J'ignore si quelqu'un me lira un jour, mais je ressentais le besoin d'écrire. Répondre à un appel à témoignages des personnes ayant perdu quelqu'un me parait fou au moment où je forme ces mots. Et très franchement, je doute que je l'enverrai un jour. La pudeur. Le flegme britannique qui nous impose de tout garder en soi. J'ai toujours respecté cette tradition si seulement ça en est une. Souvent, elle m'a porté préjudice, mais je tiens bon. Coûte que coûte.

Il parait que je suis résiliente et forte. Ce sont des termes souvent empruntés à mon sujet, depuis la mort mes parents... évidemment. Et, je crois que c'est le moment de vous dire qui je suis... Si vous tenez cette lettre, vous le devinerez rapidement. Je suis Amelia Bones et j'ai perdu mes parents en septembre 1978. Ils ont été assassinés. L'ombre du crépuscule. Beaucoup de gens me connaissent grâce (ou à cause serait plus exact) à cela... Et voici mon histoire.

On ne parle pas beaucoup de ces choses-là au Royaume-Uni. Est-ce seulement chez nous ou bien... ? J'ose penser que dans d'autres pays, la parole est plus libérée. Mais pour faire simple, j'ai souffert de ce qu'on appelle la culpabilité du survivant. Pour contexte, j'ai.. euh, découvert le cadavre de mon père. Et vous savez, cette culpabilité, elle porte ben son nom. J'ai longtemps eu le sentiment de les avoir trahis, en particulier mon père. Comment expliquer cela sans que vous ne me preniez pour une folle ? Je... Mon père est mort une semaine après ma mère, au même endroit. Il n'était devenu plus que l'ombre de lui-même et je crois, enfin j'aurais souhaité éviter ça. Si j'avais fourni plus d'effort peut-être ? Il serait peut-être encore là... Enfin vous comprenez ? Et j'ai échoué. Il parait que c'est normal, une forme de stress post traumatique qui arrive souvent chez les personnes qui ont vécu un traumatisme. Cette expression s'est appliquée pour la première fois aux personnes ayant vécu la Shoa. J'ai pas tellement connu la même chose... c'est pas du tout la même chose. Mais c'est ce qu'on m'a dit. Une psychomage, alors je suppose qu'elle doit avoir raison.

Vous êtes-vous déjà haï au point de vous sentir coupable de la mort de quelqu'un que vous n'avez pourtant pas causé ? Au point de vous blâmer d'être heureux ne serait-ce qu'un instant ? Comme si... avoir un instant de joie, avec ceux qui restent, était une trahison, une crime même. Ça m'est arrivé. Une centaine de fois. A chaque fois que je riais, que je souriais, que je passais un bon moment, j'avais l'impression de les oublier, de les tuer une seconde fois. Je ne sais pas comment vous expliquer. Mais on vous met tellement la pression. "Tu es la mémoire de tes parents". On te dit que tu es ce que tes parents ont laissé, que tu dois leur porter hommage. Mais comment le faire si c'est ma faute ? Je vous pose la question, car c'est ce que j'ai ressenti. Dans le plus profond de ma chaire. C'est ce que je sentais. Non, je le savais... et on dit que le temps soigne les blessures, même les plus profondes. Ce n'est pas vrai. On apprend à vivre avec. Et on avance, comme on peut, lentement, difficilement. L'avancée est parfois fragile, mais on le fait quand-même. Il m'a fallu des mois pour y parvenir. Six pour retourner dans la maison de mes parents. Ça en est là.

Oh je ne crois pas m'en être sortie indemne ou d'être redevenue la Amelia d'avant. Mais, j'ai appris à me reconstruire, à ne plus me définir par mon deuil. Cela ne signifie pourtant pas que je vais bien. Ce n'est pas vrai. Je n'oublie pas. Le cadavre de mon père me hante toujours la nuit. Mais j'ai réussi... quelque part à m'accepter. A me pardonner ? Peut-être un peu. Je ne sais pas. Le chemin est long, il parait. Poudlard ne s'est pas fait en un jour.

