Raven répondit à Andromeda par un rire silencieux. Certaines rivalités ne disparaissaient qu’avec la mort, et quand bien même Fawkes ou Carrow perdaient la vie, il était certain que leur animosité n’allait jamais s’éteindre. Si au départ ses raisons de le détester étaient fondées, l’auror se demandait parfois si elles étaient toujours d’actualité. C’est vrai, ils avaient grandi depuis le temps, pris en maturité aussi, pris en expérience et en réflexion. Mais la sorcière ne savait pas pourquoi, ils continuaient à se chercher tels deux enfants voulants chacun se prendre la plus grosse part. À croire qu’ils s’amusaient de cette situation – alors qu’ils s’agaçaient tous deux, ils le savaient bien – ou bien qu’ils en avaient besoin pour rendre certaines périodes de leur vie plus intéressante. S’il n’y avait pas Carrow, sur qui la sorcière pouvait-elle faire passer sa mauvaise humeur ? Elle était persuadée d’être son punchingball de temps en temps, à lui aussi. Comme quoi, ils avaient, d’une certaine manière, besoin l’un de l’autre. Cette pensée était tellement saugrenue que cela la fit sourire un peu.
En mentionnant les deux autres frères Carrow, Andromeda ne pouvait que mettre d’accord son interlocutrice sur le sujet. Morfin et Merrick étaient de véritables ordures, et si Raven pouvait bien critiquer les talents de duelliste du cadet de la fratrie, elle pouvait être sûre d’une chose : il n’était pas de ceux qui allaient s’en prendre aux sorciers de « sang impur » ou aux moldus. C’était peut-être la seule qualité qu’elle pouvait lui accorder. Elle se souvenait encore de Merrick venant la voir, alors qu’elle n’était qu’une jeune Poufsouffle, pour la féliciter d’avoir tenu tête à Basil. Un abruti fini mais qui, Raven le pensait, pouvait être capable d’une grande violence. Certaines familles qui étaient réputées pour certains penchants, dans le monde magique. Les Carrow, tout comme les Black, en faisaient partie. Et malheureusement, leurs membres ne faisaient pas beaucoup d’efforts pour démentir les rumeurs.
— Je peux te demander ce qui vous oppose ?
L’auror lui sourit d’amusement car elle savait que les raisons étaient assez immatures. Jalousie. Concurrence.
— Basil et moi étions dans la même année. Gryffondor, Poufsouffle, le destin aurait pu choisir de nous laisser chacun de notre côté, au lieu de ça nous avons vite vu que notre niveau en DCFM, Sortilèges et Métamorphose dépassait celui des autres. Nous n’avons jamais cessé de nous batailler à savoir qui était le meilleur pendant sept ans. Elle lissa un peu la manche de sa chemise. Il ne supportait pas que je m’entende bien avec ses amis, amis que nous avons toujours actuellement, par ailleurs.
L’auror tourna la tête vers la secrétaire.
— Enfin, je suppose que c’est ainsi. Nous commençons à devenir vieux et grincheux, cela n’arrange pas les choses.

Il était impossible pour les sorciers sortis de l’école d’évoquer des souvenirs qui s’y étaient déroulés sans sourire avec nostalgie. Basil et Raven avaient étudié là-bas les premiers mais Andromeda n’avait aucune peine à se représenter la situation. « De la franche rivalité, je vois » s’amusa-t-elle à imaginer les élèves qu’ils avaient été à l’époque depuis sa fidèle position de spectatrice. Elle s’était toujours tenue éloignée de l’adversité pour sa part. Les caractères très forts de ses deux soeurs, ainsi que sa nature discrète, l’avaient toujours maintenue dans l’ombre. Elle ne doutait pas qu’elle aurait perdu tous ses moyens face à un farouche compétiteur à cette époque où la confiance lui faisait encore défaut. Mais ce qui était vrai pour elle ne l’était certes pas pour tout un chacun. « Cette compétition vous a peut-être rendus meilleurs sorciers que vous ne l’auriez jamais été » commenta-t-elle avec un léger sourire sans s’attendre pourtant à ce que sa collègue et amie change son point de vue négatif sur son chef par la seule magie de quelques mots. Son sourire se fit plus malicieux avant que, jetant un coup d’oeil derrière son épaule, elle ne s’autorise un aveu amusé. « Si je devais être juge, je te proclamerais gagnante au moins en défense contre les forces du mal. Tu es quand même devenue auror et je ne me souviens pas avoir vu ton rivale secouer sa baguette à d’autre fin que celle de remplir ses verres de … hum - ou plutôt rhum aurait-elle dû dire mais son instinct lui dictait que la secrétaire qu’elle était se trouvait également soumise à un devoir de discrétion sur ce sujet - … d’eau » rougit-elle instantanément. Sa langue se déliait à force de converser avec Raven Fawkes en entamant la digestion de son fast-food, sa petite bourde lui commanda de retourner derrière son bureau. « Je ferais mieux de retourner travailler » finit-elle par s’excuser avec un sourire.