Razvan,

Peut-être n’as-tu pas envie de lire une lettre signée de mon nom.
Peut-être as-tu juste besoin que j'arrête de faire à nouveau irruption dans ta vie, du moins pour un temps.

Mais je rentre la semaine prochaine en Roumanie pour les fêtes. Je sais que tu ne peux pas retourner voir Mihaela autant que tu le voudrais, et que voyager par les temps qui courent s’avère souvent compliqué.
Alors, si tu le souhaites, je peux embarquer quelque chose dans ma valise qu’un hibou ne pourrait lui transmettre, et aller lui rendre visite pour lui donner de ta part.

Ce n’est pas une excuse pour te revoir, Razvan. J’ai bien compris, crois-moi, j’ai compris que ma présence dans ta vie pour l’instant n’était pas une bonne chose. Sache que malgré le vide que cela laisse dans mon coeur, et probablement aussi dans le tien, je respecte ça. Mais si je peux au moins soulager un peu ta peine, je le ferais. Toujours. Car tu es et tu resteras, à tout jamais, l’une des personnes les plus importantes de ma vie.

Tendrement,
Neolina.


Alors que le hibou s’envolait avec grâce et légèreté, le coeur de Neo était lourd. Jamais elle n’avait mis autant de temps à écrire une lettre. Jamais elle n’avait du à ce point endormir sa spontanéité, réfléchir à chaque mot, chaque tournure pour éviter d’empirer une situation qui, elle ne pouvait s’empêcher d’y penser, ne s’arrangerait peut-être même jamais.

Cher Razvan,

Je suis si contente d’avoir de tes nouvelles.
Es-tu disponible demain ? J’ai pensé que nous pourrions nous retrouver à Hyde Park : je doute que ce coin de nature soit aussi beau que notre Roumanie natale, mais cela ne pourra nous rappeler que de bons souvenirs de nos aventures passées, tu ne crois pas ?

Si cela te va, je t’attendrai à 17h près de l’arche de Wellington.
J’ai hâte de te voir.

Tendrement,
Neolina.

Roulant doucement la lettre entre ses doigts tremblants, Neolina la confia à son hibou qui la pinça, comme souvent. Elle avait hâte, ça oui. Même si au fond de son coeur, elle craignait de se retrouver face à l'ombre qu'elle avait aperçue la dernière fois, et qui l'effrayait tant. Mais jamais de sa vie Neolina n'aurait pu refuser une occasion de voir Razvan. Jamais. Surtout qu'elle avait tant craint qu'il l'ignore, une fois de plus, scellant une nouvelle fois ce besoin de s'éloigner d'elle. Mais non. Razvan voulait toujours d'elle dans sa vie, et ça, ça lui avait fait lâcher une grosse larme qui avait tâché la lettre déjà grisée par quelques cendres.

Cher Razvan,

Ton hibou a réussi à me trouver au fin fond de la Roumanie, où je suis encore pour quelques jours.
Sache que j'ai bien transmis ton cadeau à Mihaela. Elle a tellement grandi, et te ressemble tant... C'est une enfant adorable Razvan, et son caractère n'est pas sans me rappeler quelqu'un. Tu peux être fier d'avoir élevé une enfant comme elle.

Elle et moi avons tenu à te faire un cadeau. J'espère qu'il remplira au moins un peu ton coeur d'amour, et illuminera tes fêtes au passage, si ce hibou est assez endurant pour te l'apporter à temps. Pardonne-moi l'envoi un peu rudimentaire, mais je ne voulais pas surcharger cette pauvre bête.

Je te souhaite aussi de passer les meilleures fêtes possibles, même si j'imagine bien que tu commenceras ton année au côté de tes patients.

Tendrement,
Neolina.

PS : j'ai hâte de te revoir dès le mois de janvier. N'en doute pas.

Enroulée dans la lettre, une photo de Mihaela, tout sourire, avec une dent manquante sur le devant, alors qu'elle ouvre son cadeau. Son expression change un peu, surprise, au moment où elle découvre qu'elle est prise en photo.