Assis sur un banc de bois faisant face à une roseraie, les deux avant-bras posés sur ses cuisses et le regard rivé sur le sol, Thomas rongeait son frein en silence. Lys était fiancée, c'était officiel, à présent, mais ce n'était pas là ce qui le mettait le plus en colère. Non, ce qui l'énervait le plus, c'était le fait que son père n'avait pas pris soin d'arranger ce foutu mariage entre Lys et lui, prétextant qu'il était déjà trop tard pour la famille Malefoy qui avait fait son choix, mais également parce que Thomas était déjà lié aux Rosier de part sa future union avec Proserpine. Ainsi c'était tout ce qu'il méritait ? Une pauvre traîtresse à son sang qui fricotait déjà avec un né-moldu ? Jamais il ne pourrait se résigner à épouser une fille comme elle, jamais, et il comptait bien faire ouvrir les yeux à son père par tous les moyens. Merlin merci, cette goule avait bien l'intention s'en faire de même de son côté.
A l'appel de son prénom, Thomas leva la tête. Lys lui faisait face.
— Tu devrais partir, lui dit-il dans un rictus. C'était une connerie, toi et moi. C'était une connerie d'espérer quoi que ce soit.
Lorsqu'il était blessé dans son orgueil, l'unique héritier Avery ne pouvait s'empêcher de blesser à son tour, même ses plus proches amis.
— Tu devrais y retourner, lui lança-t-il en baissant la tête de nouveau, Amycus doit surement être en train de chercher sa fiancée, si tant est qu'il sache ce que ce mot veut dire.

Thomas pouffa lorsque l'image d'Amycus le troll se jetant sur le buffet lui vint à l'esprit mais il masqua son amusement derrière un reniflement dédaigneux.
— Jamais deux sans trois ? répéta-t-il en soufflant. Tu crois que je dois prendre un ticket ?
Il en devenait méchant avec cette pauvre Lys qui n'avait rien fait que de se voir fiancée de force à un garçon qu'elle n'aimait pas. Mais il était plus facile de lui faire du mal à elle plutôt que d'aller directement faire face à ceux qui tiraient les ficelles dans les coulisses.
La jambe droite du Serpent était animée d'un tic nerveux tandis que, les coudes sur les genoux, il avait plaqué ses mains contre ses tempes. Le regard sur ses pompes, il se mâchouillait la lèvre inférieure pour se retenir de balancer des horreurs à la soeur du marié. Mais il ne put se contenir très longtemps...
— C'est dingue quand même, dit-il en relevant la tête, arborant l'air de celui que tout ça ne touche pas mais sans pour autant réussir à croiser le regard de la sorcière, ça n'a pas l'air de déranger ton paternel de te marier à un mec qui n'aura jamais son diplôme car il a réussi l'exploit de se faire virer de Poudlard. Y'a que moi que ça choque qu'il se soit dit que c'était un bon parti pour toi ?
Son tic à la jambe le reprit ; il ne s'était pas rendu compte qu'il s'était calmé le temps d'un instant. Les bras croisés sur les genoux, il sentait la colère au fond de lui qui ne s'atténuait pas, voire qui s'accentuait.
— Va le rejoindre, ne t'inquiète pas pour moi. C'était sympa, nous deux, mais c'était pas sérieux, tu le savais aussi bien que moi, non ?

Thomas se redressa pour venir s'adosser contre le dossier du banc. Il ricana à la remarque de Lys concernant Proserpine Rosier à laquelle il avait été lié contre sa volonté.
— Touché, lâcha-t-il en croisant les mains, les avant-bras sur les genoux. Mais je ne compte pas me laisser faire, mon père finira par entendre raison. Dans le cas contraire, je devrais me charger de faire en sorte que cette union n'ait jamais lieu... N'ai-je pas déjà prouvé ce dont j'étais capable ? ajouta-t-il en se tournant vers Lys, ses yeux rencontrant les siens pour la première fois depuis qu'elle l'avait rejoint.
Il l'avait prouvé, en effet, et ce à maintes reprises. En tuant le moldu en Roumanie, tout d'abord, puis en orchestrant avec Evan le guet-apens contre Theodore Wadge. Il s'était fait un nom à l'extérieur de Poudlard et sûr que de nombreux mangemorts voyaient en lui un avenir prometteur. Aussi le cas Proserpine ne lui faisait-il pas peur, il savait qu'il n'existait que deux issues à cette histoire : l'annulation des fiançailles, ou une mort tragique pour elle.
Peut-être la renommée nouvelle du Serpentard lui montait-elle un peu à la tête, parfois...
— Que comptes-tu faire, sinon te soumettre, Lys ? lui rétorqua-t-il pour lui démontrer l'absurdité d'un quelconque espoir étant donné qu'Amycus Carrow était intouchable, contrairement à la cousine d'Evan. Dis-moi, je t'écoute ! Ne vas-tu pas accepter ta condition ? Ne vas-tu pas l'épouser ?
Il soupira et détourna la tête. Il commençait à s'énerver contre elle, ce qui n'était pas bon signe.
— N'attends pas de moi que je vienne te sauver sur mon Abraxan blanc, la railla-t-il méchamment, je passe mon tour, princesse.

 

Nothing is controlled

Thomas

 

« Un grand amour rend légers tous les maux qui nous semblent trop lourds à porter seul. »

La demoiselle laissa échapper un sourire à l'entente du rire succinct de Thomas. Elle ne se laissa pas décontenancer à l'instant où il plongea son regard dans le sien. « Je sais parfaitement de quoi tu es capable. » dit-elle finalement. La première image qui lui venait à l'esprit était celle du mordu gisant au sol après un sort du Serpentard, mais elle revoyait aussi le dégoût qu'il s'était lui-même inspiré dans le jardin des Travers, vomissant ses boyaux. Elle savait pourtant parfaitement que s'il voulait, il pouvait faire beaucoup de choses, quelqu'elles soient.

La blonde devinait au ton d'Evan qu'il ne la prenait pas au sérieux et cela l'agaçait fortement. « Non. » lâcha-t-elle sur un ton qui la surprenait elle même. Trop d'ambitions, trop de volonté de supériorité, de s'affirmer. Un sourire malsain pris cependant place sur son visage. Elle était une Malefoy, jamais elle ne se laisserait faire. Jamais, quelque en soit le prix et elle avait déjà prévu le coup. « Le nom de ce troll sera sur toutes les lèvres, mais certainement pas pour le glorifier. Tu peux en être certain. » Elle remerciait intérieurement Rosier de lui avoir glissé quelques mots sur le dortoir des sixièmes années, mais aussi Njal pour lui avoir confier le rôle de fausse petite-amie l'an dernier. Elle jubilait aux conséquences de ce plan magistral. « Tu n'as jamais eu le besoin de me sauver, Sir Sachance.* Tu fais bien de le laisser à l'écurie. »

(c) DΛNDELION

*Contes de Beedle le Barde, "La Fontaine de la bonne fortune", J.K Rowling.

Thomas braqua ses pupilles sur Lys lorsqu'elle le nomma Sir Sachance en référence à l'un des célèbres contes de Beedle le Barde. Un sourire étira le coin de ses lèvres alors qu'il s'amusait de la voir entrer dans son jeu en le remettant à sa place à chaque fois qu'il en avait besoin. C'était une fille forte et indépendante, elle rivalisait avec lui sans jamais s'effacer et c'est ce qu'il appréciait chez elle.
— Tu me compares à un moldu ? lui dit-il d'une voix radoucie. Viens là.
Et il empoigna son bras pour attirer la jeune femme jusqu'à lui. Il enfouit sa main au creux de son cou, jeta un rapide regard à droite, un autre à gauche pour s'assurer qu'ils étaient bien seuls, puis il embrassa les lèvres de la fiancée d'Amycus. Sa main glissa de sa nuque à sa mâchoire, puis il décolla sa bouche de la sienne.
— Je pourrais tuer Carrow pour que ses lèvres m'appartiennent, lâcha-t-il en rigolant.
Sa main retomba alors qu'il apercevait quelques silhouettes quitter le chapiteau où la fête battait toujours son plein. Il détourna la tête et se perdit dans la contemplation des arbres qui bordaient le parc du manoir Malefoy.
— Je veux connaître ton plan, lui dit-il d'une voix plus dure qui contrastait avec sa posture détachée.
Il sentait poindre de nouveau son agacement du fait de ne pouvoir embrasser Lys sans redouter qu'on les surprenne.

— Quoi ? s'esclaffa Thomas en se tournant brusquement vers Lys. Tu vas faire croire à tout le château qu'Amycus est gay ?
Le garçon partit dans un fou rire à cette idée. Le dortoir des dépravés... Imaginer le mangemort dans de folles parties de baguettes en l'air avec ses camarades de dortoir, à savoir Laensen et Rozen, c'était trop pour le Serpentard qui sentit des larmes de rire lui monter aux yeux. Il lui fallut une bonne minute avant qu'il ne recouvre ses esprits.
— Et tu crois que ça va marcher ? questionna-t-il après un soupir, s'essuyant le coin des yeux de son pouce.
Thomas n'était plus sûr de rien, encore moins du fait qu'on pouvait annuler des fiançailles si l'on soupçonnait que le partenaire avec lequel on vous avait promis était d'un autre bord. Est-ce que cette méthode fonctionnerait sur Proserpine Rosier ? Poppy la traîtresse à son sang lesbienne... Le garçon décida de garder cette idée à l'esprit au cas où il n'arriverait pas à faire flancher son paternel autrement.
— Et Evan... ajouta-t-il, comment as-tu réussi à l'embrigader là-dedans ? Tu as quelque chose sur lui qu'il ne veut pas que tu divulgues, ou quoi ?

Thomas esquissa un sourire aux dernières paroles de la jolie blonde. Il hocha la tête, doucement, tout en se disant qu'il n'était probablement pas né celui qui réussirait à faire chanter Rosier.
Au loin, la fête battait toujours son plein. Il était temps de retourner dans le monde réel.
— On ferait mieux d'y aller, dit-il en se relevant, enfonçant ses mains dans les poches de sa cape, le regard rivé au loin. Débilus doit être en train de te chercher partout.
Il tenta de le repérer dans la foule massée autour des chapiteaux, mais en vain. Lys à ses côtés, ils remontèrent l'allée menant au manoir, murés dans un silence qui les préparait à garder la face une fois de retour dans la vraie vie. Après un regard complice, ils se séparèrent un peu avant d'arriver au chapiteau afin de ne pas éveiller les soupçons.