Tout allait de travers dans la vie de Daisy Blackstone. Si être née dans une famille comme la sienne constituait déjà un fardeau en soi, qu'elle portait malgré elle, les événements extérieurs et son environnement n'arrangeaient rien. La marque à son bras et les épreuves qu'elle avait traversées pour se la voir graver, la reconnaissance neuve et imprévue de son père, les émotions contradictoires pour les frères Donagan, l'attaque au mariage des Buckley, la récente mort de Bradley par la main de sa meilleure amie... sa vie était une succession de hauts et de bas, intenses et insoutenables
Debout, la jeune femme se tenait immobile au bord de la Tamise. La nuit était déjà si avancée que peu d'âmes s'aventuraient sur les berges. Les pointes des pieds dépassaient dangereusement des pavés au dessus de la surface de l'eau. Ses yeux bleus couleur de plomb flirtèrent avec la ligne d'horizon, arpentant les courbes de l'eau. Les ondulations brisaient le reflet parfait des lumières artificielles de la ville, à l'image de son âme morcelée par son premier meurtre. La brise légère de printemps lui rosissait ses joues creuses et blanches et emmêlaient ses longues mèches brunes délavées par le temps. Personne ne savait où elle se trouvait. Personne ne saurait si elle disparaissait...

Une ombre se glissa derrière elle et avant d'avoir pu en distinguer la source, elle bascula en arrière. Déstabilisée, elle accompagna sa chute en s'accrochant au corps de l'homme qui la maintenait en arrière. Ses deux crocs, profondément ancrés dans sa chair, aspiraient sa vie par gorgées. Son sang bouillonnait puis s'évaporait par la plaie. L'association était facile, elle avait à faire à un vampire. Un flot de plaisir déferla ensuite en elle. Les yeux clos, ses gémissements étaient étouffés par la main de l'homme. Elle serra l'emprise de l'ange de la nuit contre elle, les articulations blanchies par l'étau de ses doigts. Dans leur danse macabre, Daisy perdit toute notion de temps et d'espace. Combien de mètres s'étaient-ils traînés ? Elle n'entendait plus que le bruit de son cœur qui décélérait, ne sachant plus ou se trouvaient les pavés et la lune. Son corps se raidit et la brune attrapa la tête de Marlon le retenant contre son cou, l'invitant à en finir.

Passées la douleur et la vague d'extase, elle se sentit soudain complètement anesthésiée, ses sens l'abandonnant un à un. Ainsi était-ce la fin ?

Tandis qu'elle se sentait complétement partir, l'homme relâcha son étreinte et planta ses yeux dans les siens. Son regard sombre lui en rappela un autre qu'elle avait longtemps tenté d'oublier. Dans un silence cérémonieux, elle l'écouta articuler sa question et le dévisagea avec intensité. A la limite de l'évanouissement, elle se sentait tellement bien qu'elle aurait voulu qu'il continue. Sa main caressa ses cheveux dans le creux de sa nuque et la jeune femme finit par lui répondre d'une voix faible mais audible :

"qu'est-ce que ça peut bien faire ?"

C'est vrai qu'est-ce que ça pouvait changer après tout, son sang restait du sang pour une créature comme un vampire, à moins que celui des sorciers, pur de surcroit, ne soit plus revigorant.

"cela finit toujours de la même façon ..."

Elle resserra l'emprise de sa main contre son cou, tentant de le rapprocher de sa plaie, concentrant sa force sur cette unique main, alors que ses jambes se dérobaient complétement sous elle et sentit sa peau glacée de vampire.

La pulsation dans ses veines était lente et douce, à l’image de ses mouvements. Pour la première fois elle ressentait une sorte d’apaisement, de quiétude. Tout semblait facile, tout prenait sens. Comme si toutes les réponses étaient là, comme si toutes les questions étaient là. Entre l’ici et l’ailleurs, le maintenant et l’après, le passé et le futur, aucun doute ne demeurait possible, il fallait qu’elle reste dans cet état. Ses yeux se révulsèrent un instant mais pas assez pour perdre complétement connaissance. Il parla. Un peu dans les vaps, la jeune mangemorte mit plus de temps que d’habitude pour assembler les mots que l’homme prononçait et surtout ce que cela signifiait.
Une certitude naquit dans l’esprit de Daisy : personne ne mourrait ce soir. En revanche, elle perçut sa proposition sans aucune équivoque. Si son visage demeura sans expression, on pouvait dire que les sensations de ce soir lui donnaient l'envie irrépressible de recommencer. Avant de pouvoir lui répondre, ses yeux se révulsèrent à nouveau et elle sombra.


(Tu peux la laisser là et elle se réveillera plus tard, on fera un nouveau sujet, ou bien on continues ici, tu l'as veillé quelques heures et nous faisons une petite ellipse de temps comme tu veux )

(.. tu m’emmènes dans une chambre ... grand fou .. ça me donne des idées )


Elle ouvrit les yeux subitement comme sa bouche reprenait une bouffée d'oxygène. Elle avala l'air par gorgée comme on reprendrait son souffle après une noyade. Elle respira si fort qu'une toux bruyante prit sa place dans sa gorge pour s'apaiser petit à petit. Épuisée, elle posa son regard tour à tour à la pièce ou elle se trouvait et à la personne qui la veillait. Combien de temps s'était écoulé ? Une heure, une journée ? L'aube pointait le bout de son nez au travers les rideaux épais de la chambre, lui indiquant en partie la réponse. Petit à petit les souvenirs se mirent en ordre dans son esprit et elle focalisa son attention sur l'homme en face d'elle :

- Qu'est-ce que tu proposes ?

Tandis que l'homme expliquait de quoi il s'agissait, l'ancienne serpentard but le verre d'eau qu'il lui avait proposé. Elle écoutait avec attention sa proposition, ses yeux clairs vampirisés par lui. Lui servir de repas. C'était drôle à entendre, prononcé à voix haute. Mais elle comprenait dans cette requête le besoin de l'homme de se nourrir. Mais pourquoi ne se contentait-il pas de tuer froidement des victimes, moldus ou sorcières, comme toutes les créatures de son espèce ? Sentait-il une menace policière peser sur lui ? ou était-ce la culpabilité de tuer qui le rongeait ? Daisy douta de cette dernière possibilité. Les vampires étaient des êtres froids, sans cœur, qui faisaient passer leur intérêt et leur soif avant tout. Et l’intérêt de l'homme devant elle était de se nourrir sans se faire capturer. L'épouse Donagan fixa son interlocuteur en se souvenant de la vague de sensation qui s'était emparée d'elle lorsqu'il l'avait bu et répondit :

- Donne moi le lieu et le moment, je viendrais te rejoindre ...