Cette rentrée, il fallait l'avouer, j'étais pire qu'avant. Ouais, si c'était possible. Chaque regard que l'on me lançait, chaque remarque, chaque espoir de conversation, je n'y faisais pas attention. Constamment les mains dans les poches, les yeux rivés vers l'avenir, j'étais le maître des lieux et je le montrai bien.
Mon sac sur l'épaule et ma main dans ma tignasse noire, je revenais tout juste du hall d'entrée où je venais de déposer mon nom au sommet de la liste des inscriptions de Quidditch. J'étais, genre, le meilleur poursuiveur de toute l'école. Je ne voyais pas comment je ne pouvais être pris. Quoi qu'il en soit, je me dirigeai à présent en direction de la bibliothèque. Sirius m'avait demandé d'aller faire des recherches pour ajouter deux ou trois sortilèges à la conception de notre carte des Maraudeurs, tandis qu'il prenait du bon temps avec une fille pendant notre pause de l'après-midi. Sirius, c'était un peu le seul à qui j'obéissais, dans l'école. Même Rémus, qui était pourtant le plus sage d'entre nous, n'arrivais que rarement à avoir le dessus sur moi. Sirius, lui, c'était différent.
C'est avec un sourire en coin et quelques saluts charismatiques que je fis mon entrée dans la bibliothèque. Les lieux étaient quasi bondés et c'est avec fierté que je me faufilais entre les tables. Je savais ce que je cherchais, je n'étais pas là pour faire la causette à qui m'admirait. Le livre qui m'intéressait, je le trouvais aussitôt. Alors que je passais entre deux tables histoire d'aller m'installer quelque part où tout le monde pourrait me voir, ma jambe heurta le pupitre d'une serpentard qui, sans même besoin d'échauffement, me tacla aussitôt.

▬ « Qui ne rêverai pas de me croquer, Lawford ? » Dis-je sur le ton de la conversation, haussant les sourcils et adressant un sourire malicieux à ma voisine.

Je laissai claquer le lourd grimoire sur la table de bois à laquelle était accoudée Militine, faisant ainsi sauter une paire de ses parchemins sur le sol. Plusieurs regards se retournèrent vers nous, mais je n'y prêtai aucune attention. Elle non plus, d'ailleurs. Bizarrement, nous étions plus proches au niveau du caractère que nous aurions pu le penser.

- Je ne me perds jamais dans mon domaine, chérie. Lançai-je, le même sourire en coin sur le visage.

J'attrapai une chaise d'un geste vif à une autre table puis la basculai rapidement à la table de Militine. Je la mis à l'envers, histoire de me mettre à cheval et de pouvoir m'accouder au dossier tout en dévisageant chaque trait de mon interlocutrice. Normalement, je n'aurai pas pris la peine de m'asseoir à sa table. Mais cette jeune fille, qui osait m'aborder sans bégayer, eh bien elle m'intriguait.

- Tu aurais préféré que "ma clique" m'accompagne ? Tu as peut être des vues sur Sirius, huh ? Dis-je en haussant les sourcils d'un air moqueur. Je peux t'arranger un coup si tu n'oses pas toi-même. J'ajoutai un clin d'oeil à mes paroles.

C'était comme un match de tennis, chacun se renvoyant la balle. Qui la ferait tomber le premier ?

"Tu crois vraiment qu’une fille comme moi pourrait avoir besoin d’un pigeon voyageur pour ces choses là ?
- Inutile d'avoir honte, Lawford, on a tous nos faiblesses, trésor..." répondis-je en haussant les sourcils et en souriant.

Que n'avais-je pas dit là. Aussitôt que je parlais de faiblesse, voilà qu'elle me claquait en plein visage l'une de mes pires lacunes. L'amour -enfin, si c'était ce que je ressentais, je n'en étais même pas sûr- que j'éprouvais pour Lily, voilà ce qu'elle me mettait dans les dents. Comment savait-elle, déjà ? Même Sirius n'était qu'à peu près sûr de mes sentiments. Alors Militine, cette salle langue de vipère, elle avait touché juste, mais comment avait-elle fait ? Le temps d'une demi-seconde, à peine remarquable, mon sourire se crispa, se figea même et mon regard glissa derrière Militine. Quasiment tout le monde nous regardait. Et s'ils l'avaient entendu...
Me devant de rester digne, je repris mon air malicieux qui me donnait encore plus l'air d'être complètement sur de moi. Militine n'avait surement pas remarqué la faiblesse dans mon regard, et quand bien même elle l'avait fait, je m'en fichais. J'attrapai rapidement la plume des mains de la jeune fille et me mis à la tourner entre mes doigts, mes yeux toujours rivés dans ceux de la jeune fille et mon sourire en coin plus brillant que jamais.

"Je n'ai besoin de l'aide de personne pour faire tomber une fille dans mes bras. Si tu veux, je t'en fais la démonstration dès maintenant, princesse..." dis-je en me mordant légèrement la lèvre inférieure, mon pied glissant jusqu'à la chaussure de Militine.

J'allais probablement me prendre la veste du siècle à ce moment précis, mais elle finirait par succomber. C'était plus que certain.

▬ « Outch, touché, ma belle ! » Dis-je de façon théâtral, une main sur le coeur et reculant sur mon siège comme si j'avais reçu une flèche dans la poitrine.

Du même coup, je retirai vivement ma basket de sous la table, histoire que la demoiselle en face de moi cesse de m'écraser les orteils comme elle le faisait. Son talon était horriblement douloureux, mais je ne devais pas montrer signe de souffrance. Du moins, pas devant tout le monde. A l'abris des regards... Je pouvais me lâcher.
Je fixai Militine avec un léger sourire. Je la laissa reprendre sa plume et gardai pourtant ma main en l'air, comme si l'objet avait encore été entre mes doigts. Elle était sauvage, très sauvage. Mais ce genre de défi ne me faisait absolument pas peur, j'avais connu pire. Lily, par exemple... Même si Lily, cela n'avait encore pas abouti.

▬ « De la persévérance, c'est marrant que tu en parles, Lawford. C'est une de mes plus grandes qualités... La patience, aussi, et la gagne. J'arrive toujours à mes fins. Mais tout ça, je pense que tu le sais déjà. »

Je me rapprochai de la jeune fille, mon visage n'était plus qu'à quelques centimètres du sien, à présent.

▬ « Tu succomberas. Ne résiste pas trop longtemps, chère Militine, tu ne pourras y échapper... » dis-je en lui lançant un clin d'oeil.

& elle me planta là. C'était plus fort que moi, je ne pouvais effacer ce sourire satisfait de mes lèvres. Les siennes, au passage, avaient frôlé ma bouche sans vraiment les toucher, j'étais face à une connaisseuse, c'était clair et net. L'enjeu était d'autant plus amusant que de s'attaquer à une proie difficile. Comme un défi que j'allais surmonter avec classe, j'en étais persuadé.

Je la vis tourner les talons puis s'éloigner & je ne pus m'empêcher de la suivre des yeux jusqu'à ce qu'elle sorte de la bibliothèque. Les regards des autres étaient à présent rivés sur moi, comme pour voir la réaction que j'allais avoir. Si j'allais la suivre, si j'allais baver, bref, ils étaient comme au cinéma. & comme au cinéma, l'acteur ne fit aucunement attention au public. Au lieu de cela, je me contentai de passer mon pouce sur mes lèvres, les yeux toujours rivés vers la sortie et ce sourire ne souhaitant pas disparaître.

Je fini finalement par attraper sa plume sur la table, à la fourrer dans mon sac & me dirigeai vers la sortie des lieux, sans un seul regard pour l'assemblée, l'air digne, les mains dans les poches et la tête plus haute qu'à l'ordinaire.