Jyn passait un excellent début de coupe du monde, et se retrouvait propulsée au rang de voyante spéciale des gens avec qui elle partageait une tente. Ils étaient tout à fait contents de ses performances alors que la petite fille n'y comprenait pas grand chose - soyons honnête. Elle proposait un résultat au hasard, citait une des deux équipes au hasard pour la désigner comme vainqueur. Les trois quarts du temps, elle ne connaissait pas son adversaire et elle devrait faire une mauvaise voyante. Mais comme ces gens étaient assez sympathiques pour lui refiler quelques pièces pour ses bons et loyaux services, la galloise ne disait rien. C'était pour leur échapper qu'elle s'était réfugiée aux toilettes du camping.
Elle s'observait dans un miroir à moitié cassé en cherchant à mettre sur pied un plan qui la sorte de ce pétrin. La Poufsouffle avait dans l'idée de traîner dans le camping toute la journée, d'attendre qu'ils soient dehors pour voler de la nourriture et s'enfuir comme une sauvage jusqu'au soir. Elle n'allait pas voir la demi-finale du jour mais l'autre ainsi que la finale, bien évidemment. Elle se fichait donc bien de qui, de l'Inde ou de l'Angleterre, allait remporter le match. Jyn s'aspergea le visage d'eau pour faire face à la chaleur. Ses boucles blondes étaient mouillées et elle poussa la porte des toilettes pour tomber nez à nez avec Dave. Malheur, lui ici ?

C'est avec une stupéfaction telle qu'il avait dû poser son postérieur par terre que Dave Goujon avait appris que Jyn Dawkins se forgeait une petite réputation de pythie de Delphes sur le site de la Coupe du Monde. Depuis quand cette petite sauvage se révélait-elle suffisamment douée en divination pour connaître les gagnants de TOUS les matchs ? Voilà une question à laquelle le Gryffondor ne pouvait répondre sans s'adresser à la jeune fille. Ils n'étaient pas exactement en bons termes depuis qu'il avait manqué la tuer en tentant de déclarer son amour brûlant à Wilda Griffiths, mais Dave savait que Jyn n'était pas assez rancunière pour l'aider à se renflouer. Ou plutôt, elle ne devait pas le détester plus que d'habitude pour ne pas accepter de lui donner ce qu'il voulait dans l'espoir qu'il s'en aille. Ainsi, le jeune Goujon s'était lancé à la recherche de Jyn sur le camping du festival, désireux de s'entretenir avec elle du résultat de l'imminent match de demi-finale opposant les Anglais à l'Inde.
— Vous l'avez pas vue, la gamine qui fait des pronostics ? demandait-il en passant de tente en tente, mimant à l'envi un petit gnome avec des cheveux emmêlés en espérant que les sorciers voient de qui il parlait. Une sorcière avec un drôle de bébé dans les bras (était-ce tant que ça un bébé ?) finit par lui confier qu'elle avait vu une jeune fille ressemblant à la description se diriger vers les toilettes du Nord du camping, et Dave se précipita sur les lieux du crime... pour tomber nez-à-nez avec la gueuse.
— Ah ben quand même ! s'exclama-t-il en posant ses poings sur ses hanches pour reprendre sa respiration, beh tu cherches des Strangulots dans les toilettes ou quoi ? s'enquit-il avec circonspection en avisant les boucles mouillées de la Poufsouffle.

Croiser quiconque qu'elle connaissait de Poudlard avait le don de faire sortir Jyn de sa léthargie habituelle. Elle devenait donc une espèce de porc-épic, qui veillait à piquer la personne qui l'ennuyait. Là, sur le pas de la porte des toilettes, devant Dave Goujon, la petite Dawkins songea à faire demi-tour pour se réfugier dans une cabine. "Bah, qu'est-ce que tu crois que je fais dans tes toilettes, la Lumière ?" l'interpella-t-elle d'un surnom tout ironique l'air de dire qu'il n'avait, justement, aucune lumière, à aucun étage de son esprit. Elle le regarda avec des yeux ronds et voulu le dépasser en se disant que si elle arrachait la racine de la mauvaise herbe, elle n'allait pas repousser. C'était une chouette façon de penser pour dire tout simplement qu'elle espérait l'avoir vexé suffisamment pour qu'il la laisse filer. "Ouste !" lui dit-elle en faisant des gestes avec ses mains, comme s'il allait fuir derechef, "je n'ai vraiment pas envie de te parler" l'informa la petite orpheline en se disant que c'était encore une fois, le meilleur moyen de le faire bouger. Mais le garçon semblait s'être ancré dans le sol et la galloise se sentait prête à devenir une meurtrière, pour le bien de sa tranquillité. Une vague envie de lui fourrer la tête dans les WC lui traversa l'esprit, contre laquelle elle lutta.

La violence n'était pas une solution -hum hum.

Elle valait mieux que cela.

La réponse de la jeune fille eut le don de troubler d'autant plus le jeune Goujon, qui la fixa avec des yeux aussi ronds que ceux qu'elle dardait sur lui.
— Mes toilettes ? s'enquit-il en fronçant un sourcil, soudainement inquiet pour l'équilibre mental de sa jeune camarade, mais ce ne sont pas mes toilettes. Ce sont les toilette de tout le monde. Enfin j'imagine... Le Gryffondor s'interrompit, pensif. Il n'avait jamais réfléchi à cela : si tout le monde pouvait aller aux toilettes, cela signifiait-il que les toilettes appartenaient à tout le monde, et donc à lui ? Etait-il l'heureux propriétaire de ces cabinets, comme le prétendait Jyn ? Dave secoua la tête au moment où il commençait à se demander ce qu'il allait bien pouvoir faire de cette propriété inespérée, pour se rappeler la raison de sa venue.
— J'ai besoin de toi, lui révéla-t-il sans bouger d'un iota, pas inquiété pour deux sous par les mouvements de la gamine. Et le meilleur dans tout ça, c'est que tu ne seras même pas obligée de parler ! précisa-t-il malicieusement dans un éclair de génie. Elle ne voulait pas lui parler ? Comme s'il venait pour ça ! Quelle naïve, cette petite Dawkins.

La langue de Jyn venait malheureusement de fourcher au plus mauvais moment. Elle qui souhaitait si profondément écourter l'entrevue improvisée avec Dave Goujon, se retrouvait à devoir l'écouter ne pas comprendre qu'elle avait juste fais une faute de langage. La petite poufsouffle le regarda de son air le plus courroucé, comme pour le défier de continuer. Naturellement, cela ne dérangea pas le garçon qui ne comptait pas laisser tomber pour si peu. Les regards mauvais de la petite galloise ne le choquaient plus comme il y était habitué depuis sa plus tendre année - la première, en somme. Aussi loin pouvait-elle se souvenir, elle avait pris très tôt le garçon en grippe. La raison, se répétait-elle sans cesse, c'était qu'il était insupportable - et ce n'était pas faux - mais y croyait-elle ? N'était-ce pas simplement la démonstration de son acariâtre caractère à elle ? Sans doute. Jyn en aurait bien rajouté une couche, mais elle pressentait le malaise dans lequel ils allaient être tous les deux plongés si elle renchérissait sur la place, et le rôle, des toilettes. Il lui vînt à l'idée de faire demi-tour pour que le gryffondor ne la suive pas, mais ce serait repousser une confrontation dont elle ne pouvait se défaire pour l'instant. Lorsqu'il décida enfin de lui livrer le fond de sa pensée, la petite orpheline déglutit difficilement. "Tu peux toujours courir !" s'exclama-t-elle, "pour qui tu me prends ? Pour ta propriété ?". Non mais ! Elle n'était au service de personne, pensait-elle ardemment, et surtout pas le sien. Jyn ne savait pas ce qui l'amenait dans l'antre du trône de fer, mais elle ne voulait pas savoir. Finalement, elle le contourna avec l'espoir que la seule vision de son dos le ramène un peu sur terre. Ils ne s'appréciaient pas. Ils n'allaient quand même pas faire quelque chose tous les deux, non ?

De manière complètement prévisible puisqu'on parlait de Jyn Dawkins la créature la plus sauvage de Poudlard bien devant le Saule Cogneur et pourtant Merlin savait que cet arbre était sauvage (et Dave aussi d'ailleurs), cette dernière refusa des quatre sabots de sombral de lui donner satisfaction en acceptant de lui rendre gentiment ce service.
— Pas ma propriété, t'es bien trop bruyante pour ça ! rétorqua-t-il en levant les yeux au ciel d'un air dramatique. Je te propose un job, et bien payé en plus ! Il se garda bien de préciser que cette paye, c'était elle-même qui allait la gagner, fallait pas non plus trop lui en dire sur son plan trop tôt. Il avait crié un peu plus fort, puisque la gamine l'avait dépassé et lui tournait maintenant le dos. J'ai cru comprendre que les Poufsouffles étaient des gens travailleurs en plus, ça tombe bien ! Tu peux même rester dans ton arbre ou peu importe ta cachette, t'as besoin de parler à personne jusqu'à la fin de la Coupe si t'as pas envie, juste à moi, et seulement une fois par jour ! A ce stade de la compétition il n'y avait plus qu'une rencontre par jour... Autant dire que Dave n'avait plus besoin que d'un pronostic par cycle du soleil ! T'en dis quoi ?

Jyn cru rêver lorsque Dave Goujon lui fit remarquer qu'elle était bruyante. L'on avait reproché bien des choses à la petite fille depuis qu'elle était entrée à Poudlard. Trop sauvage, trop farouche, trop incompréhensible... Jamais cependant, l'on avait eu l'audace de lui dire qu'elle était trop bruyante. Elle qui ne répondait habituellement que par monosyllabe devait bien reconnaître que face au Gryffondor, elle avait tendance à être plus bavarde que d'habitude. Et si l'énergumène devant elle pensait qu'elle était bruyante, il avait peut-être, malheureusement raison. Ses joues pâles rougirent sous la colère. "Je rêve !" s'exclama-t-elle devant tant d'impétuosité. Les Gryffondors, de toute évidence, n'avaient peur de rien et cela l'agaçait. "Un job ? Qui te dit que je veux travailler ?" lui demanda-t-elle avant de peser la suite de ses paroles. La petite orpheline était une travailleuse, uniquement si on lui montrait une jolie carotte en retour... Mais bon, pourquoi pas. Un job, d'accord. Rémunéré, oké. Mais rémunéré à combien, au juste ? Jyn, si elle acceptait, recherchait son poids en gallions. Oh, elle n'était pas une gamine appâtée par l'argent, ça non. Elle se fichait bien de cela, d'ailleurs. Toutefois, un plan farfelu lui venait en tête pour se sortir de Poudlard, et elle commençait à comprendre qu'elle allait avoir besoin de tout l'argent disponible à Gringotts. "Payé combien ?" croassa-t-elle pour toute réponse en croisant les bras sur sa poitrine planche à pain. Elle était disposée à l'écouter, si tant est qu'il continue d'appuyer sur la paie. Malheureusement pour Dave, il sous-estimait aussi la petite Poufsouffle. Gagner de l'argent, oui, sans l'aide du rouge et or, encore mieux !