La fin de l'année approche à grands pas. Je les attends, ces vacances ! M'éloigner de Poudlard me fera le plus grand bien. Je n'aurais plus à voir certaines personnes, je serais loin des ennuis. Je vais pouvoir faire un bilan complet de mon année scolaire et voir ce que je peux faire pour éviter de passer encore une autre année aussi pourrie. Parce que faut dire ce qu'il y est, je n'ai jamais autant attendu les grandes vacances.
Ce matin en commençant à rassembler mes affaires, d'ailleurs il m'en manquait une petite partie (je ne sais pas où elles sont passées), j'ai remarqué que j'avais toujours les vêtements de Saul depuis la soirée de Wadge. J'ai complètement oublié de les lui rendre. -Dis plutôt que tu n'en avais pas le courage !- J'ai longuement réfléchi. L'idée d'essayer de renouer avec Saul me trotte dans la tête depuis longtemps et je dois avouer que je ne savais pas vraiment comment faire. Lui rendre ses vêtements me donne une bonne excuse pour le prendre à part et lui parler. Avant les vacances, c'est le bon moment pour le faire. Peut-être qu'on pourra repartir sur de bonnes bases l'année prochaine. Bien que je ne sois même pas sûr qu'il accepte mes excuses. J'ai un peu peur qu'il me repousse: j'ai décidé d'être franc avec lui. J'appréhende. J'ai quand même pas été très sympa.

J'ai embarqué les vêtements de Saul dans mon sac, en essayant de ne pas trop les froisser. Je l'ai vu ce matin en allant prendre mon petit-déjeuner dans la Grande Salle. Mais y'avait beaucoup trop de monde ! Ensuite plus tard dans la journée, je l'ai vu à la bibliothèque. Mais je ne voulais pas le déranger dans sa lecture. -En gros, t'as toujours une excuse pour te défiler.-
Mais là, j'ai vraiment décider de le choper quelque part pour de bon. Conséquence: je le cherche dans tout le château depuis vingt minutes. C'est toujours quand tu cherches quelqu'un et que tu es motivé -C'est un bien grand mot.- que tu ne le trouves pas. Marchant dans un couloir, j'observe une silhouette masculine marcher devant moi. C'est pas Saul ? Si ? Je plisse les yeux et je l'écoute parler. C'est lui ! C'est sa voix ! -Qu'est-ce que t'attends ?-
Je slalome entre les gens pour le rattraper. Quand j'arrive à sa hauteur, je le saisis doucement par le bras, un poil essoufflé. « Euh... » Je jette un rapide coup d'oeil aux personnes qui l'accompagnent. « Saul. Je peux te parler ? S'il te plait ? » demandé-je d'une voix timide et basse en le regardant dans les yeux. J'ai la boule au ventre. Je me retiens de lancer un regard vénéneux aux gens qui me dévisagent.

Dragées:

C'est bientôt les vacances d'été et les examens sont terminés depuis quelques jours, déjà. Saul a été brillant, comme à son habitude et c'est pourquoi, pour une fois, il s'est accordé une petite pause en passant une partie de l'après-midi dans le parc avec ses amis. Bien sûr, il a commencé par aller à la bibliothèque mais Mairead est bien vite venu le débusquer pour l'obliger à mettre le nez dehors, ce qu'il a consenti à faire et il ne l'a pas regretté.
C'est en une bande joyeuse que les Serdaigle quittent le parc pour rejoindre leur salle commune avant d'aller dîner. Sur le chemin, tous rigolent en se remémorant les meilleurs moments de cette année scolaire et Saul se sent bien, entouré de ses camarades. C'est ce qu'il se dit au fond de lui lorsqu'il sent une main se poser sur son bras. Il se retourne brusquement pour tomber nez à nez avec Alexandre. Il ne s'attendait pas à le trouver là, ça doit d'ailleurs se lire sur son visage car le Serpentard semble gêné lorsqu'il lui demande s'ils peuvent se parler. Mairead s'empare de son autre bras et d'un regard, elle lui intime d'être prudent. Saul lui sourit et lui murmure « C'est bon, tout va bien. » Puis il se tourne vers Alexandre et hoche doucement la tête. Il ne sait pas du tout de quoi son camarade peut bien avoir envie de discuter mais il pense être prêt à entendre ce qu'il a à lui dire. « C'est d'accord, de quoi veux-tu me parler ? » Les amis de Saul s'éloignent de quelques pas mais ça ne leur laisse pas beaucoup d'intimité pour avoir une conversation. Alors le Serdaigle désigne d'un geste de la main l'une des portes du couloir, il sait qu'à l'intérieur se trouve une pièce que plus personne n'utilise car c'est là qu'Emma et lui se sont installés pour développer les photos de l'Immortelle. « Tu préfères qu'on aille là-bas ? »

Je n'accorde pas d'importance à Aubrey qui se sent obligé de lui faire comprendre de faire attention. Je crois qu'elle n'a pas capté que je n'étais pas un serial killer que je n'allais pas lui lancer un sortilège impardonnable. Ensuite Saul se tourne vers moi et m'accorde son attention. Il me demande de quoi je veux lui parler alors que ses amis s'éloignent de quelques petits mètres. Je n'ai pas franchement envie d'avoir cette conversation en plein milieu d'un couloir. Je regarde autour de moi. « Euhm... On ne peut pas avoir cette conversation... Ailleurs ? » Il n'a tout de même pas cru que j'allais lui parler d'un truc privé en plein milieu du couloir ? Il me propose alors qu'on aille dans une salle qu'il désigne d'un geste de la main. « Je préfère. » réponds-je en entrant dans la pièce. Je ferme la porte derrière Saul. Pour être sûr de ne pas être entendu ou même vu. Je n'ai pas envie qu'on me voit dans une position de faiblesse.

Je me tourne vers mon interlocuteur. Un silence s'installe entre nous. Je balade mon regard un peu partout sur le sol en cherchant quoi dire en premier, triturant la lance de mon sac en bandoulière. « Ah, je voulais te rendre tes vêtements. J'avais complètement oublié. » -Menteur.- commencé-je en sortant les affaires de Saul de mon sac. « A la soirée de Wadge on a du les échanger... Je les ai lavé, au passage... » expliqué-je en lui tendant ses affaires. Après la soirée, j'avais un peu renversé d'alcool dessus quand j'étais avec Theo et qu'on... Bref. J'avais trop bu ce soir là. Je me sentais un peu obligé de nettoyer, je ne peux pas lui rendre des vêtements sales sentant l'alcool. J'essaye de ne pas trop avoir l'air gêné. -Je crois que c'est raté.-

Dragées:

Alexandre entre le premier, Saul sur ses talons puis, une fois la porte fermée, le silence s'installe, pesant dès les premières secondes. Saul ne dit rien bien sûr, se contente de regarder son camarade en attendant qu'il se lance. Et c'est ce qu'il finit par faire en extirpant de son sac une pile de vêtements propres, les vêtements qu'il a échangé avec Saul lors de la soirée de Theo Wadge. Le Serdaigle ouvre grand les yeux car lui-même avait complètement oublié. D'ailleurs il est fort probable que les vêtements d'Alexandre traîne quelque part sous une pile de grimoires dans la valise de Saul. « Merci, dit le sorcier en s'emparant de ses vêtements. Je suis désolé, je n'ai pas les tiens sur moi... Je vais aller te les chercher et je te les rendrai au dîner de ce soir. » Et tout en disant cela, il range avec soin ses vêtements dans son sac en peau de taupe. Puis de nouveau ce silence et Saul ne sachant pas très bien s'il doit prendre congé de son camarade ou non, car il est évident que si Alexandre n'avait eu que ça à lui dire, il n'aurait pas pris la peine de se dissimuler dans une salle de classe inoccupée. « Bon, tu voulais me dire autre chose, ou...? » questionne Saul, légèrement mal à l'aise, mais toujours souriant.

Saul me remercie de lui rendre ses vêtements, bien que ce soit la moindre des choses de rendre ce qui nous appartient pas à son propriétaire. Il s'excuse ensuite de ne pas avoir les miens. Ce n'est pas bien grave, il n'avait pas prévu que je lui rendrais les siens aujourd'hui. D'ailleurs il semble avoir même oublié que j'avais ses vêtements en ma possession. J'aurais pu les garder. « Prends ton temps, ça ne presse pas. » lui réponds-je avec un petit sourire timide. Ce moment est gênant. Nous restons de longues secondes silencieux. Le malaise est palpable. Qu'est-ce que je lui dis ? Est-ce que je lui dis ? Saul me relance alors. Je suis tenté de lui dire qu'en fait cela n'a pas d'importance. -Ouais, tu te défiles.- Non ! « Euhm... » Je lève mon regard vers Saul qui a un léger sourire aux lèvres. C'est encourageant, je suppose.

Saul a toujours été plus grand que moi. Mais à cet instant, j'ai l'impression d'être tout petit face à un géant. Pourtant, il n'est nullement menaçant ! Et il ne cherche pas à être intimidant. C'est moi qui ai un problème. « Je voulais m'excuser. » me lancé-je enfin en ayant l'audace de le regarder dans les yeux. « Je n'ai pas été cool avec toi ces dernières années. Déjà je t'ai laissé tomber comme une sécrétion de véracrasse. Non pas que tu en sois une hein ! » -Pourquoi maintenant tu fuis le regard ?- Je n'ai pas envie qu'il prenne mal mes propos, ce n'est pas le but. « Tu es loin d'être une sécrétion de véracrasse. Tu es plus signifiant que ça enfin... Tu comprends l'idée ! » Je me gratte l'arrière du crâne. Je m'enfonce. Je commence à parler trop vite. C'est plutôt moi la sécrétion de véracrasse là... Je devrais revenir sur le vrai sujet de la conversation. Je vais limiter les dégâts. Mon coeur bat trop vite, je ne peux pas m'empêcher de triturer mes doigts. Je n'aime pas m'excuser. Et là ça me met particulièrement mal à l'aise.

« Le problème ne venait pas de toi. Mais de moi. Tu n'as jamais rien eu à te reprocher. J'étais un peu perdu à cette époque... Et peut-être un peu idiot... J'allais pas bien ! Mais maintenant je vais mieux, j'imagine... » J'ai conscience de ne pas être très clair dans mes explications. Saul ne doit pas comprendre grand chose... C'est difficile de placer des mots sur ce que je ressentais à l'époque. -C'est pour ça que tu tournes autour du chaudron.- S'il faut le dire, je le dirais. Mais si je n'y suis pas obligé... Je peux peut-être l'éviter... J'ai l'impression d'avoir l'air complètement stupide.

Dragées:

Saul écoute sagement, hochant la tête parfois, lâchant un « Je saisis, oui » lorsqu'Alexandre semble se perdre dans son explication mais jamais le Serdaigle ne quitte son sourire qui s'agrandit même légèrement à mesure que le Serpentard s'explique et s'excuse de son comportement passé. Saul pourrait presque apercevoir le lourd poids qu'Alexandre avait sur les épaules le quitter et s'envoler jusqu'au plafond de la vieille salle de classe, traverser le mur et disparaître dans les nuages. Les deux mains agrippés à la lanière de son sac, le Serdaigle fixe un moment Alexandre puis il dit : « Pas de problème, t'en fais pas. Je suis content que tu ailles mieux, en tout cas. » Saul est sincère, de tout son coeur car même si durant toutes ces années il n'a pas compris le comportement de son ancien ami, il ne lui en a jamais voulu (malgré toutes les tentatives de ses proches camarades pour le remonter contre lui). « Vraiment, c'est pas grave, oublions tout ça, je vais même oublier que tu m'as comparé à de la sécrétion de veracrasse » ajoute-t-il avec humour pour rassurer le Serpentard. Si Saul avait été un peu plus ouvert aux autres, probablement qu'il aurait remarqué que le comportement d'Alexandre avait changé au moment où il avait arrêté de traîner avec sa bande de Serpentard mais comme Saul ne remarque pas ces choses-là, il n'a pas fait le rapprochement. « Ça me fait plaisir que tu sois venu m'en parler, comme ça les choses sont claires entre nous. A moins que tu n'aies autre chose à me dire ? » Saul pose cette question avec beaucoup d'innocence, sans se douter qu'Alexandre puisse effectivement avoir autre chose à lui dire.

Saul... Il est adorable ce garçon. Tellement adorable. Il me sourit, il m'écoute. Je le sens sincère. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi compréhensif. Presque trop. Si j'avais été lui, je ne me serais pas pardonner. Sa remarque sur la sécrétion de véracrasse me fait doucement rire. Je sens que les larmes me montent aux yeux. L'émotion, sans doute. « Merci, Saul... » dis-je sincèrement. J'ai envie de le prendre dans mes bras.
Il me demande si j'ai autre chose d'autre à lui dire et c'est comme si c'était un retour à la dure réalité. Je dois lui dire, sauter sur l'occasion qui ne se représentera sans doute jamais. Je veux que notre nouveau départ soit parfaitement transparent pour le rendre meilleur. Est-ce qu'il a ne serait-ce qu'une idée de ce que je m'apprête à lui dire ? Va-t-il me rejeter, après ça ?

J'inspire un grand coup. Le plus dur reste à venir. J'ai peur de ce qui va se passer. J'empêche mes larmes de couler. J'ai la gorge nouée. « Il faut que je te dise... Pourquoi je n'étais pas bien... J'étais malade. Ou fou, je ne sais pas vraiment. » lui avoué-je. J'ai bien conscience que ce que j'avais n'était pas une maladie. Mais si on m'avait annoncer que j'avais la maladie de la goule, j'aurais probablement eu la même réaction. « Mais je vais mieux maintenant, comme je te l'ai dit. Je suis complètement guéri. » dis-je avec un sourire qui se veut rassurant.-C'est un mensonge ça.- Je ne veux pas le faire flipper. On ne guérit pas ce genre de maladie qui n'en est pas. On apprend juste à vivre avec. Qu'on l'accepte ou pas. Je ne sais pas si je veux qu'il me demande de quelle maladie j'étais atteint. -T'as encore tourné autour du chaudron !-

Dragées:

Les sourcils du Serdaigle se froncent alors qu'il aperçoit les larmes monter aux yeux d'Alexandre et il se dit que peut-être le problème est plus grave qu'il ne le pensait au départ. Alors il hésite et se demande s'il doit questionner le jeune homme quant à sa maladie (ou à sa folie) ou au contraire faire l'impasse sur ce qu'il a vécu car c'est clairement ce que Saul voudrait, de son côté, ne rien divulguer de sa vie privée. Mais Saul n'est pas représentatif des jeunes sorciers de son âge, alors il décide de faire le contraire de ce qu'il souhaiterait qu'on fasse pour lui-même. « Est-ce que tu veux m'en parler ? De ce qui t'est arrivé ? » demande-t-il en penchant légèrement la tête sur le côté pour capter le regard d'Alexandre qui semble essayer tant bien que mal de contenir ses larmes, malgré son sourire qui se veut rassurant.

Je regarde Saul longuement. Il me demande de lui en parler. Mais comment mettre des mots là-dessus ? En soi, la théorie, c'est simple. Le dire, c'est compliqué. J'ai peur de son jugement. Que d'autres personnes me jugent, j'en ai rien à carrer. Ils peuvent bien aller s'asseoir sur un balai. Mais j'apprécie énormément Saul. Trop pour me faire juger par lui. Ce serait trop dur. Je me rappelle encore quand Astrid m'a jugé par rapport à cette histoire de Gazette. Cela m'a fait mal. -C'est parce que justement elle te connait que ça fait mal.- « Tu me promets de ne pas me juger ? » lui demandé-je sérieusement en le regardant dans les yeux. Ce n'est pas ma faute, après tout...
Je cherche un moyen de formuler mes phrase. J'en commence plusieurs sans les finir. Ça m'énerve de ne pas trouver de mots. « Eh puis merde ! » Je lâche mon sac, m'approche de Saul et viens l'embrasser. Un vrai baiser. Quelques secondes plus tard, je m'écarte et regarde mon interlocuteur dans les yeux, plus que sérieux. Mon coeur bat fort dans ma poitrine. Je me demande comment j'ai pu oser. « Tu comprends maintenant ? » lui demandé-je, pantelant, toujours les larmes aux yeux. Voire plus que tout à l'heure.

Dragées:

« Bien sûr » murmure Saul lorsqu'Alexandre lui demande de ne pas le juger. Saul est bien le dernier des élèves de cette école a juger les gens, ce qui lui vaut parfois de se faire avoir en beauté, mais ce qui ne l'empêche pas de ne rien changer à sa façon de vivre les choses avec les autres. C'est comme ça, on ne se refait pas. Le Serpentard semble hésiter, commence des phrases, s'arrête, recommence et lorsque Saul s'y attend le moins, il abandonne son sac et s'approche du Serdaigle sur les lèvres duquel il dépose les siennes. Surpris, le sorcier se paralyse, les yeux grands ouverts, incapable du moindre mouvement. Le baiser se prolonge jusqu'à ce qu'Alexandre décide de faire un pas en arrière. Atterré, peut-être un peu choqué, son camarade le regarde sans broncher. Si Saul comprend ? Pas sûr. Le seul baiser qu'il ait échangé avec quelqu'un, c'était avec Emma et... C'était complètement différent. Alors quoi ? « Je, j'ai peur de ne pas tout saisir... Tu aimes les garçons ? C'est ça ta "maladie" ? Mais... Ce n'en est pas une... Alex, qu'est-ce que tu essayes de me dire ? Tu t'es éloigné de moi car tu aimes les garçons ? » Saul n'ose pas lui demander si c'est de lui qu'il est amoureux, au risque de passer pour un prétentieux...

Embrasser son premier amour. C'est une chose difficile à décrire. Même quand tu n'es plus amoureux de cette personne, ça te secoue le coeur. J'aurais peut-être aimé que cela se fasse dans d'autres circonstances. C'est très gênant. Saul semble tout simplement choqué. Il ne s'y attendait certainement pas. Il ne dit rien pendant quelques secondes, ce qui a pour effet d'augmenter ma gêne. Ce garçon me désespère. Quoi ? Ce n'était pas assez clair ? C'est clair que Saul n'a jamais été attiré par un garçon. Il ne comprend pas que c'est hyper flippant, surtout quand tu n'as pas de recul sur la chose. -Tu n'en as toujours pas.- Et que tu as seulement douze ans. Tu te sens seul, différent, anormal. Tu t'isoles parce que tu sais que les gens vont te juger alors qu'ils n'en savent fichtrement rien ! Ça m'énerve ! « C'était de toi dont j'étais amoureux ! » dis-je avec force. Je n'arrête pas de pleurer. Maintenant c'est sorti. Si là je ne suis pas assez clair ! « Et sache que je l'ai vécu comme une maladie. Une malédiction. Un malheur. Tout ce qui commence par -mal ! » Saul ne comprendra certainement pas ma position et ça me tue. Même si je m'y étais préparé. Néanmoins il y a un point positif, il ne considère pas mon problème comme une maladie. C'est déjà ça de gagner.

Dragées:

Le Serdaigle, ailleurs et toujours un peu sous le choc, se passe le bout des doigts sur ses lèvres qui accueillaient encore celles d'Alexandre quelques secondes auparavant, Alexandre qui est à présent en larmes devant son camarade. Mince alors, comment ont-ils fait pour en arriver là ? « S'il te plaît, ne pleure pas... » commence Saul en s'avançant d'un pas puis en s'arrêtant brusquement, craignant qu'une proximité ne redonne quelques idées de baisers au Serpentard. Il doit même se retenir de lui déposer une main sur l'épaule, de peur que ce geste passe pour totalement déplacé. « Une malédiction, mais ne dis pas une chose pareille !... Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour te rendre si malheureux ? Comment pouvais-je le savoir ? Tu ne m'en as jamais rien dit ! » C'est vrai qu'à cette époque, Alexandre a quitté le navire sans une explication, rien, il est juste parti, il s'est fait de nouveaux amis et du jour au lendemain, il s'est mis à être méprisant envers Saul qui n'a jamais compris ce brusque retournement de situation. Ils étaient comme les deux doigts de la main, Saul et Alexandre, Alexandre et Saul, jamais l'un sans l'autre. Peut-être que Saul n'aurait jamais été aussi proche d'Emma qu'il ne l'est à présent si Alexandre ne l'avait pas laissé tomber... Saul adorait son ami, il était heureux à chaque fois qu'ils se croisaient dans le hall avant d'aller prendre leur petit-déjeuner, il avait hâte de le retrouver entre chaque heure pour lui raconter comment s'était passé son cours, il souriait lorsqu'il trouvait quelque chose de très intéressant dans un bouquin, juste parce qu'il s'imaginait la réaction d'Alexandre quand il lui montrerait. En bref, il aimait beaucoup son copain, il l'aimait peut être un peu plus que beaucoup. Seulement c'est Saul dont on parle, Saul qui est déjà bien incapable de reconnaître qu'il est amoureux d'Emma à quinze ans, alors à onze ans, comment pouvait-il deviner qu'il avait des sentiments pour un autre garçon ? « Je suis désolé d'être la cause de tout ton malheur » dit doucement Saul, la tête baissée sur ses chaussures. « Si j'avais su... » Eh bien quoi ? S'il avait su, rien du tout, les sentiments ça ne se contrôle pas.

Saul était mon meilleur ami à l'époque. Sans doute le meilleur ami que je n'ai jamais eu. Nous étions toujours fourrés ensemble. Il a réussi à me faire regretter de ne pas avoir été réparti à Serdaigle. J'avais l'impression que peu importe ce que je lui disais, il m'écoutait. Chaque matin je me réveillais et je pensais directement à ce que j'allais raconter à Saul. Il avait le don de rendre ce qu'il lisait intéressant à mes yeux. Chaque fois qu'il parlait, je buvais ses paroles. Au fond, je rêvais de pouvoir lui apprendre autant de chose que lui m'en apprenait.
Saul essaye de me rassurer comme il peut. Et il me demande comment il a fait son coup, comment il a fait pour me faire autant de mal. Mais ce n'est pas de sa faute ! C'est de la mienne à ne pas être normal ! « Je n'osais pas te le dire ! Comprends ça ! J'avais peur que tu me rejettes... » Surtout que ce n'est pas comme si j'étais une fille que Saul l'était. Je suis un garçon qui est tombé amoureux d'un garçon. C'est alors qu'il s'excuse d'être la "cause de mon malheur". Ce n'est pas lui qui me rendait malheureux.
« Non... Tu me rendais heureux Saul. C'est mon anormalité qui me rendait mal. » avoué-je. Je commence à sécher mes larmes. C'était définitivement chez moi qu'un truc clochait, pas chez lui. Je ne veux pas qu'il se sente mal à cause de moi. Je l'aimais et à la fois je me sentais tellement inférieur à lui. Mais il n'avait rien fait pour. « Saul... J'aimerais vraiment qu'on redevienne amis. Tu sais, j'adorais quand tu me parlais de ce que tu lisais dans les livres. Moi aussi je veux pouvoir t'apprendre des trucs. » dis-je en toute sincérité. Je crois qu'à l'heure actuelle, j'ai des choses à lui apprendre moi aussi. J'ai un peu arrêté de pleurer mais ma voix est toujours chargée d'émotion.

Dragées:

Les yeux du Serdaigle commencent à briller, lui qui est si sensible. « Mais je ne t'aurais jamais rejeté... » murmure Saul, bien qu'il sache que tout ça n'ait plus d'importance maintenant que cette histoire appartient au passé. Peut-être leurs vies auraient-elles été bien différentes s'ils avaient tous deux eu le courage de mettre des mots sur ce qu'ils ressentaient à l'époque. Mais c'est trop tard, à présent. De l'eau a coulé sous les ponts, Saul est devenu proche d'Emmeline, peut-être plus encore qu'il ne l'a jamais été d'Alexandre. Mais c'est normal, après tout, l'âge fait beaucoup. Il a mûri, son coeur aussi probablement. Lorsqu'Alexandre lui demande s'ils peuvent être amis à nouveau, le visage du Serdaigle s'éclaire et un large sourire se dessine sur ses lèvres. Pour le coup, ses yeux commencent sérieusement à lui picoter et ils se les frottent un instant en riant doucement d'un rire de joie pure incontrôlable. « Ça me ferait très plaisir, Alex, vraiment. Si tu savais toutes les découvertes que j'ai faites depuis toutes ces années, c'est clair que j'en ai des choses à te montrer ! Et j'adorerais en apprendre encore davantage de toi... » Saul secoue la tête, encore un peu incrédule quant à tout ce qui vient de se passer. Il est incapable de masquer son sourire et au bout d'un instant, il ajoute : « Il faut qu'on rattrape le temps perdu, tu ne crois pas ? »

Ses yeux brillaient. J'aimerais pouvoir penser qu'il ne m'aurait pas repousser. C'est assez particulier, comme situation... Cette histoire est au passé, maintenant. Je préfère me concentrer sur le présent et le futur désormais. Saul a un si beau sourire. Un sourire sincère. Il est heureux. Ça se voit. Sa joie est contagieuse. Je ne peux m'empêcher de sourire. J'ai l'impression qu'il pleure. Il accepte ma proposition. Le soulagement et la joie irradient tout mon corps. « Merci merci ! » dis-je en le prenant et le serrant dans mes bras. Il sent bon. Au bout de quelques secondes, je m'écarte et le regarde. Nous restons quelques secondes comme ça et il secoue la tête.
« Il faut qu'on rattrape le temps perdu, tu ne crois pas ? » Nous avons perdu tellement d'années. Comment peut-on les rattraper ? Il y a tellement à dire. Où nous en sommes dans nos vies. Les événements marquant... Je veux savoir si Saul s'est trouvée une petite-amie sans que je le sache, s'il a décidé de ce qu'il voulait faire plus tard, s'il a lu beaucoup de livres... Je ne sais pas par où commencer. J'ai l'impression d'être agité. « Alors... Qu'est-ce que tu deviens ? Tu as trouvé ta voie ? » Je ne vais pas directement lui demander des renseignements sur sa vie sentimentale. Je pense que cela le gênerait pas mal. Je ne sais même pas s'il va vouloir s'attarder dès maintenant. Mais je suis trop surexcité. Je devrais me calmer.