Soyle était dans son bureau juste après un cours. Elle rangeait donc ses petites notes avant de lancer un thé. Une grande théière. En effet, elle attendait de la visite. Pas une visite officielle, quelque chose de bien plus simple. Quoi que le sujet qui avait motivé sa demande n’était pas des plus sympathique. Elle était inquiète. Soyle avait remarqué sur le bureau d’un collègue et très bon ami une potion qui n’avait à priori rien à faire dans cet endroit. En fait, elle connaissait cette potion, et elle n’était pas liée à de bons souvenirs. Une potion calmante assez forte qu’elle avait eu à prendre ponctuellement après l’attaque de l’année précédente. Il était donc surprenant de voir ce genre de choses ailleurs que dans l’infirmerie (qui ne devait même pas avoir ce genre de potions en réserve). Il était plus surprenant encore de la trouver sur le bureau du professeur Greengrass.

Orion était un collègue que la rouquine appréciait beaucoup. Attention à ne pas mal interpréter ce genre de remarque. Orion était à peine plus jeune qu’elle, mais sans trop savoir pourquoi, elle s’était beaucoup attaché à lui. Elle appréciait sa compagnie, le chouchoutait un peu. Alors forcément, voyant ce genre de choses dans un endroit si peu approprié, elle s’était d’abord inquiété de savoir si les élèves y avaient eu accès. Était ensuite venue ce questionnement de savoir si c’était pour sa consommation personnelle. Ce qui n’était pas forcément rassurant non plus. Puisqu’elle n’avait pas eu l’occasion pour diverses raisons de s’occuper de ce questionnement avant, elle lui avait demandé de la retrouver dans son bureau. Ils seraient sans doute plus tranquilles pour parler sans être dérangés par des oreilles plus ou moins attentives.

Elle était encore en train de ranger ses affaires lorsqu’il toqua à la porte. Souriant de le voir elle l’invita à s’approcher.

-Je t’en prie, installe-toi. Un petit thé?

Soyle fit le service en fonction de la réponse avant de se joindre à lui. Elle ne pris pas la peine de s’installer de l’autre côté du bureau, ce serait beaucoup trop officiel. Appuyée contre le bureau et soufflant un peu sur son thé pour qu’il refroidisse un peu.

-Orion… je voulais te parler de quelque chose peut-être un peu délicat.

Elle cherchait ses mots, essayait de garder la voix la plus douce possible, ne voulant surtout pas qu’il prenne mal quelque chose qu’elle pourrait dire.

-J’ai vu que tu avais…J’ai vu une potion sur ton bureau. Et ce n’était pas une potion très conventionnelle dirons-nous… Je t’avoue que je ne suis pas sereine avec l’idée que ce genre de produits se trouvent à porté des étudiants et… C’est un produits très fort… même pour toi…

Difficile de savoir comment tourner les choses. Elle n’était ni sa mère, ni sa soeur, ni personne de sa famille. Simplement une amie. Une très bonne amie, mais tout de même. Soyle ne voulait donc pas qu’il puisse lui en vouloir d’aborder ce genre de sujets qui pouvaient être délicats. Mais son inquiétude l’avait poussé à tout de même oser aborder le sujet.

dragées:

