C'était fait. La volonté paternelle avait une nouvelle fois vaincu, et Rodolphus avait lié ses jours à ceux de l'épouvantable héritière des Black, malgré son penchant prononcé pour sa douce cadette. Aux invités qui s'étaient pressés à l'issue de la cérémonie de lui présenter leurs vœux de bonheur, il avait présenté un masque de charmante impassibilité, quand bien même en son for intérieur il rêvait d'envoyer son poing dans le mur le plus proche, ou le visage de son cher paternel qui se rengorgeait de fierté à quelques pas de lui. Morpheus l'avait affublé pour l'éternité de la souillon la plus mal élevée de tout le règne sorcier, et semblait en éprouver la plus grande satisfaction. Sur le papier, Bellatrix et lui avaient pourtant tout pour former le couple idéal : issus des dynasties les plus pures, héritiers de deux noms particulièrement puissants, déjà réputés pour leur magie et leur combativité, et pour ne rien gâter relativement séduisants, ces deux âmes fortes auraient dû se plaire. Auraient pu se plaire. Mais ils n'avaient pas vraiment eu l'opportunité (ni même l'envie !) d'apprendre à se connaître et s'apprécier à une autre valeur que celle de la dot de Bellatrix, qui avait suffi à convaincre Morpheus que cette union était hautement désirable quand bien même son fils n'en voulait pas. Mais personne ne s'opposait au patriarche Lestrange, et à présent le clan s'agrandissait et une nouveau fil d'or reliait une fois encore les deux familles, déjà riches d'unions désastreuses.

Le repas fut somptueux grâce à l'argent déboursé sans compter par les Black, les invités régalés, et les mariés assis à la table d'honneur n'échangèrent pas un mot de toute la journée. Morpheus lui lança bien à deux ou trois reprises de noirs regards l'invitant à s'adresser à sa charmante épouse, à peine moins renfrognée que lui, mais Rodolphus s'évertua à l'ignorer pour passer le plus clair de son repas à échanger avec Rabastan. De son côté, Bellatrix ne fit pas le moindre effort pour personne, et n'ouvrit quasiment pas la bouche de l'entrée au dessert. Ils devaient tous deux ressembler aux deux mariés les moins heureux du monde, mais pour être honnête Rodolphus n'en avait cure : il n'était pas heureux de cette union, et n'était pas décidé à le camoufler. Le jeune Mangemort se plaisait à cultiver sa réputation de grande franchise, d'une part parce qu'elle lui permettait d'être cru sans le moindre doute quoi qu'il dise, et parce qu'elle entraînait une sorte de douce crainte chez ses acolytes, souvent réputés pour leur langue fourchue et leurs manigances qu'il se plaisait à afficher sans vergogne. Il trouva cependant dans ses derniers retranchements assez de courtoisie pour saluer les derniers invités qui se décidaient enfin à quitter la demeure Lestrange, mais sitôt la porte fermée, la réalité de sa situation le rattrapa tandis que Morpheus, accompagné des parents Black qui étaient restés (ne faisaient-ils pas à présent partie de la famille ?), se tournait vers lui avec un sourire entendu qui dénotait fort avec son regard sévère.
— Eh bien, ce fut une réception très réussie, minauda-t-il en quêtant du regard l'approbation des parents de Bellatrix, mais Laevinia et moi sommes bien fatigués. Sans doute devrions-nous rejoindre nos chambres respectives, d'autant que ces deux jeunes gens ont probablement hâte de se retrouver en tête-à-tête, insinua-t-il en se tournant vers son aîné, livide. La nuit de noces. La perspective de se retrouver seul avec Bellatrix dans une chambre emplissait Rodolphus d'effroi depuis de longues semaines : que lui dire ? Que faire ? Le jeune homme n'avait toujours pas la réponse, alors même qu'il suivait sa mère qui les conduisait, Bellatrix et lui, vers la chambre de Rodolphus qui avait été spécialement aménagée pour cette occasion si spéciale. Une immonde flagrance de fleurs le prit au nez dès qu'ils passèrent le seuil de la porte, et le fit froncer du nez tandis que Laevinia s'éclipsait et refermait la porte derrière eux. Sans hésiter, Rodolphus se dirigea vers une commode sur laquelle avait été laissée une carafe de scotch et deux verres qu'il remplit sans autre forme de procès.
— Tu bois ? s'enquit-il en se tournant vers Bellatrix qui était restée près de la porte, en lui tendant l'un des verres. Qu'elle réponde oui, et cela leur ferait au moins un point en commun.

Rodolphus suivit pensivement du regard la frêle silhouette blanche de sa nouvelle épouse tandis que celle-ci se laissait tomber sur le lit qu'ils étaient maintenant sommés de partager. Sans doute Bellatrix était-elle à la hauteur de sa réputation de jolie femme, avec ses épaisses boucles brunes, et ses yeux sombres comme la nuit. Elle avait un certain maintien, une certaine grâce dans ses mouvements qui trahissait sa bonne éducation, malgré le soin qu'elle mettait à empreindre le moindre de ses gestes de sauvagerie. Elle devait finalement beaucoup ressembler à Narcissa et Andromeda... Mais avait décidé qu'elle ne serait pas comme ces jolies jeunes soeurs, délicates et calmes. Et c'était lui, Rodolphus, qui en ferait les frais.
Ses doigts frôlèrent ceux de Bellatrix lorsque cette dernière s'empara de son verre, et un léger frisson parcourut l'échine de Rodolphus. Lui ôterait-il ses vêtements ce soir ? Feraient-ils au contraire chambre à part ? Cette incapacité à prévoir les prochaines heures de sa vie avait le don de faire s'emballer son rythme cardiaque et gambader son cerveau trop carthésien. L'aîné Lestrange était d'une froideur tactique telle qu'il ne laissait rien au hasard, mais face à sa jeune épouse, force était de constater qu'il était totalement démuni. Quel plan adopter, quelle stratégie mettre en place, pour atteindre quel but ? Son objectif était-il d'obéir à l'ordre établi qui voulait qu'il couche ce soir avec sa femme ? Rodolphus ne parvenait pas à le savoir, par conséquent il ne savait que faire. En désespoir de cause, il porta son verre à ses lèvres, les yeux toujours rivés sur Bellatrix, et avala une gorgée de boisson.
— Sans doute pas, reconnut-il tandis qu'elle se plaignait qu'un verre ne serait pas suffisant. Tu découvriras bien assez tôt qu'un seul verre est rarement suffisant, dans cette maison... murmura-t-il d'une voix lugubre en s'adossant contre le mur en face du lit, face à Bellatrix. Tu es vraiment belle, prétendit-il finalement avant de porter de nouveau son verre à ses lèvres, sans la quitter du regard. Sa mère lui avait toujours répété que les femmes adoraient les compliments... Peut-être qu'ainsi, son heureuse épouse cesserait de lui faire la gueule ?

A la grande surprise du jeune homme, sa remarque eut le don d'arracher un léger rire à son épouse. Il n'avait pas cherché à être drôle, et ne trouvait pas que le sujet s'y prêtait véritablement. Se moquait-elle de lui, cherchait-elle à l'amadouer avec ce qu'elle devait considérer comme un artifice de charme ? Ou bien cet éclat de rire cachait-il autre chose de plus profond sur lequel elle ne voulait s'épancher ? Rodolphus n'en savait rien, mais il dût bien vite masquer son léger trouble car Bellatrix retrouvait son sérieux et rebondissait sur son compliment. Il ne savait pas bien que répondre à sa femme : s'engageaient-ils tous deux dans une partie de poker menteur, ou bien était-ce le moment où l'honnêteté, à défaut de l'amour, commençait à primer entre eux ? S'il mentait, risquait-il de le regretter ? S'il faisait preuve d'honnêteté, allait-il foutre en l'air son mariage dès la nuit de noces ? Tout entier à ses interrogations, Rodolphus s'était arraché à son mur pour retourner remplir son verre et ainsi justifier son long silence. La dernière réplique de Bellatrix eut toutefois le don de le faire tiquer, et il jeta un bref regard sévère sur elle.
