Les vacances avaient commencé mais pour Gideon, ça signifiait surtout qu'il ne retournerait plus jamais à Poudlard. L'école lui manquerait, c'était sûr. Il y serait bien resté une année de plus surtout pour rester avec Fabian. Mais en même temps, quitter Poudlard signifiait qu'il pourrait enfin prendre part à la guerre qui se déroulait en ce moment. Depuis l'école, il n'avait pas vraiment un large domaine d'action et même avec l'Ordre de Poudlard, il n'avait pas l'impression de se battre assez pour ses convictions. Que Fabian reste à Poudlard encore une année, c'était un soulagement pour son grand-frère. Il ne risquerait pas sa vie, il serait protégé dans l'enceinte du château. Certes il lui manquerait pendant l'année qui viendrait mais il préférait nettement ne pas se faire du soucis pour lui en permanence et le savoir en vie plutôt que prendre le risque de ne plus jamais le revoir.
Aujourd'hui, chez Molly, il comptait bien profiter des vacances pour passer du temps avec son petit frère. A partir de Septembre, il pourrait voir le reste de la famille beaucoup plus simplement que lorsqu'il était à Poudlard, il lui suffirait de transplaner. Tandis que Fabian, il ne pourrait le voir que si un week-end à Pré-Au-Lard lui offrait cette possibilité ou bien pendant les vacances.

Au 15 août 1981 on pouvait facilement penser que la guerre était à son apogée. Gideon l'espérait bien. Pire que ça était inimaginable. Beaucoup trop de morts étaient à pleurer et malheureusement, ce n'était pas fini. L'Ordre du Phoenix comptait autant de membres enterrés que vivants et même si ses rangs étaient gonflés de membres plus ou moins impliqués, il y avait toujours des volontaires pour se battre du côté du bien. Seulement, le moral s'affaiblissait petit à petit et même les missions réussies ne suffisaient pas toujours à motiver et à faire le deuil des victimes. Les mangemorts semblaient ne pas faiblir quand l'un des leurs était vaincu alors que l'Ordre perdait souvent de bons éléments. Sans compter les innocents, dont les moldus qui n'étaient même au courant du contexte si tendu qui se déroulait dans leur dos, à quelques mètres d'eux, sans qu'ils ne s'en doutent.

Ce matin là, il s'était levé tôt, encore habitué aux horaires des cours de Poudlard. Le Terrier était calme encore mais avec les enfants, ça ne durerait pas longtemps. Il sauta sur ses pieds, demain Fabian et lui partiraient pour le camp de vacances alors Gideon voulait profiter de la journée un maximum et non pas la passer au lit. Il aurait tout le temps de dormir plus tard. Dans la cuisine, Arthur et Molly étaient déjà levés et parlaient tranquillement en chuchotant. Il les salua tous les deux d'une voix encore endormie. La discussion resta orientée sur les choses banales de la vie quotidienne jusqu'à ce que les pleurs de Percy retentissent dans toute la petite maison. Pendant que Molly partait le chercher, le silence se fit et c'est Arthur qui changea soudainement de sujet alors que sa femme donnait le sein à leur dernier bambin.

« Alors, Gid', tu as prévu de t'installer où à la rentrée ? Tu sais, le chemin de Traverse n'est pas ce qu'il y a de plus sur. D'un autre côté, des sorciers implantés dans les quartiers moldus ne seraient pas superflus. »

Gideon n'y avait pas vraiment réfléchi. Il pourrait continuer de vivre chez ses parents mais au fond, il avait besoin de liberté et ce n'est pas avec Merope qu'il arriverait à se prendre totalement en charge. Il voulait se rapprocher de Londres mais il n'avait aucune idée de l'endroit exact où il aurait aimé s'installer. Il ne savait même pas s'il se sentait prêt à vivre seul, peut-être que Tybalt, son meilleur ami d'un an son ainé, et lui pourraient faire une collocation... Pour le moment, il n'avait même pas pensé que l'endroit où il vivrait pourrait servir dans cette guerre. Alors, il se laissait le temps d'y réfléchir jusqu'au mois de septembre et de toute façon, il n'était même pas encore sûr d'être accepté à l'école d'Aurors, même s'il avait un bon dossier et n'avait pas l'impression d'avoir raté ses ASPICS.

« A vrai dire, je ne sais pas encore. J'attends déjà les résultats du concours pour être Auror. »

C'est cet instant que choisit Fabian pour faire son apparition à sa plus grande surprise, dans un grand fracas. Il ne s'attendait pas à le voir debout si tôt et apparemment, il avait entendu ce que Arthur et Gideon disaient. Sa réaction à cette conversation ne se fit pas attendre.

« Alors, comme ça, tu te tires ? Tu comptais me le dire ou... »

Il laissa sa phrase en suspens. Gideon ne savait que dire, comment s'y prendre. Depuis le début des vacances, il voulait plutôt éviter le sujet même s'il savait que le temps des questions arriverait forcément. Seulement Gideon avait espéré qu'il ne viendrait pas avant fin août. La réplique de Fabian l'agaça immédiatement, sujet sensible oblige.

« Je ne me tire pas ! Je n'ai pris aucune décision pour le moment, ne commence pas ! »

Ce jour là, Gideon n'était pas particulièrement dans son assiette. En se levant, il n'avait eu envie que de rester dans son lit. Un pressentiment lui disait qu'il aurait mieux fait d'écouter ses envies pour une fois. Il se sentait comme ces jours où on a l'impression de se battre pour une cause perdue d'avance mais aujourd'hui ne serait pas une journée bien tranquille. Dans l'espoir de se remonter un peu le moral, il était allé retrouver un peu de l'innocence de l'enfance. Quand il entra dans la chambre en face de celle qu'il occupait temporairement, son regard tomba sur une tête rousse aux jolies tâches de rousseur. Ron, le dernier garçon de Molly et Arthur, vint courir jusqu'à lui pour s'écraser dans ses jambes et s'accrocher à son mollet en riant joyeusement.

« Heyyy ! »

Un gigantesque sourire étira les lèvres de Gideon qui prit le bambin d'un an et quelques mois à peine dans ses bras. Passer du temps avec ses neveux était la chose qui lui donnait le plus de motivation. Ils étaient tous si pleins de vie, de joie. Ils ne connaissaient pas les horreurs de la guerre et Gideon espérait bien qu'ils n'auraient jamais à les connaître. Au Terrier, les Weasley étaient à l'abri, Molly dirigeait sa famille parfaitement et avec Arthur, ils avaient réussi à créer un véritable cocon protecteur autour de leur petite tribu. Sept enfants composaient maintenant la famille. Petite dernière et unique fille, Ginny était née il y a quatre jours seulement. Gideon n'était pas peu fier d'annoncer à qui le voulait qu'il avait une nièce. Un peu de bonheur au milieu de tant de désolation.
Il reposa le petit pour le laisser jouer au milieu des nombreuses peluches et il descendit dans la cuisine. Voir Fabian debout devant la fenêtre, si silencieux, le fit retomber sur terre aussitôt et un pincement lui serra désagréablement le cœur. Marlene était morte il y a quelques semaines, sa famille avec elle. Est-ce que Gideon et Fabian finiraient par mourir à cause de leur engagement ? Auraient-ils le temps de construire une famille ? Il posa une main sur l'épaule de son petit frère et la serra légèrement. Quoi qu'il arrive, Gideon serait là pour lui.

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1000 mots

Gideon n'avait définitivement pas envie de se disputer de bon matin avec son petit frère. Il n'avait pas envie de s'expliquer maintenant, de devoir prendre une décision aujourd'hui. Il avait espéré pouvoir se reposer toute la journée, sans se soucier de ce qu'il devrait faire demain ou dans deux mois. Il souhaitait que septembre n'arrive jamais et que les vacances durent pour toujours. Lui non plus ne voulait pas partir et laisser Fabian, au fond. Il aurait voulu qu'ils soient des jumeaux tous les deux et qu'ils restent ensemble, invincibles.
Il le regarda s'asseoir ou plutôt s'écraser sur le banc face à lui sans le quitter une seule fois des yeux. Fabian était déjà à fleur de peau, son impulsivité lui jouerait des tours un jour et Gideon voyait bien qu'il se retenait pour ne pas lui hurler dessus dès maintenant. Ses yeux clairs s'abaissèrent sur le couteau dans la main de son petit frère mais à aucun moment il n'imagina Fabian le blesser avec. En fait, il avait plutôt peur qu'il se coupe lui même sans faire exprès, tellement l'énervement le déconcentrait de son beurrage de tartine.

« J'allais t'en parler ! » se plaignit-il alors que Fabian remettait en cause sa sincérité.

Il savait très bien de quoi il parlait en mentionnant le « banc de touche » et voilà que maintenant, son petit frère faisait l'enfant en boudant capricieusement. Que voulait-il que Gideon fasse ? Il n'allait surtout pas l'encourager à arrêter Poudlard maintenant pour entrer dans l'ordre du Phoenix ! Cette Septième année à Poudlard lui serait largement bénéfique et si ça n'avait tenu qu'à Gideon, il l'aurait même obligé à faire une Huitième année au Château.

Dans les trois mots de son petit frère, Gideon sentit toute la tristesse qu'il tentait de contenir. Le sujet était difficilement abordable et ils n'avaient pas pris le temps d'en parler tous les deux. Aucun ne s'en sentait le courage, Gid essayait plutôt d'oublier ou de faire comme si rien n'était arrivé. C'était comme ça qu'il tenait, il ne savait jamais comment faire son deuil quand quelqu'un mourrait et ces jours-ci, dès qu'il pensait s'être fait une raison, un autre mort venait s'ajouter à la liste déjà trop longue, lui rappelant ceux qui étaient déjà passés avant. Fabian changea le thème du sujet alors qu'il n'avait même pas commencé, pour parler de choses moins dures à entendre et Gideon sauta sur l'occasion.

« Les jumeaux sont réveillés mais ils sont au calme dans leur chambre. Laissons les tranquille pour une fois que c'est le cas. Pareil pour Percy. Ron joue et les deux grands dorment encore. D'ici une heure, on pourra surement y aller. »

Ses six enfants avaient tous leur propre caractère et tous étaient épuisants. Ginevra, seule fille dans le lot, n'aurait surement aucun mal à se faire une place dans cette grande famille qui conjuguait brillamment les tempéraments Prewett et Weasley. Gideon avait hâte de voir la tribu qu'ils formeraient tous un peu plus grand. De quoi faire une équipe de Quidditch complète !

Alors qu'il abordait le sujet Deidre, Gideon soupira un peu trop fort et leva les yeux au ciel. Fabian avait le don de l'exaspérer et le fait qu'il mette les sentiments de Gid sur le tapis le désespéra un peu plus.

« Tu te comportes comme un gosse, Fabian ! T'es jaloux d'une fille qui connait à peine mon prénom, tu utilises des faux arguments sans rapport ! Comment je peux espérer de toi une conversation sérieuse quand j'ai l'impression que tu as dix ans dans ta tête ! Tu sais quoi, je ne pense pas que l'OP est besoin d'un gamin pour gonfler ses rangs. »

Les tartines qu'il beurrait de son côté commençaient aussi à souffrir, signe que son petit frère venait d'effleurer sa successibilité et qu'il n'était plus disposé à avoir l'air parfaitement calme face aux reproches de Fabian.

Le rire de Fabian, plutôt que de dérider Gideon, lui fit une désagréable sensation de nostalgie. Avec les années, il avait à peine pu voir le changement progressif mais quand il se remémorait certaines fois comme quand Bill, âgé de quelques mois seulement, avait recraché tout son repas sur la cape de Gideon, il se rappelait du son que faisait l'hilarité de Fabian et ce n'était plus du tout le même aujourd'hui. Il ne se rappelait même plus de la dernière fois où tous les deux avaient rigolé de bon cœur, pour de vrai. Il avait envie de se dégoter un retourneur de temps dès maintenant pour l'entendre encore une fois, ça lui ferait tellement plaisir de revoir l'air d'un Fabian insoucieux et joyeux. Parfois, il se sentait coupable, il avait l'impression que c'était sa faute.
Il s'appuya contre la table et serra le bord de celle ci à deux mains, les yeux baissés sur le bois.

« T'es un tonton fantastique, tu serais un parrain excellent. »