Amaury n'était pas quelqu'un de cruel ou de méchant gratuitement. Dans son fort intérieur, il était même quelqu'un de relativement bien, seulement sa famille passait avant tout, avant n'importe quelle amitié ou avant n'importe quel sentiment. Pour son frère et sa sœur, il était capable de devenir un véritable monstre sanguinaire. Pour leur faciliter la vie à l'institut Clevergrace, il devait montrer de quel côté il était vraiment. La baguette levée sur le garçon face à lui, il était sur le point de franchir une nouvelle étape : son premier doloris. Oh bien sur, personne n'était censé savoir qu'il n'avait jamais réussi à en lancer, malgré ses quelques essais, c'est pourquoi le poids qui pesait sur ses épaules était double : il ne devait pas passer pour un débutant et échouer maintenant.

Le repas du midi venait de se terminer sur la même note que depuis une semaine : une faim que la bouillie de pigeon ne pouvait pas calmer et qui mettait les nerfs de chacun en pelote. Au détour d'un couloir souvent fréquenté, Amaury avait malencontreusement été bousculé. En une fraction de seconde, la scène qui aurait pu passer inaperçue s'il en avait décidé autrement fut parcourue par une soudaine agitation.

« Eh, te crois pas tout permis parce qu'on dort dans le même dortoir, Moriarty ! »

L'autre n'a rien dit et a continué son chemin comme si personne ne s'adressait à lui, ce qui eut le don d'énerver un peu plus Amaury. Il se dirigea sur lui pour le rattraper en agrippant son épaule. Eden fit volte-face, sa baguette dans une main en signe de mise en garde. Plus rapide, Amaury eut le temps de le désarmer par un habile expelliarmus. C'est à peu près à ce moment qu'il eut l'idée de tourner la situation encore plus à son avantage. Les sangs-purs avaient le privilège d'assister à des cours sur les sortilèges impardonnables mais lui pouvait aussi montrer de quoi il était capable, qui il soutenait. Peut-être qu'ainsi il pourrait bénéficier de privilèges lui aussi.
L'autre garçon avait l'air de savoir ce qui l'attendait, pourtant il regardait Amaury sans le défier de mettre son plan à exécution. Il ne le suppliait pas non plus. Il était seulement impassible, le dos droit, le regard fixe, les bras ballants maintenant qu'il était désarmé. Seuls ses poings légèrement serrés marquaient sa nervosité et semblaient être une préparation à la souffrance qu'il n'allait pas tarder à parcourir son corps. Autour d'eux, la plupart avait préféré partir avant que les mangemorts reviennent, ceux qui étaient restés observaient sans un bruit, un peu en retrait.
Amaury ne connaissait Eden Moriarty que de vue, parce qu'il était préfet cette année et parce qu'il s'agit du petit frère d'Eryne. Eryne d'ailleurs qui ne faisait heureusement pas partie de l'assemblée. Elle ne pourrait pas comprendre qu'Amaury faisait ça pour les triplés, qu'il n'avait rien contre les Moriarty et que ses préoccupations se tournaient seulement vers les Ravensdale.

« Endoloris. »

Il vit Eden fermer les yeux en serrant plus fort les poings mais rien d'autre ne se passa. Amaury ne se démonta pas pour autant face à cet échec. Il ne voulait pas la souffrance du serdaigle pour qu'il souffre, il la voulait parce qu'il voulait montrer de quoi il était capable en tant qu'impur, parce que s'il y arrivait, ça pouvait améliorer la vie des triplés dans le camp, peut-être qu'il pourrait enfin manger autre chose que cette bouillie infâme qu'il avait à tous les repas depuis une semaine.

« Endoloris !! » lança-t-il avec plus de conviction.

Du coin de l’œil, il put voir arriver Eryne au moment même où le sortilège touchait Eden.

Spoiler:

Amaury n'était pas sûr de pouvoir tenir un sortilège de doloris bien longtemps mais quand Eryne débarqua en hurlant le prénom de son frère, ce fut expéditif : il abaissa sa baguette et le garçon au sol relâcha tous les muscles de son corps.
Il ne croyait pas une seconde aux menaces d'Eryne. En tout cas, il ne pensait pas qu'elle soit capable de s'occuper des triplés en même temps. Avant qu'elle parvienne à toucher un des trois d'un sortilège, elle avait le temps de se faire immobiliser et tuer par les deux autres. Par contre, maintenant qu'il se retrouvait sans baguette, il craignait un peu qu'elle lui renvoie l'ascenseur. Ginger et Blaise n'avaient pas l'air d'être dans le coin... Il ne pouvait que se débrouiller tout seul ou gagner du temps. Eryne avait vraiment l'air sur les nerfs, ce ne serait pas si simple. Ses mains en avant pour montrer qu'il était désarmé, il entama les négociations.

« Je n'ai rien contre toi ou ton frère, d'accord ? On est tous dans la même bouse de dragon... »

S'il jouait sur le plan du « on est tous dans le même pétrin, il faut s'entre-aider », il allait droit dans le mur. Quand il avait levé la baguette sur Eden Moriarty, il avait eu un comportement tout à fait égoïste, il ne pensait qu'à lui, son frère et sa sœur. Maintenant, Eryne protégeait son frère et il ne pouvait pas lui reprocher de faire exactement ce qu'il faisait lui-même. Il lui fallait récupérer sa baguette avant qu'elle s'amuse à lui lancer un doloris à son tour ou n'importe quel autre sort. Plongeant son regard dans le sien, il tenta le tout pour le tout en se rapprochant d'elle et surtout de l'endroit où il avait vu voler sa baguette.

« Je te connais Eryne. On sait tous les deux que tu ne feras pas ça, que tu ne m'attaqueras pas... »

Pourquoi n'avait-il pas pu choisir, comme elle le disait, n'importe quel gamin incapable de se défendre et surtout sans grande sœur pour assurer derrière ?

La technique d'Amaury était un peu risquée et n'énerva qu'un peu plus Eryne qui le mit en garde. Il n'était pas loin de se prendre un sortilège qui promettait d'être douloureux, ce n'était pas le moment de jouer au malin. Il était plus proche de sa baguette maintenant, il avait une chance de la récupérer mais aurait-il le temps d'échapper à un sortilège ?
Eryne lui reprochait de ne pas avoir assuré quand ses parents étaient morts... Amaury devait avouer qu'il s'était assez mal comporté à l'époque mais en même temps, il n'avait jamais signé un contrat de psychomage, il ne sortait pas avec une fille pour essuyer ses larmes. Il était loin d'être doué pour consoler quelqu'un, surtout quand il pouvait à peine comprendre la cause de son chagrin : sans aucune figure parentale pendant leur enfance, les triplés n'auraient pleuré le décès de leur mère ou de leur père ou même de leur tante et tutrice légale pour rien au monde. Et puis tout simplement, il considérait qu'une histoire de couple devait être amusante et qu'à partir du moment où elle était ennuyante, elle n'avait plus lieu d'être. Mais autant ne pas mettre de l'huile sur le feu en le lui avouant.  
A sa grande surprise, Eden intervint. Amaury avait du mal à saisir le sens de la scène au milieu de laquelle il était. Eden Moriarty, qui venait tout de même de subir un endoloris qu'Amaury pouvait se vanter d'avoir plutôt bien réussi, était en train de prendre sa défense. Vu comment sa frangine était remonté contre lui, il était loin de se plaindre de ce petit intermède en sa faveur, seulement ça n'avait pas l'air de suffire à la dite frangine. Eryne était remontée comme une horloge magique. Pourtant, Amaury put profiter de la distraction d'Eden pour sauter sur sa baguette magique. Il se baissa pour l'attraper et lança un sortilège avant même de s'être redressé.

« Incarcerem ! »

En même temps que les cordes apparurent pour s'élancer sur Eryne, un autre jet de magie l'atteignit en retour.

Alors que les cordes se saisissaient d'Eryne, le sortilège qu'elle lui envoya en retour le projeta plusieurs mètres en arrière et le pétrifia pendant quelques secondes. Dès qu'il fut capable de bouger à nouveau, il se rendit compte qu'un des responsables de l'institut était arrivé pour calmer la scène et déjà les spectateurs de la dispute, dont Eden, s'éloignaient d'eux-mêmes mais fortement aidés par le sortilège d'aguamenti de Nott. Amaury s'était à peine remis de sa chute assez douloureuse quelques mètres en arrière quand sa baguette s'envola de ses mains pour atterrir dans la main de Nott avec celle d'Eryne. Il retint avec difficulté une exclamation de mécontentement... Sans sa baguette, il se sentait affreusement nu et démuni. Il préférait qu'on lui coupe un bras ou une jambe plutôt qu'on lui casse ou confisque à jamais sa baguette. Il observa le mangemort les ranger toutes les deux dans sa poche avec un regard inquiet. Rien ne lui assurait qu'il pourrait la récupérer un jour, après tout, aux yeux de Nott, il n'était sûrement qu'un impur qu'il faut corriger. Et dire que c'était lui qui avait déclenché cette histoire, au final il aurait mieux fait de s'abstenir vu les problèmes que c'était en train de lui apporter.
Il commençait à se redresser sur ses jambes quand Nott attrapa Eryne par les cheveux puis rejoignit l'endroit où était Amaury pour le saisir de la même façon. Il ne s'était jamais fait tirer les cheveux mais il savait dorénavant pourquoi des filles qui se disputent et se battent attaquent bien souvent les cheveux de leur ennemie. Il avait littéralement l'impression qu'on lui enfonçait des aiguilles dans le cuir chevelu ou alors qu'on essayait de les faire pousser d'une dizaine de centimètres d'un coup en tirant dessus. Automatiquement, il essaya d'atténuer la douleur en suivant les grandes enjambés de Nott et en rapprochant sa tête de la main dans ses cheveux.
Enfin, ils arrivèrent là où Amaury aurait pu parier toute sa maigre richesse finir. A l'isoloir et qui plus est, dans la même cellule.