C'était le jour J. Il s'y préparait depuis des mois, depuis des années. Hier, il avait tout revu avec son cher papa qui paraissait encore plus enjoué par cette idée qu'Ebenezer lui-même. Enjoué était un bien grand mot, il avait simplement fait de grands gestes avec ses mains revoyant avec son fils les directives à suivre. Tout était préparé, un peu trop même, la procédure à suivre, les paroles à respecter, et ce n'était pas tellement au goût d'Ebenzer. Non pas qu'il aurait préféré un peu plus de spontanéité. Ce jour était étrange, le Manoir était en pleine ébullition. Il se sentait affublé d'une responsabilité grandissante plus les heures passaient. Ce matin là il n'était pas parvenu à se lever aux aurores, il était resté dans son lit bien trop imposant pour lui à contempler les boiseries du plafond. Il ne voulait plus penser. Il ne voulait plus réfléchir. Et il s'avait qu'en quittant la pièce, son père lui sauterait dessus comme un rapace, le conviant dans son bureau pour des heures et des heures de discussions qui n'avaient plus lieux d'être maintenant. Tout était très clair dans sa tête. Et il était d'accord. Il était prêt. Étrangement, il n'avait pas croisé la chevelure blonde de sa mère à l’embrasure de sa porte depuis quelques jours maintenant. Il savait que ce mariage ne lui plaisait guère. Elle le voulait tout à elle son fils chéri. Alors elle se taisait, elle n'évoquait pas le sujet. Elle l'évitait même. Elle ne disait rien, mais il savait. Une fois de plus il y restait insensible, les émotions de sa chère génitrice ne l'importait pas. Elle n'avait jamais eu son mot à dire, et aujourd'hui elle ne l'avait pas non plus. Elle se pliait aux exigences de son mari, elle l'avait toujours fait, se comportant comme la véritable bonne mère de famille. Soumise. Elle n'avait jamais haussé le ton, jamais montré son désaccord. Jamais montré la moindre émotion. Le même sourire soumis fixé sur le visage en permanence. Et en vérité, personne ne lui avait jamais demandé son avis.
Lorsqu'il décida enfin de quitter sa chambre il était presque onze heure du matin. Et comme il l'avait prévu ils avaient déjà tous les deux déjeuné. Il ne voulait pas tomber sur eux. Pas tout de suite. Et malgré l'elfe de maison qui s'activait dans la salle de déjeuner, les plats posés sur la table en marbre ne l’attirèrent absolument pas. Cependant, il remarqua qu'un bout de papier jauni avait été déposé dans son assiette. Il s'en approcha et l'ouvrit visiblement peu surpris. "Je t'attends dans mon bureau, j'espère au moins que tu es vêtu de ton costume. Tu es en retard". A croire que la communication orale dans cette famille était rompue. Mais comme un bon petit soldat, le jeune homme monta les nombreuses marches de l'escalier qui le conduirent au premier étage. Il traversa le long couloir menant au bureau de son père, sur les murs étaient fixés de nombreux portraits. Des gens de sa famille, parfois très éloignés, il se souvenait que papa lui avait fait apprendre les noms de chacun d'eux lorsqu'il était enfant. Et lorsqu'il passa devant chaque portrait il s'en remémora les noms silencieusement au fur et à mesure qu'il avançait. Il frappa deux coups fermes sur la porte et elle s'ouvrit seule avec une grâce étonnante pour une porte. Il entra. "Bonjour père." commença t'il la voix rauque. Il le chercha quelques secondes du regard, il n'était pas posté derrière son bureau comme à l'habitude, mais se trouvait devant l'une des immenses fenêtres donnant sur le parc du manoir magnifiquement entretenu malgré la saison hivernale. De fins flocons de neige tombaient silencieusement. Et Ebenezer s'avait que son père ne les contemplait pas, qu'il ne les avait surement même pas vu. Ce n'était qu'une mise en scène cette place qu'il avait choisi. Tout était toujours parfaitement orchestré avec lui, d'un théâtral parfois exagéré. "Bonjour" lui répondit-il sans même se retourner. Ebenezer se tenait toujours debout, avait fait quelques pas dans la pièce mais restait à distance convenable, lorsque la porte se referma dans un sursaut. Beaucoup moins élégant. C'est alors qu'il se retourna, leurs regards gris presque identiques se croisèrent. Il se fixaient, dans un silence de étourdissant. "Bon je constate qu'au moins tu es habillé, négligemment, mais tu es habillé." continua t'il tout en s’approchant rapidement de son fils. Ils n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Ebenezer ne bougeait toujours pas. "J'espère que tu es prêt" ajouta t'il tout en se saisissant de la cravate du jeune homme. Il la resserra sèchement. Le nœud en était presque étranglant.
FIN DU FLASHBACK.
"Bekka, Retrouves-moi à l'entrée du marché de Noël demain à quatorze heure, j'ai une surprise pour toi. Tendrement, Ebenezer."
Lui avait-il écrit de son écriture la moins pâte de mouche possible. Il savait au moins qu'avec ça il parviendrait à aiguiser sa curiosité et qu'elle serait dans de très bonnes dispositions pour la suite. En véritablement gentleman il avait quitté le manoir relativement tôt afin d'arriver à destination quelques minutes avant Bekka. Il s'avait pertinemment que celle-ci aimait particulièrement se faire attendre et même si habituellement cela l’agaçait, il ne lui en tiendrait absolument pas rigueur aujourd'hui. Il souhaitait que tout soit parfait, que la surprise soit à son comble et que tout se passe dans les meilleures conditions possibles. Il avait choisi cet endroit parce qu'il était l'un des plus romantique à Noël, il avait tout prévu seul. Pour ça il n'avait absolument besoin de personne, il s'était simplement contenté de détailler ce qu'il avait prévu de faire à son paternel et ce dernier avait acquiescé d'un signe de tête approbateur. Ça avait eu l'air de lui plaire. Ou tout du moins, il n'avait rien eu à y redire.
De nombreux et fins flocons tombaient depuis des heures maintenant, et il avait l'impression d'attendre depuis aussi longtemps. Le ciel était pourtant très clair en ce début de journée et quelques rayons de soleil parvenaient à percer les nuages imposants. Les chants de noël vibraient au loin et il entendait le brouhaha de la foule toute proche. L'ambiance était festive, il avait vu quelques badauds vêtus de pull en laine tricotés main et des énormes bonnets plantés jusque sur leurs yeux. Tout était prêt. Il avait la bague en poche, il s'était habillé élégamment et il savait exactement où il allait. Il se repassait une dernière fois le plan dans sa tête et il se surprit à être un peu nerveux. Il savait pourtant que ça lui plairait, il avait fini par la connaitre. Et même si elle faisait mine de rien, les cadres romantiques, les mots doux et les fleurs lui plaisaient autant qu'à n'importe qu'elle autre fille. Mais Rebekka était spéciale. Elle était précieuse, elle méritait de posséder toute ce qu'elle souhaitait, elle méritait le plus beau, Monsieur Lestrange l'avait bien fait comprendre à Ebenezer. Et une fois de plus il avait acquiescé, lui promettant qu'elle aurait tout ce qu'elle méritait et bien plus encore. Il l'avait cru. Il fut sorti de ses rêveries par une silhouette qui approchait au loin...
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"Bekka, Retrouves-moi à l'entrée du marché de Noël demain à quatorze heure, j'ai une surprise pour toi. Tendrement, Ebenezer."
De cette missive qui ne contenait que peu de mots, Rebekka n'en retenait qu'un. Le fait qu'Ebenezer lui écrive, qui plus est pour lui donner rendez-vous en plein milieu des vacances de Noël, pour lui donner une surprise, alors qu'ils étaient tous les deux rentrés dans leurs familles respectives pour passer les fêtes, cela n'était rien, comparé à ces quelques lettres tracées bout à bout, pour qualifier la teneur de ce message. Tendrement. Il lui écrivait tendrement. Tout le reste ne revêtait plus aucune sorte d'importance. Rebekka avait passé un temps infini, assise seule devant sa coiffeuse, les yeux rivés sur le morceau de parchemin qu'un hibou grand-duc lui avait déposé à la fenêtre de sa chambre. Près de deux heures, au bas mot, à relire ces quelques lignes, à les relire encore, alors même qu'elle les connaissait par cœur depuis la deuxième lecture. Agitée par des sentiments contradictoires, Rebekka n'y prêtait pas la moindre attention. Elle réfléchissait, essayait de saisir tout ce que ce message impliquait, tout ce qu'il ne disait pas, mais qu'il sous-entendait. Ebenezer avait une surprise pour elle, tendrement. C'était ce dont elle rêvait depuis plusieurs mois, déjà. Recevoir un tel message, qui lui donne l'espoir de quelque chose de nouveau, de quelque chose de décisif. Ebenezer et Rebekka étaient effectivement dans une impasse, à l'heure actuelle, une situation très inconfortable, pour elle, mais probablement pour lui aussi. Deux jeunes sorciers de nobles familles n'étaient pas sensés avoir voix au chapitre concernant leur futur amoureux, deux jeunes sorciers de nobles familles n'étaient pas sensés avoir le droit de s'aimer sans le consentement de leurs parents respectifs. Seulement, le hasard faisait parfois bien les choses, et Rebekka Lestrange était tombée amoureuse d'Ebenezer Alford. Tous deux n'étaient promis à personne, ce qui menait Rebekka à penser qu'ils étaient promis l'un à l'autre. Elle avait décidé, plusieurs mois auparavant, de ne pas cacher à ses parents l'admiration que provoquait chez elle le séduisant Serpentard : il était un bon parti, âge en rapport, riche, bien né. Les Lestrange, hormis Rodolphus et Rabastan, n'avaient rien trouvé à redire. Si ce n'est peut-être qu'il ne faisait pas partie des 28 sacro-saintes familles du Registre de Nott. Ce à quoi Rebekka avait envie de leur répondre qu'elle était bien assez pure pour deux. Elle se retenait, toutefois. Dire une telle chose revenait à considérer qu'Ebenezer lui était inférieur. Ce qu'il n'était pas. Il était son égal. Seulement, les semaines avaient passé, et Ebenezer Alford n'était pas venu demander sa main à son père, comme il était d'usage de le faire. Rebekka, face à ce peu d'empressement du Serpentard à se laisser passer la corde au cou, avait songé à rompre avec lui. Pour sauver son honneur. Une Lestrange ne ❝ sortait ❞ pas avec des garçons. On n'hésitait pas à épouser une Lestrange. Si une telle opportunité se présentait, on la saisissait avec gratitude. La jeune fille ne comprenait pas la raison pour laquelle les choses traînaient autant — et cela ne lui plaisait pas. Puis, alors qu'elle remuait ses idées noires, cette missive lui était parvenue. Tendrement. Étrangement, Rebekka était restée très calme, et avait évalué sa situation avec une rare lucidité. Avait-il senti le changement subtil dans son comportement envers lui ? Sentait-il que la situation était en passe de lui échapper ? La jeune fille n'aurait su le dire. Quelques semaines plus tôt, elle aurait accueilli cette preuve d'affection avec des sanglots euphoriques. A présent, elle avait la tête suffisamment froide pour l'accueillir avec la tranquillité qui seyait à une Lestrange. Il l'avait tellement déçue, à jouer l'indécis. Il jouait avec la réputation de Rebekka, ce qui était proprement inacceptable. Savait-il ce qu'elle risquait, à s'afficher ainsi avec lui ? C'était comme reconnaître qu'elle était fiancée, alors même qu'elle ne l'était pas. C'était prendre le risque de rater des opportunités de mariage grandioses, tout cela pour quoi ? Pour ne pas finir mariée du tout. Mais Rebekka était décidée à ne plus se laisser faire de la sorte, à ne plus le laisser se jouer d'elle ainsi. Du moins, telle était sa résolution au moment de laisser les elfes de maison déposer sur ses épaules une coûteuse cape rehaussée de fourrure blanche, qui faisait remarquablement ressortir le bleu saphir de ses yeux. Sans le moindre état d'âme, elle avait la veille au soir carbonisé le message d'Ebenezer, pour ne pas risquer que Rodolphus tombe dessus. Elle s'était ensuite arrangée avec l'un des hommes de confiance de son père pour qu'il l'escorte à Pré-Au-Lard, avec l'ordre de ne revenir que lorsqu'elle le lui intimerait. Il lui était trop tard en effet pour recourir à un Portoloin, et Pré-Au-Lard n'était pas relié au réseau de cheminées en tant que tel. Et Rebekka ne fréquentait aucun foyer de Pré-Au-Lard. A quatorze heures dix, Rebekka enroula donc sa main gantée de cuir autour du bras d'un des laquais de son père, et se matérialisa quelques secondes plus tard sur la célèbre grand-place de Pré-Au-Lard. Aussitôt, le froid glacial mordit les joues de la jeune fille, et une rafale de neige agita doucement ses longues boucles. — Tu peux m'attendre aux Trois Balais, je viendrai te trouver quand j'aurais terminé, annonça-t-elle distraitement à son valet, qui s'inclina légèrement sans rien répondre et s'éloigna vers la taverne la plus animée du village. Rebekka, quant à elle, lança un regard autour d'elle, à la recherche de la silhouette bien connue de l'être aimé. Elle le localisa finalement, seul et immobile au milieu de la foule mouvante, le visage tourné dans sa direction. Rebekka inspira un grand coup, plaqua sur ses lèvres roses son plus beau sourire, et traversa sans se presser les derniers mètres qui la séparait du jeune homme devant lequel elle s'arrêta. — Je déteste les surprises, tu le sais ça ? le provoqua-t-elle d'une voix séduisante sans même le saluer, sans chercher le moindre contact avec lui.