Il fallait avouer que le parc de Poudlard, en hiver était très joli. Seulement, Sybille aurait tout aussi bien pu observer la beauté du tapis neigeux depuis la fenêtre de sa salle commune. Mais Adrian avait tenu à ce qu’elle l’accompagne l’extérieur. Enfin, le pire n’était ni le froid qui lui piquait le nez, ni la neige qui rendait leur avancée laborieuse. Le pire, c’était la raison de cette sortie. Adrian voulait la prendre en photo. Elle. C’était n’importe quoi. Elle le lui avait fait remarquer d’ailleurs. Mais son ami n’avait rien voulu savoir. Et il l’avait menacé d’arrêter de lui servir de cobaye pour ses exercices de divination. Alors, Sybille avait cédé. Parce que Adrian était l’une des seule personne qui acceptait de se prêter au jeu des prédictions sans jamais râler, sans jamais se plaindre de la véracité parfois douteuse de ce que Sybille lui annonçait, sans jamais remettre en doute son talent.

Adrian n’arrêtait pas de décrire la beauté du paysage et de s’extasier devant la chance qu’ils avaient de bénéficier d’un si joli parc. Sybille ne répondait pas vraiment, se contentant d’acquiescer de temps à autre. Malgré son gros pull, son manteau d’hiver, ses bottes fourrées et son écharpe, elle avait froid. Mais, bonne joueuse, elle ne se plaignait pas. Adrian avait l’air si heureux qu’elle s’en serait voulu de tout gâcher en râlant comme une enfant.

« Ici, ça me semble un bon terrain » déclara soudainement Adrian.

Ils étaient presque arrivés au niveau de la forêt interdite. Le lieu était effectivement plutôt magique. Mais, ce que Sybille apprécia surtout, c’était leur éloignement par rapport au château. Ils seraient tranquilles, ici. Sybille n’était déjà pas très à l’aise à l’idée de se faire prendre en photo, mais si elle devait en plus le faire devant une troupe de spectateurs médisants …

« Qu’est-ce que t’en penses ? » demanda le garçon.

Sybille lui adressa un sourire nerveux.

« C’est très joli, ici, c’est vrai. »

Adrian avait posé son matériel au sol et Sybille se dandinait, mal à l’aise.

« Alors euh … qu’est-ce que je dois faire ? » s’informa-t-elle d’une petite voix mal assurée.

 Adrian lui expliqua ce qu’il attendait d’elle. Être naturelle, se détendre. Ça n’avait rien de très difficile, semblait-il. Elle hocha la tête, se mordillant nerveusement la lèvre inférieure. Sybille n’avait jamais été réellement consciente d’être jolie. Et, malheureusement, elle ne faisait rien pour que les autres en prennent conscience. La plupart des filles de son âge commençaient à se rendre compte de leur potentiel en tant que femme. Elles se cherchaient un style qui les mettait en valeur, se donnant du mal pour attirer l’œil des garçons. Sybille faisait plutôt l’inverse. Elle se cachait sous sa tignasse rousse, n’imaginait même pas l’idée de se maquiller et n’osait aucun vêtement qui pouvait sembler un tant soit peu séduisant. Et ça marchait plutôt bien, à vrai dire. Sybille n’attirait pas les regards des garçons de son âge. A tel point qu’elle pouvait observer Ludovic Verpey avec un regard rêveur depuis plusieurs semaines sans que le principal concerné ne remarque quoi que ce soit.

« Mets toi là. » indiqua Adrian.

Sybille s’installa à l’emplacement qu’il lui désignait, tentant de suivre les consignes de son ami.

« Ne reste pas statique, demanda-t-il, bouge un peu. Maintenant parle-moi. Tu as compris le cours de McGo ? J’aime tellement pas la théorie en cours de méta, je trouve ça tellement rébarbatif. Je veux juste faire de la magie, moi ! »

Sybille tentait de ne pas rester figée comme un piquet, mais elle se sentait bien loin d’une top-model. Elle avait plutôt l’impression d’être un canard empâté. Et l’appareil photo qu’Adrian pointait sur elle la rendait nerveuse. Elle ne parvenait pas à le lâcher du regard, le surveillant comme s’il s’agissait d’une bête sauvage susceptible d’attaquer à tout moment.

« Je ne comprends jamais rien en métamorphose, répondit-elle néanmoins, jouant le jeu comme elle pouvait. C’est beaucoup trop subtil, comme magie. En plus, à quoi ça pourra bien nous servir, de savoir transformer un scarabée en pomme de pin ? »

La conversation était loin d’être fluide. En plus, Sybille avait oublié de bouger, pendant qu’elle parlait. Elle n’était vraiment pas douée à ce jeu.

« Adrian, s’il te plait, couina-t-elle. J’ai l’air ridicule. »

 Sybille avait toujours aimé l’enthousiasme d’Adrian. Il voyait toujours le bon côté des choses. Alors que Sybille était plutôt d’une nature pessimiste et inquiète, l’optimisme sans faille de son ami l’avait plus d’une fois tirée de sa mélancolie. Cette fois encore, au sujet de l’art difficile qu’était la métamorphose, le garçon restait positif et parvenait à trouver une utilité à ce qu’on s’acharnait à leur apprendre. Même si Sybille n’était pas certaine que leur professeur estime que la métamorphose puisse n’avoir aucune finalité plus noble que avoir la classe. Sybille l’écouta attentivement lui parler de ses amis moldus et de la rigueur du Magenmagot face à ceux qui mettaient en péril le secret magique.

