[1983 – Manoir Vuorinen - Rovaniemi, Finlande]

Jonne avait le regard perdu dans sa contemplation du jardin, à travers une des fenêtres d’un petit salon du premier étage du manoir Vuorinen. Le ciel était gris, parfait reflet de l’humeur du Finlandais ces derniers temps. Le jeune homme était morose depuis trop longtemps pour qu’il puisse se souvenir de la dernière fois où il avait pleinement profité d’une de ses journées. C’était Ely qui en était la cause. Indirectement. Cela faisait plus de cinq ans que Jonne était avec la vampire et pas un jour il n’avait regretter de l’avoir à ses côtés. Cependant, petit à petit une terrible fatalité s’était insinuée dans ses pensées : il continuerait à vieillir, alors qu’elle restait bloquée physiquement à ses 24 ans. Aujourd’hui, Jonne en avait 25, aussi aucun problème ne se posait. Mais qu’en serait-il quand il en aurait 40 ? Puis 60 ? Ely voudrait-elle toujours de lui à ce moment là ? Rien n’était moins sûr. Vouloir la garder pour lui alors qu’elle pourrait rencontrer d’autres jeunes hommes quand lui deviendrait vieux et décrépis ne serait qu’égoïsme de sa part. C’était ça qui le torturait intérieurement depuis quelques mois, l’idée que son histoire avec Ely devrait forcément connaître une fin et que plus l’échéance était retardée, plus la séparation serait douloureuse, pour l’un comme pour l’autre.

Le Finlandais se détourna de la fenêtre et s’installa au piano à queue qui se trouvait dans un coin. Il entama de mémoire un morceau de Beethoven dans l’espoir de se vider la tête. En vain. Ses sombres pensées n’arrêtaient pas de s’immiscer dans son esprit. Il n’y avait que quand Ely était à ses côtés que la tension disparaissait, cependant, elle n’était pas là, de service à l’hôpital en Angleterre. Elle devrait le rejoindre dans quelques jours, pendant ses jours de congés. Quand il était avec elle, Jonne tentait de ne pas laisser paraitre les débats intérieurs qui l’animaient, aussi pensait-il que sa petite amie ne se doutait pas de ce qui le rongeait. Par contre, il avait conscience que son comportement avait changé avec les autres. Il était plus agressif qu’à l’accoutumé et il s’énervait facilement. Cela était valable avec tout le monde, excepté Elektra, même avec sa très chère sœur, Rain. Rain qu’il aimait aussi plus que tout. C’était bien la preuve que quelque chose ne tournait pas rond chez lui en ce moment.

Rain était d’ailleurs de passage au manoir Vuorinen. Elle avait délaissé pour quelques jours son élevage de dragons qu’elle tenait en Ecosse pour venir s’occuper du jeune lapinkoira de Jonne. La brave bête avait contracté une maladie plutôt coriace et grâce aux bons soins de Rain, le lapinkoira commençait doucement à se remettre. Sa sœur devait d’ailleurs être avec lui à cet instant.

Jonne cessa un moment de jouer et il inspira profondément. Il n’arrêtait pas de faire des fausses notes alors qu’il jouait un morceau relativement facile pour son niveau. Après avoir expiré un bon coup, il reprit la mélodie, qu’il écorcha à nouveau.

- Voi vittu Perkele !!

Vaincu, il referma le piano et prit sa tête entre ses mains, les coudes appuyés sur le piano. Bordel, ses pensées ne pouvaient-elle pas le laisser tranquille au moins une petite heure ? Jonne marmonna quelques mots finlandais inintelligibles dans sa barbe. La journée allait être longue.

Spoiler:

*Rain entra dans la pièce au moment ou il pestait, autant contre le piano, la partition et lui même. Ca faisait quelques temps qu’il n’allait pas fort. Son humeur était rarement au beau fixe quand Elektra n’était pas là, et même l’évoquer ne lui procurait qu’un sourire idiot un peu éteint. La vampire n’était pas stupide : elle l’avait vu et cependant, n’osait pas aborder le sujet par elle-même. C’était ce que la jolie rousse lui avait dit autour d’un café la semaine dernière. Alors leur chiot malade avait été l’occasion rêvée (sauf pour la pauvre bébête, évidement) de se rendre pour plusieurs jours en Finlande. Elle posa délicatement le chiot dans son panier, et le recouvrit avec un morceau de vieux plaid Oh miracle, sans le réveiller.

Elle passa délicatement ses bras fins autour des épaules de son frère puis poser un baiser sur sa joue barbue. Elle ne fit que s’installer à coté de lui, dos au clavier, le regardant du coin de l’œil, sans rien dire. S’il y avait bien quelqu’un dans ce monde qui connaissait la valeur du silence c’était Rain. La jeune femme avait du mal a reconnaitre son frère, lui qui était si enjoué, lumineux. Au bout d’un moment, elle fini par se lever, lui embrasser la tempe, et alla faire chauffer de l’eau pour leur faire du thé... Et accessoirement trouver le temps de se calmer, par ce que malgré ses efforts, leur silence n’avait rien eu de chaleureux. Le voir ainsi lui brisait le cœur. Elle lui manquait donc à ce point, sa norvégienne millénaire, ou bien était ce plus profond?

Quand elle revint, un mug brulant dans chaque main, elle les posa sur le piano et attira son grand frère contre elle, construisant une forteresse de ses bras autour de son dos massif. *

Kerro…

*Sa voix fut comme un murmure mort avant même de naitre, tellement la boule qu’elle avait dans la gorge lui pesait. Elle espérait que la méthode douce fonctionne. Ca la tuait de le voir presque catatonique ou s’énervant pour rien. Quoi que soit le problèmes qui le rongeait, il y avait fatalement une solution.*

Jonne entendit la porte s’ouvrir et il reconnu le pas léger de sa sœur. Rain vint l’entourer de ses bras, avant de déposer un baiser sur sa joue. Il l’entendit repartir et revenir quelques minutes plus tard, posant devant eux des mugs remplis de thé. Elle l’attira contre lui et il daigna alors relever la tête, se laissant aller contre elle. Il sentait bien qu’elle se faisait du souci pour lui et il culpabilisait de l’inquiéter. Cependant, il avait du mal à garder un masque de gaieté quand à l’intérieur tout n’était que questionnements sombres et moroses.

Le Finlandais se déplaça légèrement de manière à pouvoir attirer à son tour sa sœur contre lui à l’aide d’un de ses bras. Il se dégagea en douceur, quelques instants pour tard pour lui répondre. Il n’en avait parlé à personne et il sentait qu’il fallait que ça sorte, qu’il partage son désarroi avec quelqu’un. Parler faisait du bien, à ce qu’on disait. Sa sœur était la personne idéale pour ça. Avec Ely, elle était la personne qui le connaissait le mieux.

- C’est Ely…,commença-t-il à voix basse.

Il prit une profonde inspiration et poursuivit.

- Je vois vraiment pas comment il serait possible que notre relation tienne la route à long terme.

Pas besoin de préciser que c’était à cause du fait qu’Ely vieillisse et lui non. Rain comprendrait instantanément. Avoir formulé ça à voix haute avait accentué sa détresse, comme si cela avait permis de concrétiser ses doutes. Incapable de se contenir, il se leva un peu plus brusquement qu’il ne l’aurait voulu et se mit à faire les cent pas dans la pièce, le regard perdu dans le vague.

Il se disait que le plus sage serait de quitter Ely. Ainsi, tous les deux souffriraient mais moins que s’ils se séparaient plusieurs années plus tard. Cependant, il n’avait AUCUNE envie de se séparer d’elle ! Et à supposer qu’ils restent ensemble malgré le fait que Jonne continue de vieillir, cela supposerait qu’un jour Ely le voit mourir. C’était quelque chose que Jonne ne voulait pas lui faire subir. Au final, le Finlandais ne voyait que des mauvaises options et se retrouvait contraint de devoir choisir la moins pires de toutes.

Il se tourna finalement vers Rain, lui lançant un regard désespéré.

- Je ne sais pas quoi faire !

*Ely… En choisissant une vampire, il savait qu’il y aurait eu des contreparties, et que bon sang, elles seraient lourdes a porter. Mais quand elle les voyait heureux, ensemble, elle se disait qu’elles n’étaient rien. Même son régime alimentaire ne semblait pas pouvoir le repousser. Et pourtant, ça en écœurait plus d’un. D’autres auraient fuit en entendant le mot « vampire », d’autre en entendant « mercenaire ». Pas son frère. Rain affronta le regard désespéré de Jonne. Bordel.*

Hän rakasta sinua ja tiedät sen. Et plus que moi, c’est dire.

Que faire… Non mais il en avait de bonnes. Ely avait vu juste. Rain avait naïvement balayé ses inquiétudes d’un revers de la main, mettant son stress actuel sur le compte du ministère de la magie… Mais non… Leur différence d’âge, le fait qu’elle ne vieillissait pas pouvaient avoir raison de leur couple si la vampire ne le rassurait pas vis-à-vis de ça, il pourrait prendre une décision qui lui laisserait un gout amer dans la bouche, et connaissant son frère, il ne s’en remettrait jamais vraiment.

Parle-lui. Elle a vraiment peur que tu lui dises que tu veuilles la quitter.
Ce n’est quand même pas ce que tu comptes lui dire pour une affaire de différence d’âge?

*Non par ce que si c’était vraiment juste pour ca, Rain lui collerait une raclée. Comme si Elektra pouvait se trouver un autre millénaire éternellement jeune à chaque coin de rue. Ou un autre beau jeune homme qui (tout comme le potentiel millénaire) de toute façon ne l’aimerait jamais plus ou même autant que Jonne ne le faisait. Son frère n’avait jamais autant souri que lorsqu’Ely entrait dans une pièce. Mais … En même temps… Elle comprenait a quel point son frère pouvait se torturer… si Alex avait été un vampire millénaire, et que malgré tout son amour, elle se voyait condamnée à passer a coté d’une partie des choses qui faisaient la vie humaine : vieillir avec l’homme de sa vie et les enfants… mais avait on vraiment besoin d’enfants pour être heureux ? Alors, on pouvait se poser la question d’un autre point de vue : Ais je envie de le retenir auprès de mon arthrose, mes rhumatismes, et la liste plus longue que son bras des médicaments que je suis obligée de prendre pour avoir un semblant de santé et le forcer a voir la lente déchéance corporelle et mentale qu’était la vieillesse, et aussi, de la date butoir inconnue : la Mort? D’un coup, elle n’eu plus du tout envie de le frapper. Elle plongea le regard dans sa tasse de thé… d’un coup, elle se sentait stupide d’avoir minimisé le problème. Elle prit une longue gorgée du liquide brûlant.

Soudain, au bout d’un long moment a retourner le problème dans tous les sens, il lui semblait qu’ils oubliaient une variable : Elektra elle-même. Ils étaient en train de décider pour elle et d’imaginer ses réactions. Ca serait elle qui serait la clé de résolution de ce nœud gordien. D’ailleurs… Qu’est ce qui l’empêchait de se comporter en grosse guimauve et de formuler à haute voix des trucs débilement touchants sur ses sentiments pour elle, et lui demander de faire de lui un vampire ? Ely disait qu’elle ne tuait plus du tout depuis que les banques du sang se généralisaient, que les services ou l’on placait les comateux, même dans un état végétatif devenaient monnaie courante. Et si elle devait tuer, Rain savait que c’était par absolue nécessité. Elle ne voyait pas une femme qui s’était faite mercenaire pour se nourrir du sang des mourants afin de tuer le moins possible de « civils » devenir du jour au lendemain un tueur en série qui laisserait sur son passage des monceaux de cadavres.

Devait-elle proposer cette idée maintenant ? La réaction de son frère lui faisait un peu peur. Elle ne voulait pas qu’il pense qu’elle était en train de le railler alors que ses interrogations étaient bien plus que légitimes... Et Ely voudrait elle seulement... Rain ne voulait pas lui donner de faux espoirs... *

Une des phrases de sa sœur retint l’attention de Jonne. Comme ça, Ely lui avait dit avoir peur qu’il la quitte ? Et lui qui se disait que c’était plutôt elle qui finirait par se lasser de lui à cause du fait qu’il vieillissait… Rain avait raison, il faudrait qu’il parle à Ely… Mais c’était plus facile à dire qu’à faire. Il savait qu’inéluctablement, entamer une discussion de ce genre blesserait sa petite amie, parce qu’elle serait elle aussi confrontée aux pensées de Jonne qui bien que sombres étaient légitimes.

Après avoir parcourut à nouveau la pièce de long en large, il revint s’asseoir aux côtés de sa sœur, prenant entre ses mains le mug brulant de thé. Il planta son regard cobalt dans celui de sa sœur, s’adoucissant en remarquant une légère lueur d’inquiétude dans ses yeux.

- Je ne veux pas la quitter. Rakastan häntä… Mais il serait égoïste de ma part de vouloir la garder près de moi alors que je finirai vieux et décrépis alors qu’elle sera toujours rayonnante de jeunesse.

Il laissa un petit silence pensif s’installer, puis reprit avant que sa sœur n’ait eu le temps de placer un mot.

- De toute façon, on finirait par être trop en décalage. Elle ne voudra plus de moi une fois la cinquantaine atteinte. Je ne parle même pas de la soixantaine…

Rain pourrait très bien lui affirmer le contraire, que non, Elektra ne penserait peut-être pas comme ça, mais que pouvait-elle en savoir ? Ely non plus n’en saurait rien si elle n’avait pas été confrontée à la situation. Elle pourrait très bien lui dire aujourd’hui qu’elle resterait à ses côtés, malgré les ravages du temps et une fois mise devant le fait accomplie, elle n’aura qu’une envie : partie et continuer sa vie d’immortelle avec quelqu’un de plus jeune. Il n’était pas là en train de penser que la millénaire n’avait pas de sentiment pour lui, non. Il savait que les sentiments qu’il lui portait étaient réciproque, mais il n’était pas le premier homme qu’elle aimait. Elle finirait par s’en remettre et dans quelques siècles, peut-être ne serait-il plus qu’un vague souvenir. Avoir des pensées aussi négatives lui serrait le cœur, mais il était réaliste. C’était quelque chose qui pouvait arriver.

Le Finlandais prit une gorgée du thé brulant en se triturant les méninges une fois encore pour tenter de trouver une solution à son problème… comme d’habitude, il n’en trouva pas de satisfaisante. La raison était simple : Il n’y avait PAS de solution. Rien qui ne puisse le satisfaire pleinement. Il ne voyait que deux options : ou ils se séparaient et Ely finirait par oublier sa peine avec les décennies ou alors ils restaient ensemble jusqu’à la mort de Jonne. Rien que d’imaginer Ely le voir mourir le rendait malade. Il balaya d’une pensée cette option et la classa dans la catégorie « inenvisageable ». Perkele, le voilà bien avancé…

*Rain avait l’âme en peine de le voir dans cet état. Il se torturait vraiment avec ça. Elle sentait que ce n’était pas un simple moment de doute passager, et qu’il avait juste besoin d’être rassuré. C’était pire que ça. Il pensait trop a des problèmes qui, étaient sérieux, et dont il devait parler avec elle, mais qu’il laissait pourrir en lui, lui empoisonnant l’esprit. L’absence de sa petite amie devait lui peser, accentuant encore plus son insécurité. Elle était chirurgienne dans un autre pays. Ely avait apprit le finnois, et attendait la reconnaissance de ses diplômes américains par l’Etat Finlandais, ce qui prenait plus de temps que prévu. Elle lui avait révélé l’information pendant leur déjeuné hebdomadaire, et attendait avec une impatience grandissante de pouvoir annoncer a Jonne que bientôt les allers retours entre Rovaniemi et Londres étaient terminés. La Viking avait même poussé le vice avec les autorités sanitaires finlandaises à s’engager à rester en Laponie, désert médical pour accélérer la procédure. Une question de semaines… qui pourrait arriver trop tard quand son permis de travail et de résidence arriveraient, par ce qu’elle sentait bien que « son homme » lui cachait quelque chose.*

Elle sent bien que tu t’éloigne, ça lui fait peur. Parle-lui… puis, honnêtement, tu ne crois pas que tu t’en fais un peu pour rien à ce niveau là ? Tu penses qu’elle serait encore là, qu’elle t’aurait laissée la présenter à Jyrki et Sean, laissé prendre autant de place dans sa vie si tout ce qui l’intéressait, c’était de collectionner les mecs, du moment qu’ils soient jeunes et beaux, si elle n’avait pas envie de s’engager sur le long terme avec toi ?

*La jeune femme ignorait beaucoup d’Ely. Mais elle était sure que si la vampire avait voulu prendre du bon temps et passer à autre, elle l’aurait fait. Il n’y avait pas besoin d’avoir fait polytechnique pour comprendre cela. Elle était restée par ce qu’il la rendait heureuse. Et de ce qu’elle en savait, la guerrière n’aspirait qu’à cela. *

Tu dis ça, mais ça te rendrait malade de te dire qu'elle peut être dans les bras d'un autre, tentant de passer à autre chose, que ce soit la semaine prochaine ou dans trente ans.

* La dessus, elle se voilait moins la face que son frère. Y'avait qu'a voir comment il devenait maintenant, alors qu'il n'avait aucune raison d'avoir peur pour son couple... Elle n’osait pas imaginer s'ils se séparaient. Jonne deviendrait totalement ingérable, peut être ses vieux penchants destructeurs reviendraient, ou il finirait par purement et simplement devenir aussi chiant que le professeur Binns, dépressif et par ne plus sortir du lit que pour aller manger des céréales directement dans la boite. les deux perspectives n'étaient du goût de Rain. Il fallait le réveiller maintenant, avant qu'il ne fasse une connerie dont il ne se remettra jamais. Autant qu'elle connaissait Elektra, elle pensait pouvoir dire que si Jonne la quittait, elle retournerait en Amérique du Sud, ou n'importe ou ailleurs, très loin sans laisser la moindre adresse, ni envoyer la moindre lettre avant des années... et pas à Jonne. Peut être à Sean et à elle. Jyrki, à la rigueur, pour suivre le dossier médical de leur grand père de loin, comme elle le faisait déjà. Mais le finlandais ne la reverrait plus jamais, et n'aurait aucune chance de la retrouver.
Et Oh ce décalage... *

Elle est millénaire Perkele! il est déjà là le décalage, et jusqu'à présent, ça t'as jamais stoppé pour... quoi que ce soit.
Parle lui. Vous arriverez à trouver une solution, j’en suis certaine.

Solution qui...

*Elle se stoppa dans son élan. Elle irait trop loin si elle finissait sa phrase... Oh et puis Bouse! Au pire, il la foutra dehors pour une heure ou deux… *

Solution qui peut être le partage de sa condition.

Visiblement il n’était pas le seul à faire des cachoteries dans son couple… Ely avait donc peur à cause de son changement de comportement. Perkele, il ne s’était pas rendu compte que les nœuds qu’il se faisait au cerveau retombaient autant sur la millénaire.

Le Finlandais reconnaissait que sa sœur avait raison. Oui, Ely avait manifesté de nombreuses preuves qui illustraient sa volonté de s’engager avec lui sur le long terme. Il n’en doutait pas et savait qu’elle le souhaitait réellement. Le problème n’était pas là. La Viking n’avait peut-être pas songé à un futur lointain, d’ailleurs assez proche pour elle compte tenu du nombre d’années qu’elle avait déjà passé sur Terre. Dans ce futur, Jonne allait vieillir et peut-être qu’une fois ce moment arrivé, elle se rendrait compte que leur couple devenait bancal.

- Comment peut-elle savoir comment elle réagira face à ma vieillesse ? grommela-t-il avec un ton de constatation, plus que pour se morfondre, au moment où Rain reprenait la parole.

Non mais c’était vrai ! Elle ne pouvait pas prévoir ses réactions futures, malgré tout l’amour qu’elle pouvait lui porter. Rien en garantissait qu’elle se sentirait toujours bien à ses côtés après que les effets du temps aient commencé à se faire ressentir sur Jonne.

Sa sœur avait fait mouche. Oui, il n’y avait pas vraiment songé, mais en effet, la situation qu’elle décrivait n’avait rien de folichon. Imaginer Ely dans les bras d’un autre n’était pas une image des plus réjouissantes. Il accueillit d’ailleurs les paroles de Rain avec une petite grimace qui illustrait assez bien ce qu’il en pensait.

Jonne aurait souhaité répondre à sa sœur que certes, il y avait un décalage quant à leurs âges, mais ce décalage n’était pas visible. Cependant, plus tard de nouveaux décalages apparaitraient. En vieillissant, Jonne finirait par ne plus avoir la force de faire grand-chose de ses journées, alors qu’Ely serait toujours prête à profiter de la vie. La fatigue le forcerait à se ménager, ce qui risquait de plonger sa petite amie dans un ennui mortel, sans mauvais jeu de mots.

Le Finlandais n’eut cependant pas l’occasion de lui faire connaître sa pensée que sa sœur lui fit une suggestion qui le fit s’étouffer avec la gorgée brûlante de thé qu’il était en train de prendre.

- Voi vit… commença-t-il avant de se taire et de reposer le mug sur le piano. Préviens-moi quand tu sorts des trucs pareils !

Jonne était partagé entre deux réactions. Ejecter sa sœur de la pièce, à grands coups de pieds dans le derrière, ou rire. Elle n’était pas sérieuse, n’est ce pas ? Bordel, si. Elle était sérieuse. Se prenant l’arrêt du nez entre le pouce et l’index, les yeux fermés, Jonne lui répondit.

- As-tu la MOINDRE IDEE de ce que tu es en train avancer ?!

Il prit une grande inspiration pour faire redescendre la colère qu’il sentait monter. Ely en avait bavé durant sa vie de vampire. Ca n’était pas une vie. C’était une malédiction. Jonne savait que c’était un sort qu’Ely ne souhaitait à personne et qu’à choisir, jamais elle n’aurait accepté la transformation. Comment Rain pensait-elle que la Viking allait réagir si Jonne se pointait un jour en réclamant à être transformé ? Perkele… C’était une option qu’il s’était toujours refusé d’envisager, autant parce qu’il savait que la réponse d’Ely serait négative que parce que cette possibilité lui faisait peur. Non, ça n’était pas négociable… Quoique… Entendre sa sœur formuler cette hypothèse à voix haute amena Jonne à la considérer avec plus d’attention. Il était d’ailleurs surpris que Rain parle de ça autant à la légère. Peut-être ne se rendait-elle pas bien compte de ce que le vampirisme impliquait…

Spoiler:

Bien qu’elle comprenait vraiment ce qu’il était en train d’endurer, il commençait vraiment a faire sa pleureuse. N’y tenant plus Rain lui retourna son argument.

Et tu crois qu’elle réagira comment quand tu lui jetteras son éternelle jeunesse au visage comme excuse pour rompre ?

A croire que la vampire était au niveau émotionnel faite de marbre inébranlable et qu’il fallait usiter des plus puissants sortilèges pour espérer y faire une simple égratignure. Ce n’était pas souvent, mais ca faisait déjà deux fois aujourd’hui qu’elle avait envie de le frapper. Ely n’était une créature magique dépourvue de conscience, ni même de sentiments.

Elle eu un petit sourire en coin en le voyant grimacer. Rain savait qu’il aurait une réaction dans ce genre là. Pleine de dégoût.

Bah tu vois ?

*Sourire qui d’effaça bien vite. C’était légitime : Il passerait du coté le moins glorieux de la magie, celui des créatures indignes d’être considérées autrement que comme des monstres dont les sorciers n’aimaient voir que quand leurs têtes étaient sur des piques… Elle se souvenait de son cours sur les vampires en cours de DFCM. Cavaradossi qu’elle avait bien aimé tout le reste de l’année lui avait vraiment donné envie de vomir pendant ce cours. C’était juste le lendemain de sa rencontre avec Elektra, et sa présentation des Vampires était dictée par un pur dégoût d’eux. Ethan avait lutté pour ne pas se lever et lui écraser son poing sur la mâchoire pendant qu’il parlait. Il n’avait même pas prit de notes ce cours là. Mais il lui semblait que la Finlande n’autorisait pas la chasse de Vampires et qu’elle était même punie d’une lourde amende. Cependant tout vampire qui se faisait prendre a avoir un comportement dangereux était traqué et tué. Ce qui ne serait jamais le cas d’Elektra. Et ils pourraient toujours passer la frontière pour leurs méfaits, déménager a Tornio, et aller bouffer du suedois. Haparanda n’était pas loin, en fait, il n’y avait qu’un pont à traverser, et attendre la nuit ? Pourquoi faire ? Ely pouvait sortir le jour.*

Oui, je sais. Ça implique de tuer quelques personnes, ce qui, selon Ely est plus que rare à présent. De me voir vieillir, et mourir. Mais tu surmonteras tout ça facilement, par ce que tu ne seras pas tout seul. Et tu sais, la mort est la chose la plus naturelle au monde. C’est la seule certitude que nous ayons en venant au monde. Ça voudra dire déménager souvent, pour éviter qu’on se pose trop de questions sur votre vraie nature. Tu ne seras sans doute plus capable de te servir de ta baguette. Mais comparé à l’éternité avec elle, qu’est ce que ça vaut ?

Quelques jours plus tard


RE !

Ely pouffa de rire en voyant le douanier lui rendre son passeport. A force, ils connaissaient tous par ne même plus regarder son identité, elle était la fille qui passait la frontière en provenance de Londres une à deux fois par semaine depuis cinq ans. Au début, ils avaient trouvé ça suspect, jusqu'à ce que Jonne vienne la chercher une fois et qu’il l’embrasse comme s’il ne l’avait pas vue depuis des siècles. Dagmar rangea son passeport, une fois de plus tamponné, dans la poche arrière de son jean, et se dirigea directement vers l’agence de location de voiture. L’employé était nouveau et il regarda en huit fois son permis et sa propriétaire. Comment une nana dans la trentaine bien entamée pouvait en paraitre seulement vingt quatre/ vingt cinq à tout péter ?
Aujourd’hui, elle s’en foutait et pour cause, ce matin, elle avait eu la reconnaissance de ses diplômes par la république Finlandaise, et donc, elle avait posé sa démission (pré écrite depuis plusieurs mois) sur le bureau du DRH et avait contacté l’hôpital de Rovaniemi pour une place dans leur service de chirurgie thoracique. Qui était complet… mais au vu de son CV, elle avait eu un poste en traumatologie. Elle pensait sa bonne humeur inoxydable.
Elle monta dans la Mercedes et entreprit de faire les quelques kilomètres la séparant du domaine Vuorinen, et de Jonne. Elle avait hâte de le retrouver, de le serrer contre elle.

Une trentaine de minutes plus tard, elle était devant l’énorme manoir, fouillant son sac à main pour ses clés. Elle les avait a peine sorties que Jyrki lui ouvrit et l’accueillait d’une étreinte brève et chaleureuse.

Alors, tu l’as ou faut que j’aille leur jeter un sort de confusion ?

J’commence la semaine prochaine, garde le sortilège de confusion pour quand j’devrais passer par le stage de conduite sur glace.

Il se mit à rire. Ely ne conduisait pas si mal que ça. Oui, oui… elle avait réussi à le faire grimper dans cet engin de mort moldu. Bref. L’elfe fut chargé d’aller récupérer les bagages de « Miss Elektra ». Le petit elfe prenait toujours grand soin de ne pas entrer dans le champ visuel direct de la vampire et de rester aussi loin d’elle que ne le permettait la géographie des lieux. Elle roula des yeux en voyant la petite créature enroulée dans ses taies d’oreiller couiner d’approbation et ensuite aller s’exécuter en l’évitant comme si elle avait la peste bubonique.
Jyrki la laissa aller prendre une douche pour se débarrasser des odeurs d’avion et d’aéroport. C’est donc toute propre et habillée pour le dîner qu’elle alla retrouver son finlandais dans le salon, plus silencieuse qu’un chat, se glissant dans son dos pour l’étreindre.

J’suis enfin rentrée.

La joue contre son grand dorsal, les mains lui grattouillant le ventre, elle se rendait compte, comme chaque semaine d’à quel point il lui avait atrocement manqué. Dès qu’il était là, elle était à la maison. La viking adorait ce sentiment de sécurité qu’il lui procurait. Elle le relâcha pour lui faire face.

J’ai rendu ma suite au Strand Palace. Devine qui a eu un poste en traumato à même pas dix minutes d’ici...

Sourire trente deux dents, rayonnant. Fini les allers-retours longs, lents, chiants qui les tenaient éloignés l’un de l’autre depuis cinq ans. Ils allaient enfin pouvoir se réveiller dans le même lit tous les matins. Chose plutôt agréable, s’il en était et beaucoup trop rare a son gout. Mais qui, à présent appartenait au passé.

Jonne déambulait dans le grand jardin de la propriété Vuorinen. L'air frais de la Finlande lui fouettait le visage et le revigorait. Depuis qu'il avait eu cette discussion avec sa soeur, il n'arrêtait pas de songer à l'hypothèse d'une transformation en vampire. Au début, il rejetait farouchement cette éventualité. Elektra n’accepterait jamais de lui faire connaître le semblant de vie qu'elle avait pu vivre, de lui faire traverser ce qu'elle avait traversé... Puis, il s'était souvenu de ce qu'elle lui avait dit, que les temps avaient heureusement changé et qu'elle ne se sentait plus en danger comme elle avait pu l’être lors de l'Inquisition et autres temps sombres du même genre. Et puis surtout, Rain avait vu juste. Sans Elektra, la vie ne serait plus pareille. Il ne souhaitait vraiment pas la quitter et y songer simplement parce qu’il craignait qu’elle ne soit plus bien avec lui quand il serait vieux résultait de l’égoïsme. Par contre, si jamais il devenait vampire et partageait sa condition, il n’y aurait plus de problème de vieillissement et de décalage entre eux… Bref… Le Finlandais avait fini par accepter de considérer cette option qui était bien meilleure pour leur couple que toutes les autres qu’il avait pu avoir.

Jonne remontait un sentier vers le manoir. Ce soir, Ely viendrait passer quelques jours avec lui, comme elle le faisait régulièrement depuis cinq ans. Tous deux espéraient que bientôt, elle pourrait quitter son emploi en Angleterre et en retrouverait un ici, en Finlande. Ainsi, ils ne seraient plus séparés pendant d’interminables jours. Jonne lui avait appris le Finnois, aussi la barrière de la langue n’était plus un problème. Il ne fallait plus qu’attendre la reconnaissance de ses diplômes. Si les procédures trainaient trop, Jonne comptait bien demander à grand-père Jyrki de presser ses contacts hauts placés pour faire bouger les choses.

La pensée que d’ici quelques heures Elektra serait là fit naître un faible sourire aux lèvres de Jonne. Il aurait aimé pouvoir pleinement se réjouir, mais il était encore mal de ne pas avoir de solution sûre et certaine qui puisse garantir l’avenir de leur couple. La transformation paraissait d’heure en heure une solution toujours plus attrayante…mais jamais Ely n’accepterait… Jonne en était persuadé.

Le Finlandais entra dans le manoir par une porte secondaire et monta directement vers la salle de bain attenante à sa chambre. Ely ne tarderait plus, aussi une douche s’imposait et le détendrait. Il appréhendait un peu l’arrivée de sa petite amie, car Rain lui avait fait réaliser qu’il devait s’ouvrir à la millénaire et que de toute façon, elle avait déjà remarqué que quelque chose ne tournait pas rond de son côté en ce moment. Rester muet n’arrangerait pas les choses, bien au contraire. Il faudrait qu’il lui parler. Ce soir.

Une fois prêt, Jonne descendit au salon qu’il trouva désert. Après s’être avancé devant l’une des grandes fenêtres de la pièce, il se perdit dans la contemplation du mouvement des arbres dans le vent. Soudain, il sentit un doux parfum suivit de près par une étreinte. Le temps d’un instant tous ses soucis s’envolèrent. Il ne restait plus qu’un sentiment de bien-être total. Elle était enfin là, rien ne pourrait plus le combler. Lui faisant face, Jonne l’attrapa dans ses bras, l’attirant tout contre lui, avant de lui déposer un baiser sur les lèvres.

- Mais c’est super ça, Kulta ! Terminés ces allers retours Angleterre/Finlande qui nous pourrissent la vie !

Il ponctua sa phrase d’un sourire, qui n’était pas aussi grand qu’il l’aurait souhaité. L’appréhension était remontée en flèche, accompagnée d’un sentiment de malaise au souvenir de ce que lui avait dit Rain, à savoir qu’Ely avait peur qu’il la quitte. Il se sentait coupable d’avoir fait naître chez elle de telles craintes. Certes, il y avait songé et y songeait toujours, mais loin, très loin de lui l’envie de passer à l’acte. Mais si cette idée de répugnait, il savait qu’il préfèrerait vieillir aux côtés de la millénaire plutôt que de la quitter. Enfin, non, ça n’était pas réellement ça. Il n’arriverait pas à la quitter.

Spoiler:

Pourir la vie était un tel euphémisme… En fait c’avait été pire que tout. Ses diplômes américains avaient été suspectés d’être faux, et depuis plus de quatre ans, le gouvernement finlandais surveillait qu’elle était bien médecin à l’hôpital ou elle prétendait l’être… histoire de ne pas légitimer quelqu’un qui n’avait aucune idée de ce qu’elle faisait. le point positif : Elle avait un joli tas de Miles, et ca lui servirait bien un jour quand elle devrait prendre l’avion. Elle profitait pleinement de l’instant, lovée contre lui,.

Totalement terminés.

Souffla-t-elle contre ses lèvres, comblée. Elle s’écarta un peu de lui, pour le regarder. Qu’est ce qu’il était beau. Il n’avait pas, cependant l’air aussi ravi qu’elle ne l’avait espéré de savoir qu’elle serait à présent là tous les soirs pour s’endormir dans ses bras. Ou non… C’était qu’il s’était enfin décidé à lui parler de ce qu’il ne trouvait pas de courage de lui dire et qui le rongeait depuis tant de temps déjà. La viking espérait que ce ne soit pas aussi grave. Elle aurait du demander a Rain si elle avait une idée précise de la chose, une fois qu’elle était rentrée, leur chiot allant mieux… mais elle ne l’avait pas fait, alors maintenant, elle était bouffée par l’appréhension, et le taux de probabilité pour qu’il parte sur une discussion type « assieds toi, faut qu’on parle… Je sais pas ou on en est tous les deux. » Il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir.

Qu’est ce qui ne va pas ?

C’est sans honte aucune que la viking lui sorti ses yeux de chaton effrayé et mouillé. Il n’y couperait pas : il parlerait, et l’un comme l’autre préféraient la manière douce. Il avait un comportement étrange depuis plusieurs mois, et plus le temps passait, plus elle ressentait ce mal être, qui lui assombrissaient le peu de temps que le connard de chef de service daignait lui accorder. Comme s’il ne se doutait pas que Londres- Rovaniemi ne se faisait pas en une fraction de seconde, et qu’elle ne rentrait pas « à la maison » tous les soirs. Cet infâme abruti voyait sa compagne quotidiennement, elle non. Elle avait enfin pu démissionner pour son plus grand plaisir, et la voila, in fine, contre l’homme qu’elle aimait.

Tu peux tout me dire.

Sans la moindre crainte. Elle ne le jugerait pas s’il allait mal, bien au contraire. Elle serait là, le rassurerait autant qu’il le faudra. Dagmar lui frotta le dos doucement, elle n’aimait pas le voir comme ça.

Jonne resta silencieux quelques secondes, remettant de l’ordre dans ses pensées. Tenant toujours Ely dans ses bras, il lui déposa un léger baiser sur le sommet du crâne. Il avait songé à plusieurs manières pour commencer cette discussion, mais à présent que l’occasion de parler se présentait, il doutait des mots à employer. Au moins, la millénaire lui avait facilité la tâche en lançant elle-même la conversation. Il devait avoir l’air vraiment préoccupé… Ou peut-être que Rain était passée par là… Quoi qu’il en fût, le moment était venu de crever l’abcès et le Finlandais ne souhaitait pas se défiler. Ca le rongeait depuis bien trop longtemps. Quoi de mieux que le jour où Ely venait définitivement s’installer avec lui pour mettre les choses au clair ? En espérant que tout finisse bien… Il n’y avait vraiment pas de raison pour que la discussion tourne mal. Jonne se força à être plus positif. Il ne voulait pas la quitter et elle ne voulait pas le quitter. Tout se passerait donc pour le mieux.

Sans cesser de la tenir contre lui, le regard par-dessus son épaule, il commença.

- Je crois bien que tu me manquais tellement quand tu étais à Londres que je me suis monté la tête tout seul. Et… j’en suis venu à me poser des questions sur nous.

Il l’attrapa doucement par les épaules pour la décoller légèrement de lui, de façon à pouvoir plonger son regard dans le sien. Il enchaina immédiatement pour ne pas qu’elle ait le temps de se faire de fausses idées sur ce qu’il pourrait avoir à lui dire.

- Oh, perkele, j’vais pas tourner autour du pot. J’ai peur Kulta. J’ai peur que tu finisses par ne plus te sentir bien avec moi quand je serai vieux. Quand j’aurais soixante ou soixante-dix ans. Je ne pourrais pas t’obliger à rester près de moi et je comprendrais parfaitement que tu ne sois plus heureuse avec moi dans plusieurs décennies… Le truc, c’est que je n’ai pas du tout envie que tu sortes de ma vie. Ni maintenant, ni plus tard. Pourtant, un jour on finira par être en décalage. Tu seras toujours magnifique et rayonnante de jeunesse et moi je serai sur le seuil de la mort, fatigué et incapable de marcher plus de 10 minutes sans avoir des douleurs dans tout le corps ! Sans compter que dans l’hypothèse où tu acceptes de rester malgré tout, tu devras un jour me voir mourir. Ca me rend malade rien que d’y penser. Je ne veux pas te faire vivre une chose pareille…

Jonne n’avait pas quitté sa petite amie des yeux une seule seconde. Les siens, à présent, reflétait l’immense bête noire qui le hantait depuis plusieurs mois. Il ne le cachait plus. Pour la première fois, il acceptait de montrer à Ely ce qui le rongeait et ce qu’il avait maladroitement tenté de lui cacher en se disant que ça finirait bien par passer.

Avoir enfin parlé lui fit un bien fou. Il se sentait un poids en moins sur les épaules. Cependant, le fardeau n’était pas entièrement retombé car à présent, il redoutait la réponse d’Elektra… Biens sûr qu’il souhait l’entendre dire qu’elle accepterait de rester à ses côtés jusqu’à son dernier jour. Pourrait-il toutefois se réjouir qu’une telle chose arrive ? Oui, car il aurait vécu heureux, mais non parce qu’il ne voulait pas qu’elle ressente la perte que causerait sa mort. D’où la suggestion de Rain quant au vampirisme… Mais Jonne ne souhaitait pas aborder le sujet tout de suite. Chaque chose en son temps, d’autant plus qu’il avait toujours des doutes quand à sa volonté de sauter le pas.

Spoiler:

En effet, elle avait été trop souvent absente… Non mais quelle idée. Et pourquoi pas le quitter pour le premier venu du moment qu’il soit bien fait de sa personne et capable de se démerder tout seul ? Au moins, il ne semblait pas s’être fait d’idée sur sa fidélité. Ce qui était un bon point. Et honnêtement, vu son planning, si elle avait voulu ( ce qui n’était pas le cas) elle n’aurait pas pu. Le peu de temps qu’ils l’avaient, ils la rentabilisaient. C’était à peine si elle arrivait à trouver du temps pour dormir convenablement, et se nourrir en quantité suffisante.
Soulagée de voir que ce n’était pas ça, mais autre chose qui se gèrerait beaucoup mieux, elle se hissa sur la pointe de ses talons hauts et lui embrassa furtivement la joue avant de planter son regard vert dans le sien.

Je vis déjà avec la peur de voir débarquer Sean, Rain ou Jyrki en m’annonçant ta mort, ou d’avoir la mauvaise surprise de me réveiller à coté de ton cadavre, qu’il soit jeune ou vieux. Mä rakastan sinua, j’ai fait reconnaitre mes diplômes ici, ce n’est pas pour partir dans trois semaines ni dix ans, encore moins au bras d’un autre. Le décalage, voyons… mille cent trente trois ans, c’en est pas un ?
Pour un vieux en train de décrépir, je suis parfaitement satisfaite du résultat…

La viking le regardait avec un sourire léger, se voulant rassurant. Elle avait eu peur d’autre chose quand il lui avait enfin lâché le morceau, une peur qui ne serait pas prêt de s’effacer, mais tant qu’il n’abordait pas le sujet, n’avait aucune raison d’être. Sa stérilité. Un jour, il voudra être père, et là… C’est là, ou il voudra partir. Les cinq grossesses qu’elle avait réussi à mener à terme n’avaient pas donné d’enfants viables… les trois autres… fausses couches consécutives. Ce qu’elle avait prit pour un cadeau en devenant vampire serait certainement dans un futur plus ou moins proche un problème qui le verrait d’éloigner d’elle inexorablement. Cette pensée lui tordit le ventre. Elle la chassa bien vite de son esprit et se reconcentra sur lui.

T’es pas prêt de te débarrasser de moi, si c’est ce qui t’inquiète.

Oh très loin… Si elle restait jusqu’au bout… jusqu'à ce qu’il meurt, bien sûr, la douleur serait là. Mais la mort faisait partie de la vie au même titre que la naissance, la varicelle, le rhume ou la première baguette magique d’un sorcier. Subitement, elle partagea son inquiétude… qu’est ce qui se passerait au final quand il se sentira trop vieux, usé, comme une noix de beurre étalé sur une tartine trop grande, et qu’elle resterait la même ? Deviendrait-il amer au point de ne plus pouvoir supporter sa présence, envieux de sa jeunesse éternelle ? Ne valait il pas… NON. Clairement pas. Ils s’aimaient, et pour une fois que ce n’était pas une relation tordue, elle n’abandonnerait pas. Tout comme ils finiraient par s’accorder sur leur futur. Elle dissimula ses interrogations dans un sourire doux. Il n’avait peut etre pas terminé. Elle aviserait en fonction de ce qu’il dirait.

La réponse d’Elektra lui fit un bien fou. Au moins, il était fixé à présent sur le fait qu’elle n’avait pas l’intention de le quitter lorsqu’il serait vieux. Cependant, elle ne pouvait pas prévoir comment elle réagirait à ce moment là. Il était bien beau d’annoncer les choses ainsi, mais elle n’avait jamais été dans une telle situation. Les choses pouvaient très bien se gâter d’ici là. Néanmoins, Jonne était soulagé. Il avait beau savoir qu’elle n’avait pas l’intention de le quitter de si tôt (sinon, elle ne se serait jamais pris la tête avec la reconnaissance de ses diplômes), l’entendre dire à haute voix était bien mieux que de ne seulement le supposer.

- J’espère bien ne pas être prêt de me débarrasser de toi ! Tu viens à peine de m’annoncer que je me réveillerai à tes côtés tous les matins. Si avec ça tu crois que j’accepterais facilement de te laisser partir, tu t’trompes !

Jonne sourit, l’air taquin, avant de déposer un baiser sur le front d’Ely. Son sourire s’évanouie cependant bien vite lorsqu’il reprit la conversation plus sérieusement. S’il était rassuré, l’ensemble de ses craintes n’étaient pas pour autant levées.

- Quand je parlais de décalage, je ne parlais pas seulement que de l’âge. Oui, à ce niveau on a carrément un fossé entre nous, mais ce que je veux dire c’est qu’aujourd’hui, physiologiquement et physiquement, on parait avoir le même âge ou pas loin. Par contre, un jour mon organisme ne suivra plus aussi bien que le tien. Peut-être même que nos centres d’intérêts divergeront… Et à ce moment, tu risqueras de te lasser de moi…

A la fin de sa phrase, le Finlandais passa distraitement le bout des doigts de sa main le long de la ligne de la mâchoire de sa petite amie. Parler de ce genre de chose était loin de le réjouir. Il n’aimait pas aborder ainsi l’hypothèse qu’un jour Ely voudrait peut-être qu’ils se séparent. Mais il avait été ferme avec lui-même. Il fallait qu’il s’ouvre à Ely aujourd’hui, sans plus laisser son mal le ronger. Il continuerait à lui parler tant qu’il ne se sentirait pas entièrement mieux.

La suggestion de Rain quant à la transformation était toujours dans un coin de sa tête depuis le début de la conversation. Cependant, il ne savait pas trop comment l’introduire, étant persuadé de la réaction de recul qu’aurait Ely s’il ne faisait que prononcer le mot « transformation ». Il ne voulait pas la voir quitter la pièce, plier bagage et disparaître en moins de temps qu’il n’en faudrait pour le dire… Finalement, le mieux était peut-être d’attendre un peu avant d’en parler. Lui-même commençait à voir les mauvais points du vampirisme s’effacer face à avantage principal qu’il en tirerait : il resterait toujours avec Ely. Bon, bien sûr, les désavantages n’étaient pas anodins : manquer de tuer grand-père Jyrki, être contraint d’assister à la mort de sa sœur et de tous ceux qu’il avait connu… Oui, mais au moins, il ne serait pas seul pour traverser de telles épreuves… C’est ce qui faisait toute la différence avec ce qu’avait pu vivre Ely.

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