Quand Mayra avait débarqué, triomphante, sur des bottines ayant connu de meilleurs jours, pour claquer sur le bureau du Rédacteur en Chef de la Gazette, un magnifique article dactylographié, elle ne s'était pas tout à fait attendue à être accueillie de la sorte. Vu ce qu'elle ramenait, elle s'attendait clairement à ce qu'il sorte le carnet de chèque, et lui propose un café taille XXL, ou éventuellement un brandy (….elle n'aurait pas apprécié particulièrement l'alcool, mais il lui semblait que ça méritait au moins ça).
Bilan : il lui avait ri au nez, la laissant sans voix, choquée et vexée.
Elle avait écouté d'une seule oreille ses critiques et lui avait tiré la langue, dès qu'il avait eu le dos tourné. Parce qu'elle n'avait pas encore trente ans, et que c'était une réponse acceptable. Et qu'il n'avait toujours pas d'yeux derrière la tête, contrairement à d'autres sorciers.
Cela dit, s'il lui avait tourné le dos, c'était pour la bonne cause, apparemment. Il avait appelé di renfort.
Vingt-quatre heures plus tard, revoilà donc la Miss au siège de la Gazette, en bottes plus solides, jean ajusté et T-shirt aux couleurs d'un groupe punk (qui avait atterri dans son placard d'habits sans doute par la magie des soirées de folie londoniennes ; elle devrait penser à le rendre à sa propriétaire, mais un autre jour, parce que c'était le seul haut propre qui lui restait, doooonc : ça attendrait, il y avait plus urgent).
Les yeux pétillants, la jeune femme se glissait dans le bureau d'une tête connue. Enfin, connue... Aperçue. Souvent. Et sur laquelle elle avait entendu quantité de choses, dans une autre vie. Il restait difficile de croire que le garçon cute était devenu si.... adulte ? Mais c'était grosso modo le même regard (et surtout, difficile de se tromper au vu du nom ; le monde sorcier n'avait pas la taille du monde normal, les chances d'y croiser un homonyme y étaient réduite). Seule sa voix n'avait vraiment plus rien à voir avec celui qui trottinait sur les talons de sa petite bille bleue.
« Ne t'inquiète pas ; tout ce qui m'importe, c'est d'avoir une chance de sortir ce papier. »Refermant ses mains avec bonheur sur la tasse soudain emplie d'eau chaude, elle eut une moue amusée à son commentaire sur le rédacteur en chef, offrant un clin d'oeil rusé.
« Un homme charmant ; merci de m'avoir laissé l'opportunité de passer plus de temps en tête-à-tête avec lui. »Dirigeait-il ce journal pour s'assurer de censurer les articles qui pouvaient potentiellement le concerner ? Ce serait loin d'être étonnant. Mais ce n'était pas le sujet.
« Ce n'est pas vraiment que je n'ai pas assez de sources. C'est qu'il doute de leur crédibilité, il juge l'affaire trop peu solide pour être sortie. Je lui sortirai des dizaines de victimes qu'il continuera d'en penser la même chose. Et je n'ai que ça. »Elle roula ses jolis yeux noirs, pour signifier ce qu'elle en pensait. Mais elle lui tendit la précieuse feuille dactylographie, l'ayant extirpée de son petit sac à dos, avec le carnet dans lequel elle avait noté tous les éléments.