« Ionela te rejoint là-bas ? » demanda Razvan en se saisissant de sa cravate pour essayer de la mettre correctement. Auparavant, c'était toujours Mara qui la lui bouclait, pour la simple et bonne raison qu'il était certes très délicat avec ses mains, il n'en demeurait pas moins incapable de faire correctement le nœud. Posté devant un minuscule miroir, le roumain faisait de son mieux pour s'en sortir avec les honneurs, avant de glisser un regard vers le britannique qui avait quand même l'air de s'en sortir mieux que lui. « Humf... ». Tous les deux allaient à un mariage, Octavius avait eu le droit de venir puisqu'il était un ami de Ionela, elle-même une amie de la mariée et Razvan était invité comme les quelques âmes qui fréquentaient le petit village où il habitait. La cohabitation avec Octave n'était pas très compliquée, heureusement qu'il avait de meilleures notions de roumain que lui d'anglais. Il pleuvait ce jour-là, alors même que la journée de la veille avait été particulièrement belle. Curieux. « Les roumains mariages sont... Particuliers » dit-il à l'attention du jeune homme alors qu'il finissait de boucler sa cravate. Ce n'était pas glorieux, mais c'était mieux que rien. La chemise bien rentrée dans son pantalon, il récupéra Mihaela pour la prendre dans ses bras. Madame Lupescu devait s'occuper d'elle, mais encore fallait-il que le roumain trouve le courage d'aller toquer à sa porte. C'est que, la dernière fois qu'il l'avait vu - la veille - elle lu avait asséné un si violent coup de journal sur le bras qu'il en avait eu mal pendant dix minutes. « Je revenir » dit-il avant de quitter la maison, sa fille bien enroulée dans des draps chauds. Elle dormait à point.

« Ah vous êtes là vous ! » ; « Bonjour à vous aussi Madame Lupescu » la salua-t-il de sa plus absolue politesse, « allons bon. Ionela n'est pas là » - elle marmonna quelque chose qui ressemblait à une insulte à l'attention sans doute d'Octave et de Razvan conjugués, avant de pencher son visage fripé au dessus de Mihaela qui dormait de son air d'ange - « heureusement qu'elle ressemble à sa mère ! ». Le médicomage hocha la tête avec un sourire crispé en lui tendant les draps dans lesquels était cachée Mihaela. « Ne tardez pas trop... Pas comme d'habitude... Fripon... » ; « C'est promis, Madame Lupescu » ; « Je n'entends aucune promesse venant d'un homme ». Mal-à-l'aise il hocha la tête et répondit : « Bien entendu. Merci encore ». Elle claqua la porte avec virulence et l'échange lui avait donné de telles sueurs froides qu'il en desserra sa cravate avant de réaliser la bêtise qu'il venait de faire. Fait chier, il allait devoir recommencer.

Spoiler:

Stubby avait remarqué une chose depuis le début de son séjour en Roumanie qu’il n’aurait jamais suspectée : les étés y étaient particulièrement doux. Et il y pleuvait… beaucoup. Lui qui avait espéré aller quelque part où le climat était totalement différent du climat chaud et humide ougandais… C’était un échec cuisant. Bon, pour être juste, il faisait plutôt froid – voire très froid – au sommet des montagnes où se situait Uagadou.
Tandis qu’il pleuvait des cordes, Razvan et Octavius se préparait en prévision du mariage qui allait avoir lieu. Razvan l’hébergeait déjà depuis quelques semaines dans sa demeure. Bien que son hôte ne fût pas exigeant, l’anglais faisait de son mieux pour lui donner une quelque sorte de contrepartie en lui rendant des services. La cohabitation s’effectuait plutôt bien, chacun étant assez facile à vivre et paisible. Et la communication n’était pas aussi difficile qu’escomptée. D’autant plus que l’étranger faisait de beaux progrès en roumain.
« Ionela ? Euuuh… je crois… ? C’est ce que j’ai comprendre. » répondit-il à la question de Razvan dans un roumain un tout petit peu approximatif en nouant avec dextérité sa cravate.
Ionela était la petite-nièce de Madame Lupescu venant ici chaque année pendant les vacances. Le reste de l’année, elle étudiait à Bucarest. Elle et Octavius s’étaient liés d’amitié dès les premiers jours. Et il était de notoriété publique qu’ils entretenaient des liens qui ne relevaient plus vraiment de l’amitié. Tout se sait dans un village.
L’avertissement de Razvan interpella Octavius.
« Particulier ? C’est-à-dire ? »
Les mariages roumains étaient-ils plus folkloriques qu’en Angleterre ? Il n’avait pas assisté à beaucoup de mariage dans sa vie si ce n’en était que des festivités nuptiales très très éloignées des traditions européennes. Il n’avait pas vraiment de points de comparaison.

Razvan dut s’absenter pour aller déposer Mihaela chez la vieille et acariâtre Madame Lupescu. Octavius profita alors de son absence pour s’accaparer le minuscule miroir afin d’essayer de mettre de l’ordre dans ses cheveux. Mais avec cette humidité, c’était peine perdue ! Ses boucles n’en faisaient qu’à leurs têtes. Il râlait en marmonnant quand son hôte revint. Il s’arrêta presque aussitôt de râler pour ne pas avoir l’air grincheux.
« Tu sais si Ionela toujours chez Madame Lupescu ? » demanda-t-il.

Les mariages en Roumanie, c'était toujours quelque chose. Outre les tenues souvent folkloriques et traditionnelles, l'ancrage était très fort à la culture de leur région. Razvan, contre toute attente, ne détestait pas pareils événements, même s'il ne s'y attardait pas nécessairement non plus. Généralement, passé vingt-deux heures, il n'était plus visible nulle part. Il rentrait chez lui, ne serait-ce que pour ne pas se faire alpaguer par un groupe et être obligé de les écouter parler pendant une heure de plus. Lorsque Mara était encore en vie, généralement, elle restait plus longtemps que lui, pour la simple et bonne raison qu'elle avait davantage de patience et de sociabilité. Ce n'était pas négligeable. Quoiqu'il en soit, il n'avait aucune idée de la manière de laquelle cela allait se dérouler avec Octave. Il avait été surprit d'apprendre qu'il était le bienvenu d'ailleurs, parce que dans la région, un étranger n'était pas forcément aussi bien accueillit qu'à la capitale. Mais soit. Le britannique au moins, irait au bout de l'expérience d'immersion en société roumaine. « Particulier pour vous » fit Razvan pour lui faire comprendre que c'était normal pour tout le monde en fait, sauf pour les étrangers qui n'avaient pas les mêmes coutumes. Mais les mots lui manquaient dans la langue de Shakespeare pour exprimer vraiment ce qu'il voulait dire, aussi laissa-t-il tomber. Octavius se rendrait compte de la chose par lui-même de toute façon.

Revenu de chez Madame Lupescu après lui avoir laissé Mihaela, son invité lui demanda si Ionela était là et un sourire amusé fendit le visage fatigué du médicomage. « J'ai pas vu » lui répondit-il en accompagnant sa phrase d'un haussement d'épaule, « si elle te rejoint là-bas, elle y est sans doute déjà. On est pas en retard, mais on est juste ». Tant pis si le britannique n'avait pas tout compris avec exactitude. Ils devaient se dépêcher un peu. Madame Lupescu allait s'assurer qu'elle s'y rende, sa nièce. Pour la réputation de la famille et tutti quanti. Il essaya de remettre sa cravate tant bien que mal, et le résultat n'était pas si terrible si l'on prenait en compte l'incapacité de Razvan à bien nouer cette créature du démon. L'homme rangea sa baguette dans sa poche, prit sa veste et sorti accompagné d'Octave.
C'était naturellement un mariage en petit comité. Vingt, vingt-cinq personnes. Comme les religions étaient mal vues sous le joug soviétique, les mariages intéressaient moins certaines personnes qui ne voyaient d'intérêt que religieux. Les papiers à la mairie, ça leur passait au dessus. Alors la soirée qui suivait, vous imaginez... La signature des documents n'était sans doute pas la chose la plus palpitante du monde mais la petite sauterie en fin de journée était déjà plus intéressante, ne serait-ce que pour les litres de tuica qu'on pouvait trouver. Razvan pointa d'ailleurs la table un peu bancale sur laquelle on pouvait notamment trouver de l'alcool - surtout de l'alcool fort. Ionela se promenait dans la salle et alors qu'il revenait vers Octavius qui était occupé avec quelqu'un d'autre, le roumain lui dit dans un anglais fort approximatif : « Devrais essayer ça si Ionela t'a pas dis » - oui bon, le sens global était là. Il lui versa un verre et ajouta : « Bon courage ». Il trinqua avant de s'enfiler une gorgée qui lui incendia la gorge. Razvan buvait peu mais la tuica, il aimait quand même beaucoup ça. En arrière fond, une musique bien traditionnelle invitait même les plus chastes personnes à danser un peu avec leur partenaire préféré.


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Au cours de sa vie anglaise, Octavius avait assisté à plus d’enterrements que de mariage. Il avait le lointain souvenir du mariage de la fille de la cousine de sa grand-mère quand il avait neuf ans. Il s’y était ennuyé. Il avait mal estimé le temps de lecture qui lui restait sur son livre et était trop timide pour jouer avec les autres enfants qui étaient pour lui de parfaits inconnus. Par conséquent, il était resté dans les pattes de sa grand-mère tout au long de la soirée. En somme, il connaissait les traditions anglaises en n’y ayant que très peu assisté.
En revanche, il avait assisté à d’avantages de mariage à l’étranger. C’était toujours des événements festifs, imprégnés de traditions. Il avait hâte de voir ce qu’il en était d’un mariage roumain, d’autant plus que Razvan demeurait très évasif à ce sujet. Après que ce dernier ait été déposé Mihaela chez Madame Lupescu, ils se mirent en route vers le lieu du mariage.

C’était un mariage en tout petit comité. La signature des papiers fut banale. Ici, la religion n’était pas très présente. Pourtant, Octavius aurait apprécié un passage par l’église. La soirée, par contre, s’annonçait déjà plus animée. Des musiques traditionnelles étaient jouées et certains invités s’étaient déjà accaparé la piste de danse. Octavius les regardait depuis le côté, presque fasciné, tandis qu’il discutait avec un garçon avec lequel il s’entendait bien depuis le début de son séjour. C’était un jeune homme robuste qui travaillait habituellement au champs nommé Cosmin. Ionela, quant à elle, l’avait abandonné pour papillonner avec une copine à elle.
Razvan vint alors à lui pour lui recommander une mystérieuse boisson se trouvant sur le buffet tout en lui servant un verre.
« Qu’est-ce ? » demanda Octavius en toute ignorance en amenant le verre à ses narines pour en sentir le contenu.
Il fronça alors le nez à l’odeur. Si cela en avait l’apparence, ce n’était définitivement pas de l’eau comme il l’avait pensé au tout début. Cosmin pouffait de rire face à sa réaction. Cela le rendait suspicieux. Peu rassuré, Octavius trinqua malgré tout. Mais contrairement à Razvan, il n’eut pas le courage de boire cul-sec et se contenta d’une petite gorgée timide. Il grimaça aussitôt.
« Euw ! C’est fort, ce truc ! Ca goûte le… produit ménager. »
Cosmin explosa de rire. Ionela choisit ce moment pour apparaître. Elle salua les trois garçons avec un grand sourire. Un sourire qui s’affaissa un tout petit peu en voyant leur activité.
« Vous êtes pas sérieux ? Vous lui faites tester la tuica ! » Son sourire se redressa en un rictus moqueur. « Mais c’est trop pour lui ! C’est un p’tit joueur ! »
« Eh ! » s’offusqua alors Octavius comme un enfant. « Je t’ai compris. »
« Quoi ? C’est faux ? » fit-elle en se servant elle-même un verre. « Alors prouve moi le contraire. » Elle but son verre cul-sec comme un homme.
L’anglais fit la moue en regardant le contenu de son verre, puis Razvan comme pour le supplier de quelque chose. Il sentait la pression de tous ces regards sur lui. Finalement, il prit son courage à deux mains et leva le coude. S’en suivit une large grimace et une toux. Il sentait les larmes monter. Roh, il devait avoir l’air ridicule.

