Elle avait reconnu l'écriture de sa sœur tout de suite, avant même d'ouvrir l'enveloppe qui contenait l'invitation. Se retrouver autour d'un thé lui avait semblé une excellente idée, une bouffée d'oxygène au milieu de ce brouillard épais et irrespirable. Les quatre sœurs Blackstone, de nouveau réunies, à discuter, échangeant leurs sourires, étreignant leurs mains.
Pour cette escapade, la jeune femme avait opté pour une tenue sobre noire, une cape violette apportant la seule touche de couleur qu'elle s'autorisait. C'était la première fois qu'elle quittait son antre depuis son "contretemps" -car c'est comme cela qu'elle l'appelait - et elle commençait à sérieusement tourner en rond. Après de longues minutes de préparation et de contemplation dans le miroir de sa chambre, la jeune femme transplana jusqu'à Pré-au-Lard.
A chaque pas qui la rapprochait du lieu de rendez-vous, le ventre de l'ancienne serpentard se nouait davantage. Orchid et elle ne s'étaient pas données de nouvelles depuis un certain temps et leur relation en était que plus tendue. Heureusement, Daisy savait que la présence des deux plus jeunes adoucirait l’atmosphère avec leur cœur tendre et leur adoration sans faille. Arrivée à hauteur du commerce, elle pénétra dans la salle et repéra la blondeur Blackstonnienne d'Orchid. Elle s'approcha d'elle et sortit un "Bonjour" contenu... La glace avant le blizzard...

Comme elle l'avait imaginé, l’arrivée de Lilac et de Camélia l'apaisa aussitôt. Elles étaient belles et portaient sur leurs visages la tendresse qu'elle leur portait. Après elles, Daisy prit place dans son fauteuil et Orchid brisa le silence.
La seconde avant une révélation semble toujours comme suspendue. Et au fur et à mesure de l'annonce d'Orchid, dont l'excitation palpable envahissait la pièce, le visage de l’aînée se ferma, par réflexe. Une grande nouvelle...... Que vous soyez les premières au courant ....De quoi pouvait-elle bien parler ? Orchid avait quitté Poudlard et ses occupations depuis ses ASPICS lui avaient été bien méconnues. Se pouvait-il qu'elle ai intégré les rangs des mangemorts sans que sa soeur ne l'ai appris ? La curiosité la brûlait de l'intérieur mais pas autant que la crainte. Orchid avait toujours été la moins lâche et la plus libre, ainsi lorsqu'elle prononça : "Je vais me marier", Daisy su que cela annonçait autre chose. Malgré sa désagréable intuition et son regard glacial, faisant écho à sa propre union, elle formula froidement :

- Père approuve ton futur époux ?

Loin de la féliciter ou d'être contente, sa question en disait long. Même absent, l'ombre paternelle menaçait et s'immisçait dans leur fratrie.

Leur père n’approuvait pas le futur époux d’Orchid. Quelle en était la raison ? Daisy redoutait la réponse autant qu’elle l’attendait. Si Edgar ne devait pas être au courant, c’est que le nom de l’intéressé n’était pas respectable à ses yeux. Et comme Daisy s’était soumis, Orchid choisissait le chemin inverse. Cette vérité poignarda la brune en plein cœur. L’audace de sa sœur lui renvoyant douloureusement sa propre faiblesse. Le fossé qui commençait à se créer entre elles se transformait lentement en une faille infranchissable. Impassible, elle ne put rien répondre à sa proposition. Muette, elle ne bougeait plus.

Tandis qu’Orchid proposait aux deux cadettes le poste convoité de demoiselles d’honneur, un tumulte intérieur s’immisça en elle. Un amour fraternel si pur et inconditionnel, une haine démesurée et un dégoût pour elle-même, une crainte, une douleur à peine surmontable, que pouvait-elle bien répondre ? Serait-elle là pour elles ou était-ce le moment de voguer seules chacune de leur côté ?

Daisy écouta silencieusement les réponses des deux cadettes, sans se laisser happer par leur enthousiasme. Elle était gagnée par un mélange étrange de distance et de colère. Enfin, Orchid s'adressa directement à elle. Il était temps de lui dire le fond de sa pensée, meurtri par son destin brisé.

- Je ne viendrais pas Orchid ! Dit-elle froidement en pesant chacun de ses mots.

Son regard se fit plus dense et ne vacilla pas entre ses sœurs, elle fixait littéralement la seconde Blackstone comme si elle s'adressait à une vision évanouie d'une Daisy rebelle. Comme pour taire définitivement son autre Moi à l'intérieur d'elle même, celui qu'elle avait espéré être mais qui n'était plus, celui qui était libre mais qui s'était soumis.

- Tu es quand même bien égoïste... Tu les prends à partie pour ton plaisir personnel..... Tu vas les faire mentir à père pour pouvoir te marier avec qui tu veux ! Toi, tu seras partie, tu auras disparue.. mais elles ... Tu vas les abandonner à son joug, les soumettre à sa volonté..... Ne leur fais pas croire qu'elles peuvent être libres !! Elles ne seront jamais libres !

Nous ne serons jamais libres..; C'est cela qu'elle pensait intérieurement.

- tu ne seras jamais libre, Orchid .. Se reprit-elle afin de lui faire entendre raison... Son ombre plane sur nous, et si tu cherches à le trahir, il te fera tuer !

Voilà donc ce qu'elle pensait. Edgar n'hésiterait pas, selon elle, à commanditer le meurtre de ses propres filles si leur honneur était sali, si sa volonté n'était pas satisfaite.

Elle n’avait pas mesuré la portée de ses paroles et s’en voulut instantanément lorsqu’elle vit les réactions de Lilac et Camélia. Si leur désaccord n’avait jamais été clairement exprimé, il explosait au grand jour et leurs deux plus jeunes sœurs en étaient les dommages collatéraux. Daisy se mordit la lèvre de remord et tandis qu’un flot de larmes envahissait son cœur, elle regarda Lilac s’éclipser et Camélia donner raison à leur père.
Leur belle fraternité volait en éclat, et Orchid en était la cause, elle brisait leur équilibre fragile. Pourquoi avait-il fallu qu’elle n’en fasse qu’à sa tête ? Pourquoi empruntait-elle le chemin opposé à celui déjà tracé ?
La première remarque d’Orchid la frappa en pleine figure. Elle encaissa, sachant pertinemment qu’elle avait raison. Au-delà de l’imposture, ce mariage avait été une aubaine pour Daisy, qui avait pu quitter le domicile familial et par là même la surveillance paternelle. Malgré ce qu’elle avait perdu, elle y avait gagné une chose précieuse.. une sorte de liberté.
La seconde remarque la toucha plus profondément encore et augmenta sa peine. Ainsi c’est comme cela qu’elle la voyait. Une morte… une bougie entièrement consumée, une flamme balayée par le vent. Elle finit par articuler à la suite de cette partie de la tirade :

- si c’est exactement ce que tu leur demande !

La troisième réplique l’acheva. Neil ! C’était un cauchemar. Déjà elle choisissait son époux par elle-même et se mariait en secret, et l’élu était un sang mêlé ! Ex meilleur ami de Daisy ! Le pompon ! Complètement médusée par cette révélation, le visage de Daisy demeura inexpressif, figé dans l’incompréhension la plus totale. Elle n’approuvait pas, ni n’acceptait, mais Orchid s’en moquait. Elle se moquait de tout ! Même des conséquences dans la vie de ses sœurs. Quand Orchid conclut sa plaidoirie, l’aînée eu une rictus moqueur. Elle était blessée au plus profond d’elle-même, et la seule chose qu’elle voulait à cet instant c’était de la blesser au centuple :

- Les quatre mousquetaires ? répondit-elle avec sarcasme. On a cessé de l’être le jour ou tu as choisi de faire tes choix sans te soucier de nous.

Elle voulait frapper la ou ça faisait mal, leur unité.

- Ce n'est pas "un pour tous, tous pour un", mais "Tous pour toi".

Ainsi c'était terminé. Il fallait faire une croix sur leur lien, auparavant si fort, maintenant trop fragile. L'ultime décision d'Orchid venait sceller définitivement leur destin...Et savaient-elles à quel point ?

Toujours debout, Orchid se positionna face à elle, alors que leurs deux cadettes s’était rassisses, amères, comptant les points ? Orchid déversa son flot de vérité, comme elle déballait des rancœurs trop longtemps refoulées et Daisy encaissa… encore...habituée à supporter les coups moraux et physiques. Les propos qu’elle usait pour désigner son père étaient vrais et elle ne la contredit pas, ni quand elle évoqua son propre mariage. Ouvrir la bouche serait un aveu bien trop grand. Et de toute façon ses sœurs étaient au courant de ses réels sentiments à l’égard des deux hommes. Sans ciller, Daisy fixait sa sœur dans les yeux, avec l’envie irrépressible de la frapper, mais elle ne fit rien.
L’argument de la jalousie la fit rager et la gifle partit aussi vite qu’elle était venue. C’était la première fois qu’elle levait la main sur une de ses sœurs et la vision de son père s’imprima dans son esprit. Qu’avait-elle fait ? Les yeux écarquillés d’horreur, elle demeura droite comme un i, sans pouvoir bouger, avec l’impression terrible que rien ne serait plus jamais comme avant. Elle ne changerait pas d’avis. Elle n’irait pas.
Tandis que sa sœur prenait le chemin du départ, l’aînée la regarda s’éloigner comme un naufragé verrait son bateau s’engouffrer loin de lui, emportant avec lui l’espoir d’être sauvé. Immobile, elle attendit debout près de la table, jusqu’à ce que …