La fin de l’année était arrivée plus tôt que prévue. Moran tirait sa grosse valise pour la dernière fois en se rendant à Pré-Au-Lard pour prendre le train sans retour pour Londres. Avant de partir, il avait fait un dernier tour du château, il était passé par les quelques passages qu’il empruntait depuis des années en saisissant l’ampleur de la chose qu’il laissait derrière lui. D’un geste pensif, il avait touché ses initiales qu’il avait gravé dans la roche en compagnie de Fabian et Luzia l’année précédente. Enfin, il était parti sans un regard en arrière. La plupart des plus jeunes étaient ravis de s’en aller pour l’été, d’autres étaient indifférents et une plus petite partie était triste. Le jeune homme ne saurait dire s’il était ravi ou déçu. Il avait tant attendu la fin de sa scolarité pour être finalement un adulte, qu’il n’avait pas encore réalisé qu’il n’était peut-être pas prêt à partir. Le dernier banquet avait été porteur d’émotions parmi les septièmes années qui comprenaient que Poudlard était réellement devenu leur seconde maison. Ainsi, il comprit enfin ce qui poussait les professeurs à vouloir enseigner dans l’Ecole de Sorcellerie.
Il avait prévu de rejoindre Gardenia dans un compartiment, pour enterrer la hache de guerre du Quidditch. Le jeune homme ne lui en voulait pas, bien entendu, mais il lui avait fallu digérer la défaite amère. Lorsqu’il arriva enfin sur le quai, les portes du train n’étaient pas encore ouverte, et il n’y avait pas encore toute la foule. Il avait prit une calèche quasi-vide. La plupart des élèves étaient très en retard, car ils passaient leur temps à chercher leurs affaires. Sa valise à lui était prête depuis une semaine, et il lui avait jeté un sortilège pour que Rosier ne s’en approche pas pour lui faire une blague de mauvais goût. Il rapprocha sa valise de lui, et se contenta de fixer d’un air vide le logo de Poudlard qui était sur la porte du train juste en face de lui.

Le regard vide de Moran était posé sur la porte du Poudlard Express en face de lui. Il n'y avait personne ou en tout cas, il ne voyait personne autour de lui. Perdu dans ses pensées, il se rappelait la première fois qu'il avait posé son pied sur ce quais, accompagné de son fidèle cousin Darius Abbot. "Ca va être génial !" avait-il alors assuré au garçon qui l'accompagnait, "je me demande où je serai envoyé ! Sûrement Serdaigle, comme toi Darius !". L'Écossais voyait passer devant lui ce petit garçon qu'il avait été, comme un fantôme témoin mais aussi acteur de son passé qu'il peinait pourtant à se remémorer. Il était un garçon qui aimait aller de l'avant, se rappela-t-il brusquement, pourquoi se souvenait-il de la pluie qui avait battu sa première rentrée à l'École de Sorcellerie ? Difficilement, il se dit qu'elle représentait seulement la terrible nostalgie qu'il ressentait. Des mois qu'il attendait de partir, de fuir, disait-il même. Tout ça pour quoi ? Regretter lorsque le moment était enfin arrivé ? Il espérait passer son dernier voyage avec son cousin, dans un compartiment au fauteuil éventré comme celui sur lequel ils avaient fais leur première rentrée. Mais la voix d'une fille le sortie de ses pensées.
Cette fille aurait pu porter le doux prénom de Daisy, et ils auraient pu avoir une dernière conversation sur les quais de Poudlard avant de disparaître de la vie de l'autre pour de bon. Mais ce n'était pas la délicate voix de cette fille qu'il aimait encore qui venait de parler. Il se tourna vers Greta Catchlove, surprit de la trouver si tôt ici. "Ah tient, Greta" fut tout ce qu'il parvint à dire. Il ramena vers lui sa valise comme si elle eut été un bouclier : "Tu es là bien tôt". C'était bateau, mais il ne savait pas quoi dire pour effacer le spectre de Daisy qu'il voyait à côté d'elle.

Greta était une gamine assez particulière. Ce serait en tout cas ce que Moran répondrait à quiconque lui demanderait son avis sur la jeune femme. Cependant, il ne pouvait pas nier qu'elle avait bon coeur, bien qu'elle soit, malheureusement pour elle, parfois un peu mièvre. Le jeune homme en règle générale, était dépité de la trouver non loin de lui, car il savait qu'elle allait lui parler. Mais ce jour-là, c'était son dernier jour à lui, à Poudlard, et rien, pas même Greta - qui lui avait tout de même rendu bien des services pendant ses années à l'École de Sorcellerie - ne pouvait gâcher ce moment-là. C'était peut-être bien qu'elle soit là, finalement, puisqu'elle l'empêchait de s'enfoncer dans des souvenirs qu'il aurait le temps, de toute façon, de revisiter chez lui. "Tu fais bien de venir plus tôt, alors" sourit-il gentiment. Il mit cependant plus de temps à répondre à sa question. Est-ce qu'il venait faire ses adieux à Poudlard, ou est-ce qu'il voulait quitter le château le plus vite possible ? Les deux interprétations étaient possibles, et au moins partiellement justes. Il y avait une dualité certaine dans le coeur du septième année, qui ne savait pas sur quel pied danser. "Je ne sais pas" finit-il par formuler. Il ne mentait pas. "Peut-être que je savais que tu viendrais plus tôt, pour me dire au revoir" ajouta-t-il. Le sourire qu'il affichait lui créait quelques ridules aux coins des yeux. Nul doute que cela illuminait son visage, pas tout à fait enfant, pas tout à fait adulte. Greta, avait été une fidèle elfe de maison, se disait-il, elle méritait sa liberté. Bien qu'il ne jugeait pas ses actes comme répréhensibles, il savait qu'il n'était pas complètement honnête avec la pauvre jeune femme qui s'était entichée de lui. Cyniquement, il se dit qu'il ne fallait jamais se fier à un Serpentard, traître ou non.

Moran avait tourné la pauvre Greta en bourrique depuis tellement longtemps, qu'il n'était plus capable de dire depuis quand la supercherie tenait. Il était seul au courant de ce qu'elle faisait pour lui, car il ne désirait pas non plus que la gamine soit moquée par tout Poudlard pour sa naïveté gentille. Il savait aussi garder des secrets, et il n'avait jamais dis à personne - pas même à ses amis - qu'elle lui repassait la cravate, ou lui lustrait sa batte (de Quidditch). A dire vrai, il avait toujours trouvé assez mignon son attirance pour lui alors qu'il ne ressentait pas la même chose, ses émotions résolument tournées vers Daisy Blackstone depuis trop longtemps. "Bien sûr que je suis là pour toi" lui confirma-t-elle bien naïvement. Ce qu'elle ajouta lui arracha un petit rire amusé. On ne pouvait pas dire qu'ils avaient passé beaucoup de temps ensemble. Sans doute qu'elle faisait même partie de ceux qui passaient le moins de temps avec lui, mais elle ne s'en rendait pas compte, dans sa foi aveugle pour lui. C'était mignon. "Oui, je peux te confirmer que tu es un bon entourage" lui répondit-il, sans la regarder, pourtant. Ses yeux étaient toujours posés sur le wagon d'en face si bien qu'il ne vit pas son expression. Finalement, il aurait dû la surveiller parce qu'elle se jeta corps et âme dans ses bras. Un sourire, qu'elle ne vit bien entendu pas comme  elle pleurnichait sur son torse, vînt s'étaler sur ses lèvres. Greta Catchlove en faisait vraiment trop. "Mais ne pleure pas..." lui murmura-t-il quand même en commençant à lui caresser doucement la tête, "tu as encore du bon temps à passer à Poudlard, Greta".

Moran ne se sentait pas prêt, en ces derniers moments passés à Poudlard, à avouer à Greta qu'il n'en avait rien à faire d'elle. Il pressentait déjà les larmes de rage, voire la gifle qu'il allait recevoir, et il était déterminé à monter dans le Poudlard Express avec les joues blanches et non l'une d'elles rouge. Il se disait logiquement que le temps effacerait les "maux" de la jeune femme, qui se trouvant un nouvel damoiseau, allait l'oublier bien rapidement. Malheureusement, c'était sans compter sur l'ampleur de la fixation de la Poufsouffle sur sa personne. Ainsi lui répétait-elle qu'elle avait besoin de lui, et il se contentait d’acquiescer le plus silencieusement possible. Sans doute qu'elle pensait avoir besoin de lui, mais ce n'était pas le cas. Il arrivait fréquemment qu'il l'évite si bien qu'ils ne se parlaient pas pendant une ou deux semaines - jusqu'au moment où il avait besoin des mains de fée de la jeune fille pour une tâche quelconque et ingrate. "Tu trouveras bien" répondit-il à la dernière assertion de Greta. Elle allait trouver quelqu'un d'autre à harceler. Il ne prédit pas - une fois encore - qu'elle lui saute au cou pour lui toucher les cheveux. S'il était un garçon très sensible là-dessus, il ne dit rien et la laissa faire pendant quelques longues et interminables secondes avant de se détacher d'elle. "Je pense que tu auras besoin de ça pour affronter les années prochaines" lui dit-il brusquement, avant de plaquer contre la bouche de la jeune fille, la sienne, en ultime baiser d'adieu.

Spoiler:

hors rp:

Moran pouvait être un garçon miséricordieux, sans doute que l'air choqué de Greta allait le convaincre de continuer à l'être. Ou pas. Elle semblait nager dans un parfait rêve et il pensait candidement avoir accomplit son devoir, après s'être sacrifié pendant la bataille. La Poufsouffle n'était qu'une enfant pour ce Serpentard qui vivait d'envies d'évasion. Elle était trop jeune, trop immature, trop tout. Le jeune homme avait besoin d'autre chose, de quelqu'un d'autre dont ses pensées décidément, semblaient ne jamais vouloir se détourner. Il serait mentir que de dire que l'héritière Blackstone ne hantait pas chaque jours ses pensées. Daisy était cette tâche sur le tablier qui ne semblait jamais vouloir partir. Il se détourna de la jeune fille en se disant que la conversation était clause, le baiser également, mais elle ne semblait pas du même avis. S'il était intelligent, et perspicace, il arrivait bien peu à déchiffrer le comportement sans raison de Greta Catchlove. Moran se laissa faire comme il ne pouvait rien faire d'autre, et lui donna son baiser langoureux. Cependant, des éclats de voix plus loin le firent s'éloigner d'elle, non pas à contre-coeur, quand même. "Ca suffit" murmura-t-il doucement (pour ne pas dire susurra-t-il doucement) en levant un index comme elle n'était qu'une enfant qui ne comprenait que les gestes et non pas les mots. Les portes du Poudlard Express s'ouvrirent, et il s'y engouffra comme un fantôme qui disait adieu à son corps vivant.

Spoiler: