Assise devant ma coiffeuse, je me laissais brosser les cheveux par Brownie, l'elfe de notre famille. Elle était douce et savait y faire, si bien que c'était devenu un rituel, elle me coiffant et moi méditant à ma condition de femme sang-pur dans cette société patriarcale, lorsque je ne me contentait pas tout simplement d'observer mon reflet dans le miroir qui me faisait face, selon mon humeur.
Lucius m'avait quitté il y a un peu moins d'une heure et j'avais besoin de cet instant de détente pour redescendre du nuage sur lequel il m'avait conduite. Son odeur imprégnait encore mes vêtements et je laissais aller mes pensées beaucoup plus loin que je ne me l'autorisais dans la réalité. J'en venais parfois à regretter moi-même cette règle idiote que je m'étais fixée de rester pure de sang comme de corps jusqu'à notre union.
Cassiopeia, devait me rendre visite ce jour-là et il me tardait de la voir. J'avais dans l'intention de lui demander d'être ma demoiselle d'honneur, rôle qui lui revenait de droit étant donné qu'elle était mon amie la plus chère. J'allais également offrir ce rôle à ma soeur Bellatrix, mais plus davantage pour la forme que pour le fond. Pour en revenir à Cassie, elle scellerait bientôt son union avec Evan, mon cousin que j'affectionnais tout particulièrement, lorsque celui-ci quitterait Poudlard pour de bon, et j'espérais bien occuper la même fonction à son mariage qu'elle au mien. Question de principe.
On frappa à la porte et Brownie interrompit son geste.
— Va lui ouvrir, lui dis-je, je descends dans une minute.
— Bien, Madame Cissy, j'y vais de ce pas...
Et l'elfe s'inclina si bas que son nez graisseux vint souiller mon plancher. Elle transplana et je l'entendis ouvrir la porte à notre invitée. Je fis face au grand miroir sur pied qui trônait dans un coin de ma chambre et inspectai une dernière fois mon reflet dans ses moindres détails. Mes cheveux blonds descendaient en cascade sur mon épaule et je portais la longue robe pourpre de la dernière collection de Tissard et Brodette. La broche de la tante Elladora que j'avais reçu pour mon anniversaire nouait les deux pans de la cape noire que j'avais enfilé sur mes épaules et lorsque je décrétai que tout était parfait, je quittai ma chambre et rejoignis Cassiopeia que Brownie avait introduite dans le salon.
— Cassie, me voilà, dis-je dans un grand sourire avant de venir déposer une bise délicate sur sa joue. Je ne t'ai pas trop fait attendre ? Comme je suis contente de te voir... Viens, asseyons-nous.
Et je désignai d'un geste de la main deux imposants fauteuils autour d'une table basse avant de me laisser tomber doucement dans l'un des deux.
— Brownie, apporte-nous de quoi grignoter, ordonnai-je à l'elfe qui s'inclina de nouveau avant de disparaître. Il faut tout leur dire... soupirai-je ensuite en me tournant de nouveau vers mon amie. Alors, darling, comment vas-tu, dis-moi ?

Je fronçai le nez en regardant l'emplacement d'où venait de disparaître Brownie et force m'était de constater que j'appréciais également ces elfes sans jamais les traiter d'égal à égal, évidemment. J'aimais à savoir Brownie toujours à mon service et je savais reconnaître sa soumission à mon égard. Ainsi me posai-je très souvent la question de savoir si Godric Gryffondor était réellement mieux et plus juste que Salazar Serpentard lorsque je voyais mon cousin Sirius s'attaquer avec autant de virulence à son elfe Kreattur qui ne faisait qu'être ce qu'on lui demandait d'être.
Cassiopeia poursuivit et je reportai toute mon attention sur elle en lui rendant son sourire.
— Evan est un très bon parti, dis-je en acquiesçant d'un signe de tête, et il est tout à fait charmant, je l'aime beaucoup.
J'étais à mille lieues d'imaginer ce que mon cousin préféré fabriquait dans l'enceinte de Poudlard, évidemment et probablement que cela n'aurait d'ailleurs en rien entaché la vision que je pouvais avoir de lui. Si j'approuvais l'union du Serpentard et de mon amie, j'approuvais en revanche beaucoup moins les leçons de piano que Cassie prenait avec un sang-mêlé mais je me contentai d'hausser les épaules.
— S'ils sont utiles, autant qu'ils nous servent... C'est un peu comme les gobelins, ajoutai-je d'une mine dégoûtée, on s'en passerait bien mais il faut reconnaître qu'il n'y a pas mieux qu'eux pour gérer notre or.
Puis Cassie me questionna au sujet de mon mariage et mon visage s'éclaira, tant parce que j'étais heureuse qu'on en vienne à parler de moi que parce que j'avais quelque chose à annoncer à mon amie.
— Ecoute, ça tombe bien que tu me parles du mariage, Cassie, dis-je en croisant les jambes et en me penchant un peu plus en avant, j'avais justement quelque chose à te demander à ce propos.
Je laissai planer un léger suspens afin que ma proposition fasse son petit effet et c'est d'ailleurs ce moment que choisit Brownie pour refaire son apparition, les bras chargés d'un plateau d'argent sur lequel étaient entreposés deux verres de vin blanc des elfes et quelques victuailles à la citrouille, spécialité de notre domestique à grandes oreilles. Je m'emparai d'une coupe puis, adressant un sourire amusé à ma meilleure amie, je poursuivis :
— Voilà, je voulais te demander si tu accepterais d'être ma demoiselle d'honneur à mon mariage lui demandai-je avant d'ajouter en riant : dis oui, je t'en supplie, j'en mourrais si je ne devais avoir que Bella à mes côtés !

Dans un geste théâtral, je laissai aller ma tête en arrière en soupirant de soulagement, la main posée sur ma poitrine et mes cheveux blonds tombant en cascade sur le dossier du fauteuil.
— Oh Cassie, dis-je en riant, tu ne sais pas à quel point tu m'ôtes un poids des épaules, je ne me voyais pas gérer ce mariage avec la seule aide de Bella, non mais tu l'imagines en demoiselle d'honneur ? Elle ne connait même pas la différence entre du taffetas, de l'organza et du velours.
J'avalai une longue gorgée de mon vin des elfes, les yeux pétillants. J'étais ravie que Cassie accepte même si je n'avais jamais eu de doute quant à cela. Je ne pouvais imaginer quelqu'un d'autre que ma meilleure amie pour remplir ce rôle, je ne connaissais personne d'aussi distingué et classe qu'elle pouvait l'être au quotidien. Bella, à force de traîner avec Rodolphus et Rabastan, était devenue le troisième frère de la fratrie Lestrange ; il y avait également Fluvia mais je ne m'entendais pas aussi bien avec elle qu'avec Cassiopeia, puis les rumeurs qui couraient sur elle, comme quoi elle se serait souillé avec un impur avant son mariage... comme quoi elle aurait perdu son bébé dans le déshonneur le plus total... Tout cela me la rendait trop vulgaire pour que j'ose lui donner une place aussi importante dans ma vie ; Lyssa serait beaucoup trop occupée avec son enfant pour avoir du temps pour moi et Mildred, c'était un non sans justification. Ce rôle était pour Cassie, elle allait être parfaite à mes côtés.
— Tu seras à la table d'honneur, chérie, lui dis-je en un sourire qui se voulait rassurant. Evan et toi serez à la table des mariés, ainsi tu seras aux premières loges pour séparer Bella de Lucius si elle venait à lui sauter à la cape !
Et je ris de plus belle avant de m'emparer d'un petit feuilleté à la citrouille que j'engloutis en deux bouchées.
— Il me semble que Lucius m'avait parlé de Walden dans le rôle de garçon d'honneur, ajoutai-je avant de pousser un « han ! » un peu disgracieux que je camouflai derrière une gorgée de vin des elfes lorsque Cassie mentionna la lune de miel. Tu n'imagines pas à quel point j'ai hâte, c'est... je me penchai un peu en avant et lançai un regard aux tableaux autour de nous avant d'ajouter tout bas, la main en porte-voix : c'est une torture, une véritable torture d'attendre, à chacun de ses contacts sur ma peau, je suis comme une potion sur le feu, tout boue en moi, et... et je me laissai aller en arrière en un gémissement de frustration puis je poursuivis, plus haut : mais bien sûr, tu n'en dis rien, évidemment. Est-ce que c'est pareil entre Evan et toi ? N'est-ce pas trop dur de le savoir à Poudlard quand toi tu n'y es pas ?
A présent que je réalisais que je m'étais beaucoup épanchée sur ma vie privée, il fallait que je compense en m’immisçant dans celle des autres.

J'hochai la tête en haussant les sourcils, l'air de celle qui comprenait parfaitement le calvaire que pouvait vivre sa meilleure amie. L'abstinence avant le mariage était ce qu'on avait inventé de pire, surtout que nous, petites filles, étions éduquées afin d'être parfaitement pures tout en étant désirables par le plus grand monde. Ainsi la chasteté était une frustration pour nous comme pour ces messieurs que nous nous devions de divertir par nos grands esprits sans jamais fauter en leur compagnie afin de préserver cet hymen qui était un gage de pureté presque aussi important que le sang qui coulait dans nos veines.
— Je comprends, acquiesçai-je en me penchant en avant pour venir déposer une main compatissante sur le genou de Cassiopeia.
J'avais, quant à moi, cette chance de pouvoir côtoyer Lucius aussi souvent que je le désirais bien que nous ne vivions pas encore sous le même toit, tandis qu'Evan était à Poudlard, enfermé entre les murs de ce château et je comprenais le manque que pouvait ressentir mon amie. Aurais-je moi-même pu supporter un tel éloignement entre mon fiancé et moi ?
Mais la confession qui suivit me surpris tant que j'ôtai ma main du genou de Cassie et me redressai, le dos droit, mes lèvres formant un « O » d'étonnement. Ainsi, Evan...
— En es-tu sûre ? demandai-je, malgré le fait que Cassiopeia semblait certaine de ce qu'elle avançait. Les rumeurs, tu sais ce que c'est... Une sale petite goule jalouse peut te faire croire n'importe quoi rien que pour ruiner ton futur mariage.
Et je savais de quoi je parlais pour avoir été une de ces goules à maintes reprises durant mes années Poudlard. Bon, et pour être tout à fait honnête, je n'avais véritablement jamais cessé d'en être une.
— Des rumeurs de quel ordre, au juste ? tentai-je de savoir bien qu'il était aisé de deviner de quoi il était question.

Avais-je réellement été surprise ? Sur le moment, oui. Mais à y réfléchir, avec du recul, il n'y avait là rien d'étonnant dans le comportement de mon cousin. Il avait été dans son tempérament -comme tout mâle sang-pur- de dominer les autres et, comme avant le mariage il lui fut impossible d'assouvir son besoin de domination sur Cassiopeia, forcément qu'il se laissa aller à ses plus bas instincts avec d'autres que sa future épouse. C'était ainsi, le système sang-pur et j'avais cette chance que Lucius ait été assez patient pour ne pas fauter avant notre union -du moins l'espérais-je.
Sous le choc que me procura cette révélation, ma main droite se plaqua contre ma bouche -à peine, juste assez pour ne pas non plus abîmer mon rouge à lèvres. Cassie semblait garder la tête haute et je ne pouvais que l'en féliciter. A sa place, probablement aurais-je tué et la maitresse, et Lucius.
— Quel est ton plan ? lui demandai-je en reposant doucement ma main sur ma cuisse tout en arborant un sourire mauvais de celle qui, peu importe la mission, veut en être.
Après tout, je n'avais nulle doute quant au fait que Cassie en aurait fait de même pour moi. J'étais prête à l'aider de tout mon être, il était inconcevable que je laisse une vulgaire impure salir la réputation de ma meilleure amie, quels que soient les nombreux atouts qu'elle avait pour faire revenir son infidèle fiancé sous ses jupons -du moins non loin de ceux-ci sans s'engouffrer dessous avant l'union sacré. Mais aussi motivée que je fus à ce moment-là, j'espérais tout de même que la réalisation du plan de Cassie puisse se faire après mon propre mariage...

Cassiopeia m'exposa son plan et j'acquiesçai d'un léger signe de tête. Si l'impure avait été assez cruche pour se laisser avoir par Evan -car qu'on se le dise, je connaissais assez mon cousin pour savoir qu'elle n'était qu'un jeu pour lui, rien de plus- elle se laisserait surement berner par la lettre de ma meilleure amie.
— M'est avis qu'il serait fort cruel de l'empoisonner et d'attendre qu'elle te supplie de lui administrer le contre-poison, fis-je dans un sourire qui exprimait toute l'ironie de mes propos. Mais si tu dois en passer par là pour prendre Evan au collet, alors qui serais-je pour te retenir ?
Je portai ma coupe de vin des elfes à mes lèvres et en bus une longue gorgée avant de m'installer plus confortablement dans le fauteuil dans lequel j'étais assise, croisant mes longues jambes blanches. je picorai un petit four à la citrouille en prenant soin d'éviter que les miettes ne tombent sur ma robe, puis j'adressai un sourire indéchiffrable à Cassie.
— Je pourrais te fournir ce poison, dis-je d'une voix posée en faisant tourner mon verre entre mes doigts tandis que Brownie resservait déjà Cassiopeia. Que voudrais-tu qu'il lui arrive ?
Lucius avait assez de contact au ministère et parmi les mangemorts pour me fournir tous les artefacts de magie noire qu'il m'était possible d'imaginer. Si, de mes relations, je pouvais en faire profiter ma demoiselle d'honneur, c'était avec joie.

— Mon prochain, non ! Mais ma meilleure amie, toujours, rectifiai-je dans un sourire entendu.
Cassiopeia m'exposa le type de potions qu'elle souhaitait faire ingurgiter à la pauvre petite impure et des idées de poisons me venaient en tête, tandis que Cassie changeait de sujet du tout en tout en me demandant où nous comptions nous installer, Lucius et moi, après la noce.
— Ne viendras-tu me rendre visite si je te disais que nous allions vivre dans la demeure d'Abraxas ? demandai-je, le regard rieur avant d'ajouter : Je te fais marcher, le Manoir Malefoy est d'ores et déjà prêt à nous accueillir, il appartenait à l'un des ancêtres de Lucius et il se situe dans le Wiltshire.
Cassie me connaissait assez pour savoir que jamais je n'aurais pu tolérer partager ma demeure, et par conséquent ma vie, avec une autre famille que celle que je m'étais créée. Si j'étais faussement docile, j'avais surtout un caractère indépendant qui n'acceptait pas que l'on décide à sa place.
— Tu sais très bien que je n'aurais pu supporter la maniaquerie d'Annabeth plus d'une journée ! ajoutai-je dans un sourire moqueur. L'avantage d'Evan, c'est que tu n'auras pas de belle-mère à te coltiner... Quand allez-vous sceller votre union déjà, Evan et toi ? demandai-je en replaçant d'un geste de la main l'une de mes longues mèches blondes derrière mon oreille droite.