- Allez, envole-toi ! Allez ! Petit petit ! Rrrrou, rrrrrouu ! roucoula Flynn, qui ignorait visiblement que les chouettes n'étaient pas des pigeons.


Cela faisait au moins une demi-heure qu'il tentait par tous les moyens de faire partir la chouette qu'il avait choisie au hasard dans la volière. Enfin, pas tout à fait au hasard : avec son plumage blanc, elle était sans conteste la plus majestueuse, et il était hors de question qu'il l'abandonne pour une autre.
Ce n'était pas comme si son courrier présentait un intérêt particulier, pourtant : il y racontait simplement sa vie en long, en large et en travers à sa mère, qui, curieusement, ne lui répondait plus très fréquemment ces derniers temps. Son courrier avait dû se perdre en route ; sa mère adorait qu'il lui donne des nouvelles – elle s'était même plainte lorsque, durant sa première année à Poudlard, il ne lui avait envoyé que cinq malheureux courriers. Elle devait donc être absolument exaltée que, depuis un mois, il lui fasse parvenir plusieurs lettres par semaine, non ? Et comme si la pauvre femme n'avait pas assez à faire à l'hôpital Sainte-Mangouste, où elle travaillait comme infirmière, le jeune Poufsouffle avait cru judicieux de lui demander de lui coudre une nouvelle robe de sorcier, la sienne étant élimée, à force de grimper aux arbres et de faire le mariole avec ses amis dans le parc du château ; mais si ce courrier ne partait pas, il finirait l'année en haillons.  


- Allez, stupide piaf, ouvre au moins tes ailes ! C'est pourtant pas si compliqué, de voler ! Regarde tes petits camarades, ils y arrivent bien !


La scène était surréaliste : Flynn mettait toute son âme dans ce dialogue, comme un politicien en pleine campagne électorale. Complètement déconnecté de la réalité, comme à son habitude. Désespéré du dédain profond que lui témoignait la chouette, toujours immobile, le sorcier redoubla d'efforts :


- Allez, ouvre tes ailes ! Rrrrou, rrrrou ! Etends tes ailes ! Regarde, comme ça !


Et il se mit à étendre les bras, avant de les agiter comme un fou furieux, terrifiant les oiseaux qui s'envolèrent dans une gerbe de plumes, dérangés dans leur morose inutilité. Flynn faisait le tour de la volière en roucoulant et en brassant l'air, mais le seul oiseau qui semblait totalement indifférent à ses gesticulations était celui qui portait sa précieuse lettre. L'attitude de Flynn aurait pu être touchante, s'il n'avait pas eu ensuite la pire idée de sa vie.

En effet, l'oiseau refusant obstinément de décoller ses pattes du perchoir sur lequel il était juché, Flynn décida de l'aider un peu. Il brandit donc fièrement sa baguette, puis s'immobilisa. C'était bien, cette idée, mais c'était quoi déjà, le sort qu'il cherchait ?

Pour lui-même, Flynn articula « Impedimenta », passant en revue les sortilèges qu'il connaissait. Malheureusement pour lui, le sort fonctionna, et la chouette fut comme pétrifiée sur place.


- Non non non non non... répéta Flynn en boucle, abasourdi par sa propre stupidité.


Le pauvre animal le regardait de ses grands yeux humides, et pour s'épargner cette vision, le Jaune et Noir le souleva et le mit dos à lui, comme si le fait de ne plus voir son visage allait changer quoi que ce soit à la situation. Le jeune homme allait ôter sa lettre des serres de la chouette, afin de trouver un autre messager (et tant pis pour la réfractaire, elle n'avait qu'à pas faire la maligne), lorsqu'il entendit des pas résonner dans l'escalier. Merlin, quelqu'un arrivait !
Pris de panique, à mesure que les bruits se rapprochaient, Flynn s'empara du volatile et le dissimula à la hâte sous son manteau de sorcier. La situation devenait franchement burlesque, et pourtant ce n'était rien d'inhabituel dans la vie du Poufsouffle.
Enfin, une silhouette se dessina dans l'embrasure de la porte, et Flynn s'efforça de paraître naturel. Après tout, à part l'énorme bosse sous son manteau, il n'y avait strictement rien d'étrange.

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