A plat ventre sur son lit de chambre d'étudiante, Luzia écrivait dans son agenda. Sa plume grattait le papier tandis qu'elle relatait les événements de la journée. Elle était allée en cours. En soi, ce n'était pas extraordinaire - et pourtant, rien ne lui avait paru plus difficile ce matin-là que de sortir des résidences universitaires pour se rendre en cours.
A vrai dire, elle aurait rebroussé chemin si elle n'avait pas croisé Oscar Abbot, qui terminait sa matinée de cours.

Il m'a encouragé à aller à la fac, assurant que M. Twifeast était un prof génial et que je ne m'y ennuierai pas. Il avait raison. Pendant un moment, j'ai oublié l'été désastreux et j'ai pu penser à autre chose.

Un bruit la tira de sa rédaction. Un patronus venait de faire irruption dans sa chambre encore vide. C'était une grenouille minuscule mais dont la luminosité fit plisser les yeux à l'Espagnole.

▬ Une inauguration ? Un parc botanique ?

Luzia n'y réfléchit pas longtemps et renvoya le patronus à Maddy avec une réponse affirmative. Ni d'une ni de deux, elle quitta son vieux jogging - celui que, il y avait maintenant plusieurs années, elle avait piqué à Ugo - pour enfiler une tenue plus appropriée. Un coup de brosse dans les cheveux, un rapide lavage de dents et, après avoir réuni dans son sac à main tout ce dont elle avait besoin, elle transplana au lieu et à l'heure indiquée.

Il faisait déjà nuit et plusieurs groupes de personnes obstruaient l'entrée. Luzia chercha des yeux la silhouette de Maddy. Cette dernière avançait vers elle, comme elle l'avait vue avant que l'Espagnole ne l'ai repérée. Maddy. Luzia ne l'avait pas vue depuis la fin de l'été, c'est-à-dire depuis la libération. Luzia savait qu'elle faisait partie de l'Ordre. Maddy faisait partie de ceux qui les avait réceptionnés dans la forêt de l'Institut. Elle avait donc fait le lien avec la révélation de Gideon faite l'été 1978 alors qu'ils étaient en Espagne.

▬ Maddy, s'exclama Luzia en essayant d'être aussi spontanée qu'elle le voulait, comment tu vas ?

Elles se collèrent deux bises affectueuses et franchirent toutes deux le portail du parc.

▬ C'est une très bonne idée de m'avoir invitée. Rien ne mieux pour une sortie !

En réalité, cela faisait un bail que Luzia n'avait pas vraiment vu Maddy. Cette dernière était de la même promo que sa cousine - plus d'un an s'était écoulé depuis qu'elles s'étaient parlées la dernière fois...

▬ Ça fait plaisir de te voir, dit Luzia en resserrant les pans de sa cape autour d'elle. C'était quand, la dernière fois ?

C'était étrange que de retrouver Maddy à l'improviste. Luzia voyait pourtant bien, derrière les gestes détendus et enjoués, que l'ambiance inquiétante et oppressante qui constituait leur quotidien depuis la fin de l'année scolaire précédente n'était pas oubliée.
Il faisait nuit et les organisateurs de l'exposition avaient donc installé çà et là des boules de lumières qui évoluaient entre les plantes et permettaient aux visiteurs de les observer sous tous leurs angles. Certaines boules de lumières changeaient de couleur et d'intensité. Cette visite, songeait Luzia, ravirait autant les botanistes que les artistes.
L'Espagnole hocha la tête en entendant Maddy rappeler la rencontre entre les étudiants et les élèves de dernière année de Poudlard. C'est vrai que c'était là que les jeunes femmes s'étaient vraiment parlées la dernière fois. Même si Luzia savait que Maddy n'étudiait pas exclusivement les plantes, elle en avait profité pour lui poser quelques questions.

▬ Mais pour être honnête, avoua Maddy, notre dernière vraie journée ensemble remonte à tellement longtemps que je ne parviens pas à me souvenir de la date.

Luzia nota que son amie ne parlait pas de l'épisode de libération de l'institut. Cela lui allait très bien. Elles en viendraient peut-être à ce sujet un peu plus tard dans la soirée, mais pour le moment, elles voulaient profiter de leur visite.

▬ Hum..., réfléchit la plus jeune des deux, il me semble que c'était pendant la coupe du monde, non ? Tu bossais au stand de hot-dogs et j'étais allée me chercher une barquette de frites.

Des images de l'été 1978 jaillirent dans l'esprit de Luzia, solaires et joyeuses. Elle n'avait eu le droit que de rester trois jours à la coupe du monde, mais ça avait été le meilleur moment de l'été.

▬ Tu avais pris ta pause et nous étions restées discuter, assises dans l'herbe, un peu à l'écart de l'animation du camping.

Tandis qu'elle parlait, un sourire aux lèvres - sincère cette fois - l'Espagnole lisait les pancartes qui identifiaient les plantes, lorsqu'elle ne parvenait pas à les reconnaître. Elle vit tour à tour de l'euphorbe, reconnaissable par ses longues tiges parsemées de petits boutons qui n'étaient en fait que des feuilles, une jeune pousse d'armoise, un jujubier et même un arbre de Kava, qu'un de ses professeurs avait fait étudier en cours pour apprendre à ses élèves ses vertus calmantes.
Leurs pas les menèrent jusqu'à un bâtiment qui servait de vivarium. Contre les murs, des cages en verre contenaient des plantes tropicales - Luzia distingua au fond une tentacula vénéneuse - tandis qu'au milieu de la salle trônait un vaste buffet. Une douce chaleur les enveloppèrent alors, et elles se trouvèrent à frissonner sous le coup du changement de température. Déjà, l'étudiante sentait la peau de ses mains picoter. Les visteurs, gravitant entre les plantes et les amuses-bouche, se servaient généreusement. Les jeunes femmes les imitèrent.

▬ Champagne ? fit Luzia en tendant une coupe à Maddy.

Joliment disposés, les différents plats exhalaient une odeur alléchante. La jeune femme, qui avait déjeuné rapidement, se voyait bien jouer les piques-assiette.

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Maddy se saisit de la coupe de champagne que lui tendait Luzia et toutes deux trinquèrent à leurs retrouvailles. Les bulles, légères et entêtantes, pétillèrent contre le palais de l'Espagnole. C'était rafraîchissant et bienfaisant. Elle suivit Maddy qui, s'éloignant du buffet, collait son visage contre les vitres pour observer au plus près les spécimens végétaux qui étaient exposés. Le regard scrutateur, l'étudiante en médicomagie disait :

▬ Avant de choisir la médicomagie, je rêvais d’ouvrir un centre de botanique comme celui-ci. Enfin, pas exactement. Je voyais plus une immense serre où j’aurais cultivé tout un tas de variété de plantes afin de les revendre pour les potions.

Le regard effleurant les tiges et les feuilles qui se présentaient à lui, Luzia sourit. C'était un chouette projet et, pour ainsi dire, c'était un peu celui qu'elle avait. Mais pour plus tard, quand elle aurait de quoi monter sa propre affaire.

▬ Être apothicaire, en quelque sorte, résuma Luzia en regardant cette fois-ci son amie. C'est aussi un peu mon idée.

Enfin, c'était Jaimie qui lui avait mis cette idée en tête. A la base, Luzia ne songeait qu'à travailler parmi les plantes. Mais en discutant botanique avec le Gryffondor, ils avaient tous deux tiré des plans sur la comète et le projet professionnel de Luzia en avait été influencé. Et depuis, elle y avait réfléchi sérieusement et était décidée : dans quelques années, elle aurait sa boutique. Et si Jaimie était toujours de la partie, elle s'associerait avec lui. Ce serait plus facile pour commencer.

▬ Enfin, c'est dans longtemps, se ravisa la jeune fille en se déplaçant de quelques pas pour admirer une autre plantes avec des fleurs bleues, je dois d'abord avoir mon diplôme.

Elle but une autre gorgée de champagne et reprit, la mine assombrie :

▬ Ce n'est pas gagné, j'ai un peu de mal à aller en cours. J'ai du mal à sortir, de manière générale.

Et voilà, elles étaient sur la pente qui menait dangereusement au sujet de l'Institut. Elles n'avaient même pas tenu vingt minutes... Luzia, un peu tendue, profita de voir son reflet dans la vitre du vivarium pour remettre ses cheveux comme il fallait. C'était surtout pour gagner du temps.

▬ En fait, non, soupira Luzia. Je sors pas mal. Je fais trop la fête. Mais quand il s'agit de faire des trucs plus sérieux, comme aller en cours, faire les courses, tout ça, ça me gonfle... Et encore, les cours me plaisent, la plupart du temps. C'est juste que j'ai la flemme. Vraiment. Deidre me dit que c'est le contre-coup de cet été, elle a probablement raison. Bref... Et toi, ça va ?

Luzia savait en fait pourquoi Maddy était là à la libération de l'Institut. Elle faisait partie du même groupe que Gideon. La vie ne devait pas être simple pour elle tous les jours... Elle se garda toutefois de prononcer le nom de ce groupe devant les autres visiteurs du parc. Gideon, lors de leur fameuse soirée d'Espagne, lui avait fait juré de ne pas en parler. C'était tout aussi dangereux pour elle que pour les membres de ce groupe. Alors, depuis, Luzia faisait comme si de rien n'était.

Spoiler:

Luzia avait réussi à plomber l'ambiance en moins d'une vingtaine de minutes. Le sujet de l'Institut était un refrain obsédant, qui revenait toujours avec un effet boomerang. Si elle avait accepté de voir Maddy et de venir à l'inauguration de ce parc botanique, c'était pour s'aérer la tête, pas pour ressasser des angoisses et des traumatismes... En plus, elle craignait d'ennuyer Maddy avec ses histoires.  Pourtant, la rousse lui répondit doucement, sans une once d'agacement que Deidre avait raison, mais que cette envie de fêtes était aussi peut-être liée au changement de vie de l'Espagnole.

▬ C’est vrai que ce n’est pas simple de quitter Poudlard. On se voit attribuer tout un tas de responsabilités d’un seul coup.

Luzia sourit doucement. Elle n'avait pas songé à cela. L'été avait éclipsé les enjeux de la rentrée, mais peut-être que la jeune fille se rendait compte désormais que la vraie vie était compliquée, qu'on ne pouvait plus compter sur Papa ou Maman et sur la routine bien réglée de Poudlard. Si elle souriait, c'était parce que Maddy venait de lui donner une autre explication de sa déprime. Une explication qui convenait mieux à la jeune fille et qui éclipsait le spectre de l'été. Car peut-être que même sans Institut, Luzia aurait fait la fête à son arrivée à Londres. Étrangement, cela la rassurait.

Puis Luzia se concentra sur ce que disait Maddy à propos de sa vie à elle. De son appartement qu'elle partageait avec Lysander.

▬ Avec toutes nos activités on avait un peu de mal à se voir, précisa l'étudiante en médicomagie.

Luzia hocha la tête.
▬ Mieux vaut être près de ceux que l'on aime, par les temps qui courent, fit-elle doucement.

Heureusement que Maddy était plus optimiste et plus prompte ce soir-là. Sans quoi, les deux jeunes filles seraient tombées dans un marasme profond.

▬ Je mangerais bien quelque chose, fit-elle en lorgnant le buffet.
▬ Je te suis, acquiesça l'Espagnole.

Elle n'était plus une grande gourmande, mais là, il fallait avouer que les organisateurs s'étaient surpassés. Les amuses-bouche ressemblaient chacune à de petites œuvres d'art, joliment disposées sur les plateaux. Il y avait des couleurs et des textures différentes. Luzia songea alors qu'un de ses quatre, elle se mettrait à la cuisine. La jeune fille pris un cure-dent qui assemblait un abricot sec chaud, du jambon fumé et un morceau de comté et le goba tout entier. Miam.

▬ Moi..., commença Luzia avec la bouche pleine, j'ai une petite chambre... d'étudiante dans laquelle je rentre à peine, mais c'est sympa. En fait, on est tout près de la rue principale du Chemin de Traverse quand on loge dans la cité universitaire !

Un bruit, soudainement, suivit de plusieurs cris attirèrent l'attention des jeunes filles. Le sang de Luzia se glaça. Une attaque ? Dans un réflexe, elle saisit sa baguette. La foule s'écarta et elle vit ce dont il s'agissait. La tentacula vénéneuse, le clou de la soirée, s'était manifestement réveillée et venait de briser le verre protecteur qui l'entourait, menaçant de ses dents mortelles les visiteurs les plus proches d'elle.

▬ Olàlà, fit Luzia.

Et les gens qui ne cessaient de crier, irritant davantage la plante furieuse !

Spoiler:

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En moins de temps qu'il n'en fallait pour dire "Mimbulus Mimbletonia", la serre fut le théâtre d'une grande panique. Des gens criaient, fuyaient, s'amassant devant les portes de la serres pour échapper au végétal furieux. Certains n'avaient pas eu la possibilité de faire quoique ce soit et gisaient sur le sol. Ils n'étaient pas morts, au grand soulagement de Luzia qui se tenait tout contre Maddy, la baguette tendue devant elle. Ses jambes semblaient solidement plantées dans le sol et refusaient de faire un pas, même s'il s'agissait d'une question de survie.
L'Espagnole attendait que les gens de la sécurité fissent quelque chose, mais elle ne tarda pas à comprendre que c'était eux qui avaient été mis de suite hors d'état de nuire. Heureusement, Maddy, à côté d'elle, s'activa tout d'un coup, comme si elle venait de reprendre conscience.

Elle observa les personnes étendues, sans connaissance - certains étaient sérieusement blessés et saignaient.
▬ Je m’occupe d’eux, décida-t-elle en s'éloignant de Luzia. Tu neutralises la plante ?

La plante ? Luzia déglutit. Il fallait absolument qu'elle se reprenne. Et qu'elle fasse le nécessaire pour mettre la Tentacula hors d'état de nuire, pour que Maddy puisse s'approcher des blessés qui étaient tout près de la plante. Cette dernière devenait de plus en plus furieuse et de ses feuilles longilignes écumait son venin.

▬ C'est bon, fit Luzia en inspirant.

Elle tendit sa baguette vers la plante et lui lança un sortilège d'apaisement. Il fallait de suite qu'elle arrête de produire son poison. Bientôt elle allait propulser des gaz toxiques...

Compétences:

Spoiler:

L'Espagnole jura lorsqu'elle sa baguette crachota quelques étincelles mauves, sans parvenir à lancer le sort qu'elle escomptait. Son rythme cardiaque s'accéléra tandis qu'elle prenait conscience qu'elle n'avait pas le droit à l'erreur. Poudlard était terminé, et il n'y avait pas le Professeur de botanique pour gérer les débordements.

Maddy poussa un cri de frayeur lorsqu'elle sentit que la Tentacula l'avait manquée de peu.

▬ Luzia, je sais que tu peux le faire ! Tu DOIS le faire ! lui cria Maddy, dont les cheveux étaient devenus verts sous le coup de l'émotion.

Oui, elle le devait. La sécurité n'avait pas tenu et les surveillants du parc avaient été rapidement mis hors d'état de nuire par la plante qui, décidément, semblait savoir ce qu'elle faisait ! Luzia resserra le poing sur sa baguette. Elle regarda rapidement son amie qui, imperturbable, pansait les blessures des victimes. Elle admira son courage et la maîtrise de soi dont elle faisait preuve.

Un modèle à imiter, se dit aussitôt Luzia qui sentait la confiance revenir au grand galop. Sa baguette vibra sous ses doigts. Elle allait le faire.
Concentrée sur la plante, Luzia prononça la formule.

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Soin : 5/6