Faire du canoë sur un fleuve rempli de piranhas, c'était une idée que j'avais trouvé lumineuse, jusqu'à ce qu'Octavius me crache son venin dessus. Ce garçon se réclamait grand aventurier, il prétendait être absolument fasciné par toute sortes de choses qui étaient différentes de ce que l'on pouvait trouver en Angleterre, et pourtant, il trouvait le moyen de m'en vouloir pour ça. A l'entendre parler, nous allions mourir dans d'atroces souffrances si nous tombions à l'eau, alors que franchement, j'ai déjà failli me faire dévorer la jambe, et je m'en suis sorti. Pire encore, je vais bien, et je réitère l'expérience. J'ai toujours l'impression qu'il me juge et m'observe en chien de faïence, comme si je ne valais pas plus qu'un chewing-gum écrasé sous sa chaussure. Pour être tout à fait honnête, je ne comprenais même pas pourquoi je lui avais proposé de venir avec moi en Colombie. Je connaissais le pays, je n'y étais pas seul. Je m'étais dis que ça pouvait lui plaire, et le résultat, c'était qu'il me voyait comme un fou destiné à l'asile.
Je sortis au bout d'un moment une boîte de nourriture organique pour poisson et en jetais une large poignée à l'eau, toujours fasciné par le crépitement de celle-ci sous l'assaut perpétuel des poissons carnivores.
▬ J'pense que ça m'aurait plu d'être un piranhas dans une vie parallèle.

Je pensais sincèrement que boire un verre dans un bar à Bogotà allait me remonter le moral après avoir subi les foudres de l'anthropomage. Je commandais une boisson, et connaissant le coin, nous serions bientôt rejoins par...
▬  Holà muchachos.
Des filles. Malheur et dévastation.
Je préférais me faire tout petit. Hélas, pour avoir passé du temps en Colombie, je savais que quand elles venaient en paire, chacune avait sa proie. Mes yeux allaient de Sofia à Camila avant de revenir vers l'autre d'un air paniqué d'enfant qui a perdu sa maman. Je suis absolument incapable de parler à une femme sans bégayer. Je n'ai pas fréquenté de femmes pendant la majeure partie de mon enfance. J'étais sur un bateau, entouré d'hommes aux moeurs grotesques. Les premières filles à qui j'ai réellement parlé, c'était à Poudlard.
▬ Oh ne vous en faites pas, il n'est pas si fatigué. Il est juste un peu timide mais il ne veut pas l'admettre. Vous comprenez, ce genre de chose n'est pas facile à admettre pour un homme. Mignon, n'est-ce pas ?
Face de rat. J'aurais mieux fait de le jeter dans le Rio Capanaparo. Ce sale morveux l'aurait mérité. Les joues en feu, je me retrouvais sous le feu des projecteurs, alors que je détestais cela. Piégé au milieu de toute cette situation que j'ai créé de toute pièce, je préférais la fuite, en maudissant Octavius de vivre, et en maudissant ces filles qui cherchaient du réconfort auprès de n'importe qui.

La première journée en Colombie avait été un peu compliquée. Elle m'avait donné l'occasion de remarquer à quel point Shannon et moi ne fonctionnions pas de la même manière. Pour être honnête, cela m'avait très agacé. Je veux dire, il connait la Colombie bien mieux que moi. Et il n'avait même pas daigné au moins m'informer la présence de piranhas dans le fleuve ou chercher un toit pour la nuit (j'avais dû insister). M'enfin bref. En me réveillant dans une chambre — miracle — j'étais déterminé à ne retenir que le positif, affichant le sourire de l'homme bienheureux.
Lors du petit-déjeuner, Shannon m'annonça qu'il allait m'emmener dans un village moldu colombien, j'étais trop content. Certes, ce ne fut pas sans méfiance. J'avais saisi le personnage. Mais j'avais envie d'y croire. Peut-être suis-je naïf. Au moins, il m'avertit de la présence de crocodiles. C'était déjà ça. Pendant le trajet, je posai pleins de questions à ce sujet pour me renseigner. Il fut très radin en informations.
« J'ai arrêté de t'écouter après ta première phrase. » me dit-il. Je trouvai cela rude.
« Tu aurais pu au moins écouter jusqu'à la deuxième. »
En arrivant à destination, je me sentis comme un péteuforik-addict à Amsterdam. Shannon me présenta à Rafael qui fut très sympathique et qui nous offrit un café. Mais mon partenaire de voyage ne s'attarda pas longtemps avant de me laisser sur place. Cela ne me dérangea pas.

Que je ne fus pas énervé quand il revint me chercher deux semaines plus tard pour me ramener de force en Angleterre. Comment ça on y avait besoin de moi ? J'étais très fâché. Depuis ce jour là, on ne s'était croisé qu'occasionnellement et on s'ignorait cordialement.
Mais un jour, tandis que je retournai au Quartier Général pour chercher Kaeru-Chan, je tombai sur Shannon qui s'était endormi dans la salle de duel comme un vagabond. J'étais bien agacé de le retrouver là, pour dire vrai. Shannon avait le talent pour faire ressortir le pire en moi. La tension monta très rapidement entre lui et moi et il ne tarda pas à me provoquer en duel « d'entraînement ».
Nous nous battîmes en duel jusqu'à ce que je le désarme. Mon Dieu ! Je sentis la tension redescendre chez moi comme un soufflé. Cela faisait du bien !
« Tu feras mieux la prochaine fois. » dis-je à Shannon en lui rendant gentiment sa baguette tombée au sol.
Mais mon adversaire se montra très rude. Et chose à laquelle je ne m'étais pas attendu (je ne pensais rien avoir fait de mal), il m'asséna un coup de poing dans le nez. A partir de là, je ne saurais tout dire. Je sais juste qu'on s'était battu car j'avais refusé de tendre l'autre joue. J'étais guidé par l'adrénaline, tentant aussi bien que mal de me défendre.
Heureusement, un autre membre de l'Ordre arriva suffisamment à temps pour nous séparer avant qu'il y eut trop de dégâts. Ce membre là ne manqua d'ailleurs pas de nous réprimander pour notre comportement.
J'avoue. C'était pathétique.