Daisy ne répondit pas à sa première question. Ce qu'elle voulait ? Que tout redevienne comme avant, tiens. La cinquième année avait toujours détesté le changement, le déséquilibre juste avant était beaucoup trop déstabilisant. Elle préférait de loin détester quelqu'un pour ce qu'elle pensait qu'il était dans son esprit étriqué. Belle qualité qui lui venait de ses deux parents … - Est-ce vraiment ce que tu veux ? En es-tu sûre, Daisy ? Elle encaissa ses remarques comme elle encaissait celle de son père, raide et digne, mais prête à s'effondrer.
- Tu n'arrives même pas à admettre la vérité, par simple fierté ou par peur, je ne sais pas. Te ferais-je peur, Daisy Blackstone ? Moran lui faire peur ? Mais pas du tout il était loin du compte, mais ne disait-il pas cela pour la provoquer un peu plus et la pousser dans ses retranchements ? Daisy était parfaitement perdue. Les paroles et le visage de Powell lui envoyaient des signaux contradictoires qu'elle n'arrivait plus à analyser.
- Tu veux m'ignorer pour ne plus me voir analysais-je en me passant une main sur le visage, peut-être est-ce aussi pour oublier la vérité, n'est-ce pas ? Mais si c'est que tu veux Daisy, je ne te harcèlerai pas pour autant. Je t'apprécie au moins, si ce n'est plus… La vérité mais de quelle vérité parlait-il ? Quelle vérité croyait-il détenir de plus ? Il se prenait pour un Legilimens tout à coup ? Pensant lire en elle comme un livre ouvert .. Comment pouvait-il savoir ce qu'elle ressentait alors qu'elle-même l'ignorait ?
De nouveau sa langue fourcha. Daisy n'y comprenait plus rien et elle se pinça le bras si fort qu'elle grimaça.  C'était bien réel .. Daisy se demanda s'il n'avait pas pris de l'amortentia pour avouer quelque chose d'aussi gros. Où bien était-ce là une ultime provocation ? Son air était tellement sérieux et sincère. Tout se mélangeait dans sa tête.
- Et au moins, les sentiments de l'un sont clairs, ou commencent à l'être... Tu ne veux plus me voir, soit. Mais tu peux rêver pour que je t'ignore comme tu le feras. Daisy connaissait beaucoup d'émotions... Elle connaissait parfaitement la peur, l'humiliation, la soumission, le mépris et la tristesse. Ses parents lui avaient transmises, de gré ou non. Avec Orchid, Lilac et Camélia, elle avait découvert l'amour fraternel et la dévotion et parfois l'impuissance. Mais ce qui se passait aujourd'hui était différent. Cette palette de sentiment lui était jusqu'alors totalement inconnue. Comme les petits enfants qui découvraient une nouvelle émotion, elle était incapable de la reconnaître et encore moins capable de la gérer. Frustrée, Daisy sentit monter la colère en elle et finit par exploser :

- De quels sentiments parles-tu ? Rien n'est clair, tu dis une chose et tu en penses une autre ! Tu me regardes avec ton air moqueur et tu dis que tu m'apprécies ?

Daisy déversa son flot de parole avec une telle sincérité qu'elle se surprit elle-même. Même si elle aurait souhaité s'arrêter le barrage s'était ouvert, tant pis pour lui, il l'avait cherché ! Elle pointa son doigt vers lui, plein d'amertume pour le faire reculer.

- Mais qu'est-ce que tu crois ? Que c'est la fin de la guerre et qu'on va se tomber dans les bras tant qu'on y est ? Je ne sais pas ce qui est en train de se passer dans ta petite tête, et encore moins dans la mienne !! Il est tard on est fatigués ! Et oui, je vais t'ignorer, parce que ça me laissera le temps de mettre mes idées au clair !! Et tu devrais faire de même !!!! On a besoin d'air.. ; J'étouffe !!!
Cette conversation ne menait à rien.. autant l'interrompre pour de bon !

Impossible de fuir lorsqu'il lui barra le chemin qui la mènerait vers la liberté, elle était prise au piège et voyait bien qu'il ne la laissera pas partir tant qu'il ne lui aurait pas dit ce qu'il avait sur le cœur.
Et voilà qu'il se prenait pour le Docteur Freudus ^^ en livrant son analyse aussi fine soit elle. Pourquoi t'énerver si je ne te touchais pas vraiment ? L'évidence la toucha de plein fouet et cela l'agaça davantage. Au fond il avait raison sur un point, c'était que tout ce qu'il était en train de dire la touchait... et cela la rendait vulnérable... Cette idée lui était tout à fait intolérable et elle se réfugia d'autant plus dans cette colère et cette frustration exacerbée. Il continua sa tirade en souriant ce qui avait le don de la mettre hors d'elle. La tension dans son corps était telle qu'elle serra les dents pour la contenir. Moran évoqua le huis clos du château et le cas Severus Rogue pour aborder finalement la question du vocabulaire. Bien sur qu'elle connaissait le mot apprécier. Brionan, Niclas, Fluvia, Théo, ses sœurs et même son petit Thomas, étaient ses amis.. Mais il y avait bien pour elle une grande distinction entre cette catégorie et ceux qu'elle n'aimait pas. Comment pouvait-on se retrouver dans les deux. Cela la dépassait. Un peu sidérée, elle ne put pas vraiment rétorquer car après avoir reprit son souffle, il recommença de plus belle.
ENFIN il s'écarta pour la laisser passer, lui indiquant la sortie et conclut son monologue. Il voulait le dernier mot ? Et bien il l'avait. Daisy était bien trop en rage pour lui faire face et par dessus tout elle savait très bien qu'au fond il avait raison.. Les choses avaient au moins le mérite d'avoir été dites... Elle lui lança un regard hargneux et monta dans son dortoir d'un pas décidé. Elle se faufila dans son lit et rabattit le drap sur sa tête. Les larmes au bord des yeux, Daisy rumina, puis ressassa tout ce qui avait été dit. Le cerveau et le corps en ébullition, elle s'endormit finalement d'épuisement après deux heures d'intense réflexion. Elle se réveillerait probablement d'une humeur massacrante, mais bientôt les vacances arriveraient et elle n'aurait plus à l'éviter.... ou pas ….