La mort de Walter avait eu l’air d’être quelque chose si même le gratin des sorciers flemmards avaient levé leurs fesses pour ce petit garçon qui avait fait la une. Comme les circonstances de la mort de son camarade de beuverie qui avait l’air de son point de vue aussi vivant qu’elle - ohlalala elle le voyait même double ! - lui semblaient plus mystérieuses que sa personnalité franche et directe ; elle se dit qu’il avait dû voler un article en quittant les vivants d’une manière spectaculaire. « Et t’es mort comment ? » voulut-elle savoir sans aucune pudeur en espérant même que ce serait un peu sale. Vraiment, s’il lui avait répondu tranquillement dans son lit, elle aurait été déçue. Elle-même s’était entourée de morts spectaculaires et non naturelles au cours de son enfance entre une mère que la dragoncelle avait emporté et un père auror balayé lors d’une mission. Une douleur - plus proche de la culpabilité que de la gastrite - se logea au fond de son estomac.

Elle secoua sa tête dangereusement - c’est qu’il aurait pu lui sortir du firewhisky jusque par les oreilles car elle était pleine et ronde comme un tonneau ! - pour chasser les tristes pensées autant que la perspective d’un alcool triste. Personne n’aime se retrouver à geindre sur sa vie entre deux gerbes d’alcool dans la cuvette d’un bar pourri. Elle manqua ainsi tout de l’affrontement des deux mâles alpha représentants de leur espèce et, fort heureusement, le non vampire des deux changea le sujet. Il avait vachement raison dans tout ce qu’il disait, pensait-elle en se concentrant sur le mouvement de ses lèvres comme si cela avait pu l’aider à distinguer le son qui en sortait, elle était une cracmolle et il ne s’était pas trompé de prénom. Mais qu’y avait-il d’autre à dire sur elle ? C’est qu’elle n’avait jamais eu sa tête dans aucune revue, son père avait même tout fait pour cacher sa maladie quand elle était devenue aussi peu révocable que non dissociable de son existence. « Naaaan ou alors juste à mi-temps » offrit-elle la même réponse à ses deux questions après un temps de réflexion. « J’suis très douée pour disparaître et pas réapparaître ceci dit » se nota-t-elle un talent certain en levant son index vers le plafond - alors sûrement qu’un tas de personnes pensent que j’suis morte » conclut-elle en papillonnant des yeux car la cracmolle aimait beaucoup saupoudrer la vie des tiers de sa superficialité et s’enfuir pour que jamais on ne l’attache. « Maintenant que je parle avec toi, laisse-moi te dire que je suis super jalouse et vexée de jamais avoir eu un enterrement à moi ! » déblatéra-t-elle aussi sérieusement que le lui permettait son état d’alcoolémie avancé. Et sans savoir d’où cela venait, juste parce qu’il lui avait demandé si elle avait un mec et qu’elle avait trouvé ses lèvres sexy quand elles bougeaient, elle ferma les yeux et se pencha vers lui pour lui rouler une galoche … mais s’effondra de son tabouret et ne mangea finalement que son genoux avec son menton. Aïe !

La chanson de la géante était à la fois hypnotisante et triste si bien que la tête de la cracmolle commençait à dodeliner et que son sourire commençait à s’affaisser. Elle se trouvait plongée dans une transe où il importait peu que les propos étranges qui lui étaient livrés soient ceux d’un homme honnête ou fou. « Tu es un honnête fou ! » le pointa-t-elle du doigt (lui ou son double car ça tournait vachement) incapable d’aligner des mots cohérents. Walter lui proposa alors d’organiser son enterrement et elle accepta de renoncer à la vie en embrassant les douces lèvres - qui se transformèrent en osseux genou - de l’incube.

Le reste de son corps suivit également la radicale loi de l’inertie et, en d’autres termes, elle tomba par terre. Walter retrouva toute sa conscience en même temps que Oona perdit tout de la sienne. Elle mourrait finalement de rire et se retrouva bientôt sur ses deux pieds sans savoir par quel sortilège. « Qu’est-ce que ça a l’air cool la magie ! » divaguait-elle encore. Elle ne remarqua que son nouvel ami ne se trouvait sur une autre longueur d’ondes que la sienne que lorsqu’il désira se retirer. « Nooooon ! » fit-elle comme une gamine en lui retenant la main avant de sauter sur ses deux pieds pour s’interrompre aussitôt (la mauvaise idée). « Tu as dit qu’on organisait mon enterrement ? Allez, ça a l’air trop cool ! ». Le fantôme tourna ailleurs son œil courroucé pour la deuxième fois de la soirée avec l’air de penser que les mortels étaient décidément bien peu respectueux. « Géronimoooo ! » s'égosilla-t-elle en se jetant tête la première sur une banquette. La vélane qui galochait maintenant un nain assis sur ses genoux s’en trouva chassée par un coup de bottine. La catastrophe ambulante s’arrêta heureusement ici pour rejoindre, sur les dernières notes de la chanson de la géante qu’elle accompagna d’un ronflement sonore, les confortables bras de Morphée.