Tendre un guet-apens à Alexandre Rozen dans une salle de classe vide, ça ramenait Marlene quelques années en arrière au temps de Poudlard. Le traquer, ça avait même été longtemps son sport favori … avant qu’elle ne découvre véritablement le quidditch. Mais hormis ce détail, rien à l’École Supérieure Magie de Londres ne lui rappelait cette bienveillante époque sous la protection de la barbe blanche de Dumbledore. La sorcière, élevée par sa mère moldue, s’était instinctivement sentie chez elle en rejoignant le Château de Poudlard, peut-être parce que c’était en Écosse ? La vieille pierre, les vertes prairies, le lac … il ne manquait que des moutons en train de pâturer. L’ambiance ici était davantage aux colonnes antiques, au marbre et aux dorures. Le lieu du savoir se la pétait un peu plus, elle aurait pu dire. Bref, c’était Londres !

Les mains dans les poches de son pantalon noir bootcut, elle avait cessé d’user le parquet pour se poser devant la fenêtre. Elle reconnaissait des têtes, dont certaines qu’elle n’avait plus vues depuis quelques années, en train de profiter d’un bain de soleil dans le parc à l’anglaise. Un petit rire lui échappa en avisant Saul qui, en vive discussion avec un Professeur, ne s’était pas rendu compte qu’il marchait les lacets défaits. La porte mal huilée grinça dans son dos et elle se retourna pour décerner au Rozen son plus large sourire. « Hé, t’en fais une tête ! » remarqua-t-elle directement. Se trouver face à un inferius ne lui aurait pas fait pire effet. C’était peut-être en rapport avec le parchemin qu’elle lui avait envoyé ? La sorcière s’était faite passer pour l’un des Professeurs de l’étudiant (nom qu’elle avait dégoté sur le panneau d’affichage) et lui avait fait croire qu’il s’était planté aux examens. Elle aurait pu le signer directement de sa main mais aurait-il répondu présent à l’invitation ? Leur relation avait comporté des hauts mais également des bas à Poudlard. Et puis surtout, est-ce que cela aurait été aussi amusant ? Elle s’esclaffa un peu devant son air ahuri.

Sa tête habituelle quand il était avec elle sûrement ? Alexandre lui avait toujours paru plus détendu de loin, plus exactement quand elle ne se trouvait pas dans son giron. L’étudiant se défendait en tout cas avec la même arrogance qu’à l’école. Marlene avait fini par s’habituer aux regards de ses anciens camarades, soit plein d’étonnement soit plein de jugement, face à son premier job. La sorcière se retint donc facilement de lever les yeux au plafond pour se la jouer à la place plus blonde qu’elle ne l’était vraiment. « Tu veux dire qu’il n’y a pas de cursus d’esthétimage ici ? - elle hissa ses fesses sur le bureau de quelque professeur surdiplômé - Qu’est-ce que les anglais peuvent être snobs ! ». C’était quelque chose qu’elle avait véritablement prononcé sans se sentir une seconde offensée. Une guerre grondait au-dehors et l’avis de la sorcière était qu’elle aurait perdu un temps précieux à écouter quelque grabataire lui débiter ses meilleures thèses derrière son pupitre. Les études l’intéressaient mais prenaient trop de temps et ne payaient pas, ce serait pour plus tard. Un scrutoscope traînait à côté d’elle sur le bureau, sûrement suite à une classe poussée de défense contre les forces du mal, elle s’amusa à faire tourner la toupie d’un simple coup de poignet. Des détecteurs de magie noire comme ça, Alastor Maugrey en avait tout un tas ! « On dit épiler au fait, dépoiler veut dire autre chose … qui relève davantage de la compétence des sorcières du Red House ». Ce n’était habituellement pas son genre de se la jouer miss-je-sais-tout mais bon, comme il avait voulu se montrer condescendant …

Marlene releva finalement la tête vers Alexandre pour répondre presque droitement à la question qu’il lui avait adressée. « Je venais simplement aux nouvelles, savoir ce que mon ami serpentard préféré devenait … ». Et se disant, elle avait retrouvé son large sourire. Il était en réalité difficile de dire s’ils avaient jamais été amis. L'adolescente avait sans doute véritablement apprécié le jeune garçon qu’il avait été un jour, sans quoi elle ne l’aurait pas invité au bal. Mais elle avait arrêté de lui parler au fur et à mesure que les rumeurs l’affublaient d’une triste réputation, surtout celle d’avoir participé avec Rosier, Carrow et Avery à une bagarre qui avait presque coûté la vie à un étudiant de Poufsouffle. Ce triste souvenir de sa sixième année était la principale raison de sa venue ici. Marlene voulait savoir qui, parmi ses anciens camarades de maison, Alexandre Rozen fréquentait encore.

Alexandre recentra le snobisme anglais sur les habitants de la capitale et, bien vaguement, Marlene acquiesça. La sorcière n’avait, pour une fois, pas grand chose à répondre. Londres, elle en connaissait davantage la partie sorcière que moldue : c’est à-dire pas grand chose en dehors du chemin de traverse et des salles de concerts clandestines. L’étudiant connaissait sans doute mieux le coeur palpitant de leur pays, elle en aurait mis sa baguette au feu. « T'es chanceux ... je veux dire de connaître Londres, pas d'être un snob ! » plaisanta-t-elle gentiment. La seule partie du monde que la sorcière pouvait se vanter de connaître comme le fond de sa poche, c’était le Loch Lomond de son comté natal. Et justement, cela était à peine plus profond que son fond de poche ...

Aussi l’écossaise revint-elle assez facilement à ses moutons pour écouter très attentivement la vie de son interlocuteur fraîchement diplômé de l'école de sorcellerie. La mention d’une association pour protéger les gnomes de jardin la divertit à peine, incroyable qu'elle n'y ait jamais pensé avant. L’idée était fantastique mais moins captivante pourtant, dans la quête qui était la sienne, que celle d’une secte bizarre. « Tu n’es plus en contact avec Wilkes ou Avery alors ? L’association de ces deux-là suffit à constituer ce qu'on peut appeler ‘une secte bizarre’ … ». La sorcière n'était à ce sujet pas très éloignée de la vérité. Elle avait tôt compris l'existence d'un club secret à l'école mais n'avait jamais rien appris d'autre à ce sujet. Elle ignorait même jusqu'au nom des SERPENTS. Instinctivement, elle donna une nouvelle impulsion au scrutoscope, non pas qu'elle se soit attendue à ce qu’il s’allume et se mette à tourner sans coup de pouce en détectant de la magie noire alentour. Sa confiance en Alexandre Rozen était loin d’être acquise, mais suffisante pour savoir qu’il était loin d’être stupide. Rien à voir avec un Amycus Carrow ...