Le manque lui dévorait le coeur, et Neolina ressentait cette douleur physique malgré le fait qu’il soit en face d’elle. Cela faisait des mois maintenant, des mois qu’elle avait l’impression d’avoir perdu la personne qui comptait le plus dans sa vie et depuis cette scène à l’hôpital, elle avait même pensé que plus rien ne pourrait venir recoller les morceaux de leur amitié, leur amour brisé. Mais voilà, on ne cassait pas un amour aussi fort avec des gestes aussi tendres que ceux qu’ils avaient échangés dans ce lit, ce matin-là où tout avait changé. Ça n’avait fait que l’amplifier, en vérité, et la douleur venait du fait que ni l’un ni l’autre ne voulait prendre le risque d’en faire une vraie histoire, une histoire teintée d’autre chose que d’étreintes platoniques.
Les explications étaient inutiles, après tout, elle ne lui avait pas demandé. Elle ne voulait même pas savoir, à quoi bon si ce n’était se faire encore plus de mal ? Le rationnel n’avait pas sa place dans une conversation où leurs coeurs prenaient autant le dessus. De toute manière, entre Neo et Razvan, rien n‘avait jamais été rationnel, rien. Leur relation s’était épanouie au-delà des normes qu’on leur imposait, s’échappant d’une case où tout le monde avait voulu les ranger et dont ils avaient tordu les bords pour s’en émanciper. Alors vouloir expliquer les propres limites qu’ils s’imposaient, eux, ça non. Neolina ne voulait pas savoir. Elle voulait juste que Razvan comprenne que ça ne pouvait pas durer ainsi, qu’il fasse un pas vers elle plutôt que la fuir, qu’il lui dise que lui non plus ne pouvait pas vivre sans elle.
Mieux qu’un pas, Razvan l’accueillit dans ses bras et elle y trouva refuge une nouvelle fois comme si c’était là qu’était sa place. Leurs maudits vêtements chauds d’hiver n’aidaient pas à retrouver cette chaleur qui le caractérisait tant, mais peut-être était-ce mieux ainsi car rencontrer sa peau aurait été une torture. Ses bras calés tout contre lui, collée à sa poitrine, il lui semblait que Razvan la protégeait entièrement, du froid, et de tout le reste aussi, si seulement c’était possible. Sa tête vint de se loger tout contre son épaule, et le mélange de cigarette et de sa propre odeur, qui imbibait chaque maille de son pull, la transporta à nouveau dans ce lit qu’elle avait du quitter, à regrets, cet autre matin. Et alors que tout ça aurait pu suffire, vraiment, l’homme qui ne disait jamais rien prononça ce qu’elle désespérait peut-être d’entendre. Ses excuses, d’abord, heurtèrent son coeur avant de l’envelopper d’un baume de douceur qui était le bienvenu, et déjà elle n’arrivait plus à se retenir de pleurer, silencieusement, appréciant chaque mot, chaque mouvement alors qu’elle même n’arrivait ni à parler, ni à bouger.
Et puis, il y eut le reste.
Cette fois, les sanglots ne pouvaient plus être invisibles, tandis que son corps était secoué de légers tremblements qu’il ne pouvait pas ignorer, étant si proche, si proche oui, enfin ! Neolina pleurait, laissant sans doute sortir enfin tout ce qu’elle gardait pour elle depuis tant de mois. Toutes ses craintes, sa peine, toutes ces nuits à se tourmenter, à ne pas savoir si Razvan saurait un jour revenir à elle, croyant avoir tout gâché. Des larmes de soulagement plus que de tristesse, vraiment, et ses mains agrippèrent le revers de son col avec toute la force dont elle était capable. La personne la plus importante de sa vie, la réciproque était si vraie, si vraie ! Il lui semblait que personne ne comprendrait jamais ce qu’ils signifiaient l’un pour l’autre. Savoir que l’autre était là pour soi, même de loin, même quand un continent entier nous séparait, était une source de réconfort inépuisable, à jamais. Il suffisait que Neo pense à Razvan, alors, pour se sentir mieux, c’était comme ça. Et les derniers temps, ces pensées là étaient des tourments, l’équilibre avait été rompu et sa vie souffrait d’un vide sidéral, impossible à combler avec quoi que ce soit, qui que ce soit d’autre.
Alors oui, Neo pleurait, et elle savait qu’il n’aimait pas ça mais ça n’était pas comme si elle pouvait s’en empêcher. Et ça n’était pas comme ses larmes de la dernière fois non plus. Il y eut un silence, entrecoupé par ses sanglots un peu bruyants malgré elle. Elle savait exactement quoi lui répondre, mais c’était difficile de parler sous le coup d’une telle émotion, si forte qu’elle lui en faisait presque tourner la tête. Mais il y avait Razvan, son roc, son pilier, à tout jamais, et elle s’accrocha de toutes ses forces à lui pour relever un peu la tête, son menton calé contre son pull, faisant glisser celle du roumain contre son front chaud à elle. La proximité était troublante, évidemment, mais cela lui faisait tant de bien qu’elle ignorait si un jour, elle pourrait se détacher de lui. « Et moi, j’ai besoin de toi… » lui répondit-elle dans un souffle, car elle savait que la réciproque était vraie, si vraie qu’il n’avait même pas besoin de lui dire pour qu’elle le sache. « Tu es l’amour de ma vie, Razvan. » Glissant ses mains désormais libérées dans sa nuque, elle releva un peu la tête encore et déposa un tendre, mais intense baiser sur sa joue, avant de caler la sienne tout contre. L’amour de sa vie, oui. Sans l’ombre d’un doute.