Cela faisait plusieurs heures que le Professeur Dorkins patientait à l'angle de Baker street et de Marylebon Road. Il faisait nuit, la lune était presque pleine, baignant les rues de son halo blanchâtre. Appuyé contre le mur dans un renfoncement d'un immeuble ancien, il avait pris soin de se dissimuler loin des réverbères et hors de vue des fenêtres de l'homme qu'il attendait. Il était à peine 22h lorsque Lucrétius Beurk, fonctionnaire du Ministère, soupçonné d'appartenir à la mouvance pro sang pur, sortit de son domicile. L'irlandais s'était proposé pour mener cette mission de filature en raison du fait qu'il était l'un des seuls dans l'Ordre du Phénix à avoir un visage inconnu au Ministère. Beurk emprunta Wigmore Street jusqu'au croisement menant à Park Lane. Ragmar, lui emboîta le pas, gardant avec son suspect une distance raisonnable. Longeant Hyde Park, l'homme prit à droite, dans Serpentine Road. Il s'arrêta sur un pont surplombant l'étendue d'eau, et deux hommes vinrent à sa rencontre. Dorkins n'entendit pas l'échange entre les trois personnages mais ceux-ci semblaient procéder à un échange de documents.. Ou d'objets... Tapi dans l'ombre, il attendit que les silhouettes se séparent pour continuer de suivre sa cible. Celle-ci prit alors à gauche sur Rotten Row, distançant l'irlandais qui accéléra sa cadence afin de ne pas le perdre de vue. Arrivé dans l'allée, il ne vit plus l'ombre d'une âme. Où était passé Beurk ?
Ragmar avança doucement le long de l'allée, s'équipant de sa baguette qu'il pointa en avant. Alerte, il entendit des pas derrière lui, puis sur sa droite dans un bosquet. Il stoppa net sa progression, plissa ses yeux sombres en direction de la masse feuillue à la recherche d'un mouvement suspect. Ce ne fut finalement pas de devant lui que la menace se précisa puisque Beurk surgit dans son dos tentant l'étranglement. Faisant volte face, l'irlandais saisit le bras de son assaillant de toutes ses forces, le fit basculer, s’entraînant lui-même au sol. Dans la chute, la baguette du Professeur roula vers un réverbère qui se trouvant désarmé, balança son poing dans ce qu'il trouva du fonctionnaire : son ventre. Des coups de poings furent échangés dans une lutte acharnée au sol lorsque enfin :
PAIR : Beurk saisit la baguette de Dorkins et la pointe sur lui. IMPAIR : Beurk plaque Dorkins au sol et enserre ses deux mains autour de son cou …
Un pop sonore mais néanmoins étouffé déchira l’atmosphère paisible du Hyde Park bordant le lac artificiel Serpentine. Dans le bruissement d’un feuillage asséché, un sorcier encapuchonné sortit d’un fourré à l’abri des regards, mains plaquées dans les abîmes de ses poches titillant une canne de bois aux facultés magiques. Le norvégien, oubliator en sursit, au sortir d'un établissement nocturne, venait de transplaner à Hyde Park. Éprit par la boisson, le jeune homme s'était transporté non loin de sa résidence britannique par erreur, où peut-être était-ce le destin qui l'y avait poussé. Éméché par les vapeurs d'alcool et sans nul doute quelque peu exaspéré par cette mauvaise interprétation de sa destination, le scandinave se résigna à déambuler les longs des allées bétonnées, sillons se faufilant du bout à l'autre de ce vaste terrain de loisir. L'esprit allégé par l'éthanol, la démarche titubante et mal assurée, les lèvres jointes en sifflement, le kostein erra de longues minutes ne sachant plus réellement la finalité de cette petite virée crépusculaire. Perdu dans ce dédale de promenade cimenté, l’envie irrésistible de regagner la chaleur de son foyer l’alléchait. Pivotant, le tournis lui agrippant les tripes, le bleu et or fit marche vers la sortie du parc. À allure modéré par son état d’ébriété avancé mais descendant, le norvégien vint à stopper toute progression. Ses sens en alerte, le regard brouillé mais vif, des bruits anormaux attirèrent son attention embrumée. Comme attiré par ce sentiment de danger palpable dans l’air, le scandinave se laissa porter par son instinct, l’adrénaline battant ses veines. Baguette au clair, les yeux bouillonnant à l’idée d’en découdre, ces réactions ne furent plus prise sous l’empire d’un état alcoolique –chassé par la charge d’épinéphrine naturelle. L’esprit débridé des vapeurs éthyliques, le garçon courut droit vers la lutte. Quelques mètres le séparaient de cette altercation, deux formes indistinctes se chevauchaient. Une silhouette attenante scrutait la scène, figée au-dessus de l’antagoniste baguette pointée sur l’un d’entre eux. Le bras tendu et armé en direction du gaillard, un long filet rouge s’échappa du bout de l’œuvre d’Ollivander que le scandinave venait d’acquérir.
Dé a écrit:
Pair: Le sortilège de désarmement est un échec cuisant. L’adrénaline n’avait peut-être pas totalement dégrisée l’oubliator. Toute fois le silhouette s’évade dans une cavale sous couvert de jet de lumière, l’obscurité pour cape d’invisibilité laissant les deux hommes au sol se débattre.
Impair: Franche réussite, désarmé l’assaillant prend la poudre de cheminette et décampe plus vie qu’un Abraxan à tire d’ailes. Les deux hommes au sol continuent leur lutte.
Toujours à bonne distance, le kostein amorça son approche finale du couple de sorcier toujours en proie à la lutte. « Cessez immédiatement ! hurla-t-il d'un ton empreint d'autorité, ne laissant que peu de chance à l'agresseur restant de reprendre ses esprit. Vos mains bien en évidence ! le somma-t-il. » Cette injonction serait la seule qui lui donnerait, la prochaine se ferait dans un éclair lumineux dont la couleur ne dépendrait que de ses intentions. Les toisant tout deux d'un regard mauvais, un rictus pincé bordant ses lèvres, le norvégien scruta les deux antagonistes et fut surprit de reconnaître l'un d'entre eux.
Allongé sur le dos, les mains de Beurk emprisonnant son cou, l'irlandais se débattait de tout son corps pour écarter l'agresseur. A la limite de l'asphyxie, c'est à peine s'il vit le filet rouge zébrant l'obscurité, provoquant la fuite d'un autre individu. Le visage surpris de son assaillant et le relâchement de son étreinte manuelle lui indiquèrent qu'il se passait quelque chose d'inattendu. Voyant là une chance de retourner la situation, Ragmar faufila son bras devant lui, donnant un coup de coude dans la face de l'homme. Ils vrillèrent tous deux sur le flanc, toujours en face à face, tandis qu'une voix s'éleva au loin les sommant d’arrêter. Allié ou non, le Professeur n'allait pas se rendre et laisser l'occasion à Beurk de lui échapper, ce qu'il essaya de faire lorsque la voix somme-toute familière résonna à nouveau. Le fonctionnaire tenta de se relever, amorçant sa fuite, il fut stoppé net par le plaquage sportif de l'ancien gryffondor. La retombée au sol fracassante fit soulever les minuscules grains de poussières scintillants dans le halo lunaire. Dans un ultime effort, l'attaquant agrippa le bitume avec les ongles, mais le poids de Dorkins le maintenait fermement au sol, face à terre. Une clé de bras et il fut à présent hors d'état de lui échapper. - Qui êtes-vous ? Dit Beurk d'une voix tout à coup plaintive .. Que me voulez-vous ? Dans la pénombre, Ragmar remarqua la peau blanche de l'individu contrastant avec la noirceur d'un tatouage ondulant. Se pouvaient-ils qu'ils aient affaire à un partisan du Lord, leur donnant raison de le filer ?
Deux contre un, pas très fairplay. Le norvégien était venu prêter main forte au bougre, ramenant les forces en opposition à l’équilibre. Néanmoins, le scandinave ne fut pas surpris de voir le sorcier désarmé, - par ses talents de manieur de baguette, déguerpir, prendre la poudre de cheminette, faisant pencher la balance à leur avantage. Le sang-mêlé au visage familier prit alors le dessus sur son adversaire, lui donna par la même occasion un petit coup de coude sur le coin du chaudron, qu’il n’avait pas volé. Lorsque le kostein fit son ultime sommation, la petite racaille tenta de rejoindre son collègue au royaume des couards. Ce que l’ancien lion ne lui permit de fare. Le nordiste n’eut guère le temps de le pointer du bout de sa baguette, que le brun le fit chuter au sol d’un placage digne d’un rugbyman. Face contre terre, en mauvaise posture, le bras fermement retenu, celui qui tenait la vie de sa victime du bout des doigts fut fait comme un pauvre centaure prit dans les phares du magicobus. La voix du captive brisa le silence pesant, ce qui arracha un mine amusé à l’oubliator en sursit. Le regard du saint-bernard se porte alors sur le bras blanc du prisonnier et ce qu’il vit ne l’enchanta guère. «Par la barde de Merlin ! On dirait bien que Blanche-Neige a trahi ses fidèles nains, siffla le norvégien sarcastiquement en détaillant le tatouage aux teintes cendrées. Vous devriez lâchez votre balai pour le ballon ovale ! Souffla-t-il à l’égard du professeur de vol tout en s’approchant au plus près de la scène tout en restant dans la pénombre. Quant à vous, je crois que vous n’êtes pas en position pour ouvrir votre mouille et poser quelque question qu’il soit ! »Son arme magique tendue vers un réverbère, le jeune homme prononça un sortilège d’attraction et une baguette dont il ignorait l’identité de son propriétaire se souleva et fila dans l’air pour finir dans les mains du sauveteur. Eh bien, s’il avait su que sa soirée se finirait de la sorte, le scandinave n’aurait peut-être pas abusé autant sur la boisson.
Tandis qu'il maintenait sa prise, enserrant le bras de Beurk, l'homme s'approcha d'eux. Il reconnut sans peine le norvégien, allié au centre de cette rixe qui récupéra sa baguette d'un Accio. De sa main libre, Ragmar récupéra son arme et lâcha : - Je déteste les imprévus ! en pointant sa baguette sur le tatouage. L'irlandais ignora les questions du fonctionnaire et se mit à réfléchir sur l'attitude à adopter. Après le pic, l'adrénaline fut redescendue en piquet, lui faisant se rendre compte de la situation critique. Cela ne devait être qu'une simple filature, à aucun moment les deux hommes n'auraient du rentrer en contact l'un de l'autre. A aucun moment Beurk n'aurait du voir son visage, ni comprendre qu'il était suspecté d'être un partisan. Par chance, l'oubliator était là, ainsi il lui demanda : - Je vais avoir besoin de tes talents … Que Monsieur ne se souvienne pas de cette … chercha-t-il ses mots … entrevue. Beurk protesta vivement en essayant encore de fuir aux paroles de l'irlandais. Il jeta un coup d’œil derrière lui, cherchant à voir Skagen. Les deux hommes se connaissaient depuis longtemps et l'ancien gryffondor savait qu'il pouvait lui faire une telle requête, en échange probablement d'une contrepartie, ne pas le laisser dans l'ignorance de son action. Ainsi formula-t-il de son ton franc : - Il est peut-être temps que je te fasse part de quelques vérités. Le temps d'incanter et le silence de la scène fut troublé par des bruits de pas précipités dans leur direction. Le fuyard était-il allé chercher du renfort ? Trois individus encapuchonnés apparurent dans l'allée à quelques mètres d'eux. Laissant un Beurk amnésique, le professeur de vol se leva précipitamment, saisit le bras du norvégien et transplana dans son petit appartement Dublinois. _______________ Les deux hommes se matérialisèrent dans un petit salon poussiéreux qui ne servait que de résidence d'été à l'irlandais lorsqu'il n'était pas en vadrouille. Dorkins relâcha l'étreinte de son bras, se dirigea vers l'encadrement de la porte et appuya sur l'interrupteur. Après avoir posé sa baguette sur un guéridon, il s'avança vers le bar : - Je pense que je te dois des explications .. Dit-il en servant deux verres d'un whisky pur feu bon marché.
Les événements s’étaient déroulés si rapidement, que le norvégien n’avait pas réellement eut le temps de réaliser ce qu’il se jouait sous ses yeux. Le professeur de vol prit à partie par deux inconnus au détour d’un parc désert en pleine nuit, tout cela ressemblait fortement à un guet-apens. Toutefois la tournure de cette soirée atteignit son point d’orgue lorsque l’irlandais vint à lui sommer d’oublietter le sbire du sombre lord. «Bien sûr, répondit sarcastiquement l’oubliator en sursit un peu amer d’en arriver à ce stade et guère alléché à l’idée de tendre sa baguette vers l’homme au tatouage. Mais ne devrait-on pas prévenir le ministère et coffrer ce bougre ?» Sa question mit en lumière le manque totale d’information du scandinave face aux agissements de son pilier de bar. Il aurait bien pu lui avouer une folle attirance pour les extraterrestres, son exobiophilie, que le kostein n’aurait su se montrer étonné, trop occupé à s’extirper de ce filet du diable tumultueux. Sans demander son reste, escagassé par ce lourd silence qui pesa suite à l’apostrophe de son interlocuteur peu loquace, le norvégien s’exécuta. Son arme magique tendue pointant la tempe du malheureux et son poignet pivota en un léger geste circulaire accompagné d’une incantation qu’il ne maitrisait que trop bien. Son poing libre de tout objet attrayant à la magie se ferma en une petite patate, jointures blanchies par son agacement. Le jeune homme s’apprêta à donner de la voix, ultime requête pour comprendre les enjeux de cet épisode caligineux. Ce ne fut cependant pas son timbre impatient qui brisa la quiétude des lieux. Une triplette aux allures fantomatiques déchira l’obscurité dans une course effrénée non dissimulée. Nul doute que le couard s’était enquis à se faire parvenir des renforts, histoire de mater ce duo résistant. L’ancien gryffondor vint à saisir le bras du bleu et or d'une poignepétulante. Le Hyde Parc tournoya pour laisser place à un décor beaucoup moins… édulcoré.
Les acolytes venaient de transplaner dans un petit salon que la poussière et les toiles d’araignées avaient conquis. Chambranlant, quelque peu vacillant, le nordique fut aussi surprit que consterné d’avoir fui une situation potentiellement risquée, mais qu’ils auraient pu arranger. Le regard du scandinave balaya la pièce et il se suggéra à lui-même qu’un petit philodendron aurait cruellement égayé cet endroit aussi lugubre qu’une chambre funéraire. La pression qu’exerçait Dorkins sur l’avant-bras du norvégien s’estompa, laissant place à une petite douleur et une marque de doigt peu gracieuse. Tandis que la lumière fut et que l’irlandais s’attela à leur servir des rafraichissements, l’oubliator se mordilla l’intérieur de la joue. Qu’avait-il à cacher ? Était-il la réelle victime de cette altercation ? Certainement qu’il lui devait des explications. En espérant qu’elles ne se retrouvent pas noyer dans un tissu de mensonges brodé à la va vite. «Des explications… s’exclama le fonctionnaire interloqué. Il me faudra au moins ça. Si le ministère venait à savoir que l’un de ses employés avait laissé un serviteur du lord s’échapper, je ne donnerais pas cher de sa peau. …» Il était mis à pied, si le bureau entendait parler de cela, il pouvait bien faire une croix sur un éventuel retour à son poste. Bien que le mangemort se soit retrouvé oublietté, ils ne pouvaient exclure la présence de potentiels témoins. L’enfant des fjords martela le sol de ses talons, cherchant une excuse possible à cette cagade, enfermé dans ses cents pas.
L'irlandais était loin d'être détendu malgré son apparence calme et son ton impassible. Cette soirée avait été un échec, d'une simple filature qu'il aurait pu mener en solitaire comme prévu avec l'Ordre, il avait créé une situation dont l'issue ne lui convenait pas. Une victime oubliettée, des mangemorts à la rescousse et un témoin venu l'aider malgré lui et aveuglement. Dans le silence qui s'installait, le scandinave commença à faire des allers-retours impatients sur son parquet grinçant après avoir évoqué le sort que pouvait réserver le ministère aux traîtres au gouvernement en place. Que pouvait-il bien répondre au norvégien ? Lui mentir n'était pas une option, et puis de toute façon cela était une compétence qu'il ne maîtrisait guère. Lui dire la vérité ? C'était compromettre l'intégrité entière de leur groupe secret agissant en marge de leur ministère. Pris entre deux feux, le professeur prit les deux verres de whisky en main et s'approcha d'Yrian. - Cet homme s'appelle Beurk, il travaille lui-même au Ministère au service de régulation des créatures magiques. Commençât-il par énumérer des faits tout à fait anodins. Il tendit un verre à l'oubliator et but lui-même une gorgée de sa boisson ambrée. - Ce gouvernement que tu défends est corrompu en son sein. Qui sait ce qui se serait passé si nous l'avions rendu aux autorités.... Ajouta-t-il toujours calmement à l'adresse du nordiste en scrutant les expressions de son visage. - Ce qui s'est passé ce soir n'était pas prévu, il n'aurait pas du me voir, mais il semble que la discrétion ne soit pas mon fort. L'informa-t-il d'une voix monocorde tout en s'approchant d'une des fenêtres de son appartement. Il releva le rideau délicatement comme pour vérifier que personne ne les observait et revint se positionner en face de lui. ...mais cela a au moins permis de démasquer ses véritables intentions.
L’atmosphère fut quelque peu étrange aux yeux de l’expatrié. À présent, il se retrouvait dans un lieu totalement inconnu, en présence d’un homme qu’il ne semblait plus être le même. Où était donc passé l’irlandais avec qui il appréciait passer ses soirées au comptoir ? Replié sur lui-même le norvégien se ressassa la chronologie des événements. Et s’il avait choisi de prendre le parti de la mauvaise personne ? Il chassa bien vite cette idée de son esprit. En effet le tatouage aux formes bien distinctes sur le bras de l’un des antagonistes plaçait le professeur de vol dans la catégorie des alliés. Était-ce pour autant une personne digne de confiance ? Le scandinave ne fut plus bien sûr et son instinct lui criait de rester sur ses gardes. Ainsi, alors que Dorkins eut reposé sa baguette, l’oubliator en sursit la garda fermement agrippée dans sa paume de main. L’irlandais revint alors vers lui, deux verres saisis dans ses paluches. Tout en lui en tendant un, il lui expliqua la situation dans laquelle ils se retrouvaient tous deux. Bien malgré lui, le nordique semblait s’être embarqué dans un quelque chose qui le dépassait. Le ton calme de son interlocuteur ne trahit toutefois pas ces véritables intentions, qu’il préférait pour le moment garder secrète. « Je vois, donc tu travailles contre le ministère… répliqua le norvégien, un peu excédé par cette nouvelle information. J’ai une totale confiance envers l’institution et les valeurs qu’elle représente, et ce ne sont pas quelques brebis égarées qui gangrèneront le tout. » Dire qu'il vouait une confiance aveugle envers ce paquet de bureaucrates n'aurait pas été juste, il nourrissait une certaine méfiance à l'égard de certains d'entre eux, mais pas de quoi les cataloguer comme sbire d'un mage noir. Et puis certes tous les fonctionnaires britanniques n’étaient pas aussi blanc qu'une harfang des neiges, mais mettre l’ensemble des employés du ministère dans le même panier revenait à remettre en cause la légitimité même du pouvoir, ce que le scandinave ne pouvait laisser permettre. « Alors quoi ? reprit-il d’un ton plus ferme. Toi et tes amis de l’ombre, avez formé une armée secrète pour contrecarrer les plans de gens comme Beurk ? » Cela était totalement absurde. Si tout un gouvernement et ses collaborateurs ne pouvaient mettre en déroute ce lord et ses sbires, ce ne serait pas une poignée de réfractaires qui y parviendrait. A moins que.. « Admettons un instant que je te crois quand tu dis que le ministère est corrompu, se surprit-il à dire. Je suppose que tu as des preuves de ce que tu avances, n’est-ce pas ? l’interrogea-t-il afin d’en apprendre plus sur le mal qui sévissait au sein de l’administration en place. Comme des noms, une idée de leur identité ? » L’oubliator trempa ses lèvres dans le liquide ambré et en tira une petite gorgée, histoire de faire passer cette bavboule amère. Un complot au sein même du puissant siège politique du pays. Cela semblait bien trop énorme pour avoir été inventé de toute pièce.
Contre le ministère. Cette formulation ne lui plaisait pas et il marqua une moue désapprobatrice : lui et ses acolytes ne fonctionnaient ni en faveur, ni contre le ministère, ils étaient un mouvement naviguant simplement en parallèle contre l’ascension d'un prétendu mage noir s'autoproclamant héritier d'un trône qui n'existait pas. La suite du discours du scandinave au sujet d'une possible gangrène était vraie, si et seulement si cela concernait quelques individus. Mais la nécrose était beaucoup plus vaste que le norvégien pouvait l'imaginer, ainsi répondit-il naturellement : - Il ne s'agit pas simplement de quelques brebis … En disant cela, l'irlandais révélait qu'il en savait beaucoup plus que ce qu'un simple professeur de vol était en droit de connaître. Les nombreux aurors de l'Ordre partageaient toutes les informations en leur possession : surveillance d'individus suspects, vérification de sortilèges impardonnables lancés, substitution de preuves dans des affaires sulfureuses, passe droit et privilèges accordés à certains fonctionnaires plus ou moins haut placés. La liste était longue et la corruption avait lieu à tous les étages, à tous les échelons. La réplique suivante manqua de lui faire recracher sa gorgée de whisky pur feu au visage. L'oubliator ne pouvait pas tomber plus juste. Il était bien question d'une armée secrète, mais leur nombre encore restreint ne permettait pas d'agir en profondeur. Ils manquaient cruellement d'alliés. Se pourrait-il que Skagen en soit un ? Plissant les lèvres, Ragmar laissa la question d'Yrian sans réponses, jaugeant l'homme en face de lui. Ils se connaissaient depuis quelques temps déjà, partageant des points de vue convergents dans de nombreux domaines. Il le savait intègre, ouvert d'esprit, prônant la mixité magique et fervent défenseur des droits de toute créature dotée d'une conscience. A l'inverse, le jeune homme pouvait se montrer distant, méfiant et peu loquace au sujet de sa famille et de ses origines. Pesant les Pours et les Contres, l'ancien Kostein revint à la charge avec une nouvelle batterie d'interrogations. Avant de dire quoi que ce soit, l'irlandais posa son verre sur la table basse, mit un doigt sur sa bouche silencieusement et saisit sa baguette. D'un sortilège informulé, il insonorisa la pièce, la rendant hermétique à toute oreille indésirable. Un voile sombre vint également ternir chacune des fenêtres de son appartement. Rendus invisibles et muets, le Professeur osa prendre la parole : - Je ne peux pas t'en dire plus tant que tu n'es pas sous serment. Il faisait bien entendu référence à un serment inviolable, passage obligatoire avant la révélation de leur ordre secret. Le Norvégien accepterait-il de se soumettre à cette profession de foi ou ferait-il marche arrière ?
Perdu, voilà qui résumait assez bien la situation dans laquelle le norvégien semblait s’être fourré. Perdu, de ne pas bien saisir la portée de ce que son acolyte de soirée lui racontait. Perdu, dans ce silence que l’irlandais se plaisait à alimenter. Perdu, car il n’arrivait tout simplement pas à comprendre les réelles intentions du professeur de vol. Le seul point sur lequel le scandinave arrivait à y voir clair, c’est que pour un simple professeur à Poudlard, il paraissait en savoir beaucoup trop pour une personne ne demeurant pas être fonctionnaire du ministère. «Pour un sorcier n’exerçant pas au sein même de l’institution, tu as l’air assez renseigné sur le sujet.» ET tandis que ses questions restèrent suspendues, que les brebis nommées conservèrent leur anonymat, que le verre ambré rencontra le bois vernis, - le nordique eut bien noté sa déglutition précipitée à l’évocation d’une armée secrète opérant dans l’ombre, mais n’avait point relevé ce détail. – son interlocuteur porta son index sur ses lèvres, leva sa baguette et la pièce entière fut plongée dans une atmosphère étrange et sombre. A quoi pouvait bien rimer tout cela ? De quoi se méfiait-il ? En avait-il eu assez de la curiosité de l’oubliator ? Ou bien ce dernier avait-il effleuré de trop près un sujet bien trop brûlant ? Peu rassurer par cette ambiance quelque peu troublante, cette impression d’être fait comme un centaure prit en plein phare, le norvégien resserra sa poigne sur son dernier rempart. Et alors que de multiples scenarii se jouaient dans la tête du kostein, le gryffondor brisa la quiétude pesante. L’expression du faciès du bleu et or trahit sa surprise. Que voulait-il dire ? Devait-il se prêter aux règles du serment inviolable ? Ou pouvait-il encore lui faire confiance après ces demi-révélations ? Le scandinave fut alors pris entre deux feux. Le premier, une braise d’hésitation, anxieuse impression que rien ne pourrait être similaire après une confession sous serment, l'appréhension soudaine d'un bouleversement, un changement brutale d'une réalité étriquée dans laquelle il se plaisait à évoluer. Le second, un brasier de curiosité, qui le poussait à tendre son bras et renfermer son emprise sur l’avant-bras de l’irlandais, un besoin incommensurable de briser les tabous qui régissaient la société sorcière en ces moments de troubles, un désir d'en apprendre sur les agissements d'un potentiel mouvement visionnaire. Ainsi, sans même peser le pour ou le contre, refrénant sa méfiance et chassant toutes suspicions, le jeune homme tendit son membre supérieur dominant vers le professeur. Son instinct n’émit aucune objection à se jeter corps et âme dans cette mascarade. Après tout, de quoi pouvait-il se méfier ? Les deux sorciers partageaient les mêmes idéaux –même si la boisson comme chaperon les avait tout deux attirer à se partager leur point de vue sur bien des sujets de société léger et plus sérieux. Le fils des fjords en savait assez à propos du celte pour se prêter à un tel rituel, aussi solennel soit-il. Le regretterait-il ? Avait-il confondu vitesse et précipitation ? Seul le temps lui accorderait des réponses.
