Il faisait beau. Un temps merveilleux pour un jour d'avril. Beau, chaud bien que le vent soit frais. Et c'était le week-end. Et à l'approche des examens de fin d'années, les professeurs laissaient plus de liberté aux élèves pour qu'ils puissent réviser. Lyleïa se regarda dans le miroir. Face à elle même, elle du se rendre à l'évidence. Swann avait raison. Elle était en train de devenir complètement folle. Et même son regard glacial ne parvenait plus à dissimuler les ombres et les fantômes qui la hantaient. La jeune fille se passa la main sur le visage et soupira. Elle était en train de les laisser gagner. Elle ne devait pas. Mais elle ne savait pas comment faire pour se battre. Elle n'en n'avait pas la force. Lentement, elle tressa ses longs cheveux blonds sur le côté. Elle devrait les couper. Ca changerait. C'était peut-être ce qui lui fallait. Du changement. Un nouveau soupir lui échappa quand elle se regarda une nouvelle fois. Puis elle détourna les yeux, sortant de la salle de bain. Elle passa une jupe longue, blanche, un débardeur bleu ciel et une veste légère de la même couleur que sa jupe. Elle était seule dans le dortoir, aussi s'agenouilla t-elle sur le sol, près de son lit et tira une malle d'en dessous. Elle l'ouvrit délicatement et regarda les lettres non décachetées qui s'y trouvaient. Une montagne de lettres. Au moins vingt. Ou vingt-cinq. Toutes de son père. Il lui en avait envoyé la plupart au début de l'année mais au fur et à mesure, par manque de réponse, ses lettres se faisaient rares. Il était peut-être tant de lire ce qu'elles contenaient. La Serpentard les mit dans son sac, se releva et quitta les cachots sombres du château, traversa le parc, la démarche légère mais fière, le port de tête altier, en dissimulant ses fantômes par l'apparence. "L'apparence est tout, ma fille. Si tu peux convaincre ton public que tu ne ressens rien, que tu es insensible, alors tu seras intouchable." Les mots de son père lui revinrent en mémoire. Elle serra plus fort la lanière de son sac et se dirigea vers le village d'un bon pas.

Les Trois Balais avait sorti des tables en terrasse à cause du beau temps et de la chaleur. Lyleïa s'assit à une table, tranquille et commanda une bieraubeurre avant de commencer à ouvrir la première lettre qui datait de septembre. Elle en commença la lecture. "Ma très chère fille, ma princesse. J'ai commis nombre d'erreurs dans ma vie. La première ayant été de te mentir. J'aurais du t'avouer tout cela depuis bien longtemps mais comment accepter de lire la déception, la rage, la trahison dans le regard de la personne que l'on aime le plus au monde. Tu as toujours été ma faiblesse Lyleïa comme ta mère avant toi. Je l'ai aimé tu sais. Je l'ai aimé plus que tout, pour elle j'aurais pu détruire le monde, le mettre à feu et à sang si cela avait pu signifier qu'elle aurait été heureuse. Mais j'ai choisi un autre chemin. Ta mère était foncièrement bonne. Trop peut-être. Mais elle t'aurais enlevé à moi, elle serait parti et cette simple idée m'a rendu fou. Cela n'excuse rien. Sache qu'elle me manque chaque jour un peu plus. Surtout quand je te regarde et que je vois plus d'elle que de moi en toi. Mais sache, que je ne regrette rien. Je préfère la savoir morte et t'avoir élevée comme la princesse que tu es, que de savoir qu'elle est ailleurs dans le monde, avec toi, toutes deux loin de moi, peut-être avec un autre homme. Non. Je ne regrette rien. Seulement le fait que tu sois partie." Lyleïa ferma les yeux. Elle ne le croyait pas. Son père ne regrettait pas d'avoir tué sa mère. Seulement de ne pas lui avoir dit plus tôt. Elle hésita à lire les autres. Puis elle attaqua la seconde. A sa grande surprise, son père changeait de sujet. Il lui parlait de sa mère ce qu'il avait toujours refusé de faire auparavant. Elle se prit à aimer ses lettres, à les lires de plus en plus vite, avide de connaître sa mère, sa jeunesse, son adolescence, sa vie avec son père. Elle était en train de lire la dixième lettre quand une voix la fit sursauter. Elle releva les yeux et les plissa, éblouie un instant par le soleil. Puis elle reconnut la personne qui s'approchait. - Parrain ? demanda t-elle surprise voire choquée de le voir là. Qu'est ce que tu viens faire ici ? demanda t-elle méfiante, sur ses gardes. Sa dernière entrevue avec Edgar Blackstone ne s'était pas vraiment bien passée et elle ne savait plus trop sur quel pied danser avec celui qu'elle avait tant aimé et tant admiré quand elle était petite. Le numéro 2 après son père.

