Voilà une nouvelle fois que les larmes lui étaient montés aux yeux. Greta n’arrêtait pas, depuis la rentrée, de subir des crises de tristesse intenses et incontrôlées. Tout ça depuis Moran, tout ça depuis qu’ils s’étaient embrassés, tout ça depuis qu’il était parti. Et elle n’en pouvait plus d’avoir à trouver des prétextes pour s’éclipser en vitesse et pleurer comme une madeleine dans un coin. Oh, les gens n’étaient pas dupes et elle le savait, mais il était encore trop difficile pour elle de s’épanouir dans Poudlard sans la présence de son serpentard préféré.

Elle avait donc pris ses jambes à son cou lorsqu’elle avait eu les premiers symptômes envoyés par son cœur lui annonçant une inondation des joues imminente. Sans perdre une minute, elle avait traversé le château et était entrée dans la première pièce libre disponible.

Greta s’effondra sur une chaise près de la fenêtre, souffla un grand coup puis laissa enfin tout son désespoir s’échapper à travers ses yeux. Elle pensait avoir un peu de temps et de tranquillité pour lâcher prise mais le destin ne semblait pas de cet avis. La porte s’ouvrit et la poufsouffle se dépêcha d’essuyer son nez coulant avec sa manche et de tamponner ses yeux rougis. « Thomas ? » Demanda-t-elle, surprise en se retournant de découvrir le Gryffondor ici. Elle lui jeta un regard inquisiteur, ils se connaissaient de vue uniquement et sa présence n'était pas tout à fait justifiée.

Cette sixième année avait débutée depuis peu. Thomas avait quitté la boutique de Gaichiffon avec enthousiasme. Non pas qu’il était heureux à l’idée de retrouver l’école et sa Maison, dans laquelle beaucoup jugeaient ses idées avec mépris, et cela sans même chercher à les comprendre. Mais le début de cette sixième année signifiait ni plus ni moins que l’approche de la fin de sa scolarité à Poudlard et le début des choses sérieuses. Mais le Weasley n’était pas dupe, et pour sa montée au pouvoir il savait qu’il aurait besoin du soutien et de la future influence de la prochaine génération qu’était la sienne. Pour cela, il passait son temps libre à essayer de poser ses idées par écrits, dans le but peut-être d’avoir lui-même les idées plus claires. Quelques parchemins sous les bras, il avait pour habitude désormais de s’isoler dans les vieilles salles abandonnées de l’aile Est. Ses ambitions grandissantes, il considérait même l’idée d’en faire un véritable ouvrage, lorsque tout serait posé sur papier.

C’est en suivant son chemin habituelle dans l’aile Est qu’il aperçut une Poufsouffle entrer dans l’une des salles inutilisées du coin. La vue depuis cette salle avait quelque chose de spécial pour Thomas, et il se sentit gêné à l’idée d’y entrer tout de même, alors que le visage de la Poufsouffle indiquait clairement que ce n’était pas le moment. Mais… Et si c’était au contraire le moment ? Le Weasley se mit à réfléchir une seconde. Cette fille, il ne la connaissait que de vue, mais il avait suffisamment d’informations à son sujet pour imaginer une si terrible idée. S’il ne se trompait pas, cette fille s’appelait Greta, mais l’information essentielle était qu’elle était née-moldue. Une information précieuse pour l’homme d’ambition politique, qui y vit là une occasion de racheter une opinion auprès de ceux qui le croyaient adepte des idées de Voldemort. Mais en était-il capable ? Etait-il suffisamment immoral pour faire une chose pareille ; tenter de séduire une moldue dans le seul but de servir ses desseins ? Son cœur se mit à battre fort alors qu’il approchait sa main de la porte. Allait-il se servir des sentiments d’une personne de la sorte. Les remords, les regrets, l’effrayèrent tout à coup. Mais il était trop tard, et sa main venait de pousser la porte qui s’ouvrit à demi. Avançant jusqu’à être à côté de la porte, Greta remarqua immédiatement sa présence.

- Greta, c’est ça ? lui répondit-il d’une voix calme en posant ses mains sur la chaise la plus proche. Tu es venue pour la vue, toi aussi ? Désolé, je ne voulais pas te surprendre, j’ai pour habitude de venir m’installer ici pendant mes temps libres, je ne m’attendais pas à trouver quelqu’un d’autre, continua-t-il en s’approchant d’elle pour terminer à ses côtés, les yeux rivés sur le magnifique horizon qu’ils avaient tous les deux.

Il posa finalement les parchemins sur une vieille table pleine de rayures à sa gauche, et décida de continuer un moment d’observer l’horizon, choisissant pour le moment d'ignorer le fait qu'elle pleurait l'instant d'avant.

Greta remercia intérieurement le garçon de ne pas notifier ses larmes. Certains n’auraient pas manqué de le faire et elle n’était pas sûre d’avoir la force d’assumer qu’elle souffrait d’une peine de cœur. Elle se sentait déjà assez stupide de se mettre dans un tel état pour un garçon –même si Moran n’était pas juste un simple garçon-, qu’elle voyait mal comment justifier sa triste mine. Elle se rendit bien compte que le Gryffondor n’allait pas la laisser toute seule et naïvement elle en fut soulagée. Peut-être était-ce une présence qu’elle recherchait désespérément dans ces vieilles salles ? Quelqu’un avec qui parler de la pluie et du beau temps, de n’importe quel autre sujet que sa médiocre vie sentimentale.

Elle hocha la tête à l’entente de son prénom puis une nouvelle fois lorsqu’il mentionna la vue. Bien trouvé, pensa-t-elle tout de suite et elle ne se priva pas de saisir la perche qu’il lui tendait. « Pas de soucis. C’est le- elle se racla la gorge, c’est le meilleur moment pour… enfin, c’est beau. » Elle désigna l’horizon de la tête. Ils se plongèrent tous les deux dans une contemplation intense. Greta finit par se détourner du paysage pour se concentrer sur le garçon. « Est-ce que tu veux que je te laisse ? » Demanda-t-elle en espérant très fort pour qu’il décide de rester avec elle. Bizarrement, sa simple présence suffisait pour qu’elle se sente un peu mieux.

hors rp:

Greta fut touchée plus qu’elle ne l’aurait voulu par les mots du garçon. C’était bien l’une des premières fois où quelqu’un qui n’était pas –encore- son ami ne l’envoyait pas dans les roses. Elle était certaine d’une chose : si elle n’était pas tombée sur Thomas, elle aurait probablement été conviée à prendre la porte. Elle sentit qu’il bougeait dans la pièce mais elle ne quittait pas l’horizon des yeux pour autant. Greta se contenta d’hausser les épaules aux paroles du garçon. Elle qui était d’ordinaire si bavarde n’avait pas vraiment le cœur à monopoliser la conversation. Pourtant, elle ne manqua pas en entendant les bruits de plumes et parchemins de se demander ce qu’il pouvait bien trafiquer. Elle allait le questionner quand il brisa le silence avant elle. « Oh oui, des moldus. Répondit-elle en riant sans humour. Ils étaient de toute façon bien trop fermés d’esprit pour épouser l’étoffe de sorciers. Ce cours est très intéressant, tu as raison de le suivre… bien que je pense que la meilleure manière d’en apprendre plus sur les moldus c’est bien d’en côtoyer. Certains de ses amis avaient été surpris de voir le style de vie qu’elle pouvait parfois mener. Mes parents sont fermiers, tu sais ce que c’est ? » Car si les moldus dépendaient beaucoup des produits de la ferme, les sorciers, eux, pouvaient n’y trouver aucun intérêt.

Greta considéra que le jeune homme savait ce qu'était les fermiers même si elle sentait qu'il n'en était peut-être rien. Ah, ses parents... elle était certaine que s'ils la voyaient dans cet état simplement à cause d'un garçon et d'une peine de coeur, elle ne leur inspirerait que de la pitié. Cette idée lui retourna l'estomac.

Si d'habitude elle se prêtait volontiers à la défense des moldus quant à leurs positions face aux sorciers, cette fois-ci elle n'eut ni la force ni le courage de démentir les propos de Thomas. Pire encore, elle ne pouvait que lui donner raison quant à leur étroitesse d'esprit. Elle-même lorsqu'elle avait appris être une sorcière avait eu du mal à comprendre ce que cela signifiait. – Le problème de ces moldus là, c'est qu'ils sont le plus souvent jaloux de ce que nous avons et eux non. Elle pensait à ses parents, à ses petits frères qui suivraient surement la voie des fermiers... Ceux qui étaient au courant pour elle ne pouvaient s'empêcher de plonger dans l'incompréhension.

Thomas lui demanda ensuite quelle avait été la réaction de son entourage moldu lorsqu'il avait appris pour ses capacités magiques. Greta laissa échapper un petit rire nerveux. – Au début, ils ont cru à une blague, une plaisanterie de mauvais goût. Quelle autre réaction auraient-ils pu avoir ? Elle ne savait pas. Dans la campagne où ils vivaient ce n'était pas une chose commune que d'envoyer l'un de ses enfants dans une école de magie à l'autre bout du pays. Ils ont pensés que c'était l'un des voisins qui se jouait de nous ou quelque chose comme ça, alors on a ignoré. Puis je me suis sentie bizarre, tu vois ? Comme si la lettre expliquait tout plein de choses qui s'étaient produits chez moi. J'en ai parlé à mes parents... Elle ne put que lever les yeux au ciel. Ils n'ont pas eu une grande ouverture d'esprit. Reprit-elle les mêmes mots du garçon. Plusieurs autres lettres sont arrivés en l'espace de quelques jours, ils ont du se faire une raison. Elle se souvint alors leur visite sur le chemin de Traverse pour les fournitures, quelle drôle d'aventure. Une chose était sûre, la magie avait changé sa vie de famille.

Oui la jalousie... Greta n'avait fait qu'en subir les conséquences depuis quelques années. Si elle avait appris à vivre avec, elle ne pouvait que souvent se demander quelles auraient été ses relations familiales si elle n'avait pas été une sorcière. Elle secoua la tête, les choses étaient ainsi et il ne fallait pas espérer les changer. Surtout avec ces moldus de parents. Décidément ce n'était pas un bon jour pour la poufsouffle, elle aurait eu mieux fait de rester sous sa couette pour la journée plutôt que d'affronter ses remises en question.

Pourtant discuter avec Thomas lui faisait du bien, comme si, pour une fois, quelqu'un s'intéressait vraiment à elle, à ce qu'elle était, d'où elle venait, de son statut de née-moldue, de ce monde qui avait à la fois tout et rien à voir avec celui des sorciers. Elle sourit même devant l'enthousiasme du garçon. Si elle avait des anecdotes sur la manifestation de ses pouvoirs ? Oh ça oui et sa famille en avait à plusieurs reprises subie les conséquences. Elle esquissa un sourire.  – Si tu savais. Lâcha-t-elle en laissant planer un quelconque suspens. Une fois, mon père a voulu me forcer à tuer les poulets. C'est quelque chose d'assez traumatisant et pour tout avouer je n'ai pas réussi... Au lieu de ça il s'est mis à pleuvoir des plumes d'oiseaux pendant au moins 2 jours et seulement sur la ferme ! Je te dis pas la tête que tout le monde a fait en voyant ça, c'était tellement étrange ! Un autre coup pendant la fête du village, un des fils du voisin a voulu tirer les oreilles de mon petit frère, il a terminé avec une tonne de furoncles sur le visage ! Beurk ! Il ne la plus jamais embêté. Elle secoua la tête, s'il y avait bien des personnes à ne pas attaquer à ses yeux, c'était bien ses petits frères. Elle aurait eu plein d'autres exemples à citer pour Thomas mais la vérité était qu'elle avait créée bon nombre de ces situations sans même comprendre qu'elle en était scientifiquement la cause. – Qu'est-ce qu'une enfance à la sorcière, Thomas ? Lui demanda-t-elle curieuse de découvrir quelle avait été la vie du garçon avant son entrée à Poudlard.

Greta rit à la remarque du garçon. Il était vrai que ses parents n'avaient peut-être pas la science infuse qu'ils prétendaient plus que tout avoir. – Les moldus ne savent pas voir plus loin que le bout de leur nez. Affirma-t-elle à Thomas avant de partir dans un nouveau rire se remémorant la tête de Daniel Bowne quand il avait réalisé qu'une poussée de furoncles venait de le frapper. Elle se notifia intérieurement que Moran n'était plus vraiment dans son esprit, même si elle ne pouvait pas l'oublier totalement. Un bon point pour le Gryffondor qui lui faisait face. Greta l'aimait bien.

Elle s'imagina parfaitement à la place d'un enfant de sorciers, la crainte d'être un cracmol devait occuper une grande place dans l'esprit de ces gosses. Elle allait lui demander s'il avait eu cette peur mais Thomas ne lui laissa pas le temps de s'en inquiéter. Greta l'écoutait attentivement, curieuse de découvrir ce monde auquel elle n'appartenait que depuis quelques années. – Hm, hm. Se contenta-t-elle de glisser en souriant pour l'inciter à continuer. Elle voulait à tout prix savoir de quelle manière les pouvoirs du Weasley avaient bien pu se manifester. Elle le suivit du regard lorsqu'il se déplaça pour s'installer à sa droite. Elle ne tarda pas à le rejoindre dans son rire bien qu'elle se demanda si son intention était bien de plaisanter de la situation. – Qu'est-il arrivé à la petite ? Greta lâcha sa question d'un ton détaché ignorant s'il y avait un quelconque malheur derrière cette histoire. – Est-ce que la manifestation de tes pouvoirs était si grave pour que les enfants subissent un sort d'oubliettes ? Elle ne savait pas quelles étaient les limites sur la situation entre les sorciers et les moldus. Qu'avait bien pu voir ces derniers ?

Greta comprenait la réaction des parents de Thomas bien qu'elle trouvait dommage de faire subir un sort à de si jeunes enfants. Elle ne fit pas part de son avis au garçon, après tout ce n'était pas ses affaires et débattre sur celle-ci n'était plus utile des années après. Elle était plus curieuse d'apprendre sous quelle forme la magie était-elle apparu chez le garçon.

Elle fut passionnée par les mots de Thomas. Elle qui avait pu lui trouver une certaine froideur comprit qu'il n'en était peut-être rien et qu'il agissait surtout muni d'une carapace. La poufsouffle - qui était connue pour être une grande sentimentale - trouva cette histoire adorable, digne des plus beaux romans d'amour qu'elle avait pu lire. Elle n'eut même pas le courage de le couper lorsque des centaines - des milliers ? - de fleurs, de gardénias apparurent dans la vieille salle où ils étaient. Gardenia... si Greta avait su que tandis qu'elle discutait avec Thomas cette dernière s'était uni à Moran. Il valait mieux qu'elle n'en sache rien. Le gryffondor marqua une pause mais elle l'incita à continuer d'un geste de la tête. Si la petite fille moldue avait pris peur, ce qu'elle pouvait comprendre, il n'en était rien pour elle. Voyant qu'il n'avait pas l'air très bien à la fin de son histoire, Greta posa sur son épaule une main rassurante. – Thomas, c'est... Elle prit quelques secondes pour admirer l'oeuvre que venait de créer le garçon mais aussi pour trouver un mot à la hauteur de celle-ci. C'est magnifique. Elle cueillit l'une des fleurs pour la déposer délicatement dans sa main puis la tendit à Thomas, espérant qu'il réalise toute la beauté de ce qu'il venait de réaliser.

C'était une vraie sentimentale cette Greta Catchlove et, même si elle trouvait ça trop tôt pour s'avancer sur quoi que ce soit, elle qualifiait désormais Thomas d'adorable. Bien sûr elle se doutait aussi qu'un garçon, en pleine adolescence de surcroît, n'avait pas vraiment envie d'entendre une telle chose à son égard. Elle garda donc pour elle cette pensée et ne manqua pas de rassurer le gryffondor sur la situation. Il plongea son regard dans le sien et elle ne put retenir l'accélération de son coeur. Attention à lui, à eux, il ne lui en fallait pas beaucoup plus pour craquer. – Tout va bien ? S'entendit-elle lui demander après qu'il se soit mis à manipuler ses yeux. Elle ne savait pas vraiment comment réagir dans un cas comme celui-ci mais pouvait tout à faire comprendre l'état dans lequel son nouvel ami - ? - pouvait se trouver. Il eut l'air de se rembrunir et Greta fut un peu prise de court lorsqu'il ramassa ses parchemins pour quitter la pièce. – Eh mais att... Elle ne termina pas sa phrase que le garçon était déjà hors de la pièce et la porte refermée. Elle fut étonnée de la tournure des choses mais ne jugea pas, après tout elle venait d'assister à un drôle de spectacle et, même si cela lui paraissait tout bonnement incroyable, elle savait que Thomas Weasley venait de remuer quelques vieux démons. Lorsqu'elle quitta la salle, de nombreuses minutes plus tard et après avoir fait le vide, elle se sentit plus légère. Si cela était peut-être l'inverse pour le garçon, Greta, elle, se trouvait beaucoup mieux après avoir échangé avec lui.

hj: