Augustus avait pris une décision. Or, lorsqu'il prenait une décision, pas grand chose ne pouvait le faire changer d'avis. Voilà quelques semaines à présent que Edgar Blackstone lui avait demandé une chose qui prouvait à Rookwood l'estime que lui portait un des hommes les plus influents de Londres.

Il épouserait Daisy Blackstone, la fille aînée d'Egar. Augustus n'avait pas le souvenir de l'avoir vue. Blackstone parlait rarement de sa progéniture et Augustus avait tendance à ne s'occuper que de ce qui pouvait l'avantager. Jusqu'à présent, jamais la jeune Daisy ne lui avait parue propice à un quelconque avancement. Et pourtant... Elle était l'aînée. Augustus n'avait pas cette chance et vivait sous l'ombre de son grand frère. Épouser une héritière de l'envergure de Daisy Blackstone paraissait une bénédiction.

Bien-sûr, il y avait un mais. Il ne la connaissait pas du tout et savait dores et déjà qu'elle ne comblerait pas le trou béant laissé par le départ d'Eileen. Il avait toutefois vingt-six ans, et il était plus que temps qu'il songe à fonder une famille. Sa situation de célibataire faisait déjà assez de bruit dans la société Sang-pur.

Posté devant le miroir de la salle de bain de son appartement londonien, Augustus vérifiait une dernière fois sa tenue. Il avait maîtrisé les boucles de ses cheveux et revêtu un ensemble élégant d'un gris sombre. La chaîne dorée de sa montre à gousset dépassait d'une de ses poches. Satisfait de son apparence, il fila dans le salon pour s'envelopper dans sa cape et, vérifiant qu'il avait sa baguette, il transplana dans la propriété des Blackstone, atterrissant juste sur le perron.

Un elfe de maison vint aussitôt lui ouvrir et annonça son arrivée à Blackstone et sa femme. Rookwood était pile à l'heure, sachant pertinemment que cette ponctualité ravirait Edgar. Ils se serrèrent chaleureusement la main avant de se diriger vers le petit salon, une pièce intime et confortable, utilisée pour les invités de choix.

Bien que son visage affichât l'amabilité et l'aisance caractéristique du Langue-de-Plomb,il ne put s'empêcher un serrement de cœur lorsque Blackstone posa la main sur la poignée. Augustus allait découvrir le visage de sa future épouse et, même s'il n'avait rien à craindre, il sentit une montée d'angoisse.
Le lourd battant de bois s'ouvrit sur une pièce éclairée et ordonnée. Rookwood reconnut de suite la bibliothèque et les bibelots qu'il avait déjà vus maintes fois. Enfin, il s'autorisa à poser les yeux sur la seule personne présente dans la pièce.

Daisy Blackstone.
Elle était blonde comme les blés et son regard bleu semblait être tranchant. C'était une belle figure, accompagnée d'une posture élégante et raffinée. Le seul problème était que la future épouse du Mangemort n'était encore qu'une enfant. Et, à vue d’œil, elle était même plus jeune que Morag. Cette prise de conscience ne l'empêcha pas de sourire poliment. Il attendit que Edgar les présente l'un à l'autre pour s'avancer vers la jeune fille pour lui saisir la main droite sur laquelle il déposa un baiser .

▬ Miss Blackstone, salua Augustus, je suis ravi de vous rencontrer.

Le Mangemort savait jouer un rôle. Il avait beau avoir le sentiment que Blackstone lui avait fait un mauvais tour, Augustus faisait comme si tout allait bien. Il n'était pas le premier à devoir épouser quelqu'un de bien plus jeune que lui et n'avait pas à se plaindre.
Mrs Blackstone commanda un thé pour tout le monde, qui arriva dans les quelques secondes qui suivirent, accompagné de petits biscuits secs. Augustus prit place dans un fauteuil, faisant face aux époux Blackstone. Ces derniers commentèrent la plus-value d'une telle union, soulignant que les deux familles, bien qu'amies depuis des générations, n'avaient jamais pensé à consolider leur alliance par un mariage. De temps à autre, Rookwood glissait un regard vers sa promise, scrutant sa posture pour deviner si elle était du même avis que ses parents.
Enfin, Edgar et sa femme se levèrent, indiquant à Augustus et Daisy qu'ils avaient la possibilité de rester seuls pour faire connaissance. Quelques secondes plus tard, ils avaient quitté la pièce. Sa tasse de thé encore pleine entre les mains, Rookwood tourna son visage vers la jeune fille.

▬ Bien, Miss Blackstone, je présume que vous êtes encore à Poudlard, n'est-ce pas ? En quelle année êtes-vous ?

Il était réellement curieux de le savoir et encore plus de connaître le timbre de sa voix, ses manières. Se tiendrait-elle aussi sagement sans la présence de ses géniteurs ?

Spoiler:

Le départ des parents Blackstone ne parut pas provoquer de changement chez la jeune Daisy qui, sa tasse de thé entre les mains, répondait sans broncher à Rookwood. Ce dernier nota toutefois que les réponses étaient lapidaires. Il lui accorda un temps durant lequel elle l'observa. A vrai dire, il en faisait de même, jaugea la couleur de ses cheveux, l'arrondit de sa bouche, la délicatesse de son cou, mais il avait le mérite d'être bien plus discret. Enfin, elle lui posa à son tour une question.

▬ Je suis bien plus âgé que vous, dit-il simplement en la regardant avec franchise. J'ai vingt-six ans.

Là encore, il lui laissa le temps de digérer la nouvelle. Augustus était conscient de cette grande différence d'âge - d'ailleurs, lui-même ne savait pas trop comment réagir. Il avait devant lui sa future épouse, la mère de ses enfants, et celle-ci en était encore une. Elle était belle, évidemment, et ne laissait pas de doute concernant la qualité de son rang, mais à vrai dire, il n'avait pas prévu cela. Cinquième année... Est-ce qu'il y songeait déjà, à se marier, quand lui-même avait son âge ?

▬ Je travaille au Ministère, au Département des Mystères. Je suis Langue-de-Plomb - je suppose que vous en avez déjà entendu parler. C'est pourquoi je connais Mr Blackstone, il nous arrive de travailler ensemble.

Il but une lampée de thé avant de se tourner de nouveau vers Daisy Blackstone qui lui apparut soudain comme une poupée posée sur un canapé élégant. Augustus trouva soudainement la pièce étouffante : trop petite, trop chargée de bibelots anciens... Il reposa sa tasse sur le guéridon.
▬ Miss Blackstone, que diriez-vous d'une promenade dans votre jardin pour faire connaissance ?

Il s'était levé et, déjà, lui tendait la main pour l'inviter à se lever.
▬ Vous pourrez me dire quelles matières vous plaisent le plus à Poudlard.

Augustus jouait la carte de la sympathie et de la chaleur, voulant absolument mettre sa promise à l'aise.

La jeune Blackstone accepta l'invitation à la promenade et prit la main qu'il lui tendait. Alors qu'ils traversaient le rez-de-chaussée, Augustus nota la splendeur de la demeure et se surprit à penser qu'il ne pourrait rivaliser. Il possédait une petite fortune, et, si elle suffirait amplement à l'achat d'une petite propriété confortable, elle ne lui permettrait jamais d'acquérir un manoir de ce genre. De plus, une grande partie de la fortune de Rookwood consistait en des toiles, des sculptures et manuscrits précieux dont il ne se séparerait pour rien au monde. Daisy Blackstone avait-elle conscience qu'elle ne vivrait pas dans un palace ?

Ils parvinrent dehors. L'air froid les enveloppa aussitôt, mais le pâle soleil hivernal réchauffait le petit parc qui environnait la maison des Blackstone. Même si le jardin hibernait, Augustus devait reconnaitre que la disposition des plantes, la courbure des arbres et le lierre qui cascadait le long de la façade témoignait d'un sens de l'harmonie. Des pas japonais traçaient dans le gazon des chemins qui circulaient parmi les plates-bandes. Tous deux suivirent donc naturellement le sentier qui se trouvait devant eux. Daisy, d'une voix calme et scintillante, faisait la liste des matières qu'elle aimait à Poudlard. Attentif - car Rookwood était désireux de retenir chaque détail possible sur sa future femme - il hochait par moment la tête quand elle lui expliquait ses choix.

▬ J'aime aussi beaucoup le quidditch, renchérit-il alors qu'elle abordait le sujet, il m'arrive très régulièrement de me rendre à des matchs de quidditch. Le dernier en date opposait les Brésiliens et les Polonais. Ils nous ont offert une très grande qualité de jeu.

Augustus revoyait encore la figure de Raul Llosa quand ce dernier, tout évitant un cognard, était parvenu à marquer. Il sourit quand il l'entendit parler de la vie peu exaltante de Poudlard. Au fond, bien que toujours un peu dérangé par la jeunesse de sa future compagne, Augustus appréciait son entrain et ses efforts pour nourrir la conversation. C'était tout à son honneur.

▬ Détrompez-vous, chère Daisy, reprit-il, Pouldard est un lieu de vie incroyable. Vous avez à votre disposition les meilleurs professeurs qui puissent exister. Et puis le Collège regorge de secrets inimaginables.

Ils tournèrent devant la statue de Perséphone et arrivèrent devant un petit étang.
▬ Bien-sûr, continua le Langue-de-Plomb, le Ministère est aussi un endroit très dynamique, avec beaucoup de secrets.

Augustus était d'ailleurs passé maître dans l'art de découvrir des secrets, mais il ne le dit pas à Daisy et poursuivit :
▬ En fait, ce n'est pas parce que les choses ne bougent pas qu'elles ne changent pas. J'en ai la preuve tous les jours aux Mystères... Êtes-vous déjà allée au Ministère ?

Ils s'étaient arrêtés quelques instants devant l'étang pour regarder les quelques nénuphars qui flottaient à la surface de l'eau.
▬ À ce propos, savez-vous ce que vous allez faire après les ASPICs ?

Augustus était certes conservateur, mais il ne voyait aucune objection à ce que son épouse entreprît des études et eût un travail.

Spoiler:

Sortir se promener avait été une bonne idée. Augustus prétendait que la fréquentation d'un lieu que la nature avait investi permettait d'avoir des discussions moins guindées. D'ailleurs, ce que l'on rencontrait en marchant pouvait toujours nourrir une conversation qui menaçait de s'éteindre. À côté de lui, Miss Daisy semblait se détendre. C'était l'effet Augustus, qui savait mettre les gens à l'aise. C'est ainsi qu'il parvenait à obtenir des informations sur les gens qui, s'ouvrant à lui, véhiculaient des rumeurs qu'Augustus vérifiait après coup.
▬ Je n'y ai pas encore vraiment réfléchi, hésita l'aînée Blackstone quand il fut question de son avenir. J'ai été élevée pour être épouse..... M'autoriseriez-vous à avoir une activité ?

Le Langue-de-Plomb sourit devant cette demande bien naturelle de vouloir disposer de sa vie. Le sujet était important et Rookwood savait d'avance que sa réponse s'opposerait aux valeurs d'Edgar Blackstone. Toutefois, la jeune fille posa presque aussitôt une autre question :
▬ J'ai entendu dire que les meilleurs élèves étaient repérés dans le plus grand secret dès la 7eme année pour intégrer les rangs des Langues-de-Plomb.

Levant la main, il caressa l'écorce rugueuse d'un châtaigner attenant à l'étang.
▬ Pour moi, le travail est une valeur. L'humain selon moi est un être dont les capacités sont infinies, ou presque. Cela ne sert à rien de vivre si on ne remplit pas sa vie, si l'on ne construit pas sa vie.

Certes, fonder une famille était constructif. Seulement, Augustus savait que chacun devait se réaliser à travers un projet qui ne concernait que lui. Il regarda sa promise et ajouta :
▬ Je gagne suffisamment bien ma vie, mais je ne suis pas riche. Pas autant que votre père, loin de là. J'ai de quoi disposer de mon salaire comme je l'entends, mais cela vous suffirait-il, ma chère Daisy ? Vos goûts et vos choix ne seront pas forcément les miens.

Eileen, par ailleurs, travaillait. N'était-ce pas un soulagement de se dire que sa femme ne dépendait pas entièrement de lui ?
▬ Alors oui, je vous encourage à faire des études, si cela vous sied, et à travailler.

Il se passa une main dans ses boucles puis se décida à répondre à la seconde question de Daisy :
▬ Il est vrai que j'ai eu de très bons résultats aux ASPICs, avoua Augustus en observant la surface de l'étang. J'ai toujours été un élève intéressé. Les cours ne me suffisaient pas, à vrai dire. Je passais mon temps à la bibliothèque et, à chaque fois que cela m'était possible, dans la réserve. Je crois avoir toujours voulu travailler aux Mystères.

Aujourd'hui, il faisait partie de ceux qui recrutaient les élèves dès leur septième année et qui s'occupaient de leur formation. Cela lui donnait beaucoup de travail, mais il aimait beaucoup guider les étudiants, les voir tâtonner, se tromper, et progresser. Depuis le temps qu'il faisait cela, il avait la sensation d'avoir appris beaucoup sur lui et sur les humains.
▬ Je me ferai une joie de vous recruter, termina Rookwood avec humour.

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Du coin de l’œil, Augustus sondait le visage de la jeune Blackstone, tentant d'y lire les effets de ses paroles sur le travail des femmes mariées. Il ne pût s'empêcher d'avoir un petit sourire en coin en voyant que sa promise avait l'air pantoise et ne savait que répondre. Elle devait sûrement être surprise de sa réponse et de sa philosophie. Pourvu qu'elle n'en parlât pas de sitôt à son père, qui risquait de rompre les fiançailles.
Mais au fond, songea alors Augustus, cela ne l'arrangerait-il pas ?
Le mariage n'était certes pas prévu avant quelques années et Daisy avait amplement le temps de devenir une femme - lui-même avait le champ libre pour mieux oublier Eileen. Toutefois, Augustus, qui avait beau être un sacré pervers quand sa folie le prenait, avait du mal à se voir remplir tous ses devoirs d'époux avec Daisy. Elle était si jeune... et lui tellement vieux à côté d'elle.

Près de lui, la jeune fille reprit la parole, le détournant de ses angoissantes pensées :
▬ Je ne suis pas sûre d'obtenir des résultats suffisants... Et puis si vous me recrutez, faites le avant de m'épouser …. on risquerait de nous accuser de favoritisme .
Son visage s'éclaira d'un sourire malicieux et le Langue-de-Plomb nota que ses yeux gagnaient en intensité tandis qu'elle se livrait à cette boutade. Il ne parvint pas à s'empêcher de rire et sa gaieté s'entendit dans le parc qui lui renvoya quelques échos.
▬ Vous avez raison, Miss Blackstone, et ce serait-là bien mal démarrer notre vie maritale.

La plaisanterie de sa fiancée le rassura un peu. Il avait beau ne pas l'aimer - il avait suffisamment connu les tourments de l'amour pour le savoir - il avait le sentiment, l'intuition, que son mariage avec Daisy Blackstone ne serait pas forcément une mauvaise chose. S'ils parvenaient à dépasser leur différence d'âge, ils pourraient même former un de ces couples qui tenaient la route. Après tout, il n'y avait rien de pire que d'être obligé de passer le reste de sa vie avec quelqu'un que l'on haïssait.

▬ Retournons au Manoir, proposa le jeune homme en esquissant quelques pas vers là d'où ils venaient, il commence à faire froid.
Ils reprirent le chemin qu'ils avaient emprunté à l'aller et Augustus se décida à poser la question qui lui brûlait les lèvres - bien qu'il affichât un parfait détachement :
▬ J'espère que vous n'êtes pas déçue par celui qui vous servira d'époux, ma chère Daisy.

Autant être fixé de suite, non ?

Il prêtait le flanc aux coups de bâton, il le savait. Toutefois, Rookwood considérait la prise de risque minime, sachant que la première rencontre entre lui et Daisy Blackstone se déroulait plutôt bien et qu'il était loin de la trouver désagréable. Il sentait que c'était également ce que pensait sa... fiancée.

▬ Passée la différence d'âge, je suis agréablement surprise, répondit cette dernière.
Augustus inclina la tête, acceptant la remarque - il l'avait vu venir. Daisy, cependant, n'argumenta pas davantage et il dut se contenter de cette unique affirmation. Qu'attendait-il ? Qu'elle lui annonçât qu'elle ne pouvait rêver mieux ? Le penser aurait été présomptueux.
Elle lui renvoya alors la balle. Le jeune homme inspira, comme pour prendre son élan :

▬ Rassurez-vous, je suis tout à fait d'accord avec vous concernant la différence d'âge. Mais il y a pire, sachez-le ! En tout cas, pour l'instant, je suis ravi d'avoir fait votre connaissance, Daisy. Vous savez converser en toute subtilité et vous êtes raffinée. Vous promettez de faire une parfaite épouse !

De son point de vue, il lui semblait qu'il prenait le ton de quand il formait les jeunes Langues-de-Plomb : toujours valorisant. Il s'en voulut, encore une fois, de ne considérer que sa jeunesse. Cette fille, à qui il parlait comme un maître d'école s'adresserait à son élève, était sa future épouse. C'était troublant, même pour un homme aussi tordu que Augustus Rookwood.

Comme ils arrivaient au porche qui faisait office de jardin d'hiver avec des plantes grasses et des statues en marbre et en granit, Augustus s'effaça pour laisser la jeune fille entrer. Des sièges et des canapés moelleux invitaient qui voulait à s'y asseoir pour regarder une petite fontaine glouglouter dans un coin. Charmant.
▬ J'ai apprécié cette rencontre, vraiment, ajouta-t-il. J'ai hâte d'apprendre à davantage vous connaître.

C'était vrai. Augustus étant quelqu'un de curieux, il était naturellement toujours volontaire pour découvrir la personnalité et les goûts d'une personne. Pas d'exception pour la jeune Daisy. Ils revinrent dans le petit salon, où les attendaient Edgar et sa femme. Le thé avait refroidi mais était encore tiède dans les tasses. La chaleur de la maison fit naître des fourmis dans les doigts d'Augustus.

Il resta encore quelque temps, pour finir son thé et discuter du Ministère avec Edgar tandis que les femmes les écoutaient. Puis il songea à partir et, se drapant dans sa cape, salua tout le monde avec chaleur.
▬ Miss Daisy, fit-il avant de déposer un baiser sur le haut de sa main, au plaisir.

Edgar le raccompagna devant la porte et Augustus transplana comme il était arrivé.

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