Les mois étaient passés mais aucun ne se ressemblait réellement. Shannon avait tellement voyagé qu'il n'avait plus de place pour les tampons sur son passeport sorcier. En cet hiver 1979, l'irlandais avait finalement décidé de débarquer en Écosse. Des envies de retrouver un paysage qu'il connaissait bien, des gens qui étaient ses amis. Londres, pourtant, il continuait de l'éviter. La capitale anglaise lui donnait des sueurs, il se sentait là-bas constamment en danger, tant et si bien que de grosses billes de transpiration avaient tendance à dévaler son dos lorsqu'il devait dormir à son appartement. Qu'il y soit seul ou non, d'ailleurs. Aussi, ce n'était pas à Londres qu'il avait transplané avec sa valise en cuir, mais bien au village sorcier de Pré-au-Lard. Et assit sur la fontaine au centre du village, le jeune homme avait calé sa valise bancale entre ses jambes. Une couche de neige commençait à tomber sur le paysage écossais. Poudlard se dressait au loin, majestueux château comme toujours. Rien ne semblait pouvoir menacer sa sérénité qui avait traversé les siècles. Shannon regrettait cette époque où il était simple étudiant, où la guerre ne frappait pas encore à sa porte et où la rébellion était un concept qui n'était pas d'actualité. Pourtant, il avait, d'une certaine façon, toujours été un rebelle. Que ce soit justement à l'école, comme arbitre de Quidditch, comme tireur de baguette d'élite. Comme ami, également. Ses yeux bruns se posèrent sur la devanture des trois balais. Il aurait pu aller voir Rosie directement dans son échoppe mais la vérité, c'était qu'il préférait attendre qu'elle sorte. Dans sa poche, un petit paquet emballé de façon un peu archaïque, qui venait tout droit des Caraïbes. Une petite fleur typique de là-bas, séchée et enfermée dans un bracelet magique. Shannon aimait bien lui offrir des choses lorsqu'il revenait de ses voyages. Peut-être que c'était une façon aussi de se faire pardonner, parce qu'il n'était pas souvent là. Il ne l'avait d'ailleurs pas prévenu de son retour. Il voulait lui faire la surprise. Et la neige continuait de lui tomber dessus, alors qu'il attendait, patiemment, qu'elle passe la porte de son échoppe pour la fermer. L'après-midi était bien entamée, il supposait qu'elle allait fermer pour ré-ouvrir ce soir. Profiter un peu de la vie et de ce que pouvait lui offrir le monde, plutôt que de servir des alcooliques de jour comme de nuit.
Combien de temps Shannon resta-t-il assit sur cette fontaine ? Difficile à dire. Etonnant que l'impétueux irlandais reste là, comme timide à l'idée de retrouver Rosmerta. Mais sa réserve s'envola aussitôt qu'il la vit, justement, sortir des trois balais. Il bondit sur ses pieds et lui fit signe en levant une main vers le haut qu'il agitait de gauche à droite : « Rosmerta ! ». Son cri résonna dans la rue passante et quelques personnes se retournèrent, pensèrent sans doute aussi qu'il était un ivrogne amoureux d'elle, comme il y en avait des centaines. Shannon prit sa valise et fit quelques pas vers elle, alors qu'il souriait à sa seule attention, comme s'il n'y avait qu'elle.


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Rosie et Shannon avaient toujours eu une relation que les gens ne comprenaient pas. Lui qui ne savait pas parler aux filles, qui bégayait quand une de son âge s'approchait pour lui parler, était littéralement le meilleur ami d'une des plus belles femmes du monde magique britannique. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir la beauté qui irradiait des traits de la jeune femme. Elle était splendide, splendide oui et pourtant, Shannon n'avait jamais eu pour elle de sentiments amoureux. Curieux, quand on savait combien il aurait été simple pour lui d'en développer. Mais non, non, jamais, l'irlandais avait cadenassé leur relation dans sa tête pour qu'il n'ait pour elle qu'une douce et tendre amitié. Lui qui avait le talent de tout gâcher, il n'aurait jamais supporté de gâcher une relation avec elle...

Ses yeux accrochèrent immédiatement sa silhouette lorsqu'elle sortit de son échoppe pour mettre les poubelles dehors. Et il lui fit naturellement signe, en la hélant parce qu'il fallait bien qu'ils se fassent remarquer pour animer les commérages de Pré-au-Lard pendant une semaine au moins. Rosie se mit à courir vers lui et lui-même réduisit la distance qui les séparait en écartant les bras pour qu'elle se jette contre lui. Sans autre pensée qu'une joie simple et profonde de la retrouver. Mais l'engouement de la sorcière les fit tous les deux tomber dans la neige, qui heureusement s'était bien déposée sur le sol, assez pour que son derrière ne doive pas subir d'intervention médicomagique au moins. « Tes talons pèsent lourd » plaisanta-t-il sans la dégager pour autant. Shannon la serra encore plus contre lui, son accent chantant de l'Amérique Latine dansait contre la poudreuse comme si c'était magique. La manière dont elle lui ébouriffa les cheveux le rajeunit, lui qui avait pourtant vieillit malgré lui au gré de tout ce qui lui était arrivé ces derniers mois. L'attaque d'avril 1978 était toujours présente dans sa tête et avait, malheureusement, assombrit ses traits insouciants de jeune homme qui se fiche de la vie, de la mort, et du reste. « J'ai tes clés ! » se défendit-il en sortant de sa poche la petite clé rustique, accompagnée du petit paquet qu'il lui tendit. « Et pour toi ». Il commençait sérieusement à avoir le cul mouillé à rester dans la neige, aussi se releva-t-il en premier en tendant ses mains à son amie d'adolescence pour qu'elle s'aide et se relève avec lui. Malgré tout, l'effort le fit glisser et il manqua de tomber en avant pour perdre littéralement trois dents contre le sol. « On va attraper la mort, tu me serviras bien une pinte dis ? ». Shannon lui attrapa la main sans lui demander la permission pour la traîner derrière lui comme si les Trois Balais lui appartenait. Puis, comme frappé par la foudre, il se rappela qu'il avait laissé derrière lui sa valise et il sortit sa baguette en bois de cornouiller pour jeter un sortilège à l'objet qui se souleva pour le suivre. Comme si rien n'était.
Les fesses posées sur un siège haut, l'irlandais avait les mains croisées sur le comptoir. Il n'y avait personne, l'échoppe était fermée pour le monde, sauf pour lui. « Tu m'as tellement manqué Rosie. Je suis désolé du manque de nouvelles ». Tout de même, rustre, mais pas totalement.


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