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Être seule, ça lui arrivait souvent en ce moment. Elle perdait tout le monde. Swann l'évitait comme la peste, Regulus ne lui adressait plus la parole, les Serpentard l'évitaient - ou elle évitait les Serpentard ça revenait à peu près au même - elle fuyait la salle de repos quand elle était pleine, sans parler de la salle commune, elle mangeait à l'écart. Bref. La solitude était devenue son amie ces derniers temps. Elle était devenue son alliée. Elle ne la dérangeait pas. Au contraire, ça lui faisait du bien d'être seule. Elle pouvait ainsi réfléchir à toutes ces choses qui arrivaient. A la malédiction qui semblait inévitable, à Swann qui lui avait brisé le coeur, a Maddy qui n'allait pas fort en ce moment et à son père. Surtout à son père. Parce qu'elle avait beau le haïr, elle avait beau être folle de rage à son égard, il lui manquait. Ou du moins, une part d'elle le réclamait. Il restait son père.

Quand elle décida de lire les lettres qu'il lui avait envoyé depuis le début de l'année, elle découvrit une autre facette de lui. Une facette qu'elle ignorait jusque là. Une facette qu'il lui avait dissimulé. Elle ne connaissait pas ce père là. Ce jeune homme joyeux et plein de vie qu'il avait été, ce jeune homme chaleureux et fou amoureux qui était entièrement mort en même temps que sa mère. Elle lui en voulait de l'avoir privé de sa mère, elle lui en voulait de lui avoir menti, de l'avoir rejetée quand elle en aurait eu besoin sous prétexte qu'elle ressemblait trop à Iryn. Elle lui en voulait tellement. Mais elle comprenait que ce jour là, c'est une partie de lui même qu'il avait tué en même temps que sa mère.

Mais elle fut surprise de voir son parrain s'asseoir face à elle. Elle ne s'y attendait pas. Au contraire. -  Bonjour Lyleïa, cela faisait longtemps. Effectivement ça faisait plusieurs mois depuis cet été. Elle ne l'avait pas revu depuis juillet. Elle lui demanda ce qu'il été venu faire là. - Pour te parler, voir comment allait ma filleule. J’ai appris que vous aviez une sortie à Pré-au-lard et comme j’étais dans le coin, je me suis dit que ce serait pas mal que je passe te voir, répondit Edgar Blackstone. Lyleïa pencha légèrement la tête sur le côté en arquant un sourcil. Il était surtout venu voir si elle était moins en colère ouais. J’étais inquiet tu n’avais pas répondu à ma carte pour noël. Le regard de la jeune fille se teinta d'un air coupable. - J'ai été assez occupée dernièrement. J'ai eu quelques ... soucis à régler, avoua t-elle sans s'excuser. On lui avait inculquée très jeune à ne jamais le faire. Oh elle s'excuserait sûrement envers plusieurs personnes mais pas face à son parrain. C'était lui en plus qui lui avait apprit qu'une vraie sang-pure ne s'excusait jamais. Mais merci. Pour la carte. Elle hésita un instant. Puis elle posa LA question qu'elle regretterait certainement d'avoir posé. Pourtant elle la posa quand même. - Parrain ? Elle baissa un instant le regard sur les lettres éparpillées devant elle puis releva ses yeux d'or teinté de vert sur Edgar. - Comment va t-il ? demanda t-elle soudainement dans un souffle. Et tout deux savait parfaitement qui était ce il.

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Se retrouver face à son parrain fit resurgir des souvenirs que la Capitaine des Verts aurait préféré oublier. - Lyleïa, qu'est ce qui t'arrive enfin ?! s'étonna Andreï d'une voix ferme. - Tu sais pourquoi tu as fuis ? Tu sais pourquoi on n'a jamais retrouvé les meurtriers de maman ? grinça sa fille entre ses dents. - Non vas-y éclaire moi sur le sujet toi qui sait tout, s'agaça son paternel, cachant sa peur qu'elle ne le sache. - Parce que c'est toi ! C'est toi qui l'a tuée ! Je me souviens de tout ! De l'explosion de la porte à toi qui prononce le sort de la mort sur ma mère, explosa la russe. Son père tressaillit et blêmit. Il ne s'attendait pas à ça. Il ne pensait pas qu'elle le découvrirait un jour. Se levant, il essaya d'apaiser son héritière. - Lyleïa, ma princesse, écoute moi c'est compliqué, commença t-il. Mais Lyleïa ne lui en laissa pas le temps. - NON !!! Non je refuse de t'écouter ! Tu m'a menti ! Toute ma vie n'est qu'un immense mensonge ! Tu l'a tuée ! J'avais besoin d'elle ! J'avais besoin de ma mère et tu l'a tuée ! TA PROPRE FEMME !! L'explosion brutale de sa fille qui avait toujours été si posée, si calme, si maîtresse de ses émotions, surprit Andreï. - Alors dis moi papa maintenant, tu vas continuer à me mentir ou tu vas finir par assumer tes actes comme un homme, persifla la jeune femme, haineuse. - Lyl' ... il faut que tu me laisse t'expliquer, tenta son père. - Non. En fait non. Tais toi. Et oublie que, un jour, tu as eu une fille, laissa tomber l'ex Serpentard en sortant de la pièce. - Lyleïa ! appela son père. Lyleïa Diana Iryn Romansky сюда немедленно ! Nous n'avons pas fini notre discussion, s'énerva le paternel. Lyleïa fit volte face folle de rage. - Non tu as raison ! Vas y ose me le dire en face ! Je veux voir ton regard quand tu me mentira en me disant que j'ai tord, lui cria t-elle. Son père s'arrêta net et se ferma mais sa fille ne comptait pas le laisser s'en tirer à si bon compte. - Ose me le dire ou bien es-tu trop подлый pour ça, insista la blondinette. Andreï réagit au quart de tour face à l'insulte. - Bien tu as gagné. Je l'ai tuée ... j'ai tuée ta mère Lyleïa, ma femme, et ce n'était pas un accident ...

La jeune femme revint au jour d'aujourd'hui, le coeur en miette. Elle avait tant de mal à associer le jeune homme qu'Andreï avait été, superposé à l'homme qui avait été son père, et à l'homme d'aujourd'hui. Comme si ils étaient trois personnes différentes. Un mari aimant, un père protecteur, et un assassin. Sur qui pouvait-elle s'appuyer si elle ne pouvait même pas compter sur son père ? Pourtant, elle aussi regarder son parrain et lui demander des nouvelles. - Je ne te dirai pas qu’il va bien car ce serait te mentir. Disons qu’il essaye de faire semblant mais je vois bien qu’il souffre. Tu lui manques Lyleïa, cette dispute vous brise tous les deux, répondit Edgar d'une voix plutôt douce quand on le connaissait. La blondinette baissa le regard sur les lettres étalées devant elle et porta la main à son cou. Elle portait toujours le pendentif d'émeraude que son père lui avait offert quand elle avait réussi son permis de transplanage. Elle n'avait pas pu se résoudre à le poser. - Il me manque aussi. Mais ce qui me manque vraiment c'est le père que j'ai connu. Celui qui m'a élevée, fit-elle en relevant ses yeux vert nuancé d'or sur son parrain. Mais l'homme d'aujourd'hui, ton meilleur ami, cet homme si froid, si dur ... ça, ce n'est pas mon père. Ce n'est pas le père que je connais. Elle secoua la tête. Non rectification. Ce n'est pas le père que je croyais connaître. Parce qu'au final, je me rend compte que je ne le connais absolument pas. Elle soupira et se passa une main sur le visage. Puis elle fixa Edgar d'un air impassible, quoique fatigué. Qu'est ce que tu veux parrain ? Qu'est ce que tu es réellement venu faire ici ? demanda t-elle sans prendre de gant.

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- Enfant, nous imaginons les hommes meilleurs qu’ils ne le sont vraiment. On se fonde bien souvent un idéal et à l’adolescence, cet idéal se brise face à la réalité. Ton père n’est pas pire ni meilleur qu’il ne l’était il y a quelques années, répondit son parrain. Lyleïa le fixa en silence d'un air un peu moins buté qu'auparavant. Edgar avait raison. Quand on est petits, on idéalise nos parents. Pour la Capitaine des Verts & Argent, son père équivalait à un Dieu. Il était son sauveur, son héros, son père. Il était tout pour elle et lui il l'avait trahie. Il lui avait menti toutes ces années, lui faisant croire qu'il aimait sa mère, qu'elle avait été son grand amour et que sa perte l'avait brisé. Alors qu'au final, c'est lui qui l'avait tuée. Mais d'un autre côté, le Blackstone n'avait pas tord. Son père avait toujours été le même. C'est elle qui l'avait idéalisé et mit sur un piédestal. C'était de sa faute à elle si elle était dans cet état.

Son parrain continuait à parler, à lui expliquer que la vie était dure, cruelle, qu'il fallait se battre et faire des choix difficiles. Lyleïa ne l'écoutait plus que d'une oreille, repensant à tous ces souvenirs qu'elle possédait avec son père. Les bons comme les mauvais. Lui qui la veillait quand elle était malade petite, sa voix grave chantonnant des berceuse à son oreille. Lui qui lui offrait la bague de sa mère qui ne la quittait pas depuis toutes ces années. Lui qui la faisait sauter dans ses bras et qui se régalait de son rire. Lui qui lui offrait sa première robe, l'emmenait à son premier bal, lui offrait sa première danse. Pour elle, son père lui offrait le monde. Mais tout ça était effacé par la douleur de savoir son père un meurtrier et la colère que lui inspirait cette trahison. Finalement, la russe finit par demander à son parrain ce qu'il voulait.

- Que tu reparles à ton père, que vous discutiez en tête à tête. Tu ne peux continuer à le fuir, à fuir tes responsabilités indéfiniment. Sa réponse ne surprit pas sa filleule outre mesure mais elle ne la ravit pas non plus. Elle fixa Edgar d'un air neutre, impassible, songeur, comme si elle pesait le pour et le contre dans son esprit. Finalement elle se redressa. - Très bien. Je lui parlerais, accepta t-elle. Mais ça ne veut pas dire que je lui pardonnerais pour autant, trancha t-elle en se levant en rangeant ses affaires et en se levant. Elle fixa son parrain, le regard froid. C'est tout ce que tu voulais ou il y a autre chose dont tu dois me parler ? Une envie soudaine de me marier pour me recadrer peut-être ? ironisa t-elle.