Dortoir des filles de Sepentards, cinq heures du matin, je regardais ma feuille de dessin. Il y a peu j'avais fait un cauchemar étrange, Papa y était avec une certaine Eliana et un bébé, j'avais beaucoup réfléchi qui pouvait-elle être... Peut-être Maman ? Papa ne me montrait que rarement sa photographie d'elle comme on tremble de montrer son jardin secret, je ne sais pas vraiment comment on peut confier des secrets à un jardin, je préfère dire journal secret, sur une feuille la liberté se déploie, intime et sous toutes ses formes.
Je souhaitais vraiment dessiner Eliana, mais je m'aperçus bien vite que je ne savais plus à quoi elle ressemblait.
Un trou se forma en moi, une brèche qui fait mal, aussi triste que coupable. Et je me mis à pleurer de tout mon soul. Cela réveilla une camarade de chambre qui vint me voir : « Ginger, tu as fait un cauchemar ? » Elle me tapota l'épaule gentiment. « Maman, Maman, je ne me souviens même plus de son visage ! » J'éclatais encore plus fort en larmes comme se déverse violemment la lave d'un volcan.
« Tinia, Emmène ce gros bébé, NOUS, on veut dormir. » grommelèrent les autres du dortoirs.
« Allez viens Ginger, allons dans la salle commune. » me dit Tinia en m'aidant à me relever. Je m'agrippais à ma feuille comme à une bouteille d'eau en plein désert, elle me força à la lâcher enlevant mes doigts crispés dessus.
« Viens, viens Ginger... » me disait-elle doucement.
En sortant du dortoir j'entendis « Bon débarras ! » et Tinia grogner dans sa barbe ( Tinia n'en a pas mais ça veut dire assez bas et férocement je crois mais les adultes disent des expressions bizarres parfois.)
La salle commune avec ses vitres sous l'eau et son feu grésillant dans la cheminée nous accueillit mais pas seulement elle.
« Bonjour Corbeus ! » murmurai-je au calamar derrière la vitre. Il vint poser une de ses ventouses sur la paroi et j'y posais ma main, j'étais tombée dans le lac deux fois à la rentrée. Et j'ai senti ses ventouses sous mes pieds, j'aurais pu avoir peur mais il est reparti peu de temps après et Hagrid m'avait remontée dans la barque.
Puis chaque soir, je faisais mes devoirs tout près de la vitre assise sur un grand tapis vert. Mes camarades de classe ne comprenaient pas pourquoi, mais beaucoup avaient abandonné l'idée de comprendre une serpentard qui distribue dessins et chants à toute sa maison tout sourire.
De plus, la plupart n'étaient pas méchants et bien que, plus connaissances qu'ami(e)s , ils me regardaient regarder la vitre avec un air intrigué et doux.
Puis un jour, il est revenu cet immense calamar, il avait vu chaque soir mon regard sous le lac, au début je l'ai aperçu de loin puis chaque jour il s'approcha un peu plus près et j'osais un jour enfin poser ma main sur la vitre, il eut d'abord un mouvement de recul puis lentement a posé lui aussi sa ventouse contre la vitre.
Nous sommes restés là en silence le souffle court une bonne trentaine de minutes, ce silence comme solennel avaient subjugué mes condisciples qu'elle que soit l'année. Puis il était parti lentement, doucement, j'ai décollé lentement, doucement, ma main.
Je lui ai murmuré Corbeus le lendemain, il ne semblait pas en colère de ce nom s'il l'avait compris de derrière la vitre, mais moi je pense qu'il comprend tout Corbeus, puis notre contact silencieux main sur la vitre, ventouse sur la vitre avait repris, chaque soir c'était le même rituel, le matin aussi parfois quand la cheminée signalait que je peaufinais un devoir longuement travaillé.
Dans un sourire au bout de vingt nouvelles minutes, le rituel cessa, notre amitié sans nom m'avait calmée.
Je regardais derrière moi. Ma camarde m'attendait sur un fauteuil, cela me ramena à la réalité trop crue pour mes onze ans seulement.
« Assieds toi. » dit doucement Tinia. Tinia n'avait que trois mois de plus que moi. Pourtant je la considérais comme ma grande-sœur et elle me considérait comme sa petite sœur. Et cela nous convenait. Cependant, je lui cachais bien des secrets.
Je m'assis dans un fauteuil non loin du sien et mis la tête dans mes genoux.
« Dis moi Ginger...Ta mère, elle n'est pas morte n'est pas ? La plupart du temps tu éludes les questions à son propos, certains pensent que tu es en deuil, mais pas moi...c'est comme si tu voulais la retrouver, quelque part en toi, ou ailleurs... »
Je serrai les dents mais cela ne suffit pas, un nouveau sanglot me prit.
« Ginger...Tu sais...je ne peux pas t'aider si tu ne me dis rien.. » supplia mon amie.
« Maman, elle n'est pas morte, elle va nous retrouver, je ne sais pas quand, mais elle va nous retrouver Papa et moi, et même que ce sera bien, et même qu'on sera heureux, tu comprends, tu comprends ? » crachais-je avant de lever un regard plein de larmes. Tinia me prit dans ses bras me caressant doucement le dos. « Où est ta Maman Ginger ? » Je murmurais d'une voix rauque à cause des larmes : « Azkaban », Tinia eut une réaction merveilleuse elle ne dit pas qu'elle comprenait, comment pourrait-elle ?, ni ne me donna des conseils, à quoi bon ? Elle continua à me caresser le dos dans un répétitif et doux : « Je suis là Ginger, je suis là. »
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Peu à peu le désespoir partout en ces cellules humides et noires gardée par des Détraqueurs la quittait. Elle avait réussi à s'enfuir, elle ne se souvenait pas comment, une explosion qui venait de l'extérieur et la porte qui s'ouvre et le souffle du vent, l'air enfin, certains prisonniers se blottissaient au fond de leurs cellules mais pas elle, elle avait encore sa raison, s'accrochant à la phrase de son époux dite il y a dix ans : « Cette enfant t'aime Eliana et moi aussi, nous t'aimons, nous t'attendrons le temps qu'il faudra. Mais s'il te plaît laisse lui sa chance, laisse nous une chance,
Laisse toi une chance aussi ! » comme à une fragment d'espoir et de chaleur prisonnier de la glace.
Elle s'éloigna de l'île en barque puis quand elle fut assez loin elle transplana vers Londres.
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« Ginger, regarde ! » cria Tinia au petit déjeuner, son hibou lui apportait régulièrement la gazette du sorcier. En gros sur la première page, une photographie d'Azkaban aux murs éventrés, en titre : « Les mangemorts ont encore frappé, des prisonniers en cavale ! »
Je regardais la photographie mouvante et reconnus quelqu'un dans la page, quelqu'un que je connaissais.
« TINIA ! » criai-je avec une impulsion de joie.
Je courus à la volière, si maman était vraiment la personne sur la page d'après un flou sursaut de souvenir, elle allait sûrement me contacter. Mais Forge dormait comme un troll assommé.
Soudain un petit hibou tout noir vint se poser sur mon épaule. Trois mots, non signés, « Foret interdite minuit », Maman ! J'aillais enfin la revoir et je pourrais de nouveau dessiner son visage !
« Tu ne vas pas faire de bêtise hein Ginger ? »
Je rougis me sentant coupable en mon projet devant la voix terrifiée de Tinia. Je rangeais vite fait le mot dans ma sacoche grise.
« C'était qui la dame sur la photographie ? »
Je déglutis et fis silence regardant mes chaussures. La gifle partit et me laissa béate.
« Comment veux-tu que je sois là pour toi si tu ne me fais même pas confiance ? »
Tinia avait explosé en larmes. Je m'enfuis littéralement, maman, maman, maman, je vais te retrouver et on vivra tous ensemble maman, maman, maman et on sera bien, maman, maman , maman et personne ne nous séparera plus maman.
La forêt s’étendait devant moi, espacée et clairs sous la lueur matinale, cachant l'ombre et la menace en son sein, j'y entrais sans relever ces détails tant mes yeux étaient plombés de larmes.
Une fois en son sein le chemin se fit plus petit et plus obscur. Seulement quelques rayons me permettaient de me diriger. J'avançais avec une prudence sans cependant pouvoir arrêter de sursauter au moindre bruit. Un bruit plus fort que les autres se fit entendre. Je courais vers lui. Une immense araignée se tenait devant une toute petite licorne au pelage couleur d'or pur. J'approchais doucement. Une voix soudain, une voix effrayante, crissante et rauque.
« Je te vois petite fille, et j'ai faim, tu seras parfaite en dessert... »
Je me forçais à parler très fort : « Laisse le bébé licorne tranquille ! »
L'araignée géante eut comme un grand rire sec et déployé alors que je me montrais.
« Ohhhh.... tu es toute petite, que fais tu là ? Bah tu seras plutôt en accompagnement. »
Elle s'approcha un peu plus du pauvre bébé licorne qui recula jusqu'à un arbre qui l'empêchait à présent de s'enfuir. Réfléchis vite, Réfléchis Ginger.
« wingardium leviosa ! » criais je en mouvant ma baguette, le bébé licorne fut soulevé dans le ciel très haut, je suais, mais il était hors d'atteinte. L'araignée se retourna vers moi furieuse.
« Oh une petite débutante, tu ne connais que ce sort ? Pauvre enfant. Mais tu sais que ce n'est pas grave, je peux te dévorer avant lui... »
J'avais la tête qui tournait, le bébé licorne était bien plus pesant qu'une plume, au moment où je sentais la mort arriver, imminente. Elle ne vint pas. Je rouvris les yeux, des dizaines de licornes défendait le bébé (et moi-même?) en frappant de leur sabot avec force, furieux, même pour la grosse araignée cela faisait trop, elle était encerclée et finit par s'enfuir violemment sans demander son reste. Je fis doucement descendre le bébé licorne et je m'évanouis de trop d'efforts.
Je me réveillais à la nuit, les rayons étaient à présent lunaires, je tentais de me relever mais vacillai. Je sentis un pelage doux et chaud m'aider à ne pas tomber.
« Tu vas bien ? » demandai-je au bébé licorne.
Il se frotta contre moi comme reconnaissant. Puis une grande licorne blanche arriva à bonne distance.
« Merci. » murmurai-je à la licorne qui avait sûrement veillé sur mon inconscience. Nous nous regardâmes quelques longues minutes, mes yeux de mer dans ses yeux d'encre. Et elle se rua, sabots vers le ciel, belle et grandiose. Le petit la rejoignit en trottant et ils partirent ensemble, j'entendais encore leur sabots dans le lointain, quand une femme cria : « QUE FAIS TU LA ? NE BOUGE PAS OU J'UTILISE MA BAGUETTE ! » Je restais immobile retenant un cri de peur, une silhouette humaine s'approcha de moi.
« Une enfant.. Une petite sorcière... Dis moi n'as tu pas bien compris la définition « d'interdite » ? »
Je déglutis, j'étais au bord des larmes mais je devais garder la force de parler.
« Je cherche ma mère. »
« Comment ? Et quel est son nom ? » continua la voix méfiante.
« Eliana, elle s'appelle Eliana ! »
« Ginger ! » s'exclama vivement la voix redevenue douce avant de me prendre dans ses bras. Je sentais sa maigreur extrême. « Maman, maman, maman ! » répétai-je sans arrêt en larmes. Je me serrais fort contre elle. Elle faisait de même, ainsi nous avions moins froid au corps et au cœur.
Elle m'amena à une tente protégée par un sort de protection et d'invisibilité au dehors. Mais à l'intérieur on aurait dit un petit appartement.
« Excuse moi pour le désordre ... » dit-elle embarrassée.
Je lui sautais à nouveau dans les bras, elle rit et pleura en même temps : « Ma petite, ma toute petite fille. »
En somnolant je lui répondis : « Pleure pas Maman on sera tous ensemble à présent ! » Elle me prit tendrement la main avec un doux sourire après m'avoir bordée dans un lit. Rassurée par la chaleur de sa main, je m'endormis réconfortée.
Le lendemain fut une autre affaire, maman me secoua vivement pour me réveiller.
« Dépêche toi Ginger il faut fuir ! »
Je me frottais les yeux encore endormie.
« Fuir ? » demandai-je en baillant comme un petit chiot.
« J'ai entendu des pas ! Ils vont nous découvrir ! Mon sort n'est pas des plus puissants ! J'ai perdu trop de force...là bas ! » s'exclama maman. Je m'habillais en quatrième vitesse, et courais derrière elle de toutes mes forces. « Par là Maman ! » « Le lac ? Pourquoi ? » « Tu verras ! » Maman ne répondit pas sûrement trop affolée. Je plongeais dans le lac, après avoir crié mon nom elle fit de même.
Corbeus le calamar géant ne tarda pas à arriver et alors que nous remontions à bout de souffle. Il se tenait derrière nous comme ayant senti mon angoisse.
« C'est un ami ! » expliquai-je à maman, qui elle était terrifiée.
Les pas se rapprochaient et mon cœur s'affolait de plus en plus.