Kierán devinait, pour bien connaître sa meilleure amie, que les décisions qu'il avait prise en son âme et conscience la dérangeaient profondément. Il comprenait, et acceptait qu'il puisse être une quelconque déception de plus à ses yeux de traître. Après tout, comment réagir lorsque l'on apprenait qu'un proche en qui on avait confiance, tissait des liens douteux avec des gens qui avaient ruiné notre vie ? Il ne lui en voulait pas marquer aussi sobrement sa déception, tout comme il ne lui en voulait pas d'être une traître. On ne pouvait décemment pas en vouloir à quelqu'un pour être ce qu'il est. L'Irlandais était un opportuniste, un homme de bluff qui aimait changer les règles du jeu lorsqu'il trouvait celui-ci trop ennuyeux. Au fond, c'était peut-être par volonté de toucher à l'interdit qu'il avait consentit à aider les Mangemorts. Peut-être que Kierán, malgré tout le bon sens dont il savait faire preuve, avait besoin de voler près du soleil comme Icare, pour voir si ses propres ailes allaient brûler comme lui. Sa plus grande force à ses yeux, était qu'il connaissait les risques qu'il encourrait. Lorsque son amie cita les Prewett et les Ollivander, le jeune homme secoua la tête. Des membres de ces deux familles de sang-purs étaient morts et il trouvait que derrière cette phrase, se trouvait une légère accusation dont il ne savait pas vraiment quoi penser. Ce n'était pas à cause de lui qu'ils étaient morts et il n'y pouvait strictement rien. Des gens mourraient tous les jours, mais il serait bien fou celui qui oserait dire cela à voix haute devant elle. Son détachement vis-à-vis du sort des autres le protégeait autant que cela le blessait et il savait que la jeune femme n'était pas faite dans la même pierre que lui. C'est pour cela qu'il se garda d'ajouter quoi que ce soit et préféra se réfugier dans un silence qui n'était autre qu'un simple aveu de ses propres bêtises.
Il ne s'attendait pas, lorsqu'il était entré au Chaudron Baveur ce jour-là, à finir ainsi la soirée avec la jeune femme. Il pensait juste passer un bon moment, rire et pleurer ensemble sur leurs vies désagréables, boire quelque verres et filer rentrer chacun de leurs côtés. Il n'avait pas prévu cette infortune, et le langue-de-plomb devait bien admettre qu'il s'en voulait de ne pas avoir imaginé un seul instant que le torchon puisse brûler avec elle. Lorsqu'elle lui dit que la conversation la mettait mal à l'aise, et qu'elle préférait en rester là, Kierán compréhensif, lui répondit : « A ta guise » avec le même détachement qu'il avait admit ses méfaits. Elle sortit de sa poche des mornilles qui étaient largement suffisantes pour payer leurs deux consommations et avant qu'il ne puisse protester pour donner l'impression qu'il n'était pas complètement un salaud, elle partit. Un peu hébété par cette fin brusque de discussion, il la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle soit dehors et resta encore quelques minutes assit à sa place devant deux verres vides. Ce n'est que lorsque deux ivrognes renversèrent sa table qu'il sortit de son songe pour à son tour, quitter ce bar qui venait d'être témoin d'aveux funestes.