Ne croyez-pas aux phrases toutes faites "le temps referme les plaies" ou "il ira mieux après". C'est pas vrai. "Toutes mes condoléances", j'en ai pas voulu. La pitié, la compassion, ça me tuait. Je ne voulais pas qu'on ait envie de m'aider ou qu'on m'apporte des paroles réconfortantes. Je n'avais pas envie non plus qu'on me dise que ça irait mieux. Car ça n'est pas vrai. Ça ne l'était pas pour moi. Ça l'est peut-être pour d'autres. J'imagine que certains ont besoin de ça vous savez... D'entendre de telles paroles. On réagit tous différemment. Et c'est important de le noter. Mon expérience n'est pas celle de votre ami ou de votre cousin qui a vécu une lourde perte. Elle est à moi. Et personne ne pourra jamais me la prendre ou de tout simplement la comprendre. C'est comme ça. Même un simple "je t'aime" ça me faisait mal... Je n'y croyais pas. Alors, vous savez, je crois que vous devez simplement vous concentrer sur votre expérience, sur vos émotions. Car même si vous n'êtes pas réellement coupable, c'est réel pour vous. Même si votre coeur n'est pas en train de se briser en mille morceaux, c'est réel pour vous. Même si vous n'avez pas une épée qui vous traverse le corps... Enfin vous avez compris ? Ce que vous ressentez est vrai.

Si je vais mieux ? Je dirais que oui. Certaines personnes ont quitté ma vie - de manière définitive - d'autres sont restées, probablement pour toujours. J'ai noué de nouvelles relations des plus inattendues. Certaines se sont renforcées. Je dirais, en effet, que je vais mieux. Je ne m'endors plus la nuit en pleurant dans mon oreiller, je ne tremble plus le matin en me réveillant, je ne vais plus à l'école ou au travail en jouant un rôle. Je suis moi et c'est déjà bien assez comme ça.

Bachelor Degree (droit)

Cours suivis par Amelia au cours de sa scolarité à l'ems

Première année
Semestre 1
Droits fondamentaux
Droit constitutionnel magique
Organisation administrative du ministère de la magie
Introduction au droit civil sorcier

Semestre 2
Systèmes juridiques et instances judiciaires
Introduction au droit moldu
Histoire du magenmagot
Droit administratif

Options
Histoire des idées politiques - Latin

Deuxième année
Semestre 1
Procédures juridiques
Statut juridique et droits fondamentaux des êtres, créatures et animaux magiques
Droit pénal des affaires magiques

Semestre 2
Contrats et liens magiques en droit sorcier
Droits et relations magico-moldus
Fonctionnement de la confédération internationale des sorciers

Options
Histoire politique du Royaume Uni - Latin et enjeux de la civilisation latine

Merci à Jimmy pour son aide fort précieuse !

- M'éloigner de Londres le plus possible (j'irais au bout du monde s'il le faut)

- Trouver un appartement avec Aurora sur Exeter (avec possibilité d'accès au toit pour observer les étoiles)

- Réussir ma deuxième année en droit (et devenir une juge incorruptible et impartiale, personne d'autre ne peut l'être à ma place)

- Ne pas décevoir la juge McKay (croisons les doigts pour ne jamais en arriver là)

- Soutenir Remus (c'est le moins que je puisse faire...)

- Voir les enfants d'Edgar grandir (et être la meilleure tata du monde)

- Connaitre la fin de la guerre (si on me le permet)

Survivre
Je veux vivre et ne plus jamais avoir peur...

Septembre 1979 - Cimetière de Tinworth
Le soleil se levait doucement sur le village de Tinworth, alors qu'une ombre quasi fantomatique se déplaçait vers le cimetière d'un pas rapide, mais peu assuré. La petite dernière des Bones se faufilait dans les ombres pour éviter les regards des moldus et sorciers qu'elle connaissait par cœur, tout particulièrement la commère Kessy. Elle portait une longue veste en laine pour se protéger de la fraîcheur du matin, tenait dans ses mains des fleurs sombres achetées la veille et ses yeux naviguaient de droite à gauche rapidement à mesure qu'elle avançait. Mais personne ou presque n'affrontait des heures aussi matinales. Quelle heure était-il ? Amelia le savait, elle n'avait pas choisi par hasard. 7 h 15. Une année jour pour jour, à cette heure exacte, elle découvrait le cadavre encore chaud de son père dans une ruelle de Londres. Elle se rappelait chaque détail, revoyait la scène encore régulièrement.

