Il l'avait vue dès qu'il était entré dans la salle de réunion. Son parfum avait inondé ses narines et il était resté sur le pas de la porte, submergé par ses émotions. Son visage était resté placide, mais ses yeux, parcourant les sièges, eurent tôt fait de localiser la jeune femme qui était si importante pour Augustus, même après tout ce temps et tout cette rancœur.
Il s'était assis doucement à quelques rangées de chaises devant elle, et s'était mis à discuter avec une connaissance à propos de la dernière baguette qu'avait fabriquée Ollivander. Ce dernier aurait découvert une nouvelle propriété de l'écorce de sorbier qui, mêlée à un crin d'une jeune licorne, rendait particulièrement faciles les sortilèges de défense. Écoutant attentivement les précisions de son acolyte, Augustus tournait régulièrement les yeux vers la jeune femme, observant la courbe de son cou et étudiant la façon dont la lumière se reflétait sur la blancheur de sa peau. Elle avait forcément vu qu'il était là mais n'avait pas levé les yeux vers lui.

"Nous pensions que votre idylle ne passerait pas le cap des quatre mois, à vrai dire..."

Malgré son apparence tranquille et ses gestes maitrisés, Augustus avait envie de bondir de son siège. Il ressentait cela à chaque fois que Eileen se trouvait dans les parages. Un mélange de colère, de dégoût et de tristesse. Il se sentait oppressé et ne savait pas vraiment si la colère qu'il avait en lui était dirigée contre Eileen Rowle, contre ses parents, ou contre lui-même. Augustus s'était quand même barré de l'appartement quand ses « beaux-parents » étaient venus le déloger comme un malpropre. Il avait le sentiment d'avoir abandonné la partie sans s'être battu, sans avoir lutté.

"Eileen est promise à un autre... Oh, à voir votre tête, j'imagine qu'elle ne vous a rien dit... Nous sommes navrés, vraiment... "

Les paroles de Mr et Mrs Rowle lui revenaient en tête tandis que la réunion débutait. Augustus n'écouta pas, même si sa main prenait mécaniquement des notes sur l'organisation ministérielle de la saison estivale. Son esprit vagabondait vers celle qu'il avait tant aimée – et qu'il aimait toujours, malgré lui et malgré son mensonge. D'habitude, ils se croisaient, s'échangeaient un salut et repartaient chacun de son côté. Cette fois-ci, la promiscuité que leur offrait la situation rendait la chose intenable. La graphie de Rookwood, d'habitude soignée et régulière, était chaotique et sa plume crissait plus que de raison sur le parchemin.

"Mais, pour tout vous dire, nous n'aurions jamais accepté l'alliance de notre famille avec quelqu'un porteur d'une malédiction."

Malédiction... Sa belle-sœur avait eu deux filles, en avait abandonné une, et vivait toujours très bien. N'empêche, ce reproche était resté en travers de la gorge du Langue-de-Plomb. Il était parti sans demander son reste, plus blessé que personne ne l'avait jamais été. Il n'avait rien expliqué à Eileen, par fierté, et parce qu'il lui en voulait.
Il lui en voulait toujours. Il savait, en plus, qu'elle était la maîtresse de Rodolphus Lestrange. Augustus ne supportait pas l'idée qu'un autre puisse la toucher.
La fin de la réunion arriva après un temps interminable mais, au lieu de se jeter hors de la pièce comme son instinct le poussait à faire, il laissa le flot de la foule quitter la pièce tandis qu'il nouait ses lacets de cuir. Pourquoi restait-il traîner ? Parce que Rookwood refusait de laisser penser à Eileen qu'il n'était pas capable de lui faire face. Puis il se leva et fit quelques pas vers la sortie.

▬ Augustus, il faut qu'on parle.

Sa voix semblait une mélodie qu'il avait oubliée et qui revenait brusquement à son esprit. Il se tourna vers elle, lentement, en retenant son souffle.
▬ Après tout ce temps, rétorqua-t-il, un brin agressif. Crois-tu que cela en vaille la peine ?

"Nous avons toujours pensé que notre fille ne vous méritait pas."

Augustus savait que son aigreur venait du fait que sa blessure saignait encore....

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