Un dernier tour de stade et l'entrainement sera terminé. Le soleil hivernal s'était couché depuis plusieurs minutes, et le château aux quatre maisons, qui s'était paré d'ocre et de doré pendant tout l'après-midi retrouvait maintenant ses couleurs froides de gris, laissant seulement paraitre la lumière orangée des cheminées brûlant dans les pièces, chauffant les apprentis sorciers en attendant de passer à table.

Contrairement à la majorité de mes camarades, je n'attendais pas patiemment au chaud. Ce soir-là, l'entrainement des Poufsouffle était programmé, et aucune entorse à la règle n'était permise. Le gardien, notre capitaine, était plus que jamais déterminé à remporter la coupe de Quidditch cette année... Et nous en faisait baver au moins deux soirs par semaine.

Le vent me giflait le visage alors que je filais derrière le vif d'or, améliorant mes techniques sur le tout dernier Comète que mes parents avait eu la malchance de devoir m'acheter. Personnellement, j'aurais préféré me l'acheter seul mais, à 17 ans, je n'avais pas un Gallion à moi, alors... J’accélérai un peu plus, dans la dernière ligne droite, tendis le bras et la petite balle dorée se retrouva dans ma main en un rien de temps. Je m'arrêtai brusquement, avant de baisser les yeux sur les formes jaunes et noires qui me servaient d'équipiers. A ma hauteur, je ne pouvais pas distinguer qui était qui, je criais donc pour me faire repérer. Le signal de fin d'entrainement retentit enfin et nous pûmes tous descendre sur terre.

Une nouvelle fois, nous finissions l'entrainement tous totalement gelés. Les nez ainsi que les joues étaient rouges de froid, et je remarquai même qu'une de nos poursuiveuses avaient les lèvres violettes. Après un briefing plus que rapide au vue de nos états, le capitaine nous laissa enfin libres de rentrer aux vestiaires. Je filai sans attendre mon reste et atteignis le bâtiment des joueurs en premier. Sous mes gains en cuir marron patinés par l'exercice, mes doigts étaient engourdis. Je me changeai en grelottant, enfilai un pull chaud sous ma robe de sorcier avant de ranger mes affaires.

Une fois tout en ordre, je m'arrêtai devant le miroir. Ma peau blanche me donnait un air maladif, et faisait ressortir mes yeux verts avec une impression presque surnaturelle. Je me recoiffai rapidement, avant de soupirer. Je faisais trop grand cas de choses tout à faire quotidiennes... Mes coéquipiers se moquaient gentiment de moi, mais je pouvais aisément comprendre pourquoi. A chaque fin d'entrainement, c'était le même manège, les mêmes préparatifs... Je secouai la tête pour chasser mes pensées, avant de sortir des vestiaires. Après quelques instants de recherche, je reconnus la chevelure brune de mon amie, qui avait assisté, une nouvelle fois, à mon match dans le froid. Je m'approchais alors, prêt à recueillir ses commentaires sur nos heures de vol.

Sylvia, 14 décembre 1968

Bouaaah, ça devrait pas être autorisé d'être dehors avec un temps pareil !! La journée avait eu beau être claire, à présent que la lumière avait significativement baissé et que le jour touchait à sa fin, la température menaçait clairement de chuter sous la barre du 0 degré Celsius, et je me sentais tout engourdie sur mon banc dans les gradins. Assise à la tour des Poufsouffles, engoncée sous plusieurs couches de vêtements, je commençais pourtant à payer le prix de mon immobilité alors que je perdais doucement toute sensibilité dans mes orteils, et je soufflais dans mes mains gantées pour tenter de réveiller un peu de sensation au bout de mes doigts. Et encore, moi j'avais passé la fin d'après-midi à profiter des derniers rayons du soleil, bien installée sur mon gradin ! Je n'osais pas imaginer à quel point les joueurs de l'équipe qui évoluait sous mes yeux devaient être gelés, eux qui valsaient en plein vent depuis plus de deux heures.

Levant les yeux vers l'attrapeur, je l'observais en souriant sous mon écharpe alors qu'il s’exerçait à quelques figures aériennes en attendant de repérer le Vif d'or. Si au sol sa manie d'essayer de tasser au mieux sa grande silhouette dégingandée pouvait lui donner l'air maladroit et renfrogné, en l'air, sur son balais, il y avait une fluidité et une finesse dans ses mouvements qui trahissaient clairement sa véritable habileté - il était sans doute le seul attrapeur de l'histoire ayant jamais dépassé le mètre 80, ce qui ne l'empêchait pas de faire partie de l'équipe depuis plusieurs années maintenant. Et accessoirement, de nous aider à gagner de temps en temps. Enfin là de suite, je serais pas contre le fait qu'il arrête de jouer les girouettes, et qu'il attrape ce maudit Vif, qu'on puisse enfin rentrer !!

Comme s'il avait entendu mes râleries intérieures, il accéléra soudain brusquement sur son balais, plongeant en avant sans doute pour attraper le Vif d'or, que je ne pouvais distinguer à cette distance. Applaudissant bien qu'il ne pusse sans doute ni me voir ni m'entendre, je le suivis du regard avec soulagement alors qu'il mettait pied à terre avec ses coéquipiers - on va enfin pouvoir rentrer manger !! Me redressant sur mes jambes en grimaçant, je sautillais sur mes pieds pour essayer de réchauffer un peu mes membres ankylosés, avant de passer la trappe pour dévaler les marches des gradins et débouler en vitesse sur le terrain. Rejetant une longue boucle d'un châtain caramel par-dessus mon épaule, je scrutais le terrain de mon regard vert d'eau - les joueurs étaient déjà partis se changer, et je quittais le terrain d'un bon pas pour aller patienter à côté des vestiaires, desquels Orpheus ne tarda pas à émerger, le nez et les pommettes encore rougis de froid.

- Bon sang, vient vite avant qu'on se transforme en stalagmites !! m'exclamais-je en attrapant son bras pour le tirer avec moi en direction de Poudlard, l'encourageant ainsi à accélérer le pas. Stanley est vraiment pitoyable, je ne comprend pas pourquoi vous n'avez pas encore changé de gardien, il n'a bloqué que deux tirs sur tout l’entrainement !! enchainais-je sans reprendre mon souffle. Le prochain match est contre les Gryffondors en plus, leurs poursuiveurs balancent de vrais missiles, sans un gardien à la hauteur, même si tu attrapes le Vif aussi vite que tout à l'heure, on n'aura pas assez de point d'avance pour battre les Serdaigles !! continuais-je à pérorer avec animation tout en me dirigeant vers le château, pendue au bras de mon ami.

J'étais ridiculement minuscule à côté de lui, et je devais me dévisser le cou pour croiser son regard, mais je m'en moquais éperdument, lancée dans ma diatribe contre le pauvre Stanley, que j'avais bien l'intention de rhabiller pour l'hiver.

A peine arrivé à la hauteur de la jeune Poufsouffle, elle m'empoigna le bras sans ménagement et me tirais vers l'école pour aller manger au plus vite. Ses doigts, gelés par l'attente dehors, étaient tellement crispés qu'ils allaient assurément me laisser une marque sur le bras. Je trébuchai sur les pavés qui traçaient le chemin jusqu'au château, mon balai dans une main, mon équipement dans l'autre, et sautillais sur un pied avant de recouvrer un certain équilibre. Je l'écoutais parler de l'entrainement, de ses impressions, avant de rire très légèrement quand elle parla de Stanley

- On aimerais bien changer de gardien, mais pour le moment, nous n'avons que Stanley d'assez débrouillard pour occuper ce poste provisoirement... Et n'oublie pas qu'il est capitaine, donc c'est compliqué pour nous de lui dire de quitter l'équipe, répondis-je avec un air amusé, expression que j'arborais seulement à ses côtés.

Elle était si petite et menue que je devais me courber pour la suivre alors qu'elle tenait mon bras, mais je ne m'en souciais pas. Sylvia était tellement enjouée et volubile que j'aurais pu la suivre partout sans savoir notre destination. Elle était ma seule véritable amie et, à ma connaissance, la seule personne à irradier une telle chaleur et une telle lumière.

- Mais je te promets qu'on fera notre maximum. On a déjà une stratégie ! Nous allons...

Je baissai la voix alors que nous croisions un groupe de Gryffondor, méfiant. Je ne voulais pas vendre la stratégie de mon équipe aussi bêtement...

-... Faire en sorte de les empêcher de toucher au Souafle et je devrais récupérer le Vif d'Or au plus vite, finis-je à voix basse.

Le trajet entre le terrain et Poudlard passa à une vitesse impressionnante, et nous nous retrouvâmes vite au chaud dans l'enceinte de l'école. Je desserrais mon écharpe avec un soupir de soulagement et partis en direction de la Grande Salle. L'endroit était animé de bruits, de visages souriants et d'élèves de tout âge.

- Dire qu'à la fin de la semaine, il n'y aurait presque plus personne...

Comme tous les ans, je passerais mes vacances à Poudlard au lieu de rentrer chez mon "tuteur". Loin de m'attrister, la perspective de rester dans l'école devenue ma maison me réjouissait, même si je me sentirais un peu seul...

Un sourire contrit étira mes lèvres lorsqu'Orpheus trébucha à cause de moi, mais il m'en fallait plus pour me couper le sifflet, et je poursuivis donc sans m'interrompre alors que mon empressement lui arrachait un rire léger. Ah, ça c'est mon Orphy !! Contrainte de me taire une seconde pour reprendre mon souffle, il en profita pour placer sa réponse, et une moue boudeuse plissa mes lèvres. Le pire... c'était que j'oubliais tout le temps ce détail, tellement ce pauvre Stanley me faisait de peine à chaque fois que je le voyais jouer. J'allais surenchérir, comptant bien lui faire entendre le fond de ma pensée, mais il enchaina sur leur stratégie imminente... avant de se taire brusquement tendis que nous croisions un petit groupe d'élèves dont les écharpes rouges et or ne laissaient aucun doute quand à leur Maison. A la vue du balais sur l'épaule d'Orpheus, ils nous toisèrent avec dédain, certains arborant des sourires orgueilleux sur leurs visages hautains, et je ne me gênais pas pour leur tirer la langue en passant.

- Au plus vite du plus vite alors... soupirais-je. Ce qui ne change rien au fait que si tu attrapes le Vif trop vite, on n'aura pas assez de points pour aller en finale...

Je ne jouais pas au Quidditch, et c'était un sport que je n'avais découvert que récemment, lors de mon entrée à Poudlard... pourtant, si j'étais assez nulle sur un balais, j'appréciais de regarder les autres voler. A regarder Orpheus, ça paraissait tellement évident, tellement facile... tellement grisant ! En assistant à ses entrainements, j'avais presque l'impression de finir par voler à travers lui, et j'avais ainsi le sentiment de quasiment appartenir à l'équipe, moi aussi. C'était agréable... et ça ne me rendait que plus consciencieuse de l'intérêt de l'équipe.

- Enfin, y'a plus qu'à croiser les doigts, repris-je avec plus d'engouement en retirant mes gants.

Dans la grande salle décorée des traditionnels sapins géants régnait une ambiance bon-enfant, et j'adressais un large signe de la main a Penelope, qui me répondit d'un sourire, avant de nous trouver une place à la table des Poufsouffle avec Orphy.

- Tu pourrais venir chez moi, tu sais, proposais-je avec un sourire.

Mais comme tous les ans depuis que j'étais ici maintenant, je savais qu'il refuserait - il n'était pas vraiment malheureux de rester... simplement, je savais que lorsqu'il restait seul trop longtemps, il se mettait à broyer du noir, et à mon retour j'avais toujours un peu de mal à le tirer de sa mélancolie.

L'exposé de notre stratégie n'avait pas l'air d'émouvoir Sylvia outre mesure, et je marquai un léger temps d'arrêt quand elle me répondit du tac au tac. D'accord, le Quidditch et sa stratégie étaient accessibles à tous, mais de voir qu'une deuxième année commençait déjà à s'en sortir en stratégie et réflexion me surprenait à chaque fois. Mais en même temps, venant de la jeune sorcière, ça n'était pas étonnant. Non seulement elle était plus intelligente que la moyenne -Et je suis parfaitement objectif en l'affirmant-, mais elle passait un moment non négligeable dans les gradins à surveiller nos entrainements.

- Si tu continue à penser de la sorte, tu pourras bientôt être membre de l'équipe ! Avec ta taille, tu pourrais même être attrapeuse, avec ta taille... Tu serais même plus faite pour ce poste que je ne le suis, lui lançai-je en souriant.

Même si cette remarque était un simple trait d'humeur, j'étais quand même à moitié sérieux. J'avais envie de voir Sylvia rentrer dans l'équipe de Quidditch, pour pouvoir m'entrainer avec elle, et j'étais persuadé qu'elle ferait une parfaite attrapeuse. Le fait que je sois moi-même à ce poste était encore un mystère, vu ma taille déjà grande. Mais je compensais cet inconvénient avec ma finesse et ma capacité à n'offrir aucune prise au vent lorsque que je volais. Si je me souvenais de ce qu'on m'avait dit, Poufsouffle avait compté moins de cinq attrapeurs de ma taille, et ça n'avait jamais empêchés ces derniers de coiffer les attrapeurs de l'équipe adversaire au poteau...

Une fois dans la grande salle, en pleine lumière, je repris mon masque habituel, totalement neutre. Je n'avais pas envie de me mêler aux autres, la compagnie de Sylvia suffisant à combler mes besoins en vie sociale. Je la vis saluer sa grande sœur, attablée à la table des Serdaigle, et hésitai un petit moment. Je la fixai, avant de finalement la saluer d'un simple signe de tête. Nos échanges avaient été plus que rares, et je pouvais me souvenir avec exactitude que la seule fois où nous avons parler, nous avions échangé 10 mots en tout. Et encore, je compte sans les abréviations.

Je m'assis à une place de libre, avant de sourire à l'invitation de Sylvia.

- C'est très gentil, mais je ne pense pas que tes parents voient d'un très bon œil le fait que tu ramène un jeune homme de quatre ans ton ainé pendant les vacances... Et puis, Noël est une fête familiale.

Je pris une bonne part de tourte de boeuf et rognons, avant de prendre des petits pois et des pommes de terre. J'avais une faim de loup après mon entrainement... Et je voulais m'occuper après mon refus auprès de Sylvia. En effet, je ne voulais pas la déranger, mais j'avais une autre raison bien plus égoïste : Voir une famille heureuse pour Noël, et ne pas en faire partie... Je ne savais pas si j'en étais capable.

Debout devant le banc, je déroulais rapidement mon écharpe rayée de noir et de jaune, mes gants, et le pull que j'avais passé par-dessus ma robe de sorcière, avant de me laisser tomber à côté d'Orphy en soupirant de contentement. Il faisait bien chaud ici !! Et la nourriture sentait tellement bon... Pouffant à la remarque d'Orpheus, je continuait à me servir de la purée, avant d'attraper deux cuises de poulet sur la pile qui était à ma portée. Je mourrais de faim, et tout était toujours tellement bon ici !! Je regrettais un peu de ne plus faire la cuisine, mais je comptais bien me rattraper sitôt que je serais rentrée !

- Dit pas n'importe quoi, personne d'autre que toi ne pourrait être l'attrapeur des Poufsouffles, affirmais-je avec assurance. Et puis, à t'entendre, on dirait que tu m'as jamais vue sur un balais ! Remarque, si au moins j'arrivais à ne viser que les joueurs adverses, je pourrais jouer le rôle du "cognard suppléant", ajoutais-je en riant.

Sérieusement, moi, dans l'équipe de Quidditch, ce serait la mort à tous nos espoirs de gagner un jour la coupe. Attaquant tranquillement mon repas, je ne fis aucun commentaire sur la mine soudain peu enjouée d'Orpheus - j'avais compris, maintenant, que je devais respecter sa façade publique. Et puis je souriais assez pour deux, voilà ! Et même pour trois, ce qui n'était pas de trop pour Penelope. Assise à la table des Serdaigles, elle avait beau faire partie d'un petit groupe d'élèves à l’allure avenante, qui papotaient joyeusement entre eux, elle ne parlait pas avec eux, le nez plongé dans un livre, et je l'observais jusqu'à ce qu'elle sente mon regard et ne relève les yeux vers moi. Je lui tirais alors la langue, espiègle, et elle leva les yeux au ciel - mais un léger sourire étirait ses lèvres lorsqu'elle replongea dans son bouquin - j'avais gagné.

- Mon père peut-être, mais ma mère verrait tout de suite que tu es un gentil grand frère, ne pus-je m'empêcher de rétorquer.

Sans trop insister cependant, je ne voulais pas enfoncer le clou et le mettre mal à l'aise.

- En plus, Penelope ne rentre pas non plus cette année... je me demande au final si je ne ferais pas mieux de rester moi aussi, soupirais-je en triturant ma purée.

Je dévorais sans ménagement ce que j'avais mis dans mon assiette, affamé de ma séance d'entrainement. Il fallait être fou pour nous faire travailler autant, c'était des coups à nous faire tomber malades quelques jours avant le match... En attendant, je me réchauffais lentement, et je me moquais bien de me brûler la langue en mangeant aussi vite, tout ce qui m'importait, c'est que pour le moment, j'étais bien mieux ici que dehors dans le froid...

Quand j'entendis la remarque de Sylvia sur mon post auprès de l'équipe de Quidditch, je ne pus m'empêcher de rougir un peu. J'étais attrapeur, certes, mais on pouvait bien me remplacer... Et bientôt il faudra le faire, vu que je ne resterais pas indéfiniment à Poudlard... Cependant, je manquai de m'étouffer devant son trait d'esprit sur ses compétences sur un balai. Elle n'avait pas totalement tord, ses exploits en vol n'étaient pas du meilleur effet, mais c'était quelque chose qui allait s'améliorer, et j'étais sûr qu'au final elle pouvait très bien se débrouiller.

Quand elle m'éclaira sur les possibles réactions de ses parents, je souris sans en dire plus cependant. Malgré ce que Sylvia venait d'affirmer, je n'avais toujours pas envie d'aller passer mes vacances chez elle. Je commençais à me connaitre, et je savais bien que je serais trop étrange pour leur réunion de famille. Trop froid, trop silencieux, trop... Dérangeant au final, par manque d'affection et d'habitude.

Je fronçais les sourcils quand ma jeune amie rajouta que Penelope ne rentrait pas non plus chez elle, et jetai un léger coup d'oeil vers elle. Elle était plongée dans un bouquin, les cheveux cascadant le long de son visage, avec l'envie de se couper totalement du monde. Envie que je partageais, parfois... Les rôles seraient surement inversés, si Sylvia avait été choisi pour Serdaigle. Je ressentis d'un coup un peu de honte, à accaparer ainsi sa soeur, et me promis d'essayer de lui parler pendant les vacances... Avant de me rendre compte de la stupidité de ma pensée. Elle allait me renvoyer très vite balader, j'en étais sûr.

- Ah oui ? Elle préfère rester étudier ici ? demandai-je, faussement innocent.

Je me doutais que cette raison n'était pas la bonne, mais je préférais demander pourquoi elle ne rentrait pas de cette manière, plutôt que de le faire directement.

J'avais faim, mais rapidement rassasiée, je jouais avec ma purée du bout de ma fourchette, ma seconde cuisse de poulet à peine entamée - je vais finir mon assiette... juste, je le fais tranquillement, maintenant que mon estomac ne crie plus famine. Par contre, l'affamé à côté de moi ne se donne même pas le temps de respirer - je peux comprendre qu'il a fait du sport, mais quand même !! Un peu de tenue enfin. M'amusant de sa gêne à ma remarque, toute contente, je n'enfonçais pas le clou mais le gratifiais d'un regard explicite. Tout en me demandant pour la énième fois, en le regardant manger, où diable fourrait-il tout ça. Cette espèce de grande ficelle !! Même assis, il faut que je lève la tête pour croiser son regard !! Un silence léger s'était installé alors que nous dînions tranquillement - même moi fallait bien que je la ferme de temps en temps quand même. En plus, parler la bouche pleine, c'est très mal élevé...

- ... Non, pas vraiment... soupirais-je en réponse à sa question. En fait, je ne sais pas quelle situation est la pire quand ma mère et elle se prennent la tête : qu'elles s'ignorent en plombant grave l'ambiance jusqu'à ce qu'on s'en aille, ou qu'on soit tous tendus parce qu'elles sont à deux doigts de s'entre-tuer à chaque minute qui passe, lâchais-je platement, avant de terminer ma purée.

Je n'étais pas dupe de la manœuvre d'Orpheus... mais avec lui, ça ne me dérangeait pas d'en parler. Principalement parce que je savais qu'il comprendrait ce genre de situation... Je savais que Penelope ne faisait rien pour provoquer ce genre de conflit - or on ne pouvait pas en dire autant de ma mère... et mon père, qui tentait de conserver sa neutralité, n'osait pas intervenir de peur de donner l'impression de prendre parti de l'une ou de l'autre. Je m'efforçais d'essayer de comprendre ma mère... et même si son comportement paraissait injuste, elle avait ses raisons... enfin. Il était inutile d'essayer d'argumenter, que ce soit avec l'une ou l'autre, et je comprenais le choix de Penelope, qui au final arrangeait bien tout le monde...

- Enfin bref, Noël sera plus calme que les dernières vacances en tout cas, conclus-je en épluchant ma cuisse de poulet.

Alors que j'avais enfin fini mon assiette, je regardai celle de ma voisine. Elle était à moitié entamé, et elle avait l'air d'être rassasiée... Je me sentis un peu honteux, à être aussi vorace, mais me déculpabilisais en me disant que j'avais de bonnes raisons pour manger autant. Mais, après avoir mangé aussi vite, je n'avais plus très faim, et pris seulement un épi de maïs grillé par pure gourmandise -Il n'y avait qu'à Poudlard qu'on mangeait du maïs grillé à quelques jours de Noël...-.

Sa réponse plate ne me fis pas plus d'effet que cela. J'étais conscient de la situation de sa famille et la comprenais amplement, ayant du subir une ambiance de ce genre pour les rares occasions où mes parents étaient obligés de se tenir dans la même pièce que moi. Ce que je comprenais moins par contre, c'était pourquoi Sylvia était aussi bien acceptée par ses parents alors que Penelope était totalement rejetée par sa mère. Au final, Sylvia et elle étaient exactement pareilles, alors pourquoi l'une et pas l'autre ?...

C'était un mystère que je n'étais pas capable d'élucider seul. Je poussai légèrement Sylvia d'un petit coup d'épaule et la regardai, tête baissée vers elle, géant admirant une poupée. Je tentais un sourire discret et rassurant, même si je n'étais pas expert en la matière.

- Ca ira Sylvia, tu passeras quand même de bonnes vacances non ? Et puis tu retrouveras ta soeur après deux semaines, tu pourras la voir quand tu veux !

J'essayais de la réconforter, parce que je savais que derrière ses airs détachés, elle était affectée des relations entre les membres de sa famille... Et la voir triste m'était impossible.

Mangeant ma viande sans grand entrain, je m'efforçais de faire bonne figure - au moins encore une fois, Noël sera tranquille, et aucun risque d'engueulade avec personne. Nous passerions sans doute le réveillon chez ma tante... je l'aimais bien, elle était un peu farfelue. Mais bon, sans Penny... Un léger coup d'épaule d'Orphy me tira de mes sombres pensées, et je lui retournais un sourire éblouissant - il était trop gentil, avec son sourire "je-suis-pas-doué-mais-j'essaye-de-te-remonter-le-moral-quand-même". Et ça marche en plus - je me sentis soutenue et pas conséquent plus légère - en plus, on allait bientôt passer au dessert !

- Ouais, ça ira, confirmais-je en terminant mon poulet, de nouveau souriante.

A vrai dire, je m'inquiétais plus pour elle que pour moi - elle était loin d'avoir le même style de vie que moi... et elle était tout à fait du genre à oublier de manger... ou même de dormir, si elle était plongée dans l'apprentissage de quelque chose de trop passionnant. Au moins quand j'étais là, je pouvais aller l'embêter quand je voulais, et puis, elle faisait un effort pour être présente à tous les repas pour qu'on puisse se voir... Et puis, je m'inquiétais pour Orphy aussi - les deux ne l'auraient sans doute jamais admis en face, mais au final, moi qui les connaissais bien tous les deux, je trouvais qu'ils se ressemblaient vraiment beaucoup. Enfin, sauf pour la nourriture... le voilà qui mange encore !!

- Aaaaah enfin !! m'exclamais-je lorsque la vaisselle d'or se vida soudain de tous ses plats, remplacés en un clin d’œil par d'exquises pâtisseries. Tu me sers du fondant au chocolat, steuplais ? demandais-je gentiment en tendant mon assiette - le fondant était loin de son côté, mais lui avait le bras largement assez long pour l'atteindre.

Des que le sourire de Sylvia réapparut, je fus rassuré. Je n'aimais pas voir que la jeune sorcière s'inquiète, ou perde sa bonne humeur. Parce que sinon, qui allait me permettre de garder le visage hors de l'eau ? Si elle n'avait plus autant d'entrain, je n'étais pas la bonne personne pour l'aider à retrouver sa joie de vivre. Au contraire, c'était moi qui avait besoin de son soutien pour être un peu moins ours et pessimiste.

Je fus distrait par le changement de plat et attendis patiemment que tous les desserts soient présentés pour faire mon choix. J'avais beau être émerveillé d'un grand nombre de choses à Poudlard, les victuailles qu'on nous servaient n'était pas quelque chose qui retenais mon attention. C'était délicieux, je ne disais pas, mais... Je me m'arrêtais pas dessus.

J'allais me servir un part de gâteau, quand l'assiette quémandeuse de Sylvia apparut sous mon nez. Je souris légèrement, avant prendre l'assiette pour la servir d'une bonne part de moelleux. Je plaçais son assiette devant elle, avant de me mettre à manger le quatre quarts que j'avais choisi.

- J'espère bien que tu vas me ramener des souvenirs de Londres ! La ville a cette période doit être magnifique.

Sans lui dire, je comptais bien lui trouver un cadeau à Pré-au-lard, lors de notre excursion annuelle. J'avais déjà une petite idée de quoi lui trouver, mais j'espérais avoir d'autres idées en allant voir sur place. Mais en attendant, j'allais passer à la confiserie pour lui trouver quelques cartes Chocogrenouilles qu'elle n'avait pas encore dans sa collection. Puis ensuite, les idées me viendront sur place, j'en étais sûr.

Tout était tellement joli !! Les plats de tartes, de cakes, de marbrés, de fondants, emplis de chouquettes et autres délices, rien que de les regarder, ça vous mettait du baume au cœur. Déjà trois ans que j'avais moi aussi intégré Poudlard et le monde des sorciers, mais certaines chose continueraient à m'émerveiller pendant encore de longues années... la magie, c'était tellement cool !! Et même si j'étais quand même moins douée que Penelope, j'avais des notes tout à fait honorables - je bossais dur pour maintenir mon niveau. Mais avec Orpheus comme compagnon de devoir, travailler était un vrai plaisir ! Et comme lui était plus âgé que moi, il pouvait m'expliquer plus facilement les choses que je n'avais pas compris en cours, et nous pouvions nous entrainer ensembles à l’exercice des sortilèges.

- Boarf, Londres c'est Londres, rétorquais-je en haussant les épaules. Ce qui est bien, c'est les marchés de Noël ! ajoutais-je tout en dévorant ma part de fondant.

J'avais beau être calée quelques instants plus tôt, on trouve toujours de la place pour un fondant aussi succulent !

- Enfin Londres, c'est quand même pas aussi marrant que Pré-au-Lard !!

Du fait de mon entrée en troisième année, j'avais eu l'autorisation de mes parents pour les sorties dans le village sorcier... qui était définitivement l'endroit le plus magique de la terre. Enfin, après Poudlard bien sûr !

L'air désabusé qu'elle employait pour parler de Londres à Noël me fit sourire. Je ne me rappelais pas avoir déjà vu Londres à cette période là de l'année. Lorsque que j'étais plus jeune, nous restions à Blackwater pour les fêtes, que nous ne célébrions pas d'ailleurs, et depuis mon entrée à Poudlard, je ne rentrais plus. Je préférais de loin errer dans le château pendant les vacances que me retrouver enfermé dans un cabanon miteux, en compagnie de mon "tuteur", qui passait tout son temps sobre et éveillé -C'est à dire peu de temps au final- à me houspiller et me traiter d'incapable et de lâche.

Tout ça pour une bête histoire de maison... Je détestais mes parents de me faire subir ce genre de choses, comme une sorte de punition, alors qu'au final, je n'avais strictement rien décidé. Bien sûr, j'aurais pu forcer le destin en demandant au Choixpeau ne m'envoyer à Serpentard, mais à l'époque, je ne savais pas que c'était possible, et j'étais trop terrifié pour penser à autre chose qu'au fait qu'un chapeau vivant était en train de sonder mon esprit...

Une fois mon dessert englouti, je m'appuyais sur la table en attendant Sylvia. Elle avait eu beau bouder son assiette il y a quelques minutes, à présent elle n'était pas loin de la lécher pour ne manquer aucune miette du gâteau...

- C'est parce que tu connais Londres plus que Pré-au-Lard que tu dis ça. Si je pouvais choisir, j'irais sans hésitation à Londres !

Je m'arrêtai de parler pour étouffer un bâillement. L'entrainement et le repas gargantuesque qui avait suivi m'avait lessivé et je n'aspirai maintenant qu'à dormir. Mais en même temps, Sylvia s'en allait demain pour deux semaines, je voulais encore passer du temps avec elle...

- A quelle heure pars-tu demain ?

Peut-être pourrais-je la voir avant qu'elle ne parte...

C'est décidé, en rentrant, je m'essaye à la religieuse !! De la pâte à choux et un peu de crème pâtissière au chocolat, c'est pas la mort et c'est vraiment trop bon !! Et ce genre de réflexion n'a strictement rien à voir avec le fait que je sois en train d'en dévorer une - tient en parlant de ça, faudra que je fasse un fondant au chocolat aussi... Haussant les épaules à sa remarque, je me dépéchais de terminer ma pâtisserie - il avait déjà terminé son dessert, et je ne voulais pas qu'il m'attende trop longtemps. En plus vu l'entrainement qu'il venait de se payer, il n'aurait sans doute pas craché sur une bonne douche et une bonne nuit de sommeil... moi non plus d'ailleurs, en fait. J'avais passé une partie de la journée à m'avancer dans mes devoirs, aidée de Penny, histoire d'avoir le moins de choses à faire pendant que je serais à Londres, puis la fin d'après midi à assister à l'entrainement des Poufsouffles... j'étais rincée.

- Tôt, grimaçais-je en me levant, le train est à 10h pile...

Je comprenais l'horaire, ça nous obligeait à être prêt dès la veille, et comme ça on n'arrivait pas trop tard à Londres... mais bon, c'était quand même tôt.

- Je terminerais ma valise demain matin... songeais-je à voix haute alors que nous quittions la Grande Salle pour nous diriger vers notre salle commune, située en sous-sol mais à l'opposé de celle des Serpentards. On va pas se voir pendant deux semaines, mais on peut s'envoyer des hiboux, d'accord ? ajoutais-je en levant les yeux vers son visage.

C'était presque plus un ordre qu'une suggestion - mais il me permettrait de garder un lien avec Poudlard malgré mon absence... et au moins, en communiquant ne serait-ce que par lettre avec lui, je m'assurerais qu'il ne se renferme pas trop en mon absence. Je suis trop maligne des fois !

Me levant en même temps que Penelope, je sentais déjà des courbatures engourdir mes membres. J'étais bon pour souffrir quelques jours encore... Mais bon, le jeu en valait la chandelle, et j'étais prêt à m'entrainer comme un damné pour gagner cette maudite coupe. Je suivis Sylvia, grimaçant avec elle quand elle m'annonça l'heure de départ du Poudlard Express. S'il partait à 10 heures, elle devait être partie de l'école au moins une heure plutôt... Et levée encore une heure avant.

- J'essayerais de me lever avant que tu parte, histoire de te dire au revoir.

Mais me connaissant, un lendemain d'entrainement, j'allais surement oublié mon réveil aussi tôt que je l'aurais éteint... Je souris à sa seconde remarque.

- Bien sûr que je t'enverrais des hiboux, je te tiendrais au courant de ce qui se passe à Poudlard. Et si tu as besoin d'aide pour certain de tes devoirs de vacances, n'hésite pas à me le dire, j'essayerais de t'aider !

Par hibou, ça allait être plus compliqué, mais pas infaisable... Et puis j'avais un avantage non négligeable : j'avais la bibliothèque si je ne trouvais pas la réponse. Une fois sortis de la Grande Salle, nous prîmes la direction des dortoirs des Poufsouffle, bien cachés derrière les cuisines. Ca devait se lire sur mon visage, mais je ne rêvais que de mon lit... Une fois dans la salle commune, tout tordu que j'étais de mon passage par le tunnel y menant, je me tournais vers Sylvia.

- Je vais te laisser ici alors, le temps que je me prépare et que je dorme. Bonne nuit Sylvia, repose toi bien pour demain !