Je sentais bien que Minerva était à des lieux de ses préoccupations actuelles. Plongée dans une demi conscience, elle continua de jouer avec mes cheveux en pensant à je ne sais quoi, surement rien, histoire de garder loin d'elle toute forme de réalité. Elle devait encore avoir du mal à réaliser ce qui lui était arrivé hier, mais avec le temps, elle arriverait à l'accepter, c'était certain. Mais en attendant, il y aura surement d'autres moments d'absence comme celui-ci, et d'autres moments de panique comme ceux d'hier, malheureusement...

Le demi-sourire de mon amie fit naitre un léger rire au fond de ma gorge. La question ne se posait pas, bien entendu, elle avait prit ce qu'il fallait pour être assommée le temps de la nuit, qu'elle soit reposée était logique.

- Ne t'habitues pas trop aux potions, ça n'est pas très sain pour dormir... Oui, j'arrive, répondis-je à sa question.

Je me levai et suivis la sorcière dans sa cuisine, où deux tasses de thé nous attendaient. Je pris celle qui m'était destiné et m'assis sur le coin d'une chaise, renonçant à propose mon aide à Minerva. Lorsqu'elle était lancée, mieux valait la laisser faire... Elle m'apporta une assiette que j'acceptai en la remerciant, et me préparai à attaquer le petit-déjeuner qui sentait incroyablement bon, quand Min me demanda si le bacon n'avait pas une drôle d'odeur. Fronçant les sourcils, je l'écoutais jusqu'au bout... Avant de sourire légèrement.

- ... Mais là, si tu me réponds spontanément, qu'est-ce qui te ferait envie par dessus tout ?

Avec un peu de chance, elle allait me répondre par un aliment qu'elle n'appréciait pas plus que ça en temps normal. Et si elle me parle de fraises... C'était le gros lot.

J'entamai mon petit déjeuner tranquillement, en regardant Minerva du coin de l'oeil. Elle semblait avoir des moments d'absence, comme pour échapper à ce qui lui arrivait. Mais rien à faire, elle ne pouvait pas fuir ce qui grandissait en elle, ou du moins elle n'arrivait pas à s'y résoudre. C'était peut-être moi, mais j'avais l'impression que quelque chose avait changé en elle, depuis hier, quelque chose d'infime. Ou peut-être était-ce seulement le fait que j'étais au parfum de cette nouvelle qui l'avait détruite, plus que sa rupture avec Julius.

Mais Min était une sorcière forte, je me répétais cet état de fait depuis plusieurs heures maintenant, et elle trouverait en elle les ressources pour s'occuper de son futur enfant, et de l'aimer même si c'était le lien indénouable qu'elle aura avec Yaxley. Pour le moment, il fallait qu'elle soit soutenue, entourée par sa famille et ses amis, même si elle n'avait pas envie d'en parler. Il le faudrait de toute façon, et le plus rapidement possible.

Quand Min me répondit qu'elle avait envie de sucreries, je souris et me levai, délaissant mon assiette pour prendre les paquets qu'elle m'indiquait. Je les posais devant elle, restant un instant près d'elle, avant de passer doucement un bras autour de ses épaules pour l'attirer à moi. Dans un geste instinctif, protecteur, je déposai un baiser sur ses cheveux roux, la gardant contre moi quelques secondes.

- Ne t'empiffre pas trop non plus Min, tu sais ce que font les sucreries quand on en mange à outrance...

Je me détachai d'elle, avec cette étrange sensation de conflit qui naissait souvent en moi en ce moment. Je retournais à ma place sans en montrer plus, et repris mon repas sans vraiment d'entrain. Je relevai enfin le regard vers Minerva pour la première fois depuis ma marque d'affection de tout à l'heure.

- Tu es au courant que tu vas devoir mettre certaines personnes au courant... Qui vas-tu prévenir ?

Cette question me brûlait les lèvres depuis tout à l'heure et je n'avais pas réussi à la retenir plus longtemps.

Je remarquais bien que ma marque d'attention avait troublé Minerva. Il était vrai que je n'étais pas friand de ces marques d'affection, bien au contraire. J'étais froid et distant, même avec mes amis... Et surtout avec les femmes, au final. Je n'étais pas habitué, plus jeune, à me faire enlacer seulement pour montrer de l'affection, ou même avoir des amis... Les démonstrations d'affection n'était certainement pas mon fort, je m'y mettais juste au final... Et j'étais loin de m'en sortir avec les honneurs, c'était le moins qu'on puisse dire...

Mais quand je lâchai la jeune femme, je retombai instantanément dans mon attitude froide et mesurée, me rasseyant à ma place pour finir mon déjeuner. Concentré sur mon repas, je ne fis pas attention au malaise de mon amie, et relevais la tête seulement quand son ton froid fusa dans la pièce après ma question. Elle était décidée, il n'y avait pas à en douter, à garder le secret de sa grossesse. Mais à y bien penser, c'était plus que compliqué d'arriver, entre la boutique qu'elle devait tenir et les Moon, à cacher très longtemps qu'elle attend un enfant. Mais en même temps, elle pouvait faire confiance à certaines personnes et leur confiait ce qui lui arrivait en toute confiance... Elle ne pourrait pas gérer cela toute seule indéfiniment, et je ne pouvais pas être le seul au courant, je n'étais pas de taille à l'aider avec tout... Et même si elle ne voulait pas que Julius soit au courant, il devra savoir de toute manière... Je souris légèrement en finissant mon assiette, avant de soupirer.

- Bien sûr que non, mais quand tu auras cet enfant, il faudra que tu les confronte à cette réalité... Et en attendant, tu peux te confier à Molly, ou Marlene, non ? Elles ne sauteront peut-être pas de joie, mais elles t'aideront, j'en suis sûr.

