La vue sous-marine me rappelle la salle commune de Serpentard. A travers les vitres, on peut voir les poissons nager dans l'océan tout comme on peut voir ceux du Lac Noir. Demain, je rentre à Londres pour ensuite aller en Allemagne, dans le manoir familial. Mon grand-père est mourant, ce n'est plus qu'une question de jours avant qu'il rende l'âme. Ça fait déjà deux semaines que mes parents sont là-bas pour commencer à régler toutes les questions administratives. J'aurais voulu être là dès le début pour les démarches auprès des pompes funèbres.
La salle est vide, à cette heure-ci. Assis sur un canapé, je regarde les poissons, sirotant lentement une bièraubeurre. C'est alors que j'entends quelqu'un entrer. Je me tourne vers l'entrée et voit, à mon grand étonnement, Aberline. Elle semble en piteux états et est inhabituellement seule. Cynthia Aberline est une fille d'environ mon âge. Elle est à Gryffondor. Blonde aux yeux bleus. Une très jolie fille, je trouve ses yeux absolument magnifiques. Je préfères les brunes ou les bruns mais ce n'est pas grave. On ne s'est jamais réellement parlé. Je pense que nous sommes trop différents. C'est vraiment le genre de fille que je rangerais aisément dans la case populaire alors que moi... Meh. -Dis-le, tu n'es rien.-
Je me retourne dans l'optique d'"ignorer" cordialement Cynthia comme je l'ai toujours fait. Je l'entends s'approcher de moi, elle trébuche mais se rattrape sur mes épaules. Je me tourne vers elle, les sourcils froncés.
« Ça va ? »
Je ne sais vraiment pas quoi dire d'autre qui ne ferait pas décalé ou déplacé vis-à-vis de la situation. Elle ne semble vraiment pas au top de sa forme. Ce serait mentir de dire que je ne trouve pas ça malheureux à voir. -Surtout quand c'est une jolie fille, n'est-ce pas ?- Je n'ai rien contre Cynthia et je n'ai (plus) aucune raison de me montrer hostile avec elle. Ça ne coûte rien de me soucier de comment elle va.

La nouvelle était tombée, comme un cheveux sur la soupe. Désagréable, difficile à accepter, imbuvable. Le décès de ma grand-mère était pour moi quelque chose d'indispensable. Vous savez cette personne qui vous préparait de bons plats à midi quand vos partent travaillaient, qui venait vous garder et vous racontait toute sa vie quand vous aviez besoin d'une information. Cette personne âgée et pourtant si pleine de vie qu'elle en paraissait immortelle ... C'est comme ça que je voyais ma grand-mère et là, on vient de m'annoncer qu'elle était partie, définitivement. L'immortalité n'existe définitivement pas ou son prix est immense. Jamais je n'aurais cru la perdre en de telles circonstances, jamais je n'aurais cru ne pas être à ses côtés. Ces vacances devaient s'annoncer formidables, nous changer les idées sur un quotidien devenu légèrement tendu à la maison, rien pour me plaire.
Je ne sais même pas pourquoi j'ai fuis de la sorte, pourquoi j'ai finalement trouvé un refuge temporaire dans une bouteille d'alcool, petite certes , même trop pour me faire oublier quoi que ce soit. Je reste consciente de la situation et pourtant, j'ai la tête qui tourne. Sans doute parce que boire de l'alcool était devenu récent pour moi , sans doute parce que cette boisson était plus forte que celles que je prenais les autres fois. Pourquoi j'ai le droit de me sentir légèrement étourdie mais pas inconsciente ? Saleté ! Qu'est ce que je fais encore au bar ! Je sens les larmes monter aux yeux. Fragile enfant que je suis aujourd'hui. Mais je refuse que l'on me voit ainsi surtout que ça bateau est truffé d'élèves de mon école. Encore une fois,je fuis là où personne n'a l'habitude de se rendre à cette heure-ci, près ses poissons. Peut être que j'espérais que regarder la vue sous-marine m'aiderait à me calmer, je sais pas. Mais je suis partie là pour finalement m'apercevoir que je n'étais pas seule. Mais j'ignore un peu la personne, je ne me rends pas encore compte que c'est un visage qui m'est plus ou moins familier. Là, je pense juste à me laisser aller, lâcher un peu le tout mais je n'y parviens pas comme je voudrais.
Finalement, pourquoi pas trouver refuge sur le canapé à mon tour ? Je sens que je vais chavirer avec ma tête et mon état qui permet à l'alcool d'avoir plus facilement raison de mon équilibre. La preuve étant que j'arrive à m'emmêler les pieds et trébucher. Parfois, je remercie mes réflexes qui me permettent de me retenir via les épaules de la personne déjà assise sur le canapé. Là, je vois bien de qui il s'agit. Alexandre Rozen, un gars de mon âge qui est à Serpentard. Lorsqu'il me demande si ça va, je ne peux m'empêcher de pousser un «hmm» interrogatif. C'est bien à moi qu'il parler là ? Évidement, qui d'autres ? Je lui lâche les épaules, essuyant le bas  de mes yeux humides. «Euh oui, ça va. Désolée». Ouais, je suis sûre qu'il va me croire. «je peux ?» demandais-je en montrant la place près de lui sur le canapé. Mais je ne lui laisse pas tellement le choix, venant me placer à côté lui avant même qu'il ne dise une réponse claire et net. «C'est lamentable hein ?» dis-je alors en parlant de moi-même. Oui, je suis pitoyable sur le coup !

Cynthia semble au bout du rouleau, certes, mais elle semble aussi un peu perdue. Après un moment d'interrogation, elle répond à ma question et s'excuse de m'être presque tombée dessus. Pourquoi je ne la crois pas quand elle me dit qu'elle va bien ? Parce que c'est gros comme Poudlard qu'elle n'est pas au mieux de sa forme. C'est comme les gens ivres qui disent qu'ils ne sont pas bourrés. D'ailleurs je pense qu'elle a un verre dans le nez en plus d'avoir les larmes aux yeux. C'est quoi cette manie de boire quand on ne se sent pas bien ? Je la dévisage, perplexe.
« Je peux ? »
« Euh oua-... » Ok, elle s'est déjà assise.
« C'est lamentable hein ? »
« Hmm... Je dirais bien que non mais ce n'est pas bien de mentir. »
-T'es rassurant comme gars.- J'ai l'impression que cette situation pue le vécu chez moi. Elle me rappelle ce fameux soir de décembre, dans la salle commune de Serpentard. J'étais deuxième année, j'avais douze ans. J'étais dans le mal, je faisais une insomnie. Mon arrière-grand-père était décédé l'été et je pensais que ma vie devait changer. C'est là que la divine Fluvia Avery était entrée dans la salle commune. Blonde aux yeux bleus également. Elle était plus âgée de quelques années. Elle avait vu ma détresse. Elle en a profité. Maintenant, je ne sais pas ce qu'elle devient.
Cette fois, ce n'est pas moi qui suis dans une position de détresse. C'est Cynthia. Admirez mon don d'attirer les filles quand elles sont dans un moment de faiblesse émotionnelle. -Si seulement c'était ton seul don.- Comme si elles pensaient que j'étais un bon thérapeute. En plus même les garçons commencent à s'y mettre.

Je regarde Cynthia, silencieux, pendant de longues secondes. Elle est vraiment jolie. Je ne sais pas quoi dire. C'est malaisant. Je devrais peut-être lui demander ce qu'il ne va pas mais ça me semble assez indiscret étant donné que c'est la première véritable conversation que nous allons avoir.
« Tu ne devrais pas boire de l'alcool quand tu vas mal... » commencé-je, hésitant. Il faut bien trouver quelque chose à dire pour briser le silence. « En plus d'être très cliché, ça ne résout rien... »
Elle sent l'alcool et elle a l'allure de quelqu'un qui a bu, c'est pour ça que je dis ça. Mes paroles sont maladroites. J'en ai parfaitement conscience. Ce n'est pas avec ce genre de chose que je vais me trouver une petite amie ou même un petit ami. Je sais que je ne suis pas un homme à femme. De toute façon je ne compte pas profiter de la faiblesse de Cynthia.
« Enfin... Je dis ça mais tu fais ce que tu veux. » tempéré-je.
C'est quand même mal venu de donner des leçons à quelqu'un que l'on ne connait qu'à peine. -Ça t'a pas empêché de le faire.- Mais je parle par expérience: ce n'est vraiment pas bon l'alcool. Je me suis retrouvé deux fois ivre dans ma vie, ce n'était pas joli à voir. La première fois, j'étais à deux doigts d'avoir un accident. Et la deuxième fois, à Poudlard lors de la soirée de Wadge, je me suis retrouvé en caleçon parce que je devais échanger mes vêtements avec ceux de Saul et à la fin de la soirée, j'ai embrassé l'organisateur de la soirée. Du grand n'importe quoi.

Dragées:

Au moins, Cynthia ne le prend pas mal quand je lui affirme qu'elle a l'air lamentable. Ce n'est pas très gentleman de faire remarquer ça à une jeune fille. Mais je n'ai jamais prétendu l'être. Je suis tout sauf un gentleman. Plusieurs personnes pourront le confirmer. Je pose ma bièraubeurre sur la petite table. Cynthia me confirme qu'elle a encore les idées claires. Pour moi, ça reste à confirmer. Je ne suis pas sûr de cette information mais soit.
Elle me demande alors si elle peut rester un peu avoir moi d'une voix presque suppliante. C'est un peu désarmant cette intonation, elle me ferait presque de la peine. Je n'imaginais pas Cynthia Aberline comme cela. Et ça m'étonne qu'elle me demande un truc dans le genre. On ne se connait pas très bien et je ne pense pas être la seule personne qu'elle connaît sur la croisière. Je ne suis pas le type de personne qu'elle a l'habitude de fréquenter, je suppose.
« J't'en prie. » réponds-je avec détachement en la regardant sortir une bouteille d'eau et boire la dernière gorgée.
Je reste silencieux la regardant d'un oeil discret. La teinte rouge qu'a pris ses yeux après avoir pleuré fait ressortir le bleu de ses iris. Ce n'est pas naturel d'avoir les yeux aussi bleus !

« J'aurais préféré te parler pour la première fois en d'autres circonstances. » me dit-elle après avoir lâché un soupir.
« Hm ? Oh ça ne fait rien. En terme de premiers rapports j'ai connu pire ou moins conventionnel. »
Je réfléchis quelques secondes avant de me rendre compte qu'il ne valait mieux pas sortir ma phrase de son contexte. Je crois que ça se voit sur ma tête. C'était maladroit. Mais c'est vrai que j'ai fait peur. Cracher accidentellement de l'eau sur les talons d'une quarantenaire qu'on rencontre pour la première fois tout en sueur n'est pas la meilleure entrée en matière du monde. Essaye de converser après un tel malaise !
« Si tu me vomis pas dessus, il n'y aura aucun problème entre nous. » dis-je pour essayer de détendre l'atmosphère.
En vrai je me méfie. Elle a bu. J'espère qu'elle a mangé. Je me demande combien de verre elle a bu. Est-ce qu'elle tient bien l'alcool ? Certainement mieux que moi. Au bout de trois verres, c'est bon, on m'a perdu pour les quelques prochaines heures. Je tiens cela de mon très cher père. Tout comme le fait de ne pas être très grand. On est tous petit dans la famille. Frédéric est le seul géant !
« Tu restes encore longtemps ici ? » demandé-je pour faire la conversation.
Tant à être seulement à deux, autant discuter. Au moins si elle me repose la même question en retour, j'aurais quelque chose à lui répondre. Sans pour autant lui dérouler tout le fil de ma vie. Je me demande pourquoi elle a pleuré. Elle s'est fait larguer ? Non, elle n'a pas l'air d'être le genre de fille qui se fait larguer.

Dragées:

« Eh, je ne suis pas aussi bourrée que ça ! Mais si tu continue je vais finir par le faire ... »
« Ouais bah on est jamais trop prudent. »
J'ai la chance de n'avoir jamais eu personne qui m'ai vomi dessus et je ne veux pas connaître ça aujourd'hui. En plus ça entacherait sérieusement l'image que je me fais de Cynthia. En plus d'entacher mes vêtements. C'est toujours difficile d'imaginer une aussi jolie fille dans une situation aussi répugnante. Non pas que je m'amuse à imaginer les gens entrain de vomir. J'imagine plus aisément Pettigrow recracher ses tripes que Cynthia. Faut vraiment que j'arrête d'idéaliser les personnes au physique avantageux.
J'essaye de lui faire la conversation comme je peux. Je ne connais absolument pas ses centres d'intérêt. Je ne sais même pas si l'on a des choses en commun à part notre âge. Pour bien faire elle est à Gryffondor et moi à Serpentard, donc c'est pas seulement physiquement que nous sommes opposés. Tout ce que je sais sur elle, c'est qu'elle a de belles jambes et de beaux yeux. -Mais tu fais quoi de tes journées ?- Il faut bien s'occuper pendant deux semaines au bord de la piscine.

J'apprends qu'elle repart également demain. Je vois voir ses yeux s'humidifier de nouveau. J'ai posé une mauvaise question, je crois. Je n'ose pas lui demander pourquoi elle repart si tôt. Mais elle m'apprend que sa grand-mère est décédée il y a peu. A entendre comment elle en parle, elle était proche de son aïeule.
« Mes condoléances. » dis-je respectueusement.
Cela me fait penser à mon grand-père qui lui aussi est au porte de la mort. Et moi aussi j'ai perdu un membre de ma famille qui m'était proche. Mon arrière-grand-père. A cette pensée, j'ai envie de serrer mon pendentif des reliques de la mort caché son mon T-shirt. Je ne peux que la comprendre. Je ne sais pas si j'ai envie de lui faire part de ce qu'il en est de mon côté. Peut-être qu'elle se sentirait moins seule. Je ne sais pas. Je réfléchis plusieurs secondes pour réfléchir.
« Tu sais, mon grand-père va bientôt mourir. C'est pour ça que moi aussi je pars demain. Ce n'est pas facile à vivre. » lui confié-je.
Je n'ai pas le toupet de lui dire que j'espère qu'il va mourir assez vite. C'est assez déplacé et elle risque de ne pas comprendre ma vision des choses assez décalée de ce que les gens ont l'habitude. Ou me prendre pour un dépressif.
« Ne t'en fais pas, ta grand-mère est bien là où elle est. » la rassuré-je en le pensant sincèrement.
J'ai l'intime conviction que nous sommes plus ainsi dire plus en paix dans la mort que dans la vie. Les travaux d'un moldu sur la vie après la mort m'a assez convaincu. J'ai lu son livre et vraiment, c'était passionnant.

Dragées:

« Vraiment ? Je suis désolée pour toi. Je ne savais pas... »
« Oh ce n'est pas grave. Ce sont des choses qui doivent arriver... Un jour ou l'autre. »
Je ne lui parle pas de ma vision des choses mais je refuse néanmoins de dire des trucs qui seraient contraire à ce que je pense en les faisant passer pour mes vrais idées. A part si je risque mon cul en les disant, là je m'abstiens. Je ne prendrais pas le risque de contre-dire Evan Rosier. -Pour l'instant.- Ce n'est pas de la lâcheté. C'est du bon sens.
C'est naturel, la mort. En elle-même, elle n'est pas sensée faire mal à celui qui rend l'âme. C'est à cause du cerveau que nous ressentons la douleur. Donc quand on est mort, on ne souffre pas étant donné que nous n'avons plus de corps, donc plus de cerveau. Plus de cerveau, plus de douleur. CQFD.
Cynthia me dit que j'ai sûrement raison. Je lui adresse un léger sourire, ne pouvant m'empêche de tordre mes doigts discrètement. Elle se rapproche de moi, je la regarde, je peux voir son visage de plus près. Sa peau est sans imperfection. Elle me dévisage. Quoi ?

« Laisse moi deviner, tu es le genre de garçon qui pense qu'on est mieux mort que vivant, je me trompe ? »
« C'est un peu l'idée. Ce qui nous fait penser que la mort est une mauvaise chose est la peur et le fait que l'on souffre de l'absence de ceux qui partent. J'ai toujours dit qu'il fallait pleurer les vivants et pas les morts. Si tout les êtres vivants y passent, c'est que ce n'est pas une mauvaise chose au même titre que la naissance. »
J'évite de trop m'emporter et de lui sortir ma science. Cela risque d'affreusement l'ennuyer. Et je n'ai pas envie qu'elle pense que je n'ai pas ma place à Serpentard et que j'aurais dû aller à Serdaigle. J'ai lutté des années pour rendre légitime ma répartition chez les verts, en tant que chapeauflou. Et j'ai l'impression que tout ces efforts sont entrain de perdre de leur utilité depuis la fin de cette année. J'ai encore la haine de m'être fait jeter par la bande à Avery. J'aurais voulu partir de moi-même, la tête haute. J'aurais ma revanche.
Je ressens le besoin de préciser un détail, pour éviter tout malentendu. Il ne faut pas qu'elle voit ma théorie comme un truc de dépressif chiant.
« Enfin... Ça ne t'empêche pas d'être heureuse et de profiter de la vie, même si la mort est mieux. Si ça se trouve, je me trompe. Alors j'aurais passé ma vie complètement blasé à attendre de mourir sans m'amuser et je me serais fait avoir comme un con à ma mort parce que je n'aurais pas profité. » nuancé-je avec un petit sourire.
Rien n'est impossible. Il faut toujours garder cela à l'esprit. Quand je réfléchis, j'essaye toujours de prendre cela en compte. Et puis, ça me fait passer pour quelqu'un d'optimiste comme pessimiste. En somme je n'ai pas peur de la mort. Sauf que je ne risquerait pas ma vie pour les autres, pour les gens qui me sont indifférents. C'est juste un peu enquiquinant pour leurs proches s'ils meurent.

Dragées:

Quelque chose me dit que Cynthia a une vision de la mort opposée à la mienne. C'est bien connu les Gryffondors blondes aux yeux bleus ont des pensées plus lumineuses que les Serpentards bruns aux yeux marrons. J'ai l'impression que nous sommes des clichés à nous tout seuls, en plus d'être aux antipodes l'un de l'autre. Elle me le dit clairement qu'elle ne voit pas les choses de la même façon. C'est son droit. On ne peut être sûr de rien sur un tel sujet, ce que je démontre. Cynthia a un beau sourire. Elle est d'accord avec moi sur le dernier point.
« Ce débat devient légèrement pénible... »
Je sens son visage se rapprocher du mien. Aucun débat n'est inintéressant. Pénible, cela dépend de la personne. Un débat avec Astrid Orloos est très pénible. « Ah ? » dis-je avant que... Cynthia m'embrasse. Vraiment ? Zéro réaction de ma part. Je bloque. Le baiser est assez bref. Ses lèvres se séparent des miennes. Elle me regarde, j'entre-ouvre la bouche, un peu sonné.
« Ça, c'est pour te remercier. » me murmure-t-elle.
Me remercier de quoi ? Ce n'était pas désagréable mais... Je ne comprends pas. Il n'y avait pas d'autre façon de me remercier que de m'embrasser ? Non pas que ça me déplaît mais c'est surprenant. Ce n'est plus Fluvia Avery qu'elle me rappelle mais Gardenia Ollivander. Encore une blonde. On était très proche avec Nia avant mais j'ai décidé de couper les ponts. Le premier soir de la croisière, on a essayé de renouer. Mais nous avons trop essayé. Je l'ai embrassé, elle m'a embrassé avant que Pettigrow nous coupe dans nos ardeurs. Puis elle est partie en me disant qu'elle ne pouvait pas faire ça. Et le lendemain j'ai appris qu'elle était encore en couple avant Ewan Forks. Non, ce n'est pas un très bon souvenir. Est-ce que Cynthia est en couple ?

« Euhm... Tu as un copain ? » demandé-je de but en blanc.
Pour toute réponse elle m'embrasse à nouveau. Je prends ça pour un non, ça me rassure un peu. Je culpabilise donc beaucoup moins quand je réponds à son baiser en venant glisser mes mains sur sa nuque. Je vais éviter de placer mes mains ailleurs. Je ne la connais qu'à peine. -On n'embrasse pas quelqu'un qu'on ne connait qu'à peine, à la base.- Pourtant, pour être franc, l'envie y est. Je saisis délicatement d'une main une mèche des cheveux de Cynthia pour venir y glisser mes doigts. Ses cheveux sont doux.
Un peu timide au début, je prends de l'assurance en me disant que je ne fais rien de mal. Je prends même l'initiative d'approfondir d'avantage le baiser, prendre un peu plus le contrôle. -Attitude typiquement masculine.- C'est agréable. Cependant, je finis par rompre le baiser. Nos visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Je sens le souffle de Cynthia sur ma peau.
« C'est souvent que t'embrasse les gars comme ça ? » demandé-je avec un sourire taquin.
C'est quand même assez particulier comme situation. Comment dire que je n'ai pas franchement l'habitude que ce soit une fille qui fasse le premier pas avec moi. J'essaye toujours de prendre les devants comme un gars est sensé faire.

Dragées:

« Seulement s'ils sont mignons et que j'ai une raison de le faire. » me répond-elle après avoir haussé les épaules.
Donc ça veut dire qu'elle me trouve mignon. Mignon. Depuis quand je suis mignon ? Je crois que je peux prendre ça comme un compliment mais cet adjectif me fait tiquer. Et c'est quoi cette raison ? Je n'ai rien fait qui pourrait justifier une telle chose. Je m'apprête à l'interroger mais elle me fournit bien rapidement la réponse. « Oh... » Je n'ai pas vu beaucoup de fille remercier des garçons de la sorte et pour une chose aussi banale. L'alcool y est un peu pour quelque chose, sans doute.
Elle rapproche ses lèvres des miennes juste assez pour qu'elles s'effleurent. Elle me provoque. Elle veut que je l'embrasse. J'esquisse un sourire contre ses lèvres. J'ai envie de la taquiner un peu. « Ah ? En es-tu sûre ? » demandé-je d'une voix basse en lui caressant la joue d'un pouce. « Tu me sembles bien sûre de toi... » Oui, j'essaye un peu de me faire désirer. Je n'ai pas souvent l'occasion de jouer à ce jeu, donc j'en profite.
Néanmoins, je finis tout de même par l'embrasser avec confiance. Ma main placée sur sa nuque descend le long de sa colonne vertébrale en l'effleurant légèrement pour venir se placer sur sa taille. Mes mains prennent leurs aises. J'essaye cependant de garder un certain contrôle sur elles. Une main qui glisse sous son haut est vite arrivée. Le baiser gagne peu à peu en profondeur. Ce serait mentir de dire que je suis insensible aux charmes de Cynthia. En plus, elle embrasse plutôt bien.
Je romps le baiser en lui mordillant légèrement la lèvre inférieure. Discrètement, je viens lui sentir les cheveux. Ils sentent bon. Ils ont été lavé il n'y a pas longtemps.
« Dis... Tu as embrassé combien de personne dans ta vie ? Je suis combientième sur la liste ? » demandé-je par simple curiosité.
Si je suis son premier baiser, je serais choqué. Je ne pense même pas que je la croirais. Si elle embrasse tout les gars pas trop dégueulasses qui ont été gentils avec elle, la liste doit être longue. Je continue de caresser la taille de Cynthia d'une main distraitement. J'ai l'impression de trop la regarder, actuellement. -Ce n'est pas faux.-

Dragées:

Si une heure plus tôt, on m'avait dit qu'une fille aussi jolie viendrait me parler et surtout m'embrasser, je ne l'aurais pas cru. Tout comme j'aurais jamais cru pouvoir embrasser Gardenia autre part que sur la joue. Ni même le vouloir, par ailleurs. Comme quoi, cela se vérifie: rien est impossible. Cynthia n'est pas seulement jolie. Elle est aussi plus intéressante que je ne le pensais et entreprenante. Elle donne l'impression d'avoir confiance en elle. J'aime ça. C'est rare de voir ce genre de fille.
« Hm, j'ai perdu le compte à 12. » répond-elle à ma question, sur le ton de la plaisanterie.
J'esquisse un sourire, amusé. Si seulement elle savait. Mon compteur commence dangereusement à se rapprocher de ce nombre. Ce n'est pas une chose pour laquelle je me vanterais. Je n'en suis pas franchement fier. Surtout que la plupart du temps, ce n'était pas sincère. Il n'y avait pas d'amour derrière ces baisers. Tout comme avec Cynthia. Mais je suis jeune, je peux profiter de la vie, non ? Avant de devenir vieux et repoussant.
« Douze ? C'est parce que tu n'avais plus de phalange sur ta main pour les compter ? » demandé-je, moqueur.
Cynthia me demande alors pourquoi je suis aussi curieux. Parce que j'en ai envie ? Parce que normalement, avant de s'embrasser, on apprend à se connaître ? -Mais on pose pas franchement ces questions là.-
« Je n'ai pas le droit de te poser des questions ? Chez toi c'est "Embrasse moi et pose pas de question" ? » demandé-je avec malice.
Ma main se glisse doucement sous le haut de mon interlocutrice en restant chastement sur sa hanche sans remonter plus haut ou descendre plus bas.

Dragées: