Les chouettes et les hiboux s'engouffrèrent dans la grande salle à l'heure du petit-déjeuner. Thomas, en grande conversation avec Joseph et Cole, n'y prêta guère d'attention, jusqu'à ce qu'il croise le regard de Lys, un peu plus loin à la table. D'un simple coup d'oeil, il comprit qu'il venait de se passer quelque chose. Elle tenait dans ses mains une lettre décachetée tandis qu'à côté de son assiette était posté un hibou qui attendait sa récompense avant de reprendre son envol.
Thomas la fixa un moment puis, d'un discret geste de la tête, il lui fit comprendre qu'il voulait la retrouver à l'extérieur. Prétextant qu'il n'avait plus faim, il repoussa son assiette, s'essuya les lèvres en tentant de garder un air détaché, puis ramassa son sac de cours avant de quitter la table. Dans le hall, il s'adossa au mur près de la lourde porte de la grande salle et attendit que Lys le rejoigne, la main agrippée à la lanière de son sac.

Si la jeune fille avait d'abord été plus passionnée par sa tasse de thé matinale, le grand duc de Lucius se posant à côté de sa main droite la sortit de ses pensées, quoiqu'elles avaient pu être. Abraxas Malefoy avait contracté la dragoncelle il y avait de cela deux semaines et le bilan n'était pas réjouissant pour le patriarche, néanmoins en bonne serpentarde et sang-pure qu'elle était, elle avait su retourner la maladie de son père à son avantage. En effet, Lys avait dû user de toute sa volonté sur celui qui avait repris la tête de la famille pour briser les fiançailles qui la liait malheureusement à Amycus Carrow et qui les unirait le onze août de l'année mille neuf cent soixante dix-huit. Une fois la lettre décachetée, ce qu'elle lu la fit passer par trop d'émotions plus forte les unes que les autres et même si elle tentait de garder son implacable masque, Thomas sembla se douter que quelque chose ne tournait pas rond. Elle attendit quelques instants avant d'annoncer qu'elle devait urgeamment répondre à la missive venant d'arriver, sortie de la Grande-Salle elle remarqua le jeune homme qui l'attendait dans le hall d'entrée. « J'ai reçu une lettre de Lucius. » dit-elle après quelques instants, son masque fondant légèrement. Inquiétude. Joie. Remords. Satisfaction.

Lys, enfin, rejoignit Thomas qui l'attendait près de la porte de la grande salle.
— Alors ? lui dit-il avant même qu'elle ait eu le temps d'ouvrir la bouche.
Elle lui expliqua qu'elle avait reçu une lettre de Lucius, sans plus. Alors quoi, que contenait cette lettre ? Thomas, les sourcils froncés, tenta de déchiffrer l'expression de son visage mais il était difficile de savoir si la nouvelle que venait de lui rapporter Lucius la réjouissait ou la peinait. A bout de patience, le Serpentard s'approcha plus près de la sorcière.
— Et ? Qu'est-ce qu'il te dit ? lui demanda-t-il à voix basse d'un ton néanmoins pressant. Eh bien, parle ! C'est au sujet de ton père ?
Il était de notoriété publique qu'Abraxas Malefoy n'en avait peut-être plus pour très longtemps. La dragoncelle, surtout à son âge, était quelque chose dont on ne réchappait pas facilement.
Des élèves s'attardèrent non loin d'eux. Thomas, d'un seul regard, réussit à leur faire comprendre que s'ils ne voulaient pas d'ennuis, il valait mieux pour eux qu'ils dégagent sans demander leur reste. Ce qu'ils s'empressèrent de faire.

« Père ne passera pas le mois de février. » lui avoua-t-elle, en se ressaisissant. Le ton qu'employait le jeune homme trahissait sa curiosité naturelle. Il fallait qu'elle se reprenne, c'était un lieu public et les fouineurs que Thomas venait de chasser le lui rappelèrent aussitôt. Droite, fière, contrastant avec ce que la nouvelle aurait du lui faire ressentir. « Lucius a hérité du sceau des Malefoy pas plus tard qu'hier et... » laissant sa phrase en suspension un éclat de malice traversa rapidement son regard. Devait-elle lui annoncer maintenant ? Ne devrait-elle pas attendre que cela soit rendu publique ? Non. Ils avaient trop attendu pour ça. « ... il a annulé. Plus de fiançailles. » finit-elle par dire, un micro sourire sur les lèvres. Elle était enfin débarrassée du boulet auquel elle s'était vu attacher lors du mariage de son frère. C'était terminé.

Le visage de Thomas ne trahit aucune émotion à l'annonce de la mort imminente du paternel Malefoy. Il le connaissait depuis si longtemps qu'il aurait été juste de penser qu'une telle nouvelle l'attristerait, mais il n'en était rien ; Thomas attendait visiblement ce qui allait découler de la disparition du chef de famille.
— Qu... quoi ? ne put-il contenir un sourire.
Il l'attrapa par le poignet un peu trop brusquement.
— Tu es sérieuse ? la questionna-t-il, se forçant à parler tout bas pour ne pas attirer les regards dans leur direction.
Des groupes d'élèves quittaient la grande salle en parlant bruyamment pour se rendre à leurs premiers cours de la journée. Thomas s'empara du coude de Lys et l'attira un peu plus loin, vers les sabliers dont les pierres précieuses scintillaient dans la pénombre.
— Il faut que tu gagnes du temps, à présent, dit-il. Juste assez pour me laisser le temps de dégager la Rosier... Lucius est au courant pour nous deux ?

Le sourire de Thomas fit s'étirer le sien malgré la pression qu'il exerçait sur son poignet. Elle était enfin libre. Lys se pencha vers lui pour qu'il l'entende malgré sa voix basse. « Tu crois vraiment que je plaisanterai avec ça Thomas ? » lui répondit-elle légèrement déçue qu'il demande vérification de la nouvelle. Mais elle comprenait, à vrai dire elle-même n'y avait pas cru. Personne n'y aurait cru. Elle le laissa l'entraîner dans un coin plus privé du hall, les yeux de la demoiselle pétillaient plus que d'ordinaire : ils touchaient leur but du bout des doigts et pourraient enfin s'afficher sans craindre les représailles de leurs familles. « Je pense que j'en ai gagné assez en devenant prochainement "La Sang-Pure aux deux ruptures de fiançailles." » dit-elle presque amère, elle deviendrait une sorte d'entité intouchable au final par le fait que sa famille est rompues ses engagements avec Sirius puis Amycus. Mais ce qui la rendait si sûre d'elle était la discussion qu'elle avait eu avec son frère lorsqu'ils avaient appris les fiançailles la liant à Amycus Carrow. « Je pense qu'il sait. Il avait proposé ton nom auprès de Père lorsque les fiançailles ont été décidées. » dit-elle simplement profitant de la pénombre pour poser une main sur la joue de son amant. "Je vais essayer de plaider la cause de Thomas Avery, comme remplaçant d'Amycus." lui avait-il dit. Elle avait eu une lueur d'espoir et celle-ci semblait enfin devenir concrète. « Que comptes-tu faire à son sujet ? » fit-elle inquiète des conséquences.

— Tu n'iras pas jusqu'à trois, la rassura-t-il dans un sourire espiègle avant de lui mordiller la lèvre inférieure dans un grognement d'envie.
L'illégalité de leur relation l'avait rendue très excitante. Se voir en cachette, dans le dos de leurs camarades pour la plupart pas aussi dupes qu'ils ne le pensaient... Baisers volés et autres fricotages dans les coins sombres du château, derrière les tapisseries poussiéreuses... L'officialisation de leur union ne risquait-elle pas de lui faire perdre en saveur ? Pour l'heure, Thomas n'y pensait pas. Il avait gagné sa belle, ses concurrents s'étant couchés avant qu'il n'ait eu besoin de dévoiler ses dernières cartes.
Il recula ses lèvres des siennes tandis qu'elle déposait sur sa joue la paume de sa main glacée.
— Père connait déjà mon point de vue quant à cette union, répondit-il tout bas pour éviter également d'attirer l'attention des tableaux qui écouteraient aux cadres, et je sais qu'elle fait ce qu'elle peut pour, elle aussi, faire annuler ces fiançailles. On a un dîner prévu durant les vacances de février. Je compte bien profiter de cette soirée pour la ridiculiser devant son père en mentionnant le fait qu'elle sort déjà avec le sang-de-bourbe. Je réussirai bien à leur faire entendre raison.
Il posa sa main sur celle de Lys, toujours sur sa joue, et y entrelaça leurs doigts.
— Et si ça ne fonctionne pas,j'aviserai en temps voulu, ajouta-t-il avant de se mettre à ricaner. Je connais un coin sympa, en Roumanie, où l'on peut faire disparaître des choses encombrantes. Azelma n'aura qu'à me prêter sa pelle et pour le reste, je me débrouillerai comme je me suis débrouillé la première fois.

Tandis qu'il lui mordillait la lèvre, la jeune fille ne pouvait que se souvenir de la réplique qu'elle lui avait sorti lors de leur petite discussion après l'annonce des fiançailles. Jamais deux sans trois. avait-elle dit. Si la jeune fille se serait retenue de commenter il y avait de cela quelques mois, elle ne se gêna pourtant pas cette fois, au risque de gâcher le moment qu'ils passaient tout les deux. « Ah ? Tu crois ? » dit-elle en haussant un sourcil, l'air provocateur et parfaitement consciente qu'à présent que leur relation prenait un tournant plus officiel au fur et à mesure, elle était aussi plus susceptible de le perdre. Elle avait aimé vivre dans cet espèce de secret, dans cette illégalité qu'elle pensait plutôt bien maîtrisée. Mais tout allait changé et ils pourraient s'exposer un grand public dès qu'ils seraient débarrassé de Rosier.
« Ca me semble encore tellement loin... » dit-elle en baissant le regard, ils avaient tellement attendus et à un peu plus d'une semaine des vacances de février, le temps lui semblait inutilement long. La main que Thomas posa sur la sienne, la réchauffant quelque peu, la réconfortant avant qu'elle ne se mette à rire doucement, se souvenant des vacances qu'ils avaient passés en Transylvanie. « Tu as fini malade dans la forêt, Thomas. » fit-elle légèrement inquiète en se souvenant du Serpentard qu'elle avait du accompagner jusqu'à sa chambre après qu'il ai dégobillé tout ce qu'il avait pu à l'abri des regards. « Mais je ne douterai jamais de toi. » ajouta-t-elle convaincue avant de l'embrasser avec douceur. Le Manoir Travers avait été la première fois. La première fois qu'ils avaient usé de sortilèges noirs sur un moldu, chose qu'elle avait organisé avec Evan Rosier, mais aussi la première fois que son amant avait usé du sortilège de mort. La torture avait dégénérée et cela avait été difficile pour un bon nombre d'entre eux. Mais elle croyait en lui et en son dévouement à la cause.

Thomas ressentit un vif pincement d'agacement lorsque Lys rappela à son bon souvenir qu'il avait dégueulé dans les rosiers après avoir tué le moldu dans le petit salon du manoir Travers. C'était là une ombre au tableau qu'il préférait d'ordinaire occulter lorsqu'il racontait à qui méritait de les entendre ses exploits qui lui avaient permis de mettre un pied directement dans la jeunesse Voldemorienne, dans l'attente de sa sortie de Poudlard qui le promouvrait alors au grade de mangemort. Comme Amycus Carrow et Evan Rosier avant lui, pensa-t-il, amer.
Soudainement renfrogné, il laissa Lys déposer un baiser sur ses lèvres sans le lui rendre. Au lieu de quoi il desserra son étreinte et recula d'un pas, ses sourcils se rejoignant presque entre ses yeux.
— Comme la parfaite petite épouse que tu deviendras, lui rétorqua-t-il en souhaitant la blesser, à sa façon à lui d'aimer les gens.
Il soupira, détourna le regard un instant avant qu'un rire ne s'échappe de ses lèvres.
— Lys Avery, dit-il, son masque froid déjà ôté remplacé par un sourire en coin. Ça sonne bien, tu ne trouves pas ? Lys... -il l'attrapa par la cape, l'attira avec rudesse jusqu'à lui et ses lèvres rencontrèrent les siennes un peu violemment- Avery... -un autre baiser brusque- Je m'y suis déjà habitué, je ne t'appellerai plus que comme ça.
La grande salle se vidait à quelques pas d'eux et Thomas vit leur petit groupe qu'ils formaient avec d'autres Serpentard de haute lignée, sortir à son tour et passer près d'eux sans les voir dans la pénombre de la salle des trophées éclairée seulement par quelques torches et scintillant plutôt des pierres précieuses qui tombaient ou remontaient dans les sabliers. Le premier cours de la journée allait débuter dans quelques minutes, ce qui agaçait le lunatique Serpentard -ou était-ce plutôt ses hormones d'adolescent que cela agaçait ?
— Parfois, j'envie Carrow, lâcha-t-il avec une étonnante sincérité, le regard rivé sur les élèves qui grimpaient les quelques marches du grand hall visibles depuis leur cachette. Au moins, lui, il est dehors ; il a pu participer à Son ascension -celle du Lord- avant tous les autres coincés ici. Quelle frustration d'être enfermé quand on sait que tout se passe de l'autre côté de ces murs. Si mon père ne m'obligeait pas...
Thomas ne termina pas sa phrase. Si son père ne l'obligeait pas à finir sa scolarité, il aurait probablement tout plaqué pour partir rejoindre les rangs du Seigneur des Ténèbres, voilà ce qu'il avait voulu dire.

La soudaine distance que mettait Thomas entre eux latouchait quelque peu, mais elle ne montra rien, elle comprenait. après tout ce n'ait pas là un souvenir plaisant pour lui, elle le savait pertinemment. Néanmoins réplique qu'elle essuya la dérangea tout autant, "la parfaite petite épouse". Tout ce qu'elle ne voulait pas devenir, elle le lui avait déjà dit et sa présence parmi les rares membres féminines des SERPENTs reflétait sa pensée plus que toute parole qu'elle n'aurait pu prononcer. Elle enviait Bellatrix Lestrange, formée par Lui en personne ou encore Elise Lerouge. Des femmes de têtes et pleines de liberté. Elles ne vivaient pas pour entretenir leurs foyer, elle vivait pour la cause. Les baisers que lui asséna son amant la sortirent de ses pensées plus vite qu'elle ne l'aurait cru et elle pu discerner dans la légère violence de ses mouvement, un sourire sur les lèvres qui la contamina tout aussi rapidement. « Lys Avery. Ça me plait, tu peux continuer. Mais ne crois pas que je vais oublier ce que tu viens de dire.» dit-elle malicieuse. Elle avait décidément hâte, peut-être trop, de mettre les pieds hors de Poudlard, sans plus avoir à se soucier de l'avis des gens constamment. Sans avoir sa sphère privée.
Les élèves commençaient à affluer et la blonde savait parfaitement que la bulle dans laquelle ils s'étaient réfugiée éclaterait bien plus rapidement qu'elle ne le voulait pour se diriger vers les salles de cours qui les attendaient. Lys se réfugia contre le torse du brun, appréciant la chaleur qui se dégageait de son tempérament pourtant si indifférent envers les autres au quotidien, elle fut néanmoins surprise de l'entendre si sincère et si spontané. « Envier Carrow ? » dit-elle sans comprendre avant qu'il ne l'éclaire sur les raisons de cette jalousie qui n'avait à ses yeux pas lieu d'être, mais qui lui parut enfin de compte plus légitime qu'elle ne l'aurait pensé. « Tu participes aussi à son ascension, Thomas. On y participe tous de manières différentes. » fit-elle en posant son front contre le sien. « Quand on sera libérés de cette prison, tu te feras ta place. Celle que tu mérites, et Carrow en deviendra fou de jalousie. Et à ce moment-là, à ce moment-là, tu pourras être encore plus fier qu'aujourd'hui. » dit-elle sincère. Thomas n'avait rien à envier à Amycus Carrow. Entre un mangemort ayant failli réduire leur couverture en miette à cause de pulsions qu'il n'avait pas su contrôler et un mangemort ayant oeuvrer pour la cause avec ferveur et discrétion. Il n'y avait pas fléreur quant à choisir celui qui serait sur un pied d'estal.

Son égo flatté, Thomas esquissa un demi sourire. Bien sûr qu'il savait tout ce que Lys venait de lui rappeler ; il avait juste besoin de se l'entendre dire. Il était important, à sa manière ; il avait un rôle à jouer dans l'ascension du Seigneur des Ténèbres, dans la création de cette nouvelle ère qui changerait à jamais le monde magique et la communauté des sorciers. Seulement, c'était bon parfois lorsque les autres vous donnaient une petite piqûre de rappel quant à combien vous étiez important...
— Tu auras, toi aussi, ton rôle à jouer, la flatta-t-il en retour, son front toujours contre le sien. Tu n'es pas faite pour être une Narcissa Malefoy, ça serait du gâchis que de te laisser participer aux réunions des FSP, ou à la maison avec les elfes.
La main du futur mangemort vint agripper les pans du pull de Lys sous lequel ses doigts glacés s'aventurèrent, caressant d'abord ses hanches dont il sentait les os à travers sa peau, puis son ventre, puis plus haut...
— Mr Avery, Miss Malefoy, les coupa le Professeur Brûlopot qui les fixait d'un oeil suspicieux depuis le hall d'entrée, une main glissée dans la poche intérieure de sa redingote.
Thomas sursauta, retira sa main baladeuse de sous le pull de sa petite-amie de qui il se recula avant d'adresser un sourire au Professeur de Soins aux créatures magiques.
— Bonjour, Professeur, le salua-t-il en réajustant la lanière de son sac de cours sur son épaule.
— Je crois que vous n'avez pas entendu la sonnerie, fit Brûlopot d'une voix froide que les manières du Serpentard n'atteignaient pas, les cours ont débuté, filez d'ici si vous ne voulez pas risquer de faire perdre des points à votre maison.
— Nous allions justement partir, répondit Thomas, arborant devant le Professeur ce masque d'élève modèle qui lui avait permis, en six années à Poudlard, de se mettre les membres du personnel dans la poche.
Il s'empara de la main de Lys, accorda un dernier sourire à Brûlopot qui ne dénia pas y répondre, puis gravit les escaliers qui les mèneraient à leur premier cours de la journée.
Leur petite bulle venait d'éclater mais qu'importe car Lys, très bientôt, serait sienne à jamais.