Ces derniers temps, j'avais l'esprit ailleurs. Quelque part entre ici et la maison. Mon père m'avait envoyé une lettre il y a deux jours et l'état de ma mère empirait. Je savais que c'était la fin. La fin de sa maladie, la fin de son agonie. La dégradation de son état de santé avait été très lente. Plus de sept années s'étaient écoulées depuis qu'elle avait contracté le cancer. Elle s'était battue les premiers temps mais son corps se nécrosait et chaque cellule mourrait les unes après les autres. Mon père avait fait son possible et avait déployé d'énormes moyens pour la soigner, puis la soulager. Mais on ne combat pas un ennemi si vicieux et surtout si fatal.
Seul, devant le lac sombre et tranquille, je cherchais à apaiser ma peine. A mon image, le lac immobile et serein en apparence dissimulait des abîmes agitées et sans repos. J'étais seul et personne ne pouvait venir troubler ma retraite.. à moins que ....

Proserpine aimait bien se promener au soleil couchant dans le parc du château et arpenter les berges du lac. Ce mardi soir, c'était un soir comme tant d'autres. Rien n'avait bouleversé sa journée quotidienne, ni modifié sa promenade habituelle, sauf peut-être lorsqu'elle aperçut Joseph Wilkes. Seul. Devant le lac. Ils se connaissaient bien, surtout leurs familles. Et un jour Poppy avait découvert son secret. Et elle l'avait gardé...S'approchant doucement de lui elle arriva à sa hauteur et lui lança :

- Pour une fois que t'es pas avec tes trolls ...

Proserpine s'assit sans demander l'avis de Joseph et allongea ses jambes dans l'herbe. Prenant appui sur ses bras, elle balança sa tête en arrière et expira bruyamment. Ne voyant aucune réponse venir, elle redressa sa tête tout comme le reste de son corps et mit ses jambes en tailleur. La quatrième année scruta le visage du serpentard qui ne bougeait pas et qui continuait de fixer le lac. Elle détailla son profil sans dire un mot un peu surprise de son silence. D'habitude il aurait répondu avec humour ou ironie, mais là rien ne vint. Bon et bien peut-être que si elle ne disait rien il parlerait de lui-même ?

A moins que quelqu'un se faufile près de moi. Quelqu'un comme Proserpine Rosier. Cela faisait des années que nous nous connaissions. Elle avait découvert mon secret. Ou plutôt celui de notre famille. Elle n'avait jamais rien dit. A personne. Sûrement parce qu'elle ne partageait pas les idéaux familiaux. Ou peut-être parce que nous étions... amis ? La poufsouffle s'allongea à mes côtés et me balança une énième remarque que je ne relevai pas. Elle se redressa mais respecta mon silence. Je sentais son regard sur moi, me scrutant, se demandant sans doute pourquoi je ne répondais pas. Mais la vérité c'était que je n'en avais pas envie. Machinalement je commençais à arracher des touffes d'herbe que je broyais douloureusement entre mes doigts. Je les déchiquetais comme on voudrait voir disparaître ses idées noires et les chassait définitivement de sa vie. Mais ce n'est pas aussi simple n'est-ce pas. Après de longues minutes de silence je me décidai enfin à parler : - Je crois que c'est bientôt la fin ..
Elle saurait à quoi je fais allusion. Parce qu'elle me connaissait et connaissait son existence à elle. A ma moldue de mère. Et c'était bien la seule.

Sans dire un mot, Joseph commença à s'acharner sur les brins d'herbe devant lui. Proserpine l'observait avec douceur jusqu'à ce qu'il prononce enfin ses mots. Instinctivement, elle posa sa main sur son dos en guise de réconfort pour tenter d'apaiser sa peine qu'elle entendait alors. Proserpine n'avait jamais compris pourquoi le serpentard et son propre père cachaient sa mère et son ascendance moldue. Elle-même ne craignait pas les qu'en dira-t-on et se moquait complètement du sang qui pouvait couler dans les veines. Elle avait même découvert un monde nouveau et une grande ouverture d'esprit en côtoyant des moldus et des sang mêlés. La mixité était pourtant la clé face à la survie d'une espèce, face aux anomalies chromosomiques qui se transmettaient d'une génération à l'autre par consanguinité. Joseph aurait du être fier du mélange dont il était issu, bien moins malade que tous les autres sorciers qui se prétendaient purs. Touchée par la détresse du jeune Wilkes elle respecta son choix malgré tout et n'articula rien.