Soyle était très motivée cette année. Avec les incidents de l'année précédente, elle avait envie de faire son maximum pour inverser la tendance. Elle entendait faire entrer un maximum d'informations dans les petites têtes blondes qui venaient encore à ses cours et si possible bouger un maximum histoire qu'on en entende parler. Et elle commençait assez fort. Elle avait tout fait dans les règles, qu'on ne se méprenne pas. Tous les papiers étaient prêts, son planning bouclé, et tous les préparatifs nécessaires étaient faits depuis déjà un moment. Son sourire trahissait sa propre excitation alors que les élèves n'étaient même pas encore arrivés. Elle vérifiait tout une dernière fois lorsque sa collègue était entrée.
Yelena Dratsena, professeur d'astronomie, ne portait pas un grand intérêt pour la matière de sa consœur. En revanche, ses cours à elle se tenaient surtout de nuit. Elle devait donc souvent rendre ce genre de services. Parce que non, elle ne passait pas dans cette salle pour le sourire certes adorable mais tout de même de sa collègue. Non, elle venait en renfort. Avec un certain décalage dans son propre entrain face à la chose, mais elle tiendrait son rôle du mieux qu'elle le pourrait. Comme toujours.

Les élèves commençaient à arriver quand Soyle, presque sautillante sous son excitation, pris la parole avant qu'ils ne puissent faire quoi que ce soit.

-Ne sortez pas vos affaires aujourd'hui, cela ne sera pas utile, nous sommes de sortie !

Oui, elle avait réussi à négocier une sortie de l'école, toute une classe dans une partie moldue de l'Angleterre. Les plus observateurs, ou simplement ceux qui avaient posé les yeux sur elle, avaient sans doute déjà remarqué que sa tenue s'adaptait à la situation. Les deux enseignantes avaient d'ailleurs rangé leurs robes de sorcières dans leurs placards. Même si Yelena avait encore quelques progrès à faire au niveau de son adaptation, mais elle avait aussi ce décalage chez les sorciers en même temps...

-Bien, maintenant que vous êtes tous là, nous allons pouvoir nous mettre en route. Mais avant, quelques consignes tout de même. Je vous demande de rester toujours groupés, de vous faire discrets, et bien entendu de ne pas sortir vos baguettes. Vous devrez agir comme des moldus, le plus naturellement possible, et sans aucune magie ni même la moindre allusion à son sujet. Nous allons au Fitzwilliam Museum à Cambridge, un musée qui a ouvert en 1848 et dont j'espère vous noterez l'achitecture toute particulière. Il a été difficile d'obtenir une telle sortie pour un nombre aussi important de jeunes sorciers, alors j'attends de vous une conduite irréprochable. Je n'aurais aucun scrupule à vous faire revenir à l'école sur le champ si quelque chose devait mal se passer. Et je vous préviens qu'un comportement inaproprié durant cette sortie pourra avoir de sérieuses conséquences une fois rentrés. Pour des raisons de sécurité le professeur Dratsena restera avec nous aujourd'hui. Pour toute question au cours de cette sortie je vous invite à venir nous voir, l'une ou l'autre. Laissez vos robes ici, vos uniformes peuvent encore se fondre dans la masse. Prenez vos sacs si vous le souhaitez, mais vous pouvez également les laisser ici. Y a-t-il des questions avant de partir ?

Soyle balayait la salle du regard en attendant d'éventuelles réactions puis ils pourraient y aller.

La classe d’étude des moldus n’était pas celle que préférait Peter Pettigrow qui, s’il avait été capable d’exprimer une opinion qui lui soit propre, aurait sans aucun doute admis son inutilité. Et pourquoi pas un atelier papier crépon aussi ? On ne leur apprenait après tout rien que la magie ne sache exécuter plus simplement et rapidement. Il ne s’était inscrit à cette option que parce que ses amis s’y étaient également inscrits. Il n’était pas un élève spécialement attentif et confondait si bien les informations qui leur étaient délivrées en cours qu’il n’aurait su dire qui du moldu barbu déguisé en demi-géant rouge ou du facteur passait par la cheminée les soirs de pleine lune. L’enthousiasme du Professeure Hoover ne perça pas sa flemmarde carapace lui qui était déjà installé en confortable position pour faire la sieste. Il retira sa robe de sorcier avec un soupir et descendit sur son ventre le bas de son pull dont il prétendait qu’il avait dernièrement rétréci au lavage. Il n’avait pas renouvelé sa garde-robe l’année passée et rougit que ses vêtements le serrent à ce point. Il espérait que personne ne lui ferait de réflexion à ce sujet. Le maraudeur s’apprêtait à abandonner sa sacoche en cuir de dragon dans laquelle était rangé sa baguette mais s’interrompit lorsque la remarque de Janice glissa jusqu’à son oreille. Des partisans du mage noir ? Ohlalala ! Il serra contre lui sa sacoche et tant pis s’il n’avait pas le droit d’utiliser son bout de bois. On ne savait après tout jamais ce qui pouvait se passer. Il se fondit dans la petite foule d’élèves qui s’amassaient autour des deux professeurs pour leur adresser des questions en espérant ainsi passer inaperçu.

Soyle était d'une humeur si bonne qu'elle pouvait contaminer de son enthousiasme une bonne partie de son audience. Une bonne partie parce qu'il ne fallait tout de même pas abuser. Il y avait pour commencer sa chère collègue qui n'était que très moyennement emballée par l'idée de ne l'accompagnait que par obligation (et un peu par amitié aussi mais cet argument n'aurait pas suffit seul). Yelena restait donc de marbre à la réaction des étudiants qui venaient pourtant vers elles avec des questions ne pagaille.

-On va dans un musée moldu ? Comment est-ce qu'on s'y rend, Professeur ? Par poudre de cheminette ? Par Portoloin ? 

Ce fut la jeune Jane la première à parler dans ce sens. Amusée et avec le même entrain, la belle rousse s'empresse de répondre à cette interrogation légitime.

- Nous allons sortir du château et prendre le magicobus. C'est il me semble la solution à la fois la plus sûre et la plus simple à organiser. Je compte sur vous pour bien vous tenir durant le trajet !

Le sourire qu'elle affichait à cette réponse fut cependant légèrement ébranlé par la remarque suivante de sa jeune élève.

-Et, et, et est-ce qu'on ne risque pas de se faire descendre par des partisans du mage noir ? Non pas que ça me fasse peur, non, je suis une Gryffondor, m'enfin tout de même...

L'idée de ces personnages masqués lui arracha un frisson. Soyle fit pourtant un effort pour rester souriante et donner une impression de confiance. Inutile d'affoler ces jeunes gens. Elle avait bien entendu pris ses précautions dans tout cela. Ses renseignements et ses autorisations surtout.

-Ne vous inquiétez pas Miss Thickey, il n'y a aucune raison qu'une telle chose se produise. Et si cela peut vous rassurer, le Ministère est parfaitement au courant qu'une classe de jeunes sorciers doivent ce rendre dans ce musée moldu. Nous avons d'ailleurs une fourchette horaire assez stricte !

Rassurant ou pas, c'était une réponse improvisée sur une question si épineuse. Elle glissa un regard vers sa collègue que Soyle pensait plus apte à réagir dans l'éventualité où ils devaient faire une rencontre peu désirée. Yelena ne la regardait même pas et reculait pour laisser s'approcher les étudiants qui ne l'avaient pas encore fait. Elle avait ce regard fermé que Soyle commençait à ne plus tellement lui connaître. Elle ne répondrait pas à son regard, tant pis. De toute façon, une autre question arrivait.

-Il y aura une conférencière ou c'est vous qui nous faîtes le cours ?
-T'aimerais qu'il y en ait une hein?

La question du jeune Alexandre était légitime. La remarque de Maya quand à elle était plutôt amusante. Des histoires d'adolescents tout cela, mais Soyle avait toujours trouvé cela assez amusant.

-Navrée de vous décevoir Mr Rozen mais je vais me charger de cela. Par ailleurs, il est difficile de demander à un moldu qui ignore tout de notre monde d'en apporter un point de vue dan ses explications. Je vais donc faire de mon mieux en espérant que vous ne serez pas trop déçu de la visite.

Elle se permettait cet humour après avoir déjà échangé avec lui quelques fois en privé. Elle ne se l'accordait pas avec tout le monde non plus. Tapant dans ses mains pour redonner un sursaut à toute cette assemblée, elle se redressa prête à lancer le mouvement.

-Bien ! Si vous n'avez plus de questions, je propose de nous mettre en route car l'heure tourne ! Professeur Dratsena si vous voulez bien fermer la marche.

Après un signe de tête d'approbation Yelena se place derrière le rassemblement avec de petits gestes des bras.

-Allons-y jeunes gens, essayez de faire une colonne qui tient la route dans la mesure du possible et tenez un rythme correct, le bus nous attend déjà.

Yelena et sa délicatesse habituelle. Prenant uniquement son sac, Soyle se pressa pour prendre la tête de cette petite troupe et traversa le château le plus rapidement possible sans pour autant courir. Très vite ils arrivèrent au point de rendez-vous. Elle fit donc monter les étudiants uns par uns avant d'aller donner leur destination au chauffeur (qui normalement la connaissait déjà mais sait-on jamais). Soyle s'installa donc à l'avant du bus, tournée vers les jeunes sorciers alors que sa collègue s'assit plutôt à l'arrière au milieu d'eux. Le voyage ne devrait pas être très long... mais déjà trop à son goût.

C'était le genre d’événements que Soyle adorait pouvoir organiser, mais qui dans le même temps avaient le don de la stresser autant que cela la motivait. Le cortège avait avancé rapidement. Assez pour être à l'heure au rendez-vous programmé avec le bus. Ce dernier avait d'ailleurs fait une entrée fracassante, comme toujours. Cette chose était peut-être pratique mais tout de même assez peu confortable en route. Enfin, ils feraient avec, et seraient sur place en un rien de temps ! La file d'élèves entra doucement dans le bus pour s'installer alors que Soyle en faisait le compte. Elle ne voulait laisser personne derrière, et il était plus que probable qu'elle les compte ainsi encore de nombreuses fois avant leur retour au château. Son côté un peu trop stressée sans doute. Une fois tout son petit monde à bord elle monta à son tour pour se placer devant eux. Le bus démarra avec sa délicatesse habituelle, rappelant tout le monde à l'ordre quand à ses prises  et se stabilité précaire. Après quelques instants et s'être assurée d'être à peu près en place, se cramponnant fermement à ce qu'elle pouvait, la rouquine se tourna vers son petit groupe.

-Bien, est-ce que l'un d'entre vous connaît déjà le Fitzwilliam Museum ? Même simplement de l'extérieur ? L'un de vous peut-il me citer quelques œuvres exposées là-bas ?

C'était le moment pour Yelena de vaquer à ses propres occupations. Ces histoires de moldus ne la concernaient pas tellement après tout. Elle sortit donc un article que lui avait conseillé un ami où étaient développées de très intéressantes théorie sur le Boutefeu Catalan... Plongée dans sa lecture et d'une stabilité redoutable dans leur transport, Yelena n'écoutait que distraitement les réponses des élèves. Elle n'était pas tellement là pour ça...

Le magicobus démarra dans un crissement de pneus de tous les diables et le maraudeur se cramponna au dernier moment à la barre d’acier la plus proche pour ne pas finir étaler contre le pare-brise. Sans doute n’avait-il déjà pas fière allure car ils ne parcoururent pas dix miles avant que le contrôleur ne lui tende un sac en papier pour qu’il y respire. Il avisa leur professeure dont la chevelure d’une autre passagère mal installée venait de fouetter le visage. Par Merlin, avait-il bien entendu ? Peter lâcha sa barre de fer et, le sac en papier coincé sur le visage, se pencha dangereusement vers le banquette arrière sur laquelle Janice et Ophelia s’étaient assises. « Elle a bien dit le Fizwizbiz Museum ? - son sac se gonfla d’excitation - Est-ce que ça veut dire qu’on va manger des sorbets ?! ». Mais le garçon n’eut pas le temps d’entendre la réponse. Le conducteur donna un violent coup de volant pour éviter ce qui ressemblait vraisemblablement à une vache rousse frangée - est-ce qu’ils roulaient dans un pré ? - et toutes les bavboules qu’il avait dans sa poche roulèrent par terre. « Oh non c’est pas vrai ! » se projeta-t-il par terre pour les ramasser. Mais les billes tanguaient selon la même courbe que son coeur malade, à droite, à gauche, à droite, à gauche …