Assister à un mariage roumain sans goûter à la tuica, ce serait un véritable scandale. Et Razvan en était bien conscient, d'autant plus qu'Octavius était aussi en Roumanie pour découvrir un peu la qualité de vie excellente du pays. Enfin... Il n'était pas certain que la boisson préserverait son foie d'une cirrhose, mais que serait la vie sans un tord boyaux, après tout ? Il n'était pas un grand buveur, et il faisait très attention à ne pas se laisser aller à boire maintenant qu'il était père célibataire. Le roumain passait sa dépression dans la cigarette et s'il continuait comme cela, il allait se ruiner les poumons. Pas comme si sa vie n'était pas ruinée, de toute façon. « Trois fois rien » assura le médicomage en n'en rajoutant pas une couche pour lui dire que c'était de l'eau. Il ne se fit pas prier pour vider son shot dans son gosier alors que le britannique faisait la petite nature. Il pensait pourtant que dans ce pays aussi, ils aimaient l'alcool comme il faut... Ionela heureusement, faisait l'honneur de son pays alors que Razvan rigolait dans sa barbe en même temps que l'autre homme qui accompagnait Octave. Ce dernier lui balança un regard suppliant mais le roumain ne réagit absolument pas. Au contraire, il se contenta de lui sourire en l'invitant d'un geste du menton à prendre son courage à deux mains.

Être à un mariage lui faisait curieusement du bien. Ça lui permettait de ne pas cogiter, de ne pas penser à des choses qu'il regretterait plus tard. Finalement, peut-être avait-il un peu besoin de décompresser un bon coup, de se laisser porter par la soirée sans penser à des choses qui auraient toute sa vie pour le torturer encore. Ionela et Octavius étaient mignons ensemble, les amours d'été l'étaient toujours. Ça l'était d'autant plus lorsque cela durait une vie. Mais certains n'avaient pas cette chance de toute évidence. Une femme s'approcha de leur groupe et Razvan l'avait identifié comme étant de la famille d'un des deux époux et se fendit d'un commentaire gentil à l'attention d'Octavius, qu'elle ne connaissait pourtant pas, la convivialité roumaine : « La première fois c'est délicat mais après ça va mieux ». La phrase arracha un léger rire à Razvan comme à Cosmin, forcément. Ce dernier en profita pour en rajouter une couche : « C'est comme avec tout ! ». Gros éclat de rire cette fois-ci pour ceux qui parlait couramment la langue slave. Razvan en profita pour sortir son paquet de clope et en proposer une à la charmante jeune femme et aux autres, avant de lui-même en glisser une entre ses lèvres. « Vous n'avez pas trop de mal pour vous faire comprendre, ici ? Ou pour nous comprendre ? » demanda-t-elle à l'attention d'Octavius une fois que sa cigarette fut allumée entre ses lèvres.

Octavius ne faisait pas confiance à ce liquide transparent qui n’était certainement pas de l’eau. L’insistance avec laquelle on l’encourageait à goûter à cette chose était suspecte. Il devait s’agir d’une mauvaise blague et d’une volonté de le voir passer un sale moment. Mais il se laissa emporter malgré tout et but. Sa réaction provoqua l’hilarité de l’assistance. Ionela arriva à ce moment fatidique et se moqua aussi de lui, comme elle aimait souvent le faire. Octavius céda à la provocation et le regretta tout de suite après comme la toux le saisissait. Il avait la bouche et la gorge en feu.
Puis, comme dans une pièce de théâtre, la mariée entra en scène. Elle s’adressa à Octavius comme s’il eut été des leurs. Ce qu’elle dit arracha des rires à Razvan, Cosmin et Ionela sans qu’Octavius comprenne vraiment pourquoi. Mais il s’aligna avec eux en souriant un peu bêtement.
« Moi j’dis qu’il y en a qui s’en sortent bien. » commenta Ionela en regardant Octavius du coin de l’œil avec malice.
Il ne comprit pas tout de suite qu’on parlait de lui. Quand il comprit la teneur du propos, il fronça les sourcils.
« Eh, c’était pas ma première fois… ! » se sentit-il obligé de préciser pour sauver son honneur.
« Vraiment ? » s’étonna-t-elle ingénument.
Il avait eu une petite-amie quand il était encore en Angleterre et avec qui il était sorti plusieurs années. Mais deux mains étaient largement suffisantes pour pour dénombrer le nombre de fois où leur amour était passé du côté charnel.

Très sympathique, la mariée demanda à Octavius s’il parvenait à se faire comprendre.
« Dépend des jours… Mais mes bases en italien et en espagnol aident. Quelques similitudes… »
Il n’avait jamais dit à personne ici qu’il parlait italien et espagnol, il semblait. L’occasion ne s’était jamais présentée alors Octavius n’avait pas jugé ça primordial. De toute façon, il apprenait mieux le roumain de la sorte.
« Attends… Tu parles italien et espagnol à quel point ? » demanda Cosmin, ne s’attendant pas à cette révélation.
Octavius haussa les épaules pour signifier son incapacité à répondre à cette question avec un sourire embarrassé.
« Bah je sais pas… Assez bien… Je crois ? J’ai vivais en Italie et dans des pays qui parlent l’espagnol quelques mois… Comme un an ou plus. »
L’immersion était bien le meilleur moyen pour apprendre un nouveau langage.

Les yeux noirs de Razvan glissaient sur le beau visage de la jeune femme dont il ne connaissait même pas le nom. Pour une fois depuis qu'il supportait son deuil, il avait l'impression de débrancher la prise de la vie et de la douleur. L'alcool, la clope, la joie qui inondait chaque personne semblait-il avait l'air de l'aider là-dedans. Peut-être qu'au fond, c'était de ça qu'il avait besoin. S'entourer de gens qui ne soient ni malades, ni dépressifs. Héberger Octavius lui faisait du bien, car il donnait un coup de vent frais dans sa vie. Les gens de son pays étaient soumis à des vies difficiles. Le propre de l'Homme était peut-être le rire, mais au fond... Au fond, c'était parfois difficile. Mais pas vraiment ce soir, puisque le britannique s'enfonça sans s'en rendre compte. Le sourire du roumain ne se délogea pas et il jeta, de nouveau, un coup d’œil à la nouvelle arrivante qui le dévisageait aussi. Hum.

Razvan rattrapa la conversation comme il le put, voilà que ça parlait langues étrangères. Parce que le roumain ressemblait un peu au latin, il avait toujours eu des facilités à comprendre l'italien. Savoir que l'homme qu'il hébergeait le parlait lui fit lever les yeux au ciel. Ils pourraient discuter un peu plus longuement s'il voulait bien converser avec lui dans la langue de Dante. Si Razvan serait incapable de lui répondre dans ce dialecte, au moins pourrait-il le comprendre un peu mieux ! « Un vrai voyageur » souffla le médicomage en même temps qu'une volute de fumée qui avait fait un tour dans ses poumons, « et quel a-t-été votre pays préféré ? » demanda la jeune femme qui les avait rejoint. Nouveau coup d’œil, nouveau croisement de regards. Bon bon bon. Il n'écouta pas franchement la réponse d'Octave parce qu'il l'entendait assez converser sur ses voyages. Il fallait dire qu'il était plus bavard que lui qui n'avait à raconter que Durmstrang et Sibiu. Razvan remarqua que le verre de la demoiselle était vide et se proposa naturellement d'aller lui en chercher un autre. C'eut été dommage qu'une si belle voix ne puisse s'exprimer en raison d'une gorge trop sèche.

Une bonne heure plus tard, ils s'étaient tous séparés pour vaquer à de nouvelles rencontres. Et Razvan quant à lui, raccompagnait la demoiselle qui s'avérait être la sœur du marié. La raccompagnait où ? Certainement pas chez elle. Les discussions allaient bon train entre eux, ils s'entendaient définitivement très bien.
Ils s'entendaient tellement bien que c'en était surprenant. Tellement bien que... « Salaud ! ». Et de un.

Deux.

Trois.

Razvan finit les fesses dans le gravier, le nez en sang, la bouche imbibée du liquide au goût ferreux, il n'avait même pas essayé de rendre les coups. Il fallait bien dire que s'envoyer en l'air avec la sœur du marié n'était peut-être pas la meilleure idée du siècle. Mais la situation avait de quoi être sacrément ironique quand même. Le roumain se releva difficilement, déçu surtout que l'homme ne soit pas arrivé un peu plus tard. On ne pouvait vraisemblablement pas tout avoir. « Ne te moque pas » grogna-t-il à l'attention d'Octavius qui avait fini par rentrer de sa soirée de mariage. Nul doute qu'il avait besoin d'une bonne tuica.

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