Les chroniques de Blankensee
20 Avril 1936 - 7 ans« Hans, habille toi bien ! Hans, où est ta veste ? »Johanna Rozen était dans un état d'agitation. La jeune mère de famille de vingt-cinq ans avait l'impression de devoir courir partout dans le manoir familial tantôt pour chercher une veste, tantôt pour remettre la tétine à la petite dernière. Hans, assis sur le sol de l'entrée essayait tant bien que mal de faire ses lacets de ses petites chaussures qu'il mettait pour les grandes occasions.
« Mama ! Mama ! J'arrive pas à faire mes lacets, ils veulent pas ! »Oui, ce jour là était une grande occasion. Chaque citoyen allemand se devait de fêter l'anniversaire du Führer comme il se devait. Ainsi, Adam Rozen, le grand-père d'Hans, s'était personnellement chargé d'accrocher le drapeau national à l'entrée du manoir bien que personne n'osait s'aventurer là-bas à Blankensee, autant à l'écart du reste du village. Ce soir là se tenait un grand autodafé sur la place. Johanna aida son fils aîné à faire ses lacets.
« Mama, pourquoi on doit fêter l'anniversaire du Führer ? »« Tu comprendras quand tu seras plus grand. »« Mais je suis grand ! »« Non, tu ne sais pas lacer tes chaussures. »« Bitte ! »Johanna soupira.
« On doit fêter l'anniversaire d'Hitler parce que c'est obligatoire. »« Pourquoi ? Pourquoi il dit qu'on doit pas être amis avec les juifs ? »« Parce que c'est un méchant monsieur. »« J'aime pas Hitler. »Sa mère le prit par le visage et le força à la regarder dans les yeux.
« Ne dis jamais ça en public. Tu me le promets ? »Hans, voyant l'air sérieux dans le regard de sa mère, se contenta d'hocher la tête.
3 janvier 1938 - 8 ansC'était l'heure d'aller à l'école. L'ensemble des enfants marchaient sous la neige en direction de l'école. Ce jour là, Hans décida de faire un détour. Il monta alors sur les marches du perron d'une maison à la devanture en béton. Il toqua à la porte. Une femme à l'air acariâtre vint alors lui ouvrir.
« Qu'est-ce que tu fais là, Rozen ? »« Je viens chercher votre fille Madame Schlider. Je l'ai vu arrivée hier dans une voiture. »« Personne ne peut se mêler de ses affaires ici. » marmonna la femme en regardant vers son intérieur.
« Gerda ! Dépêche de finir ta soupe ! »Elle referma ensuite la porte au nez d'Hans après un regard méfiant qui s'assit sur les marches du perron en attendant la jeune fille qui ne tarda pas à sortir de la maison. Il se releva aussitôt. Il lui tendit alors la main.
« Salut, moi c'est Hans. Ravi de faire ta connaissance Gerda. »Gerda ignora tout simplement la main tendue du garçon et le contourna. Ce dernier la suivit, sans avoir l'air offusqué de cette ignorance manifeste.
« Je me suis dit que comme t'étais nouvelle, t'aurais voulu avoir un ami. » dit-il en marchant à côté d'elle.
« T'es pas bavarde. »« Je ne veux pas me faire d'amis. »« Trop tard ! Tu es déjà la mienne. » déclara Hans avec un sourire fier.
« Certainement pas. »« Tu veux parier ? Je te parie même que dans quelques années, on se mariera ! »« Compte pas sur ça, saukerl ! » répondit Gerda, souriant un peu malgré elle.
1er Septembre 1939 - 10 ansUn groupe de garçons, dont Hans, jouait au ballon dans la rue. Gerda jouait avec eux. C'était une après-midi paisible juste avant la rentrée des classes. Tout à coup, la partie fut interrompu par un garçon arrivant en trombe sur son vélo avec les nouvelles du jour.
« Nous sommes en guerre ! L'Angleterre nous a déclaré la guerre ! » hurla-t-il avec enthousiasme en montrant la première de couverture après être descendu de son vélo.
Les jeunes gens s'attroupèrent alors autour du morceau de papier. L'ensemble des personnes présentes semblaient enthousiastes sauf Hans et Gerda qui se dévisagèrent, interdits. La nouvelle n'avait pas tardé à faire le tour du village.
Le soir même, autour de la table des Rozen, l'heure n'était pas aux réjouissances. Les parents d'Hans étaient inquiets. Cette guerre n'annonçait rien de bon.
« Hans ne pourra pas aller à Poudlard l'année prochaine, c'est sûr ! On n'acceptera jamais un élève allemand avec cette guerre. » s'inquiéta Johanna.
« Poudlard, Poudlard ! Toujours Poudlard ! Il peut très bien s'en sortir sans. Une scolarisation à la maison ou à Durmstrang fera parfaitement l'affaire. Ne t'inquiète pas Johanna. » dit Adam, le grand-père.
« Père, on ne peut pas l'envoyer à Durmstrang, je ne l'accepterais pas. En plus, il ne parle pas un mot de langue slave. J'enverrais un hibou à la directrice, voir ce que l'on peut faire pour ce fâcheux problème. Ça fait des siècles que les Rozen vont dans cette école. Ils savent très bien qu'on n'a rien avoir avec cette guerre. Nous nous sommes retirés de la politique ! » intervint Friedrich, le père de famille.
« Tu sais très bien que c'est faux, Friedrich. Nous avons été contraints de nous retirer. Et cela ne saurait pas arrivé si tu avais su faire les bons choix ! »« De quels choix voulez-vous parler ? »« Tu es bien le fils de ta mère ! »A SUIVRE...