Elle avait des amies, de la famille, et elles étaient prêtes à l'aider, c'était certain.

Min ne semblait pas réagir à ce que je lui disais. Je me doutais qu'elle n'avait pas envie de parler de cette nouvelle, pour ne pas la rendre vraiment réelle j'imagine, mais toujours était-il qu'elle était enceinte, et le plus tôt elle s'en rendrait réellement compte, le plus tôt elle pourrait prendre les dispositions qui s'imposaient. Je commençais à connaitre la jeune femme. Elle n'étais pas aussi terre à terre que je pourrais l'être, à rêver de trésors perdus, de l'idéal aussi... Mais il n'était plus question de rêver à présent, pour son plus grand malheur, et elle devait s'en rendre compte vite, avant de perdre le contrôle de la situation.

Aussi, quand elle refusa fermement, pour la seconde fois, de prévenir qui que ce soir, je me tus. Sa réaction était négative, mais au moins elle réagissait, et de plus en plus fermement. Quand enfin, la sorcière releva le regard vers moi, je compris qu'elle commençait à s'emporter. Je secouais la tête à sa questions surement rhétorique, mais à laquelle je ne pus m'empêcher de répondre :

- Qu'il soit de Julius ou non change seulement la pureté de son sang. Ce qui t'a déplu chez cet homme ne sera pas dans cet enfant, c'est une question d'éducation. Et encore, je suis la preuve que ça ne marche pas à tous les coups.

Mais quand elle continua, avec un soupçon de reproche dans la voix, en me rappelant que je n'avais jamais apprécié Julius, je me renferma sur moi-même. Je savais qui il était, et à qui allait sa loyauté. A partir de là, je n'avais aucun raison d'avoir confiance en ce sorcier, c'était aussi simple que ça. Mais que Minerva, qui avait quitté Julius pour une raison qu'elle n'avait jamais évoqué, me reproche de ne jamais avoir apprécié son amant, marié qui plus est, je trouvais cela un peu gros. Cela me fit presque mal au cœur, mais fidèle à moi-même, je ne montrais rien.

- A raison, il me semble. Cette discussion a déjà eu lieu, nous n'allons pas revenir dessus. Tu ferais mieux de te préparer pour ton rendez-vous, je t'emprunte ta salle de bains avant d'aller travailler, si tu permets.

Je ne voulais pas rouvrir le dossier Julius, qui nous avait valu des disputes et des éloignements. Il n'était plus là pour faire obstacle et le fantôme de leur relation n'était bon qu'à ressurgir pour nous blesser l'un et l'autre.

Ma remarque à propos de l'ascendance du futur bébé ne plut pas à Min, qui se braqua. Je renonçai immédiatement à lui expliquer que non, je ne doutais pas de sa fidélité envers le sorcier et que mes mots avaient été mal interprétés, compte tenu de son énervement, et du mien qui grandissait à vue d’œil. Si ça continuait ainsi, certaines assiettes allaient voler. C'est pourquoi, après avoir inspiré profondément, je me levais pour me diriger vers la salle de bains, préférant couper court à la conversation qui s'envenimait. Alors que j'étais dans le couloir, j'entendis le hurlement de la jeune sorcière, puis un bruit de verre brisé. Je m'enfermais dans la petite pièce et m'appuyais contre l'évier en poussant un soupir.

Je laissai quelques secondes filer, laissant ma colère redescendre, ainsi que mon angoisse d'ailleurs. Quand j'avais lu la nouvelle sur la grossesse de Min, je n'avais pu m'empêcher de penser à tout ce que cela impliquait. Et le problème résidait dans le fait que la jeune femme refusait d'ouvrir les yeux pour le moment... Mais il le faudra bien assez tôt. Je relevais le regard vers le miroir, regardant un instant mon reflet. Mes yeux bleus gris éclaircissaient un peu plus mon visage opalin, et mes cheveux tirés en arrière me donnait un air fatigué. Je me recoiffai rapidement, renonçant à coiffer mes boucles revêches, avant d'enlever ma chemise pour me changer. Une douche rapide et quelques affaires dans mon sac suffirent, et en quelques minutes j'étais prêt à sortir, il me restait juste à ranger ma baguette. J'avais opté, depuis peu, pour le même système que Min, et cachais ma baguette sous ma manche, prête à se retrouver dans ma main pour lancer un sort.

Je sortis de la salle de bains pour me retrouver dans le salon, finissant de rassembler mes affaires, quand Minerva revint dans la pièce. Elle avait vêtue une robe totalement noire, et combiné à son air austère, elle était bien plus froide qu'en temps normal. Sans savoir à quoi me fier, je regardai devant moi en attendant la suite, secouant négativement la tête à sa question. Alors qu'elle semblait encore en colère, elle s'approcha de moi et refis le nœud de ma cravate, avec des gestes certes brusques, mais qui se voulaient attentionnés. Je me tus quand elle m'étrangla à plusieurs reprises avant de forcer un sourire quand elle eut fini.

- Merci Min, répondis-je avant de passer mon bras naturellement autour de sa taille.

Je l'embrassai rapidement sur le front ensuite, sans vraiment réfléchir à mes actes, avant de la relâcher. Je sentais sa détresse et ces émotions me poussaient à vouloir la protéger, l'entourer d'une protection contre tout ce qui pourrait lui arriver. Et le pire, c'est que je ne savais pas d'où cette envie me venait, mais je la sentais forte, immuable même.

- Tout va bien se passer, tu n'as pas besoin de chance. Ce n'est pas la chance qui t'aidera, c'est ton talent. On y va ?

Spoiler: