Assise sur le rebord en pierres de la fenêtre, Maëlyn fixait l'horizon en posant un gant frais sur sa lèvre enflée et sur le bleu qui ne manquait pas de se former sous son oeil gauche. Elle entendait sans vraiment écouter, depuis plus d'une heure, les membres de l'Ordre évoquer toutes sortes de théories et stratégies sur ce que Maddy et elle avait trouvé dans le Manoir Clevergrace, sur le fait que la famille de la Ministre semblait être prisonnière, qu'elle même semblait avoir une soeur jumelle ainsi que accessoirement, le fait qu'elle semblait être portée disparue et que les mangemorts leur été tombés dessus. C'était un vrai bordel. Tout le monde parlait en même temps, les voix d'Alastor et Aaron passant au dessus, essayant de rétablir le calme. Finalement, lorsque sonna deux heures du matin, Maëlyn n'y tient plus. Elle se leva et s'approcha de la table. Progressivement le silence se fit.

- On arrivera à rien. On est épuisés, on est sur les nerfs et on n'arrivera pas à s'entendre dans ces conditions. Franchement, faîtes ce que vous voulez mais moi je rentre, déclara t-elle.

Elle avait mal à la tête, mal à l'épaule - elle avait prit un mur en pleine poire -  et sa lèvre lui faisait mal. Elle salua tout le monde d'une voix éteinte et sorti du Q.G. Mais elle ne transplana pas chez elle. Elle ne pouvait pas se retrouver dans cette maison où la chambre de Jaimie lui rappelait sans cesse qu'il n'était justement pas là. Elle avait donné à manger à tout son petit monde pour au moins trois jours, de toute manière, son elfe les nourriraient au pire, alors elle se rendit chez l'unique personne qui pourrait la soutenir dans un moment pareil : Malik. Son meilleur ami. Elle avait brièvement pensé à Melody, mais entre Loki et le bébé qui arrivait ce n'était pas le moment d'en rajouter une couche.

Arrivée un peu plus loin que le chalet du jeune homme, l'italienne marcha sur le chemin de terre, écoutant les bruits de la nature qui avaient tendance à l'apaiser quand elle venait ici. Elle ne savait toujours pas pourquoi Malik avait décidé de s'éloigner de la ville pour venir habiter un chalet isolé en pleine nature, mais elle l'approuvait à cent pour cent. Il était tard. Ou très tôt. Deux heures et demi dans cette zone là. Elle hésita un instant de peur de le déranger mais ses pensées se tournèrent vers Jaimie. Elle ne tiendrait pas toute seule. Alors elle frappa à la porte. Elle entendit les jappements du chien de Malik mais il la connaissait, il ne lui ferait pas de mal. Du bruit se fit entendre à l'intérieur, la lumière s'alluma. Enfin la porte s'ouvrit sur un Malik encore plus débraillé que d'habitude et mal réveillé. Elle le fixa, avec son oeil au beurre noir, sa lèvre enflée et ensanglantée, ses cheveux emmêlés et ses vêtements aussi débraillés que lui.

- Lucky ... murmura t-elle finalement en utilisant le surnom qu'on donnait à son meilleur ami. Je suis désolée je savais pas où aller ! fit-elle en explosant finalement en sanglots.

Spoiler:

« Tu veux une bière ? dis-je d'une voix forte, la tête dans le frigo, pour me faire entendre depuis le salon.
— Non, je vais y aller. Monica va s'inquiéter », me répond mon frère Zaid, installé sur le canapé, avec une mine fatiguée à faire pâlir une momie.
La nouvelle paternité de Zaid est difficile a gérer pour lui. Les pleurs, les cris, les réveils en pleine nuit. Il a du mal à s'y faire. Alors ce soir, il a voulu couper un peu avec tout ça et est passé à la maison pour se changer les idées. Le quiétude de la nature est toujours bénéfique, dans ces moments-là.
Je referme le frigo, décapsule la bière que j'ai prise pour moi d'un mouvement sec de la main et rejoins mon frère dans le salon. Je m'affale sur le fauteuil en face de lui et avale une gorgée d'alcool à même la canette.
« Je passerai vous voir demain, dis-je, le regard vide rivé sur la table basse.
— Tu es toujours le bienvenue Malik, tu le sais, me répond Zaid avant de se lever du canapé. Allez, va te coucher, je vais aller faire de même. Merci pour cette soirée. »
Et il transplane, me plantant là comme un con dans mon salon.
« Salut, vieux frère... » dis-je d'une petite voix dans le silence de ma maison.