Amelia avait tenu à le faire seule. Personne ne savait. Même Soyle avec ses questions démontrant une grande inquiétude n'était parvenue à lui tirer les vers du nez. Elle voulait rendre cet hommage à sa mère et son père seule. Elle craignait qu'on lui apporte du soutien dans cette étape essentielle de sa vie, qu'elle se repose trop dessus pour avancer. Sa seule présence lui permettrait d'éviter tout cela et affronter cette terrible épreuve par elle-même. Ce ne fut pas une décision facile à dire vrai. Son cœur lui avait hurlé plusieurs fois de demander à Remus, Aurora ou Svetlana. Mais finalement, alors qu'elle passait les grilles du cimetière, elle avait l'impression de prendre la décision...

Le caveau familial ne fut pas bien difficile à trouver. Il abritait la plupart des morts de la "lignée" Bones sur quelques siècles déjà. Ses parents étaient les habitants les plus récents et les plus proches de l'entrée. Des noms et des plaques recouvraient les murs. Il lui fallut aller sur la droite pour découvrir Maeve et Alistair Bones. L'épitaphe qui accompagnait leur noms était simple, sobre à leur image "Des parents aimants et amis loyaux". Il ne fallait pas demander à des gens comme Edgar et Amelia ainsi que leur entourage pour faire preuve d'originalité dans des moments pareils. Samuel n'avait pas semblé très résistant à l'idée. Alors, elle trônait là, gravée à tout jamais, prête à traverser les décennies. “ Bonjour papa, bonjour maman. ” Souffla-t-elle en se mettant à genoux pour se mettre à la hauteur. Elle fut prise d'un léger tremblement alors qu'elle déposait le bouquet sur le sol. Elle passa une main sur un pétale qui menaçait de tomber. Elle l'enleva le plus délicatement possible et inspecta le reste plus par besoin de s'occuper que nécessité. Elle vérifia au moins deux autres fois avant de poser ses mains sur ses cuisses et regarder les noms de ses parents. Un silence pesa... Que devait-elle faire ? Que devait-elle dire ? Elle avait essayé de penser à cela, d'anticiper. Sans trop de succès. Et là, elle se retrouvait un peu bête, réduite au silence à cause du lieu, de la situation. On lui avait toujours dit qu'on ne parlait pas ou très peu dans un cimetière. On ne portait que des couleurs sombres, on déposait des fleurs et on faisait une minute de silence. Rien de plus. Mais ce calme sordide, Amelia, elle ne le supporta pas.

Alors, elle fit ce qu'elle n'aurait jamais pensé faire un jour. Elle leur parla comme s'ils étaient encore là, comme s'ils pouvaient l'entendre et lui répondre. “ J'espère qu'elles vous plairont. Je les trouve jolies. ” Elle imagina que sa mère la complimentait sur le choix de composition et que son père approuvait d'un mouvement de tête. Il ne lui fut pas bien difficile de se projeter avec eux à nouveau, un matin alors qu'ils prenaient un petit déjeuner avec quelques invités. Mais évidemment, elle n'entendit que le vent s'engouffrant dans la pièce étroite en pierre. Peut-être qu'il prenait la parole pour eux après tous, mais leurs murmures lointains ne lui parvenaient pas. “ J'aurais aimé venir plus tôt, mais cet été... enfin vous savez, je n'étais pas disponible. ” Une manière presque trop douce pour décrire ce qu'elle avait traversé. Des mésaventures qu'elle préférait taire encore pour le moment. Elle se demanda s'ils avaient croisé la mère de Remus là où ils étaient et les morts du chemin de traverse. Il y avait eu des morts, plusieurs, elle ne saurait citer tous les noms. C'était important pourtant. A cette pensée, une larme coula le long de sa joue. Elle ne pleurait pas énormément. Mais qui plus que ses propres parents méritaient ses larmes ? “ C'est l'anniversaire de ta mort, papa, le savais-tu ? Tiens, ça aussi, c'est pour toi. ” Elle farfouilla dans sa poche pour trouver un bout d'étoffe sur lequel était inscrit Tu me manques. Puis, elle sortit un autre objet de son autre poche. Une petite peluche sur laquelle avait été cousu quelques mots... “ A bientôt. ” Murmura-t-elle en plaçant les deux petites choses derrière le bouquet. C'était sa promesse pour eux. Elle reviendrait tôt ou tard fleurir leurs tombes. Sur ce, elle se leva et se dirigea vers l'extérieur sans un regard à l'extérieur. Quand elle sortit du caveau, le soleil était pleinement levé et une brise de vent vint s'écraser contre ses joues humides et légèrement rosies par le froid...