partent, puis il m'a soignée. Il me protège tous les jours, et je ne suis pas la seule, il protège aussi des amis en difficulté. Depuis que nous sommes ensemble, il participe moins aux missions, car sa priorité c'est nous. C'est quelqu'un de bon, qui se retrouve coincé dans cette organisation néfaste car s'il en sortait, ils le retrouveraient et le tueraient.

Plus Sonia parlait et plus Lyleïa était perdue. Mais si son compagnon était si bon que ça, il aurait du se battre dès le début comme Sirius l'avait fait avec sa famille, leurs idéaux et toute cette organisation malsaine. Ils étaient mariés ... et elle était enceinte. La russe était de plus en plus paumée. Elle n'arrivait pas à associer un mangemort à un bon mari ou à un père ou même à un homme bien. Pour elle, ils étaient des bourreaux, des meurtriers, des monstres. Mais elle voyait l'amour dans les yeux de Sonia, elle voyait à quel point elle l'aimait, à quel point elle tenait à lui, à quel point elle croyait en lui. Alors sa rage s'apaisa. Elle connaissait ça. Elle savait l'amour qu'on pouvait porter à quelqu'un d'autre, elle savait jusqu'où on pouvait aller pour quelqu'un qui nous était cher.

- Для любви, murmura t-elle en russe.

Elle semblait ailleurs jusqu'à ce qu'elle entende la voix de Sonia qui la tira de ses réflexions. Elle tourna la tête vers elle et une lueur particulière illumina ses yeux vert doré.

- Par amour, répéta t-elle en anglais. Je peux comprendre ça. Elle eu un bref sourire pâle reflet de son sourire d'avant. La dernière semaine j'ai été attrapée. Et pour me faire parler, ils ont cru bon de faire venir mon père. Malgré tous ses défauts il me connaît bien. Il a fini par comprendre, bien avant les autres, que je ne me rebellais pas contre lui. Que j'avais véritablement changé de camp. Il m'a alors demandé pourquoi. Et c'est ce que je lui ai répondu. Par amour. J'ai tout fait, par amour. Alors je peux comprendre. Elle se tu un bref instant avant de reprendre la parole en regardant le reste de son thé. Mais je te conseille de garder ça pour toi. Je sais que Swann est ton meilleur ami. Mais si il l'apprend jamais il ne te le pardonnera. Elle soupira en finissant sa boisson. Qu'attends tu de moi Sonia ? Pourquoi m'avoir dis ça ? demanda t-elle.

Lyleïa avait eu du mal à encaisser ce que Sonia lui avait dit. Puis finalement elle avala la pilule. Elle pouvait comprendre le fait d'aimer quelqu'un plus que tout au monde. Elle même aimait Swann au point d'avoir tout renié pour lui. Son monde, sa famille, ses amis. Elle avait tourné le dos à son monde, à sa vie, à son enfance pour lui. Et elle ne le regrettait pas. Elle ne le regretterait jamais. Parce que Swann lui avait tout offert. Il lui avait apprit à aimer, il lui avait offert une famille, l'amour, l'amitié, la protection. Alors oui, elle comprenait.

- Il est au courant... Je le lui ai dit tout à l'heure . Je voulais lui expliquer pourquoi je n'avais pas pu prendre de ses nouvelles pendant un an... Je m'en veux tellement de ne pas avoir été là.
Lyleïa déglutit son thé de travers en ouvrant de grands yeux.
- Je comprends mieux pourquoi tu t'entends aussi bien avec Swann. T'es aussi cinglée que lui, maugréa t-elle en secouant la tête.
Elle ne s'attarda pas sur son copain et demanda plutôt à la brune pourquoi elle lui avait dit tout ça.
- Je ne sais pas, tu es la copine de mon meilleur ami, je sens que je peux te faire confiance. On se ressemble toutes les deux, on ferait n'importe quoi pour les hommes que nous aimons... On serait prêtes à tout pour les protéger.
Lyleïa regarda la jeune femme, plantant son regard dans le sien. Elle fini par hocher la tête en silence.
- Je serais prête à n'importe quoi pour Swann. Je donnerais ma vie pour lui. Je sais qu'il peut se protéger seul, que c'est un homme mais il est tellement ... tellement impétueux, tellement ... j'ai peur qu'il ne lui arrive quelque chose. Je ne sais pas comment l'aider. Ce qu'il a vécu ... je voudrais tellement qu'il ne le revive jamais, murmura t-elle.

-Je comprends... Je tremble à chaque fois que Seth part en mission. Et si tu veux qu'il ne le revive jamais, je t'en prie, partez quelque part tous les deux et cachez-vous. Empêche-le de se venger...

Lyleïa leva les yeux de son thé presque froid maintenant et fixa la jeune femme d'un air sérieux. Elle leur suggérer vraiment de partir ? De fuir et de se cacher comme des lâches ? Elle était peut-être une ancienne Serpentard mais la russe était loin d'être une lâche. Et elle savait que Swann était comme elle. Il serait impossible de l'emmener ailleurs que dans les prochains combats qui s'annonçaient. De toute manière il était trop tard pour partir.

- Non, répondit-elle d'une voix ferme quoique douce. Nous ne partirons nul part. Ni lui, ni moi. D'abord, il est impossible pour Swann de fuir, et je suis pareille Sonia. Je ne suis pas une lâche, personne ne m'empêchera de me battre contre ces ordures même si il faut que j'en meurs. Je me battrais Sonia. Je me battrais jusqu'au bout pour que nous enfants puisse vivre dans un monde en paix.
- En tout cas, essaie. Lyleïa fit non de la tête. Sonia soupira. J'aimerais tellement qu'on ait un moyen de les protéger...
- Moi aussi, murmura t-elle d'accord avec elle pour le coup. Mais qu'est ce qu'on peut faire ? C'est pas comme si il y avait un sortilège capable de les protéger, lança t-elle comme ça sans y penser vraiment.