Il ne fallait guère se fier au ciel azur. Le printemps s'installait difficilement cette année. Tout le pays était encore paralysé par le froid, le brouillard et comme un linceul qui s'abat sur les coeurs et les esprits, Minerva ne ressentait aucune joie particulière. Ses bottines vermeil, un pur délice pour ses pieds choyés, foulaient le sol du parc sans but. Elle errait, silhouette inoffensive qui avançait, mue par un quelconque besoin. Difficile de la louper dans ce paysage à vous couper le souffle. Solitaire, avec sa robe magenta flamboyante qui laissait apparaître ses chevilles fines et puis un début de mollet. C'était une simple robe de coton mais taillée à la perfection et les fils, tous du coton le plus pur apportaient confort et douceur à sa peau. Elle avait entouré ses épaules d'un châle de soie violine piqué de fils dorés.

Au début ça l'avait tout de même vexée qu'il ne lui ai rien dit. Apprendre cette nouvelle d'une manière aussi impersonnelle et pompeuse ça la révoltait. Comment pouvait-il ignorer à ce point les liens du sang ? Et d'ailleurs pourquoi personne dans son entourage le lui avait annoncé ? Minerva avait bien senti le désir brûlant, plein d'orgueil et de vanité, l'empressement solennel avec lequel sa grand-mère le lui avait enfin écrit la nouvelle. De toute manière elle s'en serait bien rendue compte toute seule. Mais enfin, pourquoi la tenir à l'écart comme ils l'avaient fait ? Depuis le terrible décès de Sybil Vane, la malheureuse pensa Moon et aussitôt une bouffée de culpabilité lui colora les joues, sa famille l'étouffait. C'en était presque insupportable mais le plus difficile à cerner demeurait encore cette absence de lois quasi martiales auxquelles elle s'était attendue.

Un corbeau vola au-dessus de sa tête. Ces bestioles lui fichaient la chair de poule. Elle resserra son châle sur ses épaules. Tout un mélange nauséeux de sentiments l'agitaient. La peur, la honte, la culpabilité mais aussi l'impuissance, la rage violente qui la secouait chaque fois qu'elle voyait ces pauvres âmes forcées à porter ces affreuses baguettes sur leur poitrine. Comme elle détestait Lucius Malefoy et comme elle détestait Seth Anderson de maintenir cet état indigne.

Mais plus que tout, elle se sentait mal en cet instant d'être la cousine de Lucius, et pire que tout elle éprouvait une gêne cuisante à ce qu'il ai fait passer le message. Son regard clair se fixa sur une silhouette qui venait dans sa direction. Elle pria pour que ce ne soit pas la chevelure d'or pâle de son cousin.

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Mars 1977

Sa cervelle se farcissait à une vitesse prodigieuse d'idées sombres. Sa méfiance grandissait à l'ombre des évènements sordides en cours dans tout le pays. Son entourage lui apparaissait chaque jour un peu plus corrompu et son courage, déjà bien faible, fondait comme neige au soleil. Minerva n'avait pas de plan pas plus qu'elle n'avait l'intention de s'élever contre ce système injuste. Les persécutions allaient bon train et bien que ça aille à l'encontre de sa nature les enjeux étaient trop importants pour qu'elle agisse. Et puis d'ailleurs qu'est-ce qu'une adolescente comme elle pouvait bien faire ? Sa couardise se nourrissait de ses incertitudes avec d'autant plus de bonne volonté qu'elle se terrait sous ses grands airs, persuadée de ne pas avoir sa place dans ces affaires là. Mais au fond d'elle, à l'abri des regards indiscrets de ses camarades, Minerva savait pertinemment que tout ça c'était du vent. Une illusion dans laquelle elle se vautrait par faiblesse. L'espoir n'était pas encore mort en ce bas monde bien qu'une foule noire de sinistres individus aurait beaucoup donné pour l'enterrer.

L'espoir se nourrissait de leur fronde, de la puissance libre et insoumise de leur jeunesse. Potter et toute sa clique y arrivait bien, alors pourquoi pas elle ?

La réponse n'était pas bien compliquée, et rien que d'y penser ça lui fichait le cafard. Elle n'avait pas un dixième de leur volonté à tous, en tout cas elle s'en persuadait, convaincue d'être incapable de choisir son camp sans gâcher sa vie. Pourtant Minerva avait changé. Aux yeux de tous la rouquine n'était pas plus différente de la Miss Moon qu'ils avaient toujours connu mais pour quelques rares élus son coeur s'ouvrait. Sa langue se libérait du poids de toute une vie d'obéissance et de crainte. Le joli coeur naïf qu'elle était rêvait un peu trop souvent d'une Sybil Vane. Cette image, gravée pour longtemps sur la fine pellicule de ses yeux la hantait. Elle avait se concentrer de toute son énergie sur ses études, éviter soigneusement le sujet, il n'empêche qu'à chaque fois qu'elle fleurissait sa tombe, en toute discrétion bien sur, Minerva ressentait une cruelle bouffée de culpabilité.

Moon avait la mine soucieuse. La silhouette humaine se rapprochait. Pourvu que ce ne soit aucun serpentard espérait-elle de tout coeur. Elle ne voulait voir aucun de ses camarades et encore moins ces maudits surveillants. La rouquine fuyait comme la peste Bellatrix Black. L'apercevoir dans les couloirs suffisait amplement. Cette femme puait le crime à des kilomètres à la ronde et elle avait un regard qui vous retournait les tripes. En tout cas c'était l'effet qu'elle lui faisait. Comment Lucius pouvait converser avec elle sans être répugné ? Pour avoir rencontré sa soeur, la délicieuse Narcissa, Minerva avait parfois du mal à se dire que ces deux femmes, si différentes, l'une jour et l'autre ténèbres, pouvaient être liées par le sang.

Une fille. Une élève. Du blanc et du bleu. Des couleurs gaies qui la firent sourire. Minerva avait l'oeil pour reconnaître quelqu'un rien qu'à sa démarche. La serpentard se serait bien gardée d'en mettre sa main à couper, mais à cette distance elle se demandait si ce n'était pas Rain. Son sourire s'élargit. Si c'était bien Rain alors ouf! Les deux sorcières n'étaient pas amies, pas même camarades, mais leur rang social était assez similaire pour que Minerva adresse un sourire en guise de bonjour à la gryffondor sans s'attirer le mépris des serpentards. Certes les relations de cette fille n'étaient pas très pures, mais qui irait la blâmer, si ce n'étaient les nuages ?

- Bonjour Rain. Sobre, à l'image même de Minerva. Discret, élégant et pourtant assez neutre pour laisser un peu d'espoir.

Minerva ignorait tout de Miss McRaven. Ou plutôt si, elle ne connaissait que les faits principaux, à savoir qu'elle avait le sang assez pur pour être digne de sa compagnie. Mais ladite Miss McRaven, plutôt que de s'enfermer dans cette logique s'ouvrait au monde. Un monde composé de sorciers de toutes origines, égaux entre eux. Les Moon ne l'entendaient pas de cette oreille et n'étaient certainement pas prêts de faire un effort dans ce sens. Par chance, ou signe de la fortune, il n'y avait personne alentour ce qui en cette période trouble relevait d'une occasion en or pour se libérer de foudres des surveillants. Minerva se sentait épiée; pire, sous étroite surveillance. Quoiqu'elle fasse ou dise, tout, absolument tout pouvait parvenir aux oreilles de Lucius. Lucius. Rien que d'y penser son cousin, plus précisément son cousin au second degré lui fichait la chair de poule. Il n'avait pas son pareil pour vous disséquer l'âme d'un regard froid. Il ne souriait jamais, en tout cas elle n'en gardait aucun souvenir significatif pas plus qu'il ne partageait un rire sincère. Tout en Lucius transpirait la manipulation.

Malgré tout elle lui trouvait un charme certain, vénéneux certe, mals réel. Sa personnalité, son assurance, son parcours suscitaient en elle un respect évident qu'elle témoignait car la tradition l'exigeait bien entendu.

Salut Minerva. Douceur. Comme c'était réconfortant pour Minerva de ne pas sentir les regards haineux se poser sur elle, lui brûler l'épiderme. Elle voulut y répondre par un sourire mais saisie d'une suspicion brutale, elle lança un regard de côté, comme si Bellatrix Black pouvait se cacher derrière un brin d'herbe. Ce qui en soit était totalement improbable.

Et si Lucius n'était pas loin, quelque part à laisser ses pas le guider dans le parc et sa matière grise ronronner du doux plaisir d'être efficace ? Cette pensée la tétanisa, ôtant toute spontanéité de son visage. Son sourire fondit comme neige au soleil et c'est d'une voix timide, un peu étonnée aussi qu'elle répondit :

- Quelle belle journée, n'est-ce pas ? Elle n'attendait pas de réponse. D'ailleurs elle avait parlé pour ne pas paraître impolie et aussi parce que sa langue se nouait dans sa bouche. Elle se demandait pourquoi une fille comme Rain acceptait de lui adresser la parole alors que tout Poudlard n'ignorait plus son lien de parenté avec Lucius.