Baguette. Livre. Je tâtais encore une énième fois les pans de ma large robe de sorcier pour m’assurer que ces deux objets étaient bien là. Et comment les autres fois, ils étaient en place. L’un dans ma main, l’autre dans ma manche. Mais avouez qu’on n’est jamais trop sûr. Secouant la tête de haut en bas, j’étais fin prêt et ouvrais la porte de la salle commune. Lorsque celle-ci se referma derrière moi, je me dis que, pour une fois, je ne devais rien avoir oublié.
Je préférai toujours être prudent lorsque je décidais de sortir du "Nid d’aigle" comme je l’appelais. Beaucoup d’élèves étaient une fois restés bloqués devant le heurtoir sans parvenir à résoudre son énigme pour entrer. Et si je pouvais me targuer de répondre souvent avec rapidité aux questions de l’aigle, j’étais comme tous les autres : certainement pas infaillible. Le préfet nous avait prévenus il y a bien longtemps. On devait toujours faire attention à ne rien oublier dans la salle commune lorsqu’on était pressé. Et même si aujourd’hui je ne l’étais pas, je préférais m’assurer de ne pas rester bloqué devant la porte. Je m’étais juré ça l’année dernière. Il n’était plus question d’oublier quoi que ce soit depuis. J’avais oublié ma baguette avant un cours de sortilèges. Vous imaginez bien ma panique. J’étais déjà en retard à ce merveilleux cours et le heurtoir décida de me poser une énigme si ardue qu’elle tout droit sorti du choipeau ! Et bien sûr, les couloirs étaient déserts. Pas un Serdaigle à l’horizon, ni même un élève d’une autre maison qui, sait-on jamais, aurait pu m’aider. J’étais resté coincé devant ce morceau de ferraille pendant des heures sans trouver la solution.
Alors non, cette fois je n’oublierai rien ! Comme pris d’un soudain doute, je mis la main dans ma manche et sentis le contact sec mais rassurant de ma baguette. Bien. Je pouvais sortir maintenant.  

Plusieurs minutes après, l’air frais emplissait mes poumons. Que j’aimais ça ! Ça me rappelait la maison, les embruns marins en moins. Certains élèves originaires d’Angleterre se plaignaient qu’il faisait froid, ici dans les Highlands. Je dois avouer que je ne les comprenais pas. Mais j’ai vu le jour dans cette fraicheur écossaise, je devais y être habitué !
Encore quelques pas et je m’installais sur un banc de pierre dans un petit cloitre. Avant d’ouvrir mon livre, j’observais les gens qui s’y trouvaient. Certains riaient, assis sur les murets ajourés d’ogives. D’autres ne faisaient que passer. J’y serais tranquille. J’ouvris mon livre à une page quelconque. Je pouvais lire "Avis, pour se laisser bercer par le pépiement des oiseaux." A côté étaient dessinés des oiseaux à la forme rondouillarde. J’avais déjà vu quelques-uns de ces piafs surgir du bout d’une baguette mais je n’en comprenais pas bien l’utilité.
J’aurai pu tourner la page pour voir ce que le livre de sortilèges avait de mieux à me proposer mais je restai sur celle-ci et me mis à lire les explications. Après tout, je n’avais rien à faire d’autre et toute une après-midi à occuper ! Alors je commençai.
- Avis !
Et je faisais le mouvement indiqué. Le premier essai ne donna rien. Forcément. Alors, je retentai. Pas mieux. Je dus essayer trois fois de plus avant de froncer les sourcils et de me replonger dans le livre. Je relisais les lignes tout en faisant jouer ma baguette du bout des doigts. Pourquoi ça ne marchait pas ? C’était pourtant bien ce que je faisais ! Persévérant, je repris correctement ma baguette en main et refis le geste. Et …

Miracle !

Un petit oiseau rond comme un ballon apparu devenant moi et gazouilla de … plaisir ? En tout cas, j’étais heureux ! Un grand sourire illumina mon visage. J’y étais arrivé ! Avec ma baguette, je cherchais à toucher le moineau et voir sa réaction. Si quelqu’un m’avait regardé faire, il aurait certainement pensé que j’avais un problème. Mais c’était fou comment on pouvait s’amuser d’un rien et redevenir un enfant quelque instant.
Amusé par le piaillement de l’oiseau, je me disais que l’après-midi commençait bien. Mais peut-être me trompais-je ?