Elle avait bien du mal à détacher son regard effrayé de l’appareil photo et se contentait d’hocher la tête, de haut en bas quand il parla du secret magique, de gauche à droite lorsqu’il évoqua un référence moldue que Sybille ne compris pas. Elle n’était pas de sang-pur et connaissait quelques éléments du monde des moldus, mais elle ignorait tout des contes qui avaient bercé l’enfance d’Adrian.  La Belle au Bois Dormant … Sybille fronça les sourcils, se demandant ce que cela pouvait bien vouloir dire.

Adrian s’interrompit dans son travail lorsqu’elle lui avoua se trouver ridicule. En vérité, elle aurait aimé se trouver n’importe où ailleurs … tant qu’il n’y avait pas d’appareil photo. Pourtant, elle restait, parce que Adrian avait insisté pour qu’elle s’essaie à l’exercice, et qu’elle voulait bien affronter cet objectif de malheur pour son ami. Mais elle avait l’impression de lui faire perdre son temps. Sans doute y avait-il, dans Poudlard, des tas de filles bien plus photogéniques qu’elle et qui seraient prête à poser pour son ami sans faire autant de simagrées.

Adrian s’approcha d’elle, un sourire rassurant aux lèvres, et Sybille baissa les yeux, un peu honteuse de ne pas parvenir à faire une chose qui paraissait pourtant si simple.

« Mais non, tu n'es pas ridicule ! S’exclama-t-il. Et si c'était vraiment le cas, le ridicule ne tue pas. Regarde, je suis toujours là ! C'est pas compliqué, regarde moi faire. »

Sybille leva les yeux vers lui, un petit sourire aux lèvres. Non, le ridicule ne tuait pas. Alors pourquoi en avait-elle si peur ? Elle regarda Adrian lui montrer l’exemple, prenant quelques pauses, ayant l’air de s’amuser, et elle ne put s’empêcher de se dire qu’elle serait bien mieux derrière l’objectif, à prendre en photo son ami. Adrian était fait pour ça, être dans la lumière, se faire remarquer … alors que Sybille préférait vivre dans l’ombre, ne jamais faire de vague. Trop souvent, elle aurait aimé disparaitre et, à force de le désirer, elle avait appris à devenir transparente, invisible. Et ça lui allait très bien comme ça.

« Tu vois, c'est facile, faut te lâcher, lança Adrian en se tournant de nouveau vers elle. Tu te fiches d'être ridicule. En posant, tu ne l'es pas plus qu'en agitant une baguette en disant une incantation. »

« C’est plus facile pour toi, grommela Sybille. Toi, tu t’en fiches de ce que les gens pensent. »

Pourtant, elle se sentait un peu mieux, désormais. Le regard plein de confiance que son ami posait sur elle la rassurait, lui redonnait un peu de courage.

« Je veux bien réessayer, si tu veux. » concéda-t-elle dans un soupir.

 Adrian semblait véritablement heureux d’entendre Sybille accepter de se prêter une nouvelle fois au jeu. A vrai dire, Sybille ne pensait pas qu’Adrian fasse parfois semblant d’être heureux. Il semblait l’être souvent, bien plus souvent qu’elle à vrai dire, mais elle était persuadée que son sourire n’avait jamais rien de feint. Adrian savait simplement gouter les petits plaisirs de la vie.

« J’y fais même pas gaffe en fait, à ce que pensent les autres, répondit-il. Ca doit être horrible d’être legilimens. Genre, tu peux savoir tout ce que pensent les autres. C’est chaud ! Imagine tu entends des choses que t’aurais jamais voulu entendre ? Est-ce que tu crois que c’est inné la légilimencie. »

Sybille se plia à nouveau à l’exercice difficile, tentant de prendre un air naturel et d’oublier l’appareil photo, tout en se concentrant sur ce que son ami lui racontait. La légilimencie. Sybille en avait déjà entendu parler. Elle savait de quoi il s’agissait, mais ses connaissances à ce sujet n’étaient pas très développées.

« Je ne sais pas, réfléchit-elle. Je crois que ça s’apprend non ? En tout cas, ça doit être super dur. Je pense que, quand même, ça peut être utile, parfois. Mais c’est vrai que ça peut être à double-tranchant. Et puis, c’est un peu de la triche non ? Je veux dire … Si tu sais ce qui se passe dans la tête des gens, tu peux faire exactement ce qu’ils attendent de toi. »

Sybille s’était un peu détendue. Les paroles d’encouragement d’Adrian avaient eu raison de sa gêne. Ses poses n’étaient toujours pas très naturelles, mais elle n’était pas plantée comme un piquet dans le sol.

« Franchement, repris Adrian en lui jetant un coup d’œil par-dessus l’appareil, tu ne dois pas être timide. En plus, tu es super jolie et photogénique. Tu as de la chance ! Moi, je ressors pas bien en photo je trouve. Et tes cheveux sont trop beaux ! Ca donne envie de faire des tresses avec. »

Sybille s’autorisa un petit rire devant la remarque de son ami et, peu habituée aux compliments, senti le rouge lui monter aux joues.

« N’importe quoi. » marmonna-t-elle.

Elle passa, machinalement, les doigts dans sa tignasse rousse.

« Faire des tresses avec mes cheveux ? Si tu savais le temps que je passe à les coiffer le matin, tu aurais beaucoup moins envie de te lancer là-dedans. »

Elle souleva quelques mèches de cheveux, les laissant retomber pêle-mêle sur ses épaules et lança un sourire malicieux à Adrian.

« Et puis, je suis sûre que tu es très photogénique ! Laisse-moi te prendre en photo, je suis sûre que tu ressortiras très bien dessus. »

Elle s’approcha d’Adrian, main tendue, espérant qu’il lui prêterait son appareil.