Aucun mot ne fut échangé jusqu'à ce que le norvégien se décide enfin, enserrant son avant-bras sur le sien. Il semblait déterminé à en savoir plus et son geste valait plus que n'importe quelle parole. Les deux corps vissés l'un à l'autre par cette poignée ferme et solennelle, l'irlandais formula : - Je fais partie d'un groupe secret, une sorte .. chercha-t-il ses mots.. d'armée. Ses prunelles kaki se focalisèrent sur le visage de l'oubliator tandis qu'il continua sa révélation : - Des informations nous sont parvenus au sujet de Beurk et de son manque d'allégeance au Ministère qui l'emploie. Tandis qu'il parlait des chaînes rouges se matérialisaient, s'enroulant autour de leurs mains jointes au gré de ses révélations. - Certains d'entre nous sont au plus près de l'action ou bien ont accès aux dossiers et archives du Département de la Justice Magique. Il stoppa un instant se demandant s'il en disait trop. Il était encore trop prématuré de révéler les identités de ses acolytes, le nordiste devait encore rencontrer les responsables avant d'aller plus loin. - Comme Beurk, d'autres individus, même haut placés pourrissent le Ministère en jouant un double jeu. Poursuivit-il d'un ton extrêmement sérieux. Il s'agit pour nous de les démasquer, de les neutraliser ou de les dénoncer aux autorités intègres. Les mains toujours liées, garantissant le maintien du secret, l'irlandais apprécia la réaction de son interlocuteur. Cela faisait une masse importante d'informations à saisir, sans doute fallait-il faire des pauses pour le laisser digérer, intégrer chacun des renseignements donnés. Après de longues secondes de silence, le Professeur reprit : - Si tu veux en savoir davantage, et si tu veux prendre part à cette lutte parallèle, tu vas devoir passer un entretien ..
La décision du norvégien fut prise sans grande difficulté. Il ressentait en lui grandir un désir de connaissances bien plus animé que cette distance protectrice dans laquelle il se plaisait à naviguer. Ainsi sa poigne s’accrocha fermement sur l’avant-bras du professeur de vol, geste solennel et irréversible. Un serment inviolable, quel Billywig avait bien pu piquer le scandinave à cet instant pour le pousser dans pareille situation ? N’avait-il pas assez de centaures à fouetter ? Il était toutefois trop tard pour revenir en arrière. A mesure que des chaines aux rouges foudroyant se dessinaient et enroulaient cette poignée formelle, la langue de l’irlandais se déliait en révélations aussi surprenantes que déroutantes. Une armée agissait ainsi dans le plus grand secret, ce qui n’interloqua pas l’oubliator en sursit. Il en était venu seul à cette conclusion. Ce qui suivit fut néanmoins beaucoup plus croustillant pour le sorcier. Cette mise en scène en valait la chandelle au vu des informations que son camarade de beuveries lui énumérait. Ainsi le ministère de la magie britannique se retrouvait assiégé par deux entités aux ambitions bien différentes. La première, une sombre armée prête à frapper et détruire l’institution de l’intérieur et répandre sur le pays chaos et désolation. La seconde, une force bienveillante, gardienne de l’intégrité de la société sorcière, remède au poison courant dans les couloirs du pouvoir en place. Les jeux de l’ombre se dévoilaient enfin et le nordique fut à même de juger l’ampleur de la tâche à laquelle il s’apprêtait à prendre part. Et alors que le fonctionnaire s’abreuvait de ses paroles, l’air grave et sérieux, le professeur jugea suffisante la masse de renseignement fournis pour la soirée. L’enchaîneur et demandeur de ce serment l’informa de l’importance pour l’ancien Kostein de passer un entretien auprès de la personnalité en charge de cette organisation bienfaitrice. ‘ Veldig bra! finit-il par lâcher dans sa langue natale, bien trop enthousiaste à l’idée de participer à une tâche que le dépassait. Je suppose que j’en connais bien assez pour ne plus pouvoir faire marche arrière… ironisa-t-il. Était-ce réellement le moment propice pour être pince sans rire ? C’était en soit une manière pour le scandinave de prendre un peu de recul sur la quantité non négligeable d’informations dont il avait pour charge de garder secrète. A qui devrais-je m’adresser ?’ Son ton s’était durcit, marquant clairement son envie de s’engager dans ce mouvement.