Il était onze heures quand Zaid est parti. Il est maintenant deux heures trente quand je me réveille en sursaut. J'entends frapper à la porte, mais il me faut quelques secondes avant de me repérer, de comprendre que je me suis endormi dans mon fauteuil. Je me redresse, la canette vide qui tenait en équilibre sur mon torse roule et tombe dans un bruit sourd sur le parquet. Je me frotte les yeux, m'aide des accoudoirs pour me mettre debout. Puis je sors du salon et allume le couloir de l'entrée. Deux heures du mat', qui ça peut bien être à cette heure-ci ?
J'ouvre la porte, Maëlyn est sur le seuil. Elle a un coquart à l'oeil et du sang sur la lèvre. Le temps que je percute, elle se met à pleurer.
« Lucky ... murmure t-elle. Je suis désolée je savais pas où aller !
— Wow, qu'est-ce qui t'est arrivé ? Viens là... »
Je l'attire vers moi et la prends dans mes bras. Doucement, je lui caresse les cheveux et la laisse reprendre ses esprits. Quand elle est plus calme, je relâche mon étreinte, lui prends la main et l'emmène à l'intérieur.
« Allons dans le salon, tu vas me raconter ce qui s'est passé. »
On s'assoit l'un à côté de l'autre dans le canapé. J'attrape le vieil édredon sur le dossier et enroule Maë à l'intérieur. Je passe mon bras autour de ses épaules et la serre contre moi.
« T'es bien amochée, qu'est-ce que tu as encore fait... »

Malik était la première personne a qui Maëlyn avait pensé. Il était la meilleure option qu'elle avait. Melody, avec Loki et le bébé, serait encore plus sur les nerfs et elle aurait eu droit à un savon bien passé. Elle ne l'aurait pas loupé. Et qu'est ce que Maëlyn aurait pu lui dire ? Elle ne pouvait pas lui parler de l'Ordre du Phénix et si elle n'avait rien dit Melody aurait pu penser qu'elle s'était fait battre par un homme ou qu'elle était tombée sur des mangemorts - ce qui était le cas mais elle ne voulait rien lui dire. Malik, lui, la connaissait depuis qu'elle avait onze ans. Il la connaissait par coeur. Et il avait bien comprit qu'elle ne laisserait pas un foutu mage noir prendre le contrôle sans se battre. Elle lui parlait à demi mot de ses combats, de l'Ordre sans jamais trop lui en dire pour ne pas le mettre en danger ou trahir les siens. Mais elle savait qu'elle pouvait toujours aller le voir si elle avait besoin. Et cette nuit, elle avait bien besoin.

- Wow, qu'est-ce qui t'est arrivé ? Viens là...
- Je ... je ...
Elle éclata en sanglot alors qu'il la serrait dans ses bras. Elle s'accrocha à lui comme si il était sa bouée de secours. Il la berça doucement, caressant ses longs cheveux bruns jusqu'à ce qu'elle se calme un peu.
- Allons dans le salon, tu vas me raconter ce qui s'est passé.
Maëlyn le suivit sans vraiment voir où elle allait. Elle avait le regard brouillé, l'esprit ailleurs. Elle était vidée. Elle avait l'impression d'être une automate. En sentant la chaleur sur ses épaules elle redressa un peu la tête mais eu un pauvre sourire en serrant la couverture autour d'elle.
- Merci, murmura t-elle.
- T'es bien amochée, qu'est-ce que tu as encore fait... lui demanda son meilleur ami.
Elle ne savait pas comment l'expliquer. Alors elle expliqua en bataille.
- Jaimie devait venir cet été ... j'ai attendu à la gare mais le train n'est jamais arrivé ... On a ... on a apprit que ... les sanglots commencèrent à la reprendre et elle tenta de se calmer. Arrêté ministériel ... enfant placés dans une institution ... prétexte de protection ... on a ... aucune nouvelle. Ca va fait un mois. Aucune nouvelle en un mois ... on cherchait ... j'ai trouvé une piste ... elle hoquetait incapable de se calmer. Ils nous sont tombés dessus ! On a rien vu venir ! On n'était que deux ! Le temps ... le temps que les renforts arrivent on a prit une sacré raclée ! Mon dieu Malik ... elle enfoui son visage dans ses mains. Jaimie ...

Elle ne pensait qu'à son petit frère. Se blottissant contre son meilleur ami, elle fixa le vide, jusqu'à ce qu'elle tente de serrer la couverture avec son poignet droit et elle sursauta en gémissant de douleur. Elle regarda son poignet qui commençait à virer au violet. Ca sembla la réveiller.

- Merde alors j'ai pris une sacrée raclée ... murmura t-elle d'un air ébahi.

Elle n'arrivait même pas à le croire.

J'avais lu dans la Gazette que les élèves de Poudlard, à la fin de l'année scolaire, n'étaient jamais rentrés chez eux. Que le train avait été détourné. Qu'ils se trouvaient on ne sait où avec on ne sait qui. Mais je n'avais pas tilté que le frère de Maëlyn se trouvait parmi eux.
Maë est dans tous ses états. Je ne la coupe pas, sentant bien qu'elle a besoin de tout déballer, de tout extérioriser. Je me contente de déposer une main ferme sur son genou, pour qu'elle sache que je suis là, que je l'écoute.
« Ils nous sont tombés dessus ! explique Maë. On a rien vu venir ! On n'était que deux ! Le temps... le temps que les renforts arrivent, on a pris une sacré raclée ! Mon dieu Malik... Jaimie...
— Hé, ça va aller, je suis sûr que Jaimie va bien, tout va bien se passer... » dis-je en la serrant contre moi, tentant en vain de la rassurer un peu.
Ces missions dont elle me parle, parfois. Des missions suicides, voilà ce que c'est. Il n'y a qu'à voir dans quel état est Maë en ce moment pour se rendre compte que deux personnes contre une armée entière, c'est de la folie furieuse. Mais je ne dis rien, je sais que Maë est catégorique à ce sujet. Et au fond, je comprends son point de vue. Si personne ne fait rien, comment cette histoire va-t-elle se régler ?
Je la lâche un moment et attrape un verre propre sur la table basse, verre que j'avais sorti en trop tout à l'heure en pensant que Zaid viendrait avec sa femme. Puis je le remplis au trois-quart avec une cruche d'eau bien fraîche. Quand je me retourne vers Maë pour lui tendre le verre, celle-ci gémit en remontant la couverture sur elle. Je jette un coup d'oeil à son poignet en même temps qu'elle. La blessure est moche, je grimace.
« Comment tu t'es fait ça ? Blessure magique ou mauvaise chute ? je demande en attrapant délicatement son coude et en regardant son poignet violacé de plus près, à la lueur d'une bougie. Si c'est une blessure magique, il faut qu'on aille à St-Mangouste, ça peut empirer... »

- Hé, ça va aller, je suis sûr que Jaimie va bien, tout va bien se passer..

Elle savait que Malik essayait de la rassurer, de l'apaiser. Elle le savait. Mais quelque chose au fond d'elle même, son instinct ou un mauvais pressentiment, lui disait que non, tout ne se passerait bien. Mais comment pouvait-on s'en prendre à des enfants ? Il fallait vraiment être un monstre sans coeur pour faire ça. Elle leur en voulait. Qu'ils s'en prennent aux adultes, passe, ils savaient se battre, savaient se défendre, mais des enfants ? Certains n'avait même pas douze ans ! Ils connaissaient à peine le monde de la magie, ils ne pourraient se défendre contre des mages noirs expérimentés. Elle ne répondit pas se contentant de relâcher toute la pression qu'elle avait gardé en elle. Quand elles étaient rentrés, Maddy avait fondu en larmes. Maëlyn l'avait serrée contre elle, hébétée comme si elle ne s'attendait pas à toute cette violence alors que ce n'était quand même pas sa première bataille. Mais celle là était tellement différente.

Malik lui tendit un verre d'eau fraîche. Mae' le regarda un instant, incapable de faire un geste ou de dire un mot, perdu dans un autre monde. Elle était en état de choc. Du moment où elle s'en rendit compte, elle secoua la tête et attrapa le verre le vidant d'un trait. L'eau froide lui remit les idées en place et elle sembla se réveiller de son état second. Mais quand elle voulu remettre la couverture en place sur ses épaules elle utilisa le mauvais poignet et gémit de douleur en baissant les yeux. Ce dernier était gonflé, violacé, et il était très douloureux.

- Comment tu t'es fait ça ? Blessure magique ou mauvaise chute ? Si c'est une blessure magique, il faut qu'on aille à St-Mangouste, ça peut empirer... fit Malik en attrapant son bras et en regardant sa blessure de plus près.
Maëlyn réfléchit un instant, fermant les yeux. Elle revit alors très précisément ce passage là et sursauta brusquement en ouvrant ses yeux bleus.
- Un mur. J'ai pris un expelliarmus et j'ai atterri sur un mur, répondit-elle en regardant son poignet de nouveau sous le choc.
Elle avait froid, elle avait mal. Elle n'arrivait pas à émerger. Et pourtant Merlin sait qu'elle se débattait avec elle même.
- J'suis désolée, murmura t-elle enfin en regardant son meilleur ami.