Orion avait fini son cours d’arithmancie en avance. Les élèves étaient, pour une fois, sages et disciplinés, ce qui avait permis au professeur de partir plus tôt pour rejoindre une de ses collègues. En effet, Soyle Hoover, professeure d’étude des moldus, avait demandé au jeune homme de le retrouver dans son bureau une fois les cours terminés. Il fallait avouer que cela avait quelque peu étonné le blondinet, car jamais elle n’avait fait une demande aussi formelle, la rouquine étant habituellement plutôt douce et joyeuse. Ils se retrouvaient souvent dans la salle des professeurs, ou dans leur salle de classe respective, voire dans les couloirs, mais il était rare qu’ils se donnent rendez vous dans un bureau. Habituellement c’était plus convivial, plus naturel… Peut-être la jeune femme voulait-elle lui parler seul à seul d’un sujet sensible, mais quel serait-il ? Le génie des chiffres n’en avait aucune idée, mais cela ne le tracassait pas vraiment. Il était juste content d’aller voir celle qui lui faisait tant penser à sa mère…
Lorsqu’il entra dans son bureau, la jolie rousse était en train de préparer du thé, comme bien souvent. Orion lui sourit avec douceur, s’assit sur une chaise et répondit « Je veux bien, merci ». Il la regarda ensuite le servir avec attention, sentant bien que quelque chose la préoccupait. Lorsqu’elle s’installa, presque assise sur le bureau, il se remémora une scène qui s’était produite lorsqu’il était enfant… Alors qu’il venait de briser un carreau avec un caillou qu’il avait trouvé dans la rue et avec lequel il jouait comme s’il avait une balle de foot, sa mère l’avait fait asseoir sur un fauteuil et s’était installée en face de lui, assise sur une petite table, mais qui semblait bien plus grande puisqu’il était si petit. Elle était installée exactement comme Soyle l’était aujourd’hui, et elle lui avait passé un savon dont il se souvenait encore. Qu’en serait-il pour la rouquine ?
La professeure déclara qu’elle voulait lui parler de quelque chose de délicat, ce qu’Orion avait compris depuis un moment déjà, finalement. D’un signe de tête, il l’encouragea à continuer, après tout il n’était pas venu pour rien et il avait suffisamment confiance en Soyle pour savoir qu’elle non plus n’était pas là pour rien. Elle chercha ses mots, ce qui lui confirma que c’était un sujet sérieux… « Une potion ? » répéta-t-il pour lui-même, cherchant ce qui pouvait bien traîner sur son bureau qui, de toute façon, était loin d’être rangé. Quand la jeune femme parla de produit très fort, il comprit d’un coup : elle évoquait la potion calmante de son père ! Le jeune homme fut pris d’un fou rire avant de se calmer doucement. « Et donc tu as cru que je me droguais avec une potion calmante ?! » demanda-t-il, un léger sourire aux lèvres. Orion pouvait parfois se montrer assez immature et peu moral, mais de là à se droguer alors qu’il était professeur, c’était un peu tiré par les cheveux. En même temps, comment interpréter la présence d’une telle potion sur son bureau quand on ne connaissait pas l’histoire de son père et de sa maladie ?

Spoiler:

Soyle n’était pas en position de faire la morale à son collègue. Cela ne l’intéressait d’ailleurs pas du tout. Ce n’était pas son rôle pour commencer. Et puis, elle aimait l’avoir pour ami. Inutile de jouer un autre rôle pour lui. Alors c’était une situation assez inconfortable qu’elle voulait adopter aujourd’hui, et si elle n’avait pas l’intention de lui faire la leçon, elle voulait au moins se rassurer un peu.

Elle avait commencé doucement, souriante et lui proposant un thé. Jusque-là, à part qu’elle lui avait directement demandé de venir dans son bureau, il n’y avait pas grand chose d’inhabituel. Ce qui avait au moins le mérite de détendre un peu l’atmosphère. Bien qu’on soit encore très loin d’être dans une ambiance pesante et lourde de sens. Soyle était simplement un peu mal à l’aise.

Finalement elle s’était lancé, faisant part à son ami de ce qu’elle avait vu et de ses préoccupations.

-Une potion ?

Il ne semblait pas savoir de quoi elle voulait lui parler. Puis après avoir donné des précisions ce fut presque une illumination. Ce qui ne rassura pas tellement Soyle au final. Il n’était donc pas surpris de ce qu’elle avait vu. Était-ce une habitude? Il en riait même. Elle ne dit trop rien mais ne participait pas à son sourire non plus. Le sujet était un peu trop sensible à son goût. La rouquine le laissa simplement poursuivre, attendant une explication un peu plus précise que son rire…

-Et donc tu as cru que je me droguais avec une potion calmante ?!

Et bien au moins ça semblait l’amuser. Cette question lui faisait penser que ce n’était réellement pas le cas. Difficile de dire qu’elle était surprise. En fait, le contraire aurait été surprenant. Cela n’expliquait pas beaucoup la présence de ce produit sur son bureau.

-Honnêtement? J’en sais rien du tout. Je n’ai juste pas compris ce que ça faisait sur ton bureau. Et ça n’a entre autre pas réveillé de bons souvenirs. J’imagine que c’est ce qui a réveillé mon inquiétude…

Déjà un peu plus détendue, elle ne cherchait pas à lui cacher le fil de sa pensé. Tout comme son visage s’était un peu détendu. Soyle n’avait pas quitté sa position perchée, mais ça c’était habituel au final… Soufflant sur sa tasse avant de prendre un gorgé de thé, elle repris tout de même.

-Et en même temps je ne suis pas à l’aise avec l’idée que ça soit si facile d’accès aux étudiants… Pourquoi tu avais ça avec toi?

Soyle loin de poser un jugement sur son ami se demandait réellement ce qui pouvait l’amener à avoir ce genre de potions. Parce qu’il fallait avouer qu’un produit aussi fort sans en faire un usage détourné, ça n’annonçait rien de bon. Elle-même avait eu à en prendre, après avoir passé un très mauvais moment en compagnie d’un homme masqué qui ne lui voulait pas franchement de bien. Elle avait donc plutôt une bonne idée de ce que cela pouvait faire. Ce qui la poussait donc à ne pas trop apprécier voir ce genre de produits à la porté des jeunes gens de ce château.

dragées:

Orion se calma immédiatement lorsque Soyle expliqua que cela avait ravivé en elle de très mauvais souvenirs. Bien sûr, lors de cet événement terrible qui avait conduit la professeure d’étude des moldus à prendre ce genre de potions, il n’était pas là, mais il avait été là après, quand elle devait se reconstruire, réapprendre à vivre en quelque sorte. Il se souvenait parfaitement de la souffrance et de l’épreuve que ça avait été pour la jolie rousse. C’était encore un sujet très sensible, et il comprenait aisément pourquoi. Il hocha donc un peu tristement la tête avant de déclarer d’une voix basse « Je suis désolé, c’est vrai que les laisser-là n’était pas très malin… ». Il s’en voulait d’avoir fait remonter de tels souvenirs à l’esprit de Soyle, pensant que tout cela avait déjà causé assez de tristesse comme ça. Il la regarda avec un petit sourire contrit, comme un enfant qu’on a pris la main dans le sac alors qu’il faisait une bêtise et qui avait profondément honte que sa mère le voit comme cela. Soyle avoua aussi s’être inquiétée pour lui, ce qui lui réchauffa le cœur. Il but une gorgée de thé avant de poser la tasse sur le bureau. « Je sais que c’est bête, mais merci de t’inquiéter pour moi comme ça. Même s’il n’y a pas besoin en l’occurrence, car je ne prends pas ce genre de trucs » promit-il. Etait-ce comme ça qu’agissait une mère ? S’inquiéter pour son enfant, le convoquer pour lui en parler en douceur… Oui, surement. Hoover était vraiment une femme bien, et Orion était très heureux de la connaître et de pouvoir la compter parmi ses amis. A ses yeux, elle était bien plus qu’une amie. Une sorte de guide, peut-être même de mère qu’il n’avait plus. Son comportement quelque peu maternel l’encourageait d’ailleurs à la voir comme ça et, il devait l’avouer, lui faisait très plaisir… Elle était cette présence féminine qu’il lui manquait dans sa vie, ce pilier qu’il avait perdu bien trop tôt.
Le professeur d’arithmancie hocha doucement la tête aux paroles de sa collègue. Il était vrai que laisser ce genre de substances au nez à la barbe, enfin au duvet, des élèves était loin d’être une idée de génie. Ces petits savaient chaparder comme des grands, et certains n’hésitaient d’ailleurs pas à le faire. Ils étaient malins et, même si certains auraient peut-être pris les fioles pour aller planer dans un autre monde, ils savaient très bien que ça valait une petite fortune et que ça se revendait très facilement au marché noir. Soyle lui demanda alors pourquoi il avait ça avec lui. Orion la regarda quelques secondes sans rien dire, hésitant entre le mensonge ou la vérité. Le jeune homme n’aimait pas vraiment parler des problèmes de santé de son père à son entourage, parce qu’il n’aimait pas sentir de la peine ou de la pitié dans leur regard. Il s’en sortait très bien et n’avait pas besoin qu’on le plaigne. Mais il ne pouvait pas mentir à Soyle, alors il soupira avant d’enfin se décider. « C’est pour mon père… » dit-il en reprenant la tasse de thé. « Il est très malade, et je dois parfois lui donner ce genre de potions pour qu’il ne se fasse pas de mal à lui-même bêtement, ou simplement parce qu’il souffre trop » expliqua-t-il d’une voix grave, ne quittant pas des yeux la petite cuillère qu’il tournait dans sa tasse.

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