— Merveilleux, dois-je comprendre que je suis désormais lié à vie à une intrigante ? ironisa-t-il en remplissant son verre à ras bord sans en proposer de nouveau à la créature du mal étalée sur son lit. Je ne suis pas de ces gens-là, répondit-il finalement en reposant la bouteille sur son plateau. A choisir entre le respect de ses principes et une hypothétique félicité conjugale, il décidait de faire le choix de ses principes : que Bellatrix lui mente si telle était sa nature, lui ne s'abaisserait pas à camoufler ses pensées et ses opinions pour elle. De toute façon, il avait l'impression que quel que soit le choix qu'il fasse, il ressortirait grand perdant de cette histoire. Mais Rodolphus Lestrange n'était pas de la catégorie des victimes, et n'avait pas l'intention de s'écraser dans l'espoir de plaire à celle qui lui appartenait déjà corps et âme. Je pense que tu es belle dans ton genre, confirma-t-il plus tranquillement après avoir avalé une nouvelle gorgée de boisson, mais que ce genre n'est pas le mien. Alea jacta est, Rodolphus Lestrange venait officiellement de renoncer à une vie de félicité conjugale.

Bellatrix avait de ces sens de l'humour désagréables, de ceux dont on ne sait pas si l'on doit rire aux larmes ou pleurer au désespoir. Certains étaient effarés et le montraient, d'autres ne le montraient pas et Rodolphus devait faire parti de ces gens-là. Le pauvre homme ne savait pas encore dans les bras de quelle femme il venait de tomber et cela ravissait sa toute nouvelle épouse. La Black maintenant Lestrange aimait les feux d'artifices et les explosions, le démontrait d'ailleurs bien son caractère éclatant de non-sens. Elle aimait ce qui était illogique, ce qui était ignoble ce qui ne valait pas la peine d'être vécu. Son âme noire pourrie de suie ne saurait se lasser de tout cela malgré son jeune âge, et son époux ne le savait pas. Au regard sévère qu'il lui adressa, elle répondit par un sourire autrement plus provocateur. Qu'il était bon de savoir qu'elle menait la danse se disait-elle naïvement finalement. Tous les deux devaient penser mener la conversation sans qu'aucun ne se démarque particulièrement. "Libre à toi de comprendre ce que tu veux !" répondit l'effrontée d'un air badin. Mais elle désirait tout de même obtenir la réponse à sa question, que ce soit par la force, par la manipulation, ou par tout autre moyen...
Il lui semblait qu'il se méfiait d'elle, qu'il réfléchissait à ses paroles. Elle n'était guère perspicace la pauvre femme, alors elle ne savait si c'était par respect, par crainte ou par volonté de ne pas faire exploser le cocotier le soir de leur union. "Bah voyons" ricana-t-elle à la porte dérobée qu'il venait d'emprunter pour lui répondre, "mais j'apprécie". Quelle arrogance. Autant dire les choses telles qu'elles étaient. Cependant, elle ne s'abaissera pas à lui donner son point de vue sur lui, elle préférait amplement qu'il ne sache pas ce qu'elle pensait - pour peu que cela lui importait, à dire vrai. Elle vida son verre cul sec et le laissa tomber sur le lit de manière théâtrale, comme elle n'avait guère plus soif. "Quelle longue longue nuit qui s'annonce...".

Rodolphus n'appréciait décidément pas le ton sur lequel son effrontée jeune épouse s'adressait à lui, et se surprit à regretter une nouvelle fois amèrement que Narcissa ne soit pas assise sur son lit à la place de sa grande sœur. Il y avait fort à parier que jamais la benjamine des Black n'aurait osé lui tenir ainsi tête...
— J'ai la fâcheuse tendance à toujours comprendre le pire, la prévint-il sur le même ton badin, mais les yeux froids comme la glace, ça risque très vite de devenir assez désagréable pour toi si tu t'obstines à parler en énigmes. L'avertissement, à peine voilé, allait peut-être avoir le don de glacer encore un peu plus l'ambiance entre les deux jeunes époux, mais en y réfléchissant, Rodolphus faisait là une sorte de fleur à sa femme en lui donnant un moyen assez simple de ne pas voir son nouveau quotidien plus pourri qu'il n'était déjà destiné à le devenir.
— Rendre ma femme heureuse est maintenant mon premier devoir, prétendit-il avec un petit sourire doucereux avant de tremper de plus belle ses lèvres dans son verre qui s'était de nouveau vidé à une vitesse alarmante. C'était évidemment un mensonge éhonté, il se fichait bien de la rendre heureuse ou non, surtout tant qu'elle s'adressait à lui avec une telle impertinence. Tu épouseras une fille de bonne famille, s'était-il entendu dire toute sa vie par son père. Qu'elle était distinguée, sa femme de bonne famille qui se roulait dans son lit comme une souillon dans sa robe blanche !
— Il ne tient qu'à toi de la rendre plus courte, révéla-t-il à sa compagne en dardant de nouveau sur elle son sombre et indéchiffrable regard. Simple curiosité, es-tu au fait de ce que de jeunes mariés conventionnels font de leur nuit de noces ? Rodolphus ne savait pas bien ce qu'il espérait qu'elle réponde à cela. Apprécierait-il d'apprendre qu'il venait de récupérer une épouse non seulement insupportable mais de surcroît vierge, ou au contraire une gourgandine déjà déflorée par un autre ?

L'avertissement de Rodolphus ne tombait pas dans l'oreille d'une sourde. Mais s'il pensait un seul instant qu'il lui faisait peur, avec son air de coq qui veut faire régner le patriarcat dans le poulailler, il se trompait comme un bleu. "Tu avertis ou menaces ?" demanda l'effrontée en levant son sourcil pour marquer son amusement. Car le Lestrange en effet, ne lui faisait pas peur. Bellatrix avait compris qu'il ne fallait avoir peur de personne pour se faire une place et se forger une légende. Elle comptait réussir et son époux, qu'il s'appelle Lestrange, MacNair ou Carrow, n'allait pas lui mettre le moindre frein dans sa quête de grandeur. "Comme je suis soucieuse, contrairement à toi, de maintenir une bonne entente pour notre nuit de noce, je ferais comme si ce n'était ni l'un ni l'autre" enchaîna-t-elle rapidement. Autant passer vite à autre chose, en tout cas sur l'instant. Elle n'oubliera pas ces quelques mots murmurés non loin de l'oreiller où ils étaient censés s'unir véritablement pour la vie. L'homme essayait peut-être de réparer ses impairs se dit-elle, démunie face à son ton badin. Il disait vouloir la rendre heureuse. N'était-ce pas, outre un terrible affront, un terrible mensonge également ? Tout n'était que mensonge, savoir qu'on lui avait menti sur la matière de sa robe ne l'aurait pas plus étonnée. Aussi ne répondit-elle pas à ses paroles. Plutôt mourir pensait-elle avec ardeur, que de prétendre vouloir le rendre heureux, lui. Bellatrix ne servait que sa personne et elle était son maître. Essayer de rendre heureux un autre être humain, ou tout du moins, prétendre vouloir le faire, c'était poser un genou à terre. Jamais elle ne se prosternera devant lui.
La question qu'il lui posa par derrière, cette fois-ci, étira un sourire plus mutin et sans doute plus sincère sur les lèvres de la nouvelle mariée. Si d'autres femmes n'étaient pas au courant de grand chose, Bellatrix, elle, avait la tête sur les épaules. Et elle aurait pu être vexée qu'il la prenne pour la sotte Narcissa ou la naïve Andromeda. "Mmh" émit-elle comme simple son pour faire durer le suspens, " à ton avis ?". Elle se mordit la lèvre inférieure comme si c'était un indice. Si elle savait comment marchait les choses, elle n'avait cependant jamais essayé. Car bien qu'elle clamait le contraire, elle avait longtemps craint la réaction de son père s'il apprenait que sa fille était une véritable dépravée.

La provocante question de Bellatrix fusa immédiatement, et eut contre toute attente le don d'arracher un petit sourire à son époux. Et malgré la pieuse résolution de sa femme de ne pas poursuivre sur ce sujet de peur d'entacher leur nuit de noces, Rodolphus ne se priva pas de répondre à sa question pourtant rhétorique.  
— Je menace, confirma-t-il tout à fait tranquillement en reposant son verre pour croiser les bras et s'adosser de plus belle au mur. L'avertissement relève d'une forme de générosité qui m'est malheureusement complètement inconnue. Avertir quelqu'un d'un danger revenait à lui donner les moyens d'éviter de souffrir, après tout. Avait-elle cru qu'il travaillait pour le secours populaire sorcier ? Pour quelle raison voudrait-il faire cela, surtout à elle ?
Les quelques mutines secondes que prit Bellatrix avant de répondre à sa nouvelle question eurent le don d'intriguer Rodolphus, qui était bien incapable de déterminer si oui ou non sa femme était au fait de ces choses-là. L'insupportable tranquillité dont elle faisait preuve tendait à lui faire croire qu'elle n'en était pas à son coup d'essai. Cette assurance toutefois pouvait se révéler n'être qu'une façade, et un moyen pour elle de garder un semblant de maîtrise sur la situation. De ces deux théories, Rodolphus ne savait laquelle retenir.
— Ton père t'a vendue comme étant encore pure, répondit-il en éludant la question dans un premier temps, plus soucieux de piquer sa femme en utilisant ce terme de "vendre", qui correspondait tout à fait à la situation, et lui rappeler que leur mariage n'était qu'un marché. Mais à te voir je commence à avoir de sérieux doutes. Délivrée d'une voix plate et complètement dénuée de mépris comme de curiosité, cette réponse, qui relevait d'une observation, ressemblait pourtant diablement à une insulte pour la jeune femme en face de lui.

A la grande surprise de Bellatrix qui s'était sentie miséricordieuse de lui accorder le bénéfice du doute, Rodolphus sauta les pieds joints dans un trou dont il n'avait sans doute pas évalué la profondeur. Et tant de témérité, si elle était d'une certaine manière séduisante, était également affreusement frustrante pour cette joueuse de carte qui aimait avoir des jokers dans sa manche. Maintenant qu'elle était toute relevée, elle commença à retirer les épingles de ses cheveux pour les laisser tomber au sol sans guère plus s'en soucier. Elle n'avait jamais aimé les chaînes, ou les autres marques sociales qui l'empêchaient d'être elle-même. Et son jeune époux, l'empêchait d'une certaine manière d'être elle-même. La provoquait-il pour la voir réagir ? Ou la provoquait-il pour être clair à ce sujet ? La jeune femme se trouvait étrangement prise entre deux sentiments. "Fais attention" dit-elle en sachant que ces deux seuls mots ne lui plairaient pas, "je ne suis pas moi-même réputée pour être d'une générosité sans faille". Elle posa ses yeux sombres sur lui pour lui faire comprendre qu'elle n'était ni Narcissa, ni Andromeda. Elle était Bellatrix Black. "Je suppose que qui se ressemble s'assemble" préféra-t-elle formuler immédiatement après. La jeune femme ne comprenait pas pourquoi le Lestrange était si direct, au risque de la froisser. Pensait-il que cela la séduirait ? Ou ne pouvait-il pas s'empêcher de jouer au mâle dominent ? La deuxième solution lui paraissait être la plus logique et la plus fidèle au personnage, mais peut-être aussi se fourvoyait-elle. Bellatrix ne se rendait elle-même pas compte du jeu auquel elle jouait, et c'était probablement aussi le cas de Rodolphus ce soir. Pour l'heure, ils se jaugeaient encore. "Alors tu dois faire confiance à mon père" outrepassa-t-elle le terme de "vendre" pour ne pas lui accorder cette victoire-là, "car douter signifierait que tu prends le tien pour un fou capable d'être leurré". C'est pathétique, n'ajouta-t-elle pas.
Finalement, après quelques secondes d'observation derrière ses paupières lourdes, elle décida de passer elle-même à l'attaque, car les hommes n'étaient pas les seuls dotés de dents pour déchiqueter la chair de leurs proies. "Mais si tu ne fais rien, tu n'en sauras jamais rien de toute manière. On t'a vendu comme étant un être capable, saches-le" susurra-t-elle en enlevant la dernière épingle pour laisser ses cheveux de jais s'échapper naturellement de leur coiffure de noces. Le "cling" dans lequel elle tomba fut le seul bruit, à ce moment-là, à déranger le silence assourdissant dans lequel ils étaient tous les deux plongés.  

Tout en continuant de lui parler, Bellatrix s'était redressée et avait entrepris de défaire sa coiffure de jeune mariée. Très vite, les épaisses boucles brunes, libérées de leur carcan épineux, commencèrent à dévaler le dos de la jeune femme et Rodolphus se garda bien de protester. Il avait toujours eu un faible pour les cheveux des femmes, sans jamais le reconnaître toutefois. La femme tenait là, selon lui, l'une de ses plus belles armes et probablement la plus simple à utiliser. Les yeux d'une femme avaient également un pouvoir indéniable, mais comme reflets de l'âme, ils trahissaient trop facilement des émotions contradictoires. Le sourire aussi, mais Rodolphus trouvait horripilantes ces petites créatures qui montraient trop facilement leurs dents, sans raison valable. La chevelure, elle, ne prétendait pas, ne mentait pas, et avait toujours quelque chose d'intéressant à dire. Longue et lisse, courte et indisciplinée, relevée en chignon négligé ou non... Rodolphus aimait les nuques dégagées, et appréciait la finesse et la distinction d'un maintien quand il en croisait un, Narcissa Malefoy restant à ce sujet sa référence absolue. Pourtant, l'héritier Lestrange se laissa captiver par la vision de sa toute nouvelle femme relâchant son épaisse et glorieuse chevelure, et lui trouva dans ce geste tout autant de noblesse et de prestance qu'à sa jeune sœur... Dans un style complètement opposé. Rodolphus ne reprit ses esprits qu'en entendant Bellatrix l'avertir qu'elle n'était pas non plus connue pour sa gentillesse.
— Je sais bien, lui rétorqua-t-il tranquillement, les Black ne sont pas spécialement réputés pour ça... Et toi moins que toutes les autres, conclut-il avec un petit rire entendu. Il s'était évidemment un peu renseigné sur celle qu'il allait marier, et s'il n'avait pas détesté ce qu'il avait découvert, il ne s'en était pas pour autant réjoui. Il allait après tout récupérer pour femme l'une des créatures les plus incontrôlables de tout le gotha sorcier, et gérer une épouse n'avait jamais vraiment été dans ses plans de vie... Mais qu'est-ce que Morpheus pouvait bien en avoir à faire, après tout ?
— Je serais bien sot de faire confiance à mon père, ricana-t-il en réponse à la naïve assertion de Bellatrix. Il y avait peu de choses dont Rodolphus était aussi sûr dans la vie, mais c'était pour lui une certitude : rien de ce que disait ou faisait Morpheus Lestrange ne poursuivait d'autre but que ses propres intérêts, et les siens seuls. En tant que chair de sa chair, Rodolphus avait du moins l'assurance que son père n'irait jamais à l'encontre de l'honneur de sa famille. Pour le reste... Le patriarche Lestrange était capable de tout, et surtout du pire. Mais l'heure n'était pas à penser à Morpheus, relégué à une autre aile du manoir et occupé à Merlin seul pouvait imaginer quel sombre dessein. Pour la première fois de la journée, sa charmante épouse semblait faire un pas vers lui, et leur piquante joute verbale, assortie à l'alcool, à ce langoureux spectacle capillaire et au regard que Bellatrix lançait sur lui, eurent le don de réveiller en lui une primaire sensation d'attraction. Rodolphus quitta le mur contre lequel il était adossé pour se rapprocher d'elle, réduisant la distance entre eux à moins d'un pas, le regard soudain assombri par le désir.
— Un être capable de quoi donc ? souffla-t-il en direction de Bellatrix, frêle créature qu'il dominait d'une bonne tête... Rodolphus poussa l'audace jusqu'à frôler du bout des doigts l'opulente chevelure de Bellatrix.

Bellatrix prenait un soin particulier à retirer les épingles de sa coiffure de mariage. Elle était de ces femmes qui aimaient laisser la liberté à leur lourde crinière, davantage à l'aise les cheveux au vent que ceux-ci relevés en chignon. Peut lui importait la manière dont allait se finir cette soirée, il fallait au moins qu'elle puisse dormir paisiblement après une journée si chargée. Le rire amusé de Rodolphus coupa un instant la conversation comme elle répondait par le sien. Qu'il était étrange de rire avec cet homme qu'elle n'aimait pas, alors qu'ils allaient passer ensemble leur nuit de noces pensait-elle sans s'arrêter dans sa besogne. Mais peut-être était-ce également préférable à un combat de lion, qu'elle ne pourrait remporter, elle le savait, sans sa baguette. Son arme de sorcière lui avait été habilement confisquée par sa mère avant qu'elle ne se retire avec son époux dans la chambre matrimoniale. Sans doute que la pauvre Druella avait peur de l'éclaboussure d'un vilain scandale. Mais il était plus simple de s'en sortir avec l'aide de ce qui faisait son identité. Sa mère avait un caractère épouvantable, et s'accordait bien avec Morpheus Lestrange s'était-elle dit pendant le fastueux dîner. Le patriarche de sa nouvelle famille lui paraissait être un fin joueur d'échec, elle ne pouvait pas le nier. Mais jusqu'à quel point avait-il une emprise sur ses deux héritiers ? "Il est bon de conserver sa liberté" osa-t-elle formuler, comme pour l'encourager. Cependant, la jeune Lestrange ne s'attendit pas à le retrouver si proche d'elle lorsqu'elle voulu se retourner pour le toiser. Il y avait une ombre dans les yeux de Rodolphus qu'elle ne s'était pas attendue à apercevoir, malgré son invitation guère subtile pourtant à venir vers elle. L'ancienne Black plongea ses yeux sombres dans ceux de son nouvel époux, et un petit sourire vînt fleurir ses lèvres. Il n'était, pour une fois, ni moqueur ni mauvais. Il s'agissait d'un sourire que rares étaient les élus qui l'avait vu sur les lèvres de Bellatrix. Pourtant, si elle connaissait la coutume le soir de la nuit de noce, elle craignait, bien au fond d'elle, de tout gâcher. C'est donc hésitante qu'elle leva une main vers la cravate de son nouvel époux. "Un être capable d'honorer sa femme dans le lit matrimonial..." soupira-t-elle doucement, en faisant glisser un doigt sur l'épaule de celui dont elle avait pris le nom. Malgré tout, elle se mit dos à lui en ajoutant : "Tu pourrais m'aider ? Il y a une ou deux épingles que je ne parviens pas à retirer...".

Rodolphus, probablement, ne prenait pas encore assez au sérieux sa femme pour comprendre que chaque paroles qu’elle prononçait étaient empreintes de vérité. Une vérité terrible et brute, qu’il regrettera sûrement un jour d’avoir ignoré. Mais l’heure n’était pas à la vérité, seulement à l’apparence, voire à la plénitude. L’épanouissement que leur mariage était censé devenir n’allait pas arriver, et Bellatrix le savait assez bien pour avoir la présence d’esprit de ne pas en parler à son futur époux. Elle allait être une déception terrible pour Morpheus Lestrange et son fils, et elle piaffait d’impatience de les prendre tous à revers. Mais pour l’instant, la comédie était de mise.  Peut-être que retirer toutes les épingles de ses cheveux, était une métaphore de ce que le jeune homme ne voyait pas encore. Si son mariage devrait l’empêcher de se faire remarquer, s’il devait la débourrer, il allait en réalité lui permettre de mordre le mord à pleine dents pour faire tomber son cavalier. Retirer toutes ces épingles, ce n’était pas qu’une annonce de ce qui allait suivre dans cette chambre. C’était une annonce  de tout son futur, tracé déjà devant elle à la craie blanche. Toutefois, elle ne désirait pas penser à cette explosion qu’elle allait provoquer dans cette nouvelle famille qui était la sienne. Elle préférait penser et se concentrer sur les doigts de son époux qui cherchait délicatement des épingles qui n’existaient plus dans son épaisse chevelure. Était-elle une menteuse ? Peut-être bien, mais elle n’était pas que cela. Bellatrix Lestrange était une femme plus mystérieuse que ne le laissaient entrevoir les dîners mondains où ils s’étaient tous les deux rencontrés. La main de l’héritier sur sa gorge lui donnait une désagréable sensation de domination masculine. Entendez par-là qu’elle avait l’impression qu’il essayait de se montrer - ou paraissait vouloir se montrer - supérieur à elle. Mais elle décida, cependant, de ne rien dire et se contenta d’un petit soupir satisfait lorsqu’il l’attira à elle grâce à une main sur sa taille. Il semblait que le temps était à la séduction. “Entre-autre” souffla-t-elle en sondant le visage de son époux, à la recherche comme lui d’un sentiment particulier qu’il laisserait apparaître.
Bellatrix se retourna donc vers lui pour lui faire face, son ample robe de mariée pas encore souillée de la consommation de leur union. Elle ne savait pas très bien quoi faire, à dire vrai. Rodolphus marchait peut-être sur des œufs, mais elle-même n’était pas en meilleure posture malgré son apparente confiance. Devait-elle se montrer entreprenante ? Et si oui, comment devait-elle s’y prendre ? Si elle avait une idée de ce qui se passait dans l’intimité d’une chambre matrimoniale, elle n’avait cependant aucune idée de ce qu’elle devait faire pour ne pas paraître ridicule. L’entendre se moquer d’elle pendant les dix prochaines années n’était clairement pas une option qu’elle envisageait. Elle se contenta donc de lever sa main pour la faire glisser sur le torse de son époux, en s’amusant avec les boutons de son costume noir de sorcier.