Tout aurait pu continuer normalement. Elber aurait répliqué à son meilleur ennemi de toujours que tous ces mots n’étaient que des mots. Qu’ils n’avaient aucun poids car ils sortaient de sa bouche. Qu’on ne pouvait renier 17 années passées à semer la terreur dans les couloirs de Poudlard. Que jamais elle ne croirait une seule seconde que Bradley puisse faire le bien en ce monde. Que son destin, il l’avait choisi il y a bien longtemps déjà. Qu’il avait trouvé sa place dès l’instant où il était venu au monde et que jamais il n’aurait l’opportunité d’en choisir une autre.

Mais tout ne se déroula pas normalement.

Réagissant au quart de tour, la jeune fille se leva de sa chaise, attrapa le bras de Bradley et l’attira avec lui sous la table. Machinalement, Elber rabattit la capuche de sa cape sur ses cheveux. Et en direction de Bradley, tapis à ses côté, elle posa un doigt sur ses lèvres en fronçant les sourcils. La nappe de la table ne descendait pas jusqu’au sol et laissait dépasser les chaussures des quatre sorciers qui passaient devant leur nez. Les cris déchirant du jeune homme résonnaient aux oreilles de l’ex-griffonne. Il fallait faire quelque chose et vite. Elle ne pouvait laisser les choses se dérouler ainsi, elle était membre de l’Ordre après tout. Mais elle ne pouvait se résoudre à y aller seule. Eux étaient trois. Et Elber savait mieux que quiconque que jamais personne dans le bar ne viendrait l’aider à secourir la pauvre victime. Y aller seule, c’était du suicide. Si elle se faisait chopper à son tour, elle n’avait plus qu’à prier pour qu’on ne découvre pas son lien avec l’Ordre du Phénix.

Tandis que les trois sorciers emmenaient leur victime vers le fond de la salle, Elber se tourna vers Bradley. Elle approcha sa bouche tout près de l’oreille du jeune homme puis chuchota : « C’est le moment de me prouver que j’ai tort. Tu me suis ? »
Accroupie, les mains posées devant elle sur le sol, ses yeux bleus fixés sur son ennemi, elle attendait sa réponse, prête à bondir de sous la table au moindre hochement de tête positif.

Tout se passa très vite. Alors que la discussion prenait des allures de règlement de comptes et s’engluait dans un dialogue de sourds, trois silhouette encapuchonnées pénétrèrent dans le chaudron baveur. Un frisson de terreur parcourut le corps de Bradley quand son regard se posa sur le pauvre diable qui hurlait à plein poumons qu’il n’était pas un né-moldu. Il fut réduit au silence par un coup de poing au visage. Le sang gicla, éclaboussa le parquet et les tables. Un silence de mort s’installa dans le Chaudron Baveur. Un silence lourd de sens. On ne pouvait pas - on ne devait pas - s’attaquer à ce genre de personnes. Ils incarnaient la peur et la violence. Non, ils étaient la violence à l’état pur. Le genre de personnes qui avaient levé leur verre lors de l’annonce de l’arrivée de leur messie. Une caste de sorciers et de sorcières qui s’étaient destinés à n’être que des pions dans le jeu d’un homme qui se prétendait tout puissant. Un homme qui avait causé la chute irrévocable de ses anciens amis.
Le jeune homme fut tiré de ses pensées par Elber qui l’attira sous la table. Alors que le pauvre bougre s’était remis à beugler comme un possédé, l’ancienne Gryffondor lui fit signe de se taire. Si elle voulait rester discrète, plonger sous une table aux yeux et à la barbe des nouveaux venus n’était peut-être pas la meilleure solution. Cela dit, Elber n’avait jamais brillé pour son intelligence..

C’est le moment de me prouver que j’ai tort.

Bradley fixa Elber quelques instants, essayant de déceler dans son regard la moindre parcelle de doute où de peur. Il n’y en avait pas. Cependant, elle savait qu’elle ne pouvait mener ce combat toute seule.
Elle savait qu’ils n’avaient peu de chance de l’emporter. Pourtant, elle lui demandait de se battre à ses côtés. Elber lui demandait de faire ses preuves. Oui, il était facile de discourir, il était bien plus difficile de se lancer dans la mêlée.
Bradley cherchait sa place dans un monde devenu fou. Il cherchait à se prouver qu’il avait eu tort durant toutes ses années. L’heure était arrivée. Il était temps de combattre et se réduire à néant les efforts de ses parents. Prouver qu’il était différent, qu’il n’était plus le Bardley détestable et cruellement désespéré. Il était revenu pour combattre. Longtemps, il n’avait pas su qui étaient ses vrais ennemis.
Aujourd’hui, dans le regard d’Elber Warnen, le doute n’était plus permis.

Je te suis !

Dans un bond, Bradley renversa la table sous laquelle ils s’étaient abrités et pointa sa baguette vers l’homme qui enserrait la gorge du jeune homme de son bras de bûcheron canadien.

Incarcerum !

Sa cible parvint à se jeter sur le côté et à s’abriter derrière le bar, ripostant par un sortilège de désarmement qui fut réduit à néant par un contre sort de Bradley. Le jeune homme n’avait jamais été un grand duelliste, mais il avait toujours compensé ses faiblesses par une rapidité et des réflexes à toute épreuve. Les deux autres sorciers se lancèrent dans la mêlée, peinant à établir un angle d’attaque dans la foule de clients qui quittaient le bar en poussant des cris de panique.

Warnen, un peu d’aide ne serait pas de refus !

Il fut réduit au silence par un coup de poing à la tempe qui lui fit voir trente-six chandelles. Il parvint néanmoins à riposter en envoyant la pointe de sa baguette dans l’œil de son agresseur qui poussa un rugissement de taureau en rut. Les deux adversaires se jetèrent l'un sur l'autre et roulèrent au sol dans une avalanche de poings et de pieds.