Travis ôte son pull gris, son t-shirt blanc, déboutonne son pantalon et se retrouve en caleçon, chaussettes, torse nu, dans le dortoir vide. D'un coup de pied, il dégage ses vêtements sur le tapis près de la table de chevet. Puis il s'allonge sur les couvertures, attrape la dernière Gazette du Sorcier et se plonge dans sa lecture.
C'est les vacances de Pâques, tous les Serdaigle du dortoir sont rentrés chez eux, exceptés Tray et son cousin Paul. Ils ont les lieux rien que pour eux, ils comptent bien en profiter. Mais Paul est dans la salle de bain, et Tray le connait, il va en avoir pour une heure. Alors Tray patiente, le nez dans la Gazette. Il oublie tout au fur et à mesure, les conflits dans le monde sorcier, tout ça. Il réalimente sa mémoire un peu tous les soirs. Enfin, c'est ce qu'il fait croire, mais lui il préfère lire la BD à la fin du journal.
Au bout d'un moment, Travis soupire, regarde sa montre. Il referme la Gazette, la dépose sur sa table de chevet et s'assoit aux pieds de son lit. Il se gratte le ventre, baille, mais il n'a pas envie de dormir. Il veut profiter de cette soirée. Si son cousin daigne sortir de la salle de bain.

D'un coup, Paul surgit dans le dortoir. Les cheveux en bataille encore gouttants de la douche, du savon qui pendouillait au lobe de l'oreille droite, il jeta ses affaires et sa serviette de toilette en boule sur son lit en mémorisant de ranger le tout plus tard, et rejoint Travis sur son lit. S'asseyant à côté de lui sans le regarder, il se passa une main dans ses cheveux détrempés et souffla un bon coup, les yeux dans le vide.
« Mince, tu devineras jamais ce qui vient de se passer, Tray... dit-il l'air hagard. En sortant de la douche, j'ai glissé sur la savonnette et je me suis cassé la gueule. Je suis resté KO cinq minutes par terre ! A ces mots, il se gratta l'arrière du crâne, où un bel oeuf de dragon pointait déjà. Demain, il aurait sûrement la migraine. Puis il tourna enfin la tête vers son cousin. Tu lisais quoi ? » Il ne se rendait pas compte qu'il gouttait sur le couvre-lit de Travis et qu'une belle tâche d'eau s'y formait. La chute avait du être rude.

Travis regarde Paul s'asseoir à côté de lui. Il a l'air sonné, Tray fronce les sourcils.
« Qu'est-ce qui t'arrive ? fait-il en penchant la tête pour croiser le regard de son cousin.
— Mince, tu devineras jamais ce qui vient de se passer, Tray... »
A ces mots, Travis sourit, amusé. Les yeux vides de Paul et sa voix à l'ouest lui donne l'air de Sammy Rogers dans la série Scooby-Doo.
« En sortant de la douche, j'ai glissé sur la savonnette et je me suis cassé la gueule. Je suis resté KO cinq minutes par terre ! »
Glisser sur une savonnette. Travis essaye de garder une certaine contenance pour ne pas vexer son cousin, mais n'y arrive pas, et explose de rire. C'est la chute la plus grotesque du monde. Il n'aurait pas ri si Paul s'était vraiment fait mal mais là, une simple bosse sur la tête, on a évité le pire.
« C'est pas vrai que tu regardes pas où tu marches, abruti, fait Tray en lui flanquant une bourrade dans les côtes, et Paul tourne les yeux vers lui.
— Tu lisais quoi ? demande-t-il.
— La Gazette, toujours les mêmes nouvelles, je crois. »
Travis se lève, regarde la tache d'eau qui se forme sur son pieu, lance un regard mécontent à son cousin.
« Bouge de mon lit, tu veux ? Tu en fous partout. »
Puis il se met à genoux, se penche pour voir sous son lit et tend la main qui se referme sur une caisse en bois. Il tire, sort de la pénombre une caisse pleine de bièraubeurre. Il sourit pour lui-même, se demande pourquoi il ne se souvient de quasi rien, sauf de l'emplacement de ces canettes. Il en attrape une pour lui, et une pour Paul qu'il lui lance avec précision entre les mains.
« Que la fête commence ! » fait-il en déposant sa baguette sur son lit, qui se met à entonner un air de Frankie and the Hippogriff, en sourdine pour ne pas alerter le château et le concierge.

C'est vrai que glisser sur une savonnette c'est grotesque et Paul sait qu'il doit avoir l'air ridicule, alors quand Travis explose de rire son cousin rigole doucement au début puis le rejoint. Du moment que ça ne reste qu'entre eux et que ça ne sort pas des mûrs de ce dortoir, alors autant en rire. Et puis de toute façon, Paul c'est le genre de gars qui ne se prend pas la tête et ne se soucie pas du qu'en dira-t-on ou qu'en pensera-t-on.
« C'est pas vrai que tu regardes pas où tu marches, abruti, a fait Tray avec une bourrade dans les côtes de Paul, et ce dernier a haussé les épaules avec un sourire aux lèvres. S'il savait la vérité, du pourquoi il a marché sur la savonnette, il se foutrait encore plus de lui. Bouge de mon lit, tu veux ? Tu en fous partout.
— Ca va, ça va... C'est que de l'eau, ça va sécher ! a grogné Paul, en se levant de mauvaise grâce. Tandis que Travis se met à genoux et se penche sous son lit pour faire on ne sait quoi, Paul ouvre son armoire et pioche au hasard un t-shirt parce que juste en caleçon, il a un peu froid. Il est frileux, le Paul. Il en profite pour renifler son bras, puis son épaule et plisse le nez. Ca alors ! Je me suis trompé de gel douche tout à l'heure, et je crois que j'ai piqué celui de Swann. Tu veux savoir la meilleure ? Ca sent la fille, mate un peu ça ! » il dit, étonné que Swann se douche à la fraise. Mais le temps qu'il se retourne vers son cousin, une canette de bièraubeurre lui tombe miraculeusement dans les mains.
« Que la fête commence ! » fait Tray en enclenchant d'un coup de baguette la musique et Paul ouvre la bouche comme une truite.
— Tu... T'es incroyable, vieux ! Tu peux m'expliquer comment tu fais pour ne pas te rappeler de la date de mon anniversaire, et te souvenir que t'as de la bièraubeurre cachée sous ton lit ? a dit Paul, incrédule. Il décapsule sa canette. Elle a intérêt à être bonne... » il ajoute, en boudant à moitié.

Travis hausse un sourcil, le sourire aux lèvres. Il décapsule sa canette de Bièraubeurre, s'approche de Paul, lui attrape le poignet qu'il vient renifler comme un chien. Parfum framboise, il n'est même pas étonné venant de Swann. Et sur Paul, ça lui donne encore plus l'air d'un idiot, ça fait doucement sourire Tray.
« Tu... T'es incroyable, vieux ! fait Paul, l'expression d'un merlan frit sur son visage. Tu peux m'expliquer comment tu fais pour ne pas te rappeler de la date de mon anniversaire, et te souvenir que t'as de la Bièraubeurre cachée sous ton lit ? »
Tray hausse les épaules, rigole.
« Et toi, tu te souviens de ma date d'anniversaire ? J'suis sûr que non. Et puis, regarde. »
Il s'approche de sa commode à vêtements, pointe du pied le tiroir le plus bas sur lequel est accroché un miroir carré discret, dix centimètres sur dix. Quand il est sur sa couette, Tray a une vue imprenable sur ce qui se trame sous son lit, en l'occurrence sur la caisse de Bièraubeurre. Petit mémo-technique bien pratique. Il faut être ingénieux quand on n'a pas de mémoire.
« Rien de plus simple, ajoute-t-il, par contre...
— Elle a intérêt à être bonne... le coupe Paul.
— Ouais, en parlant de ça, j'ai oublié depuis quand elle est là. Mais ça se conserve bien ça, non ? »
Tray hausse de nouveau les épaules, avale une gorgée de sa Bièraubeurre, qui s'avère avoir un goût on ne peut plus normal. Satisfait, il fait quelques pas vers la fenêtre de leur chambre et jette un coup d'oeil en contrebas. Le parc est désert, pourrait presque sembler figé s'il n'y avait pas le vent qui fait danser les branches des pins. Travis renifle, puis se retourne vers son cousin.
« J'ai faim. J'ai envie d'une tourte aux champignons, dit-il. T'as rien à manger, par hasard ? »

Paul est impressionné : c'est vrai, l'amnésie est quelque chose que n'importe qui vivrait comme un handicap. Mais pas son cousin. Tray rivalise d'ingéniosité pour pas se retrouver largué dans la vie de tout les jours, et ça rend son cousin fier. Paul passe un bras autour des épaules de Travis et lui tapote le torse.
« Ca c'est un bon Wadge. Il siffle d'une façon épatée et retire son bras. Avant d'avaler une gorgée de bièraubeurre. Elle est bonne, pas rance. En même temps en matière d'alcool je suis pas un pro. Je me contente d'en boire de temps en temps, mais je pourrais pas te dire si c'est périmé ou non. Même si je crois que plus c'est fermenté plus c'est bon... Non ? Il est pas convaincu Paulo, mais il se dit que temps qu'ils passent la nuit, c'est que la bièraubeurre était bonne. Travis de son côté hausse les épaules et se plante devant la fenêtre. Il regarde au travers, et Paul le regarde lui. Tray renifle, se tourne vers lui et annonce qu'il a faim. Paul sourit.
— De tourte aux champignons ? De celle de tante Kathrin ? C'est vrai quand même que la mère de Travis fait bien la cuisine. Un vrai cordon bleu. Paul fait le tour du lit, et se jette sur le futon de son cousin avec un sourire malicieux. Il se penche sur le côté et prend une de ses chaussures. Attend, j'appelle le service d'étage. C'est quoi le numéro des cuisines de Poudlard déjà ? » Bien sûr, il ignore volontairement la question de Tray. Parce que de la bouffe il y en avait oui. Mais dans son tiroir. Et l'autre jour quand Elsa est venue, ils ont braqué les chocogrenouilles de Travis. Et Paul culpabilise un peu.

« De tourte aux champignons ? De celle de tante Kathrin ? demande Paul et Tray acquiesce d'un signe de tête.
— Celle-là même, l'ami.
— Attend, j'appelle le service d'étage, fait Paul en attrapant une de ses chaussures. C'est quoi le numéro des cuisines de Poudlard déjà ?
— T'es con, répond Travis en ricanant avant de se retourner de nouveau vers la fenêtre. Sans rire, j’ai une faim de loup-garou alors qu’il est à peine neuf heures du soir et qu’on a déjà mangé. Comment tu peux expliquer ça ? J’ai un strangulot dans l’estomac, ou quoi ? »
Le Serdaigle abandonne son poste et entreprend d’aller fouiller dans les tiroirs des tables de chevet de ses camarades. Ils doivent bien planquer quelques baguettes réglisse ou autre, c’est obligé. A la fin de son petit tour, Tray a réussi à récolter deux chocogrenouilles et un cake aux fruits secs encore dans son emballage.
« Ça devrait faire l'affaire... » dit-il en balançant son trésor à côté de son cousin, tout en se gardant une chocogrenouille pour lui.
Il la déballe et l'enfourne dans sa bouche avant qu'elle n'ait le temps de dire « ouf ». Puis il avale une gorgée de bièraubeurre et s'essuie les lèvres avec le dos de sa main. La chanson qui sort de sa baguette se termine, et une autre débute, plus entraînante, et plus aux goûts du petit amnésique qui se met à taper du pied et à jouer de la guitare dans les airs.
« I swear I'm going crazy, I think you put a spell on meee, this is the night ! chante-t-il en imitant la voix aiguë de Frankie.  You still look good to me, oh but your no good for me, this is the night, this is the night, babyyy ! »
Dans son délire endiablé, il renverse un peu d'alcool sur le tapis du dortoir mais ne s'en rend compte qu’en mettant les pieds dedans.
« Merde ! peste-t-il avant d'essuyer sa patte sur la couette qui pend du lit de Paulo. So take your hands of me tonight I'm breaking through, this is the night ! »