Ma très chère Eve,

Félicitations pour ton O en Métamorphoses, la nouvelle s'est répandue dans la famille comme une traînée de poudre, comme tu peux t'en douter, et tout le monde est très fier de toi. Grand-mère te fait par ailleurs savoir qu'elle a bien reçu ta liste d'ingrédients de potion, elle passera sur le Chemin de Traverse dans la semaine et te fera parvenir le tout au plus vite. Je t'écrivais pour savoir si tu allais mieux, depuis cet incident dont tu m'as parlé dans ta dernière lettre, et l'empoisonnement du soir d'Halloween. A-t-on trouvé les responsables ? Pour ma part tout va plutôt bien, ne t'inquiètes pas. Je termine mes premiers partiels, je suis fatiguée mais entière. Je pars en stage à partir de janvier prochain, à Sainte-Mangouste, auprès du Médicomage Jones, j'ai hâte, tu n'imagines même pas !

Il me tarde de te voir. J'ai enfin trouvé ton cadeau de Noël.

Affectueusement,

Ta Gary.




Il y a un changement de programme, je vais venir moi-même te déposer tes ingrédients de potion. Grand-mère n'a pas envie de charger trop lourdement Arnold, ce que tu comprends bien. Je crois savoir que tu as une sortie de prévue le samedi 14 décembre. Je t'attendrais aux Trois Balais, si jamais un chocolat chaud te dit !

Je te fais de gros bisous, à samedi !

Garance.




Avec un soupir de soulagement, Garance referma derrière elle la lourde porte d'entrée de l'établissement de Rosmerta, et retira sa cape trempée de neige qu'elle suspendit à la patère pour la laisser sécher. Se frictionnant énergiquement les bras, la jeune fille amorça alors quelques pas en direction du comptoir, qui comme de coutume était largement occupé : Garance parvint toutefois à effectuer une percée entre deux sorciers d'aspect jovial, et héla la tenancière des lieux.

Mais c'est le retour des héros, on dirait ! s'exclama la belle Rosmerta en reconnaissant Garance, laquelle était souvent venue aux Trois Balais avec ses amis, et avait donc un peu retenu l'attention de la propriétaire. Tout ça, c'était de la faute de Sirius et James, Gideon et Fabian aussi, d'ailleurs. Un soupir un peu mélancolique échappa à la jeune fille lorsqu'en un flash, elle se remémora toutes ces joyeuses après-midi passées au fond de la salle, à échanger des piques et des blagues, et à rire... Ses moments étaient gravés dans l'esprit de Garance, et revêtaient à présent un goût d'éternité. Bien sûr, ils étaient tous restés en contact, et pour la plupart se retrouvaient même tous les jours sur les bancs de l'université. Mais ils n'étaient plus à Poudlard, c'était différent.

Je vais prendre une Bièraubeurre, s'il te plaît Rosmerta, annonça Garance en sortant de la poche de son jean quelques noises, qu'elle posa en toute confiance sur le comptoir, je serais là-bas, annonça-t-elle en pointant du doigt l'ancien QG des Gryffondors de la promotion 1978, qui par miracle était vide.

Garance se glissa à la place qui était d'ordinaire la sienne quand elle sortait victorieuse de ses duels avec Sirius, qui certes était la plus éloignée de la cheminée, mais qui donnait sur la fenêtre. Au loin, on pouvait discerner Poudlard, qui se détachait par-dessus les toits de Pré-Au-Lard, et quand on tournait le dos à la fenêtre, on avait une vue d'ensemble sur toute la salle des Trois Balais.

Voilà pour toi ma belle, claironna Rosmerta en déposant en douceur une pinte sur la table de bois. La propriétaire nota avec perspicacité que le regard de Garance s'était porté sur les gravures artistiques dont la table était recouverte du fait des générations d'élèves qui étaient passées par ici.

Potter et Black, y'a deux ans de cela, indiqua joyeusement la tenancière en pointant du doigt un graffiti particulièrement élaboré qui représentait l'ancien Ministre de la Magie, Hardbull, affublé d'oreilles d'elfe de maison et d'un nez de gobelin, ils ont écopé d'un après-midi de plonge en représailles, pour l'exemple. Même si on ne peut pas nier la grande qualité du travail...

Un éclat de rire échappa à Garance, tandis que Rosmerta s'éclipsait gracieusement pour retourner à son comptoir. Elle se souvenait très bien de la scène pour y avoir été présente. Et encore, ça n'était qu'une des innombrables bêtises des Maraudeurs auxquelles elle avait assisté... Un sourire nostalgique vissé sur le visage, la jeune fille croisa les bras sur son pull de maille blanc, et plongea son regard dans la rue, dans l'attente d'Eve qui ne devrait à présent plus tard.





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Pour la troisième fois en dix minutes, Garance consulta le cadran de sa montre. Eve était en retard, cela ne lui ressemblait pas. Les rues du village étaient pourtant traversées par quelques élèves de Poudlard, preuve qu'ils avaient bien une permission de sortie. Ils n'étaient pourtant pas aussi nombreux que d'ordinaire, sans doute fallait-il mettre cela sur le compte du meurtre affreux qui avait eu lieu ici il y avait à peine quelques semaines de cela. L'ancienne Gryffondor ne connaissait pas la victime, une certaine Charlie à en croire les journaux, qui avait deux ans de moins qu'elle. Mais Eve, elle, l'avait forcément croisée, même si elle ne lui avait pas avoué la connaître particulièrement. Son meurtre était d'une cruauté telle qu'il touchait tout le monde, et sans doute était-ce pour cela que les élèves étaient moins nombreux que d'ordinaire à traîner ici, en particulier les Gryffondor, qui devaient abhorrer désormais la rue des Trois Balais.

Rosmerta. Comment allait-elle ? Garance se traita d'idiote, elle n'avait même pas pensé à la tenancière des lieux, dont l'établissement était désormais associé à ce drame et dont la réputation devait pâtir. Comme d'ordinaire, elle avait plaisanté avec elle, mais à présent elle s'en voulait de n'avoir même pas pensé à la souffrance que la belle tenancière devait subir. Sans y réfléchir, elle la chercha du regard, et la vit, souriante, derrière son comptoir, à bavarder avec ses clients en essuyant ses verres fraîchement lavés. Seulement, en y regardant de plus près, seule sa bouche riait, ses yeux, eux, restaient désespérément sérieux, tourmentés, tristes. Ses yeux... En un éclair, le regard de Garance se trouva attiré par celui qui, un peu à l'écart, avait les yeux rivés sur elle.

Garance se figea comme si on venait de la gifler. Que faisait-il ici, seul qui plus est ? Honteuse de s'être laissée aller à lui montrer sa surprise et peu soucieuse de prolonger cet échange muet, la jeune fille détourna son regard du beau visage de Raphaël Febvre et essaya de se concentrer sur la scène qui se jouait dans la rue. Cela faisait un an. Déjà. Ce constat, qui s'imposa à elle comme un couperet, la laissa surprise et songeuse. Qu'il s'en était passé, des choses, depuis qu'ils s'étaient embrassés au milieu des roses, à Paris, le soir du Nouvel An. Alix était morte, Garance avait obtenu son diplôme, s'était installée avec Elber, suivait des cours de Médicomage. Se construisait un avenir. Loin de Poudlard, elle avait facilement pu reprendre le cours de sa vie, comme si rien ne s'était jamais passé. Seuls ses rêves le rappelaient parfois à son bon souvenir, ce qui l'excédait particulièrement et la laissait profondément seule à son réveil, les doigts inconsciemment portés à ses lèvres... Ses lèvres qu'il avait effleuré avec tant de douceur...

Garance sentait ses pommettes la brûler, autant de contrariété que de gêne tandis qu'elle se remémorait bien malgré elle des bribes de leur étreinte, ses lèvres contre les siennes, ses mains sur ses hanches... Pour retrouver une contenance, et sentant que le visage de Raphaël était toujours tourné vers elle, la jeune fille porta sa chope de Bièraubeurre à ses lèvres, et avala une nouvelle gorgée. Elle y mit cependant tant d'enthousiasme qu'elle avala de travers, et reposa avec fracas sa chope sur la table pour se mettre à tousser allègrement. Quelle idiote !



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Garance, à l'agonie, décela un mouvement du côté du comptoir tandis qu'elle continuait de tousser, avant de plonger sous la table pour fouiller dans son sac, à la recherche d'un providentiel mouchoir. Et lorsqu'elle se redressa, Raphaël, était là, face à elle. La jeune fille se figea, l'expression de son visage oscillant entre une coupable curiosité et une haine cordialement affichée tandis qu'il posait sa chope en face de la sienne. Puis, le visage neutre et sans mot dire, il poussa vers elle une serviette de papier sur la table de bois. Après une courte hésitation, la jeune fille s'en empara sans daigner remercier son sauveur et s'essuya la commissures des lèvres avec une grande dignité. Sa crise de toux était maintenant passée : Raphaël pouvait s'en aller. Le problème était qu'il n'en avait manifestement pas la moindre envie, et pour le prouver (et sans même lui en avoir demandé l'autorisation), le Serpentard s'installa en face d'elle comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Estomaquée et vaguement indignée, Garance n'y trouva rien à redire. Pour qui se prenait ce type ?

Je t'en prie, assieds-toi, grommela-t-elle dans sa chope, vaguement consciente qu'elle devait avoir l'air ridicule à agir ainsi. Mais c'était plus fort qu'elle : elle n'allait tout de même pas l'accueillir à bras ouverts, si ? Seulement, elle ne voulait pas non plus qu'il parte, pas tout de suite. Elle était curieuse de voir ce qui l'avait poussé à venir la voir ainsi. Il était de ces hasards qu'il ne fallait pas brusquer, et manifestement croiser Raphaël Febvre seul, alors qu'elle était seule elle aussi et que rien n'indiquait qu'ils ne se recroiseraient jamais en était un. Garance se redressa et toisa Raphaël d'un regard impérieux, tandis que le jeune homme croisait les mains en l'ignorant superbement. L'ancienne Gryffondor se retint à grand peine de lui jeter le reste de sa chope au visage tant il pouvait l'agacer, à ce très exact instant. Et tant il était encore plus beau que dans ses souvenirs. Il ne fallait pas y penser, c'était mal. A présent, c'était sur elle qu'elle rêvait de renverser sa chope.

Je suis étonné de te croiser ici. Poudlard te manque tant que cela pour que tu y reviennes le weekend ?

Garance lança un regard soupçonneux au jeune homme, qui entreprenait de lui faire la conversation comme si de rien n'était. Au moins avait-il la bonne idée de ne pas paraître très à l'aise, et la jeune fille décela même une certaine appréhension chez lui, comme s’il avait peur de ce qu’elle pourrait lui répondre, ou ne pas lui répondre. Etrangement, ce constat lui fit plaisir.

C'est la première fois que je reviens, avoua-t-elle en trifouillant nerveusement sa chope, étrangement contrariée de lui confier cela. C’est en y revenant que… Tu réalises que ouais, si, ça te manque, quand même. Un peu.

C’était la vérité : il y avait maintenant près de six mois que sa nouvelle vie avait commencée, et l’euphorie de cette aventure était à peine retombée. Entre ses cours, sa colocation, les désordres de la vie courante et tous les autres, Garance n’avait pas eu le temps de repenser beaucoup à ses années d’élève à Poudlard. Le changement de décor y avait sans doute été pour quelque chose : à présent, en revenant, la jeune fille se souvenait de ses derniers mois au Château, où elle avait appris l’accident d’Alix, où elle avait vécu ses premiers mois sans elle… Elle ne pouvait pas se voiler la face, même si Poudlard resterait associé à l’un des plus grands chagrins de sa vie, le Château avait également été l’écrin de certaines de ses plus grandes joies. Et il en resterait ainsi.

Mes cours se passent bien, oui, répondit-elle simplement, peu soucieuse de développer sur le sujet.  C’était un mensonge, de toute façon. Garance n’assistait plus à la moitié de ses cours, plus occupée à soutenir sa colocataire Elber dont les parents et le petit frère, tous moldus, venaient d’être sauvagement assassinés par les Mangemorts. Son amie était dans un état déplorable, et ça n’était qu’après s’être assurée que quelqu’un restait à Londres pour veiller sur elle que la jeune Folkhart avait à contrecoeur consenti à la laisser pour rejoindre Eve… Eve, qui n’était toujours pas là.

Je… hésita-t-elle à ce propos en fronçant les sourcils, tu m’excuseras, mais en fait j’attends quelqu’un, lui notifia-t-elle poliment, pour l’encourager à s’en aller. Si jamais quelqu’un qu’elle connaissait la surprenait à boire une Bièraubeurre avec Raphaël Febvre…

Garance observait attentivement le jeune homme par-dessus sa chope, tandis qu'il blablatait à tout va d'une voix trop légère pour que cela soit naturel. Il était gêné, c'était évident, même pour elle, qui ne le connaissait que de loin. Que de loin, car depuis leur rapprochement, dirons-nous, de l'hiver dernier, l'ancienne Gryffondor avait trouvé nécessaire de le surveiller, afin de s'assurer qu'il tienne sa promesse. Et c'est en le surveillant jour après jour qu'elle avait commencé à comprendre comment le mystérieux jeune homme fonctionnait. Or, quand il n'avait rien à dire, Raphaël ne disait rien. Et quand il parlait, c'était d'une voix tout à fait égale, comme celle qu'il lui avait servi au début de leur rencontre, chez les de Talmon. Conclusion : soit depuis son départ de Poudlard le Serpentard s'était découvert une passion dévorante pour les discussions futiles, soit... Soit c'était une couverture.

Et plus Raphaël parlait, plus Garance était sur la défensive, progressivement convaincue qu'il s'apprêtait à lui jouer un vilain tour : après tout elle ne serait ni sa première victime, ni sans doute sa dernière. Sauf qu'elle n'avait pas du tout envie de se retrouver victime de quoi que ce soit, et ne se gênerait pas pour le lui signifier si d'aventure il voulait toutefois essayer. Peut-être que sa résolution à la faire boire n'était que la première étape du plan diabolique qu'il avait en tête ? Sauf que le temps qu'elle passa à essayer d'interpréter cette nouvelle frasque du garçon l'empêcha de protester, et c'est avec consternation qu'elle entendit Rosmerta lui répondre de l'autre côté de la salle que leur commande arrivait. Et intimement, Garance sentait que si elle ne refusait pas, alors Raphaël se mettrait peut-être dans la tête qu'elle était aisément manipulable. Et cela, par Merlin, n'arriverait pas !

Non mais à quoi tu joues au juste, tu peux m'expliquer ? lui murmura-t-elle d'une voix agressive en se penchant vers lui, les sourcils froncés et les yeux noirs. Je t'ai demandé de partir, pas de t'incruster. Car j'attends vraiment quelqu'un, figure-toi, et je n'ai pas spécialement envie qu'on nous trouve en compagnie l'un de l'autre, si tu vois ce que je veux dire.

Le propos était volontiers blessant et peu poli, car destiné à fissurer le masque de confiance et de gentillesse du beau Serpentard, plus déstabilisant que tout le reste. Garance ne parvenait pas à se concentrer quand il était doux de la sorte, et ne parvenait pas non plus à croire qu'il pouvait l'être le plus naturellement du monde. Son expérience de cet hiver lui avait donné raison, et il n'y avait sans doute aucune chance que cela ait changé depuis. Raphaël n'était pas gentil. Il imitait la gentillesse quand il voulait obtenir quelque chose de quelqu'un. Et Garance ne voulait rien lui donner.

Quant à ta galanterie, tu peux la réserver à une autre, lui signifia-t-elle toujours à voix basse tandis que Rosmerta s'approchait d'eux, une chope dans chaque main, je ne prendrais rien pour le moment, Rosmerta, et ce jeune homme s'en va. Nous sommes désolés.

Elle n'avait trouvé que cela pour le forcer à décamper, et ne trouvait pas cela très glorieux. Très Serpentard, à vrai dire. Mais Garance ne voulait pas s'embarrasser des formes, pas avec un tel oiseau de malheur : et en amour comme au combat, la fin justifiait les moyens, même les moins estimables.

S'il avait pu se frapper la tête contre les murs du pub, Raphaël ne s'en serait pas privé. En cet instant, le serpentard de septième année incarnait à merveille les pires noms d'oiseau imaginables à son encontre. Et visiblement, Garance avait parfaitement compris qu'il jouait au gentil garçon. Elle se pencha soudainement vers lui, la fragrance de son parfum enveloppant le jeune homme qui se retint d'esquisser un sourire. La belle était vraiment en colère et le lui fit rapidement et clairement comprendre. Raphaël glissa ses mains dans les poches de son manteau, prenant l'air nonchalant. Le bout de ses doigts toucha les deux enveloppes qui l'avaient mené à Garance. Il se garda bien de prendre un air faussement outré. Après tout, il n'était pas de ces mauvais comédiens hypocrites – quoique les dernières minutes venaient de démontrer un flagrant contraire... La suite fut tout aussi claquante et Raphaël n'eut pas un regard pour Madame Rosemerta qui repartit avec ses chopes, l'air penaud. Le Français décida qu'il était temps de tirer sa révérence. Il savait parfaitement que Garance serait en colère contre lui dans les minutes à venir et que, par conséquent, il occuperait la majeure partie de son esprit. Un sourire lui vint à l'évocation de cette pensée. Il se leva, zippa son blouson et enfonça ses mains dans les poches. Sans un mot pour Garance, il rejoignit la porte et, au moment de s'engouffrer dans l'air glacé de décembre, se retourna une dernière fois. « Tu verras Garance, je vais te manquer ». Un sourire se dessina sur le coin de sa bouche et il disparut dans les tourbillons de vent de l'avenue principale.

Le coeur battant à tout rompre, les narines frémissantes de rage, elle devait offrir un bien curieux spectacle ! Garance après sa diatribe enflammée n'avait pas quitté Raphaël des yeux, si ce n'est un quart de seconde lorsqu'elle s'était adressée à Rosmerta. Et à présent que celle-ci était repartie, l'ancienne Gryffondor n'était pas bien fière de la manière dont elle venait de s'adresser à la belle tenancière, et se promit d'aller s'excuser platement une fois qu'il aurait définitivement décampé. S'excuser... Et lui demander de se montrer discrète à propos de cet échange qu'elle venait d'avoir avec le Serpentard. De n'en parler à personne, et même de l'oublier. Comme si rien ne s'était jamais passé. La dernière chose que Garance voulait était bien de devenir la cible de quelques ragots désagréables à Poudlard, et même ailleurs ! Car même si la jeune fille savait bien que Rosmerta n'était pas du genre à colporter ce genre d'informations, personne n'était à l'abri d'une fuite involontaire au détour d'une conversation, et Garance tenait à faire savoir à Rosmerta qu'une telle perspective lui était bien désagréable.

Elle manqua de sursauter lorsque le jeune homme se leva et entreprit de se rhabiller sans mot dire, un sourire aux lèvres. Tremblante de contrariété, Garance résista à grand-peine à la tentation de lui demander ce qui pouvait bien l'amuser de la sorte, et préféra tourner résolument la tête vers la vitrine des Trois Balais pour  cacher les larmes de rage qui lui montaient aux yeux. Elle l'entendit une seconde encore le frottement de son blouson tandis qu'il s'agitait encore à côté d'elle, et soudain il ne fut plus là. C'en était fini, pour de bon cette fois-ci, du moins l'espérait-elle. Peut-être allait-il comprendre, et elle-même allait-elle finir par se convaincre, que rien, jamais...

Tu verras Garance, je vais te manquer, lui lança à cet instant l'impertinent derrière son dos, lui prouvant par la même occasion qu'il n'avait pas encore quitté les Trois Balais. Garance tressaillit comme s'il venait de la gifler et se retourna brusquement sur son siège pour lui faire savoir ce qu'elle en pensait, mais déjà Raphaël venait de claquer la porte de l'établissement sans rien ajouter. Elle se retourna de plus belle vers la vitrine à temps pour le voir s'éloigner à grands pas en direction de Poudlard, sans un regard en arrière. La jeune fille resta figée quelques instants, trop choquée pour esquisser le moindre geste. Comment osait-il ? Qu'avait-elle bien pu faire pour qu'il se mette dans la tête qu'une telle chose était possible ? Où avait-il vu qu'elle était aussi faible ? Qu'est-ce qui lui laissait croire qu'elle allait le regretter ? A dire vrai, c'était fort, après l'application qu'elle avait mis à le renvoyer d'où il venait. Vraiment, Garance ne comprenait pas sa démarche. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle avait besoin de partir d'ici, de prendre l'air. Et, oubliant complètement la raison pour laquelle elle était venue jusque Pré-Au-Lard, elle s'empara de ses affaires et quitta la taverne comme si sa vie en dépendait. Ce qui était un peu le